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07/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950223

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 07 mars 2006, JURITEXT000006950223


EXPOSE DU LITIGE.

Madame Pascale X... a été salariée de la société HOTESSES BIRDIES.

Elle en est devenue responsable du personnel en janvier 2001.

Elle a été licenciée de cette société le 1er avril 2005.

Son contrat comportait une clause de non-concurrence d'un an sans contrepartie financière.

Madame Amandine Y... est, quant à elle, salariée de la société HOTESSES BIRDIES dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel en qualité de Chef d'équipe comme employée niveau III coefficient 190 de la convention collective des prestatair

es de services dans le secteur tertiaire.

Son temps de travail est de 27 H 75 de travail effec...

EXPOSE DU LITIGE.

Madame Pascale X... a été salariée de la société HOTESSES BIRDIES.

Elle en est devenue responsable du personnel en janvier 2001.

Elle a été licenciée de cette société le 1er avril 2005.

Son contrat comportait une clause de non-concurrence d'un an sans contrepartie financière.

Madame Amandine Y... est, quant à elle, salariée de la société HOTESSES BIRDIES dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel en qualité de Chef d'équipe comme employée niveau III coefficient 190 de la convention collective des prestataires de services dans le secteur tertiaire.

Son temps de travail est de 27 H 75 de travail effectif par semaine. Si son contrat comporte une clause d'interdiction de concurrence lui interdisant pendant un an d'exercer la même activité pour son propre compte pendant une durée d'une année à compter de la cessation effective de ses fonctions et ce sur la région (laquelle n'est pas définie), cette clause est atteinte de nullité faute de contrepartie financière.

Par acte sous seing privé en date du 30 août 2005, Madame X... a constitué avec Mademoiselle Y... et Monsieur Z... une société à responsabilité limitée intitulée ATHENA HOTESSES.

Madame X... en est l'apporteur de capital à hauteur de 5 000 ç sur 7 000 ç, et elle en est la gérante majoritaire.

Mademoiselle Y... a apporté 50 ç sur 7 000 ç, soit moins de 1% du capital Monsieur Z..., quant à lui, ayant apporté 1 950 ç est dès lors titulaire de 28% du capital.

Cette société, à ce jour, a exclusivement embauché une salariée à temps partiel pour un CDD de trois jours du 13 au 16 septembre 2005,

et n'a eu qu'une activité de prospection.

Le 16 septembre 2005, la société HOTESSES BIRDIES saisissait Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Rennes pour obtenir la désignation d'huissier et d'expert afin de se rendre sur place non seulement au siège de la société ATHENA HOTESSES mais également au domicile personnel de Madame X..., 61 Mail François Mitterrand à RENNES, mais également à celui de son compagnon Monsieur Z..., 14 Place des Lices à RENNES, et à celui de Mademoiselle Amandine Y..., au lieudit la Marre Plate à LA BOUEXIERE où elle habite chez ses parents, afin de saisir :

la copie complète du disque dur de l'ensemble des ordinateurs qui pourraient être trouvés,

de l'ensemble de la documentation commerciale,

de l'ensemble des contrats de travail, factures, devis et propositions commerciales,

et "plus généralement de saisir tout matériel, document ou support présentant un lien avec l'activité de prestations de services, d'accueil ou de mise à disposition de personnel auprès d'une clientèle de centres commerciaux ou d'entreprises".

L'huissier devant être assisté, si besoin était, de la force publique, d'un serrurier, d'un représentant mandaté de la société requérante et de deux experts en informatique.

Par une ordonnance conforme à la requête, en date du 20 septembre 2005, le Président du Tribunal de Commerce a intégralement fait droit à cette demande.

Le 29 septembre à 14 H 20, les huissiers désignés se sont présentés

d'une part, au siège de la société ATHENA HOTESSES mais également au domicile de chacun des associés, accompagnés d'un serrurier ; ils ont procédé à une fouille complète des domiciles en question et à une copie complète des disques durs des ordinateurs, portant sur l'ensemble des fichiers y compris des fichiers de correspondances individuelles et personnelles.

Les appelants ont alors saisi Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de RENNES par voie de référé, afin d'obtenir la rétractation de son ordonnance sur requête.

