ARRET No 136 DU 07/04/05 - 4ème CHAMBRE - RG 03/6606 X... c/ BLEVIN-LEDEY-DELAPORTE-MUTUELLES DU MANS ASSURANCES I - Exposé du litige:
Monsieur X... et Mademoiselle Y... ont signé un compromis de vente relatif à l'acquisition d'une maison et d'un terrain sis Bourg de Saint-Derrien, auprès de Madame Z... , sous condition suspensive d'octroi d'un prêt et que l'état parasitaire ne révèle aucun désordre. L'état parasitaire a été confié à l'entreprise ALIZE gérée par Monsieur A... qui a relevé quelques attaques de mérule sur trois extrémités de solive. Les parties ont régularisé l'acte authentique le 5 juillet 2002 au rapport de Maître ABRIAL, le vendeur bénéficiant d'une clause de non-garantie des vices cachés.
Monsieur X... et Mademoiselle Y... ont ensuite décidé d'effectuer des travaux de rénovation et ont constaté que les problèmes de mérule s'avéraient plus important. Ils ont demandé à Monsieur B..., architecte, d'établir un rapport.
Par ordonnance de référé en date du 2 octobre 2001, Monsieur B... a été désigné en qualité d'expert. Il a déposé son rapport le 27 décembre 2002. Il conclut qu'il a pu vérifier l'existence de vices affectant la construction de type mérule qui n'ont pas été signalés ni par Madame Z... ni par Monsieur A.... Il signale que les ALF n'ont pas valablement conseillé Madame Z... et dans une moindre mesure, Monsieur C.... Il estime les travaux de remise en état à la somme de 39 167 ç et impute la répartition des responsabilité comme suit : 40 % pour Madame Z..., 30 % pour Monsieur A..., 20 % pour les ALF et 10 % pour Monsieur C....
Par actes des 10,11 et 12 mars 2003, Monsieur X... et Mