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21/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949886

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 21 mars 2006, JURITEXT000006949886


EXPOSE DU LITIGE :

La société JANVIER a assigné la société BLANCHE Y... devant le Tribunal de Commerce de RENNES aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement :

de la somme de 37.596 F, au titre d'un solde de travaux,

des intérêts de droit à compter de la mise en demeure,

de la somme de 4.000 F à titre de dommages et intérêts,

et de celle de 9.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

En réponse, la société BLANCHE Y... a fait valoir qu'il existait des malfaçons et que le Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS,

Juge des référés, avait désigné un expert.

C'est ainsi que par jugement du 15 septembre 1995, le ...

EXPOSE DU LITIGE :

La société JANVIER a assigné la société BLANCHE Y... devant le Tribunal de Commerce de RENNES aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement :

de la somme de 37.596 F, au titre d'un solde de travaux,

des intérêts de droit à compter de la mise en demeure,

de la somme de 4.000 F à titre de dommages et intérêts,

et de celle de 9.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

En réponse, la société BLANCHE Y... a fait valoir qu'il existait des malfaçons et que le Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS, Juge des référés, avait désigné un expert.

C'est ainsi que par jugement du 15 septembre 1995, le Tribunal de Commerce a sursis à statuer tant qu'il n'aurait pas connaissance du rapport définitif de l'expert ou qu'un courrier ne lui serait pas parvenu pour attester qu'aucune malfaçon ou qu'aucun retard ne pouvait être reproché à la société JANVIER.

Le 14 juin 1996, le Tribunal de Commerce de RENNES a prononcé le redressement judiciaire de la société BLANCHE Y....

Le 3 juillet 1996, la société JANVIER a déclaré une créance à hauteur de 53.850 F 45.

Par ordonnance du 17 octobre 1997, le Juge commissaire au redressement judiciaire de la société BLANCHE Y... a constaté qu'une instance était en cours devant le Tribunal de Commerce de RENNES.

Le dossier a été à nouveau évoqué devant ce magistrat le 22 octobre 2003.

A cette occasion, il fut décidé de renvoyer l'affaire devant le

Tribunal à l'audience du 18 décembre 2003.

La société JANVIER a alors déposé des conclusions tendant à la péremption de l'instance qu'elle avait elle-même introduite le 12 octobre 1994.

Par jugement du 18 mars 2004, le Tribunal a fait droit à cette demande et a constaté la péremption de l'instance.

Le conseil de la société JANVIER a demandé au Juge commissaire de convoquer à nouveau les parties aux fins de fixation de la créance qu'elle prétendait avoir à l'encontre de la société BLANCHE Y....

La société BLANCHE Y... a déposé des conclusions aux termes desquelles elle demandait au Juge commissaire de dire que, par application des articles L 621-104 et L 621-41 du Code de Commerce ainsi que de l'article 65 du décret du 27 décembre 1985, il n'avait pas d'autre rôle que de constater qu'une instance était en cours au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et n'avait donc pas compétence pour admettre la créance invoquée par la société JANVIER.

Par ordonnance rendue le 15 septembre 2004, le Juge commissaire a :

- constaté la péremption de l'instance,

- et dit qu'il n'était pas compétent pour admettre la créance invoquée par la société JANVIER."

La SARL ENTREPRISE JANVIER a relevé appel de cette décision. Elle demande à la Cour de :

"- l'admettre au passif du redressement judiciaire de la société BLANCHE Y..., pour un montant de 8 209.45 ç

- condamner le redressement judiciaire de la société BLANCHE Y... à payer une somme de 5 000.00 ç, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- le condamner aux dépens, de première instance et d'appel, avec distraction pour ces derniers, au profit de la SCP GAUVAIN et

DEMIDOFF, avoués à la Cour, dans les conditions prévues à l'article 699 du nouveau code de procédure civile."

La société BLANCHE Y... conclut ainsi :

"- dire que la société JANVIER est mal fondée en son appel et la débouter de toutes ses prétentions.

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce que le Juge Commissaire a constaté que l'instance introduite par la société JANVIER devant le Tribunal de Commerce de RENNES était périmée, et qu'il n'avait pas lui-même compétence pour admettre la créance alléguée.