Ils soutenaient tout d'abord l'incompétence d'attribution de Monsieur le Président du Tribunal de Commerce concernant tant les personnes civiles et non commerçantes que les associés d'une société à responsabilité limitée.

Ils invoquaient également l'absence de compétence du Président du Tribunal de Commerce sur le fondement de l'article 875 du nouveau code de procédure civile, en ce que la mission très générale donnée à l'huissier permettant de prendre connaissance et copie de l'intégralité du disque dur des ordinateurs donnait ainsi autorisation à un tiers, au demeurant non soumis à un quelconque secret professionnel, de se procurer une copie non seulement d'éventuels documents commerciaux mais aussi de tous les documents privés et de toutes les correspondances et échanges de mails et de courriers pourtant soumis, au vu de la jurisprudence de la Cour de Cassation, au secret des correspondances.

Ils soulevaient enfin, s'agissant de l'autorisation donnée aux huissiers de se présenter et de perquisitionner les domiciles des associés, la violation des dispositions des articles 6 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de l'article 9 du Code Civil.

Par ordonnance en date du 22 novembre 2005, le président du Tribunal

de Commerce de RENNES, statuant en référé, a rejeté la demande des appelants et ordonné une expertise judiciaire ;

La SARL ATHENA HOTESSES, Melle Pascale X..., Mme Amandine Y... et Mr Daniel Z... ont été autorisés à relever appel de cette décision, suivant la procédure à jour fixe ;

Développant les mêmes moyens qu'en première instance, ils demandent à la Cour de :

"- réformer l'ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de RENNES ;

- dire et juger que le président du Tribunal de Commerce de RENNES était incompétent pour autoriser les huissiers à se rendre au domicile des associés de la société à prendre connaissance et copie intégrale de leurs ordinateurs ;

- dire et juger atteinte de nullité l'ordonnance sur requête en ce qu'elle porte atteinte aux principes fondamentaux du contradictoire et du respect de la vie privée résultant des articles 9 du code civil, 6 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

- condamner la société HOTESSES BIRDIES à payer aux appelants la somme de 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- la condamner en tous les dépens ;

- autoriser la SCP D'ABOSVILLE - DE MONCUIT SAINT HILAIRE et LE CALLONNEC à recouvrer ceux d'appel conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile".

La Société SARL HOTESSES BIRDIES conclut ainsi :

"- Confirmer l'ordonnance,

- condamner in solidum Mlle X..., Mme Y..., M. Daniel Z... et la Société ATHENA HOTESSES à payer à la Société HOTESSES BIRDIES une indemnité de 2000 ç en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum au paiement des entiers dépens, tant en Première Instance que d'Appel, qui seront recouvrés par la SCP BAZILLE JJ. - GENICON P. - GENICON S., Avoués Associés, conformément au dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile "

Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux dernières écritures des parties. MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant qu'en raison de leur connexité, il convient d'ordonner la jonction des affaires inscrites au rôle sous les numéros 05/8238 et 05/07714 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 411-4 du Code de l'Organisation Judiciaire, le président du Tribunal de Commerce n'a compétence que dans le cadre d'un litige opposant des commerçants ou concernant le fonctionnement de sociétés commerciales ;

Considérant que la Société ATHENA HOTESSES a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 5 septembre 2005, et que la requête a été présentée le 16 septembre 2005 ;

Que par conséquent à la date de la présentation de la requête, Mlles X... et Y... ainsi que Monsieur Z..., qui avaient la qualité d'associés de la société à responsabilité limitée ATHENA HOTESSES, n'étaient pas des commerçants, mais des personnes civiles ; Que les termes de la mission donnée à la SCP d'huissiers de justice étaient très généraux ; que cette mission concernait des investigations sur des éléments non précisés dans le temps et postérieurs à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la société ATHENA HOTESSES ;

Que la société intimée ne saurait se prévaloir d'actes de concurrence déloyale antérieurs à cette immatriculation (la mesure d'apurement

étant, au demeurant, destinée à prouver la réalité de ces actes) pour soutenir que les appelants avaient la qualité de commerçants ;

Qu'il convient de constater l'incompétence du président du Tribunal de Commerce de RENNES concernant les appelants ;

Considérant qu'en autorisant la SCP d'huissiers et les experts en informatique, les accompagnant, à prendre connaissance de la totalité du contenu des ordinateurs exploités dans les locaux de la société ATHENA HOTESSES et aux domiciles privés des associés, le premier juge a méconnu les dispositions de l'article 9 du code civil ainsi que des articles 6 à 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

Que le secret de la correspondance a été bafoué, puisqu'il a été pris copie de tous les courriers échangés ;

Qu'il y a eu atteinte à la vie privée, les huissiers de la SCP désignée ayant été autorisés à ouvrir les domiciles, à les visiter et à prendre copie intégrale du contenu d'ordinateurs privé et personnel ;

Que la mission, donnée par le premier juge, aurait dû seulement concerner les éléments professionnels, à l'exclusion des éléments personnels ;

Que les "précautions" prises sont inopérantes, les huissiers de justice instrumentaires ayant toutes facultés de prendre connaissance de l'ensemble des documents comme les experts auxquels il est conféré la mission très large suivante :

" d'examiner contradictoirement les fichiers automatiques c'est-à-dire de permettre à la société HOTESSES BIRDIES de connaître l'intégralité du contenu des ordinateurs tant de la société que de ses associés ;

de décrire et d'analyser dans son rapport les fichiers relevant de l'activité de la société ATHENA HOTESSES c'est-à-dire de permettre à la société HOTESSES BIRDIES de connaître la totalité de l'activité de

la société ;

et de restituer les documents qui ne concerneraient pas spécifiquement l'activité des deux sociétés".

Qu'il convient de faire droit à la demande de nullité des appelants, la saisie ordonnée constituant directement et en elle même une voie de fait insusceptible d'être réparée ultérieurement ;

Considérant que la société intimée qui succombe, supportera les entiers dépens et se verra déboutée de sa réclamation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'en revanche, l'équité commande d'allouer aux appelants une somme globale de 1 500 ç, en compensation de leurs frais non répétibles de procédure ; PAR CES MOTIFS :

Ordonne la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 05/8238 et 05/07714 ;

Dit que le président du Tribunal de Commerce de RENNES était incompétent, rationae materiae pour autoriser la SCP DUGUIN-LEBRET-NEDELLEC, huissiers de justice associés, à se rendre aux domiciles des associés de la société ATHENA HOTESSES et à prendre connaissance ainsi que copie intégrale du contenu de leurs ordinateurs ;

Déclare, pour le surplus, nulle l'ordonnance entreprise, comme portant atteinte aux dispositions des articles 9 du code civil, 6 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

Condamne la société HOTESSES BIRDIES à payer aux appelants une somme globale de 1 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens qui, pour ceux d'appel, seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER.- LE PRÉSIDENT.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950223
Date de la décision : 07/03/2006
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE

Sommaire 1 Constituant une voie de fait insusceptible d'être réparée ultérieurement, est frappée de nullité la décision qui, ordonnant une saisie selon un ordre de mission très général, a permis de prendre connaissance de la totalité du contenu d'ordinateurs exploités dans les locaux d'une société et aux domiciles privés des associés, en méconnaissance des dispositions de l'article 9 du Code civil et des articles 6 à 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ladite ordonnance de saisie n'ayant pas distingué dans la mission fixée à l'huissier le champ des éléments professionnels des éléments personnels, et ayant par là permis d'ouvrir les domiciles, de les visiter et de prendre copie intégrale du contenu d'ordinateurs privé et personnel ainsi que de tous les courriers échangés, cela en violation du secret de la correspondance. Sommaire 2 En vertu des dispositions de l'article L 411-4 du Code de l'organisation judiciaire, le président du tribunal de commerce n'a compétence que dans le cadre d'un litige opposant des commerçants ou concernant le fonctionnement de sociétés commerciales. Se trouvait donc incompétent, rationae materiae, le président de tribunal de commerce ayant autorisé dans le cadre de ses pouvoirs d'urgence, une saisie aux domiciles des associés de la société à responsabilité limitée visée, dès lors qu'à la date de la présentation de la requête, les personnes visées par la saisie avaient la qualité d'associés de ladite société, et n'étaient pas, par conséquent, des commerçants, mais des personnes civiles.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-03-07;juritext000006950223 ?
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