- condamner la société JANVIER au paiement de la somme de 1.500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- la condamner aux entiers dépens et dire que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile."

La SCP DESPRES, venant aux droits de Maître X... mandataire judiciaire, pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la SA LA BLANCHE Y... s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel de la SARL JANVIER et sollicite la condamnation de cette société au paiement d'une somme de 500 ç sur la base de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Le dossier de la procédure a été transmis au Ministère Public, qui en a donné visa ;

Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux dernières écritures des parties. MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que des dispositions des articles L 621-104 et L 621-41 du Code de Commerce, il résulte que s'il appartient, en principe, au Juge Commissaire d'admettre ou de rejeter une créance déclarée dans le cadre d'une procédure collective, ce magistrat n'a, cependant, nul

pouvoir d'appréciation dans deux cas, à savoir lorsque la contestation ne relève pas de sa compétence et si, comme en l'espèce, le créancier a déjà engagé une instance aux fins d'obtenir le paiement de sa créance, avant l'ouverture de la procédure collective ;

Que dans ce cas, celui qui se prétend créancier doit poursuivre l'instance qu'il avait intentée avant le jugement de redressement ou de liquidation judiciaire ; que cette instance est, en effet, seulement suspendue pour lui permettre de justifier qu'il a déclaré sa créance et d'appeler à la cause le représentant des créanciers et, éventuellement l'administrateur ;

Que par ailleurs, l'instance ne peut plus être destinée qu'à la constatation de la créance ainsi qu'à la fixation de son montant, qu'ensuite, lorsqu'une décision passée en force de jugée a été rendue, il incombe au créancier de demander au greffier de l'inscrire sur l'état des créances, le Juge commissaire n'ayant pas à intervenir ;

Considérant qu'à bon droit, le Juge commissaire a constaté qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le bien fondé de la demande de la société JANVIER et que l'instance introduite à cette fin était périmée ;

Que le 25 février 1997, après avoir reçu la déclaration de créance de la Société JANVIER, Maître X... l'a informée que, une procédure étant pendante devant le Tribunal de commerce, il convenait d'attendre que cette juridiction ait rendue une décision définitive ; Qu'en vertu des textes applicables, le Juge commissaire a alors, selon ordonnance du 17 octobre 1997, constaté qu'une instance opposant les parties était en cours et dit que, conformément à l'article 65 du décret du 27 décembre 1985, la décision passée en

force de chose jugée serait portée, à la requête de la société JANVIER, sur l'état des créances ;

Que dans le prolongement logique de cette ordonnance, il fut décidé, le 22 octobre 2003, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal à l'audience du 18 décembre 2003 ;

Que la société JANVIER elle-même, demanderesse à la procédure, a sollicité du Tribunal de dire que l'instance par elle introduite était atteinte de péremption ; qu'il a été fait droit à sa prétention ;

Que la décision du Tribunal n'était pas susceptible de permettre au Juge commissaire d'admettre une créance dont seul le Tribunal, en vertu des textes susmentionnés, pouvait dire si elle était justifiée ;

Considérant qu'à tort, la société JANVIER invoque un arrêt de la Cour de Cassation en date du 9 novembre 2004 ;

Que dans cette espèce, la question posée était celle de savoir si un débiteur pouvait invoquer une péremption d'instance dans le cadre général du processus de vérification des créances ;

Qu'après avoir rappelé que la péremption avait pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties, la Cour Suprême a énoncé que "les créanciers du débiteur n'avaient aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créance, les opérations de la vérification des créances incombant au liquidateur agissant comme représentant des créanciers" ;

Que cette solution ne peut être transposée à l'hypothèse dans laquelle, avant l'ouverture de la procédure collective, celui qui se prétend créancier a déjà engagé une procédure ;

Que dans un tel cas, il lui revient d'accomplir des diligences ; qu'après justification de la déclaration de sa créance, il doit appeler à la cause le représentant des créanciers, et, le cas

échéant, l'administrateur afin que l'instance puisse se poursuivre à son initiative ;

Que la société JANVIER est mal fondée à prétendre aujourd'hui que la péremption par elle-même sollicitée ne serait pas possible ;

Qu'elle ne saurait également prétendre qu'il appartenait au Juge commissaire, s'il se considérait comme n'étant pas compétent, d'indiquer quelle était la juridiction compétente ;

Que dès lors que la société JANVIER avait saisi le Tribunal de Commerce avant l'ouverture de la procédure collective, le Juge commissaire avait uniquement à constater qu'une instance était en cours (Cass. Com.19 novembre 2003) ;

Qu'enfin, de façon contradictoire, la société JANVIER fait valoir qu'après dépôt du rapport de l'expert désigné par le Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS, la société BLANCHE Y... ne l'a pas assignée au fond et "n'a pris aucune initiative pour demander au Tribunal de statuer sur sa demande relative à des prétendues malfaçons" ;

Que la société BLANCHE Y... n'avait pas à prendre l'initiative d'une instance au fond, le Tribunal de Commerce de RENNES étant déjà saisi par la société JANVIER ;

Que, par ailleurs, après le dépôt du rapport d'expertise, c'était à la société JANVIER, si elle estimait être encore en mesure de faire valoir une créance, qu'il revenait de demander au Tribunal de Commerce de statuer sur sa prétention (cf. Jugement de sursis à statuer du 15 septembre 1995) ;

Que dès lors que la société appelante avait introduit une action avant la procédure collective afin de tenter de faire juger qu'elle était créancière de la société BLANCHE Y..., seul le Tribunal de Commerce de RENNES était en mesure de la juger ;

Qu'à sa demande, l'instance dont elle avait pris l'initiative a été

jugée périmée ;

Que ceci ne peut avoir pour conséquence de donner au Juge commissaire une compétence qu'il ne possède pas en vertu de la loi ;

Que la société JANVIER ne saurait saisir à nouveau le Tribunal de Commerce dans la mesure où, la créance invoquée étant antérieure au jugement de redressement judiciaire, la demande se heurterait à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles ;

Considérant qu'il convient dès lors de confirmer l'ordonnance entreprise et de débouter la société JANVIER de ses demandes, en la condamnant aux dépens du fait de sa succombance ;

Que l'équité commande d'allouer à la société BLANCHE Y... une somme de 1 000 ç et à la SCP DESPRES, es qualités, une somme de 500 ç, en compensation de leurs frais non répétibles de procédure.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Condamne la SARL JANVIER à payer à la SA LA BLANCHE Y... une somme de 1 000 ç et à la SCP DESPRES, venant aux droits de Me X... pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de cette société, une somme de 500 ç, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La condamne aux dépens qui, pour ceux d'appel, seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ; Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER.- LE PRESIDENT.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949886
Date de la décision : 21/03/2006
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE

Sommaire 1 Il résulte des dispositions des articles L. 621-104 et L. 621-41 du Code de commerce, que s'il appartient en principe au juge commissaire d'admettre ou de rejeter une créance déclarée dans le cadre d'une procédure collective, ce magistrat n'a cependant nul pouvoir d'appréciation dans deux cas, à savoir lorsque la contestation ne relève pas de sa compétence, et si le créancier a déjà engagé une instance aux fins d'obtenir le paiement de sa créance, avant l'ouverture de la procédure collective. Celui qui se prétend créancier doit poursuivre l'instance qu'il avait intentée avant le jugement de redressement ou de liquidation judiciaire, car cette instance est en effet seulement suspendue pour lui permettre de justifier qu'il a déclaré sa créance, et d'appeler à la cause le représentant des créanciers, et éventuellement l'administrateur. Par ailleurs, l'instance ne peut plus être destinée qu'à la constatation de la créance ainsi qu'à la fixation de son montant, et lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a été rendue, il incombe au créancier de demander au greffier de l'inscrire sur l'état des créances, le juge commissaire n'ayant pas à intervenir. Sommaire 2 Dans le cas où avant l'ouverture d'une procédure collective, celui qui se prétend créancier a déjà engagé une procédure, il lui revient d'accomplir des diligences, qu'après justification de la déclaration de sa créance, il doit appeler à la cause le représentant des créanciers, et, le cas échéant, l'administrateur, afin que l'instance puisse se poursuivre à son initiative.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-03-21;juritext000006949886 ?
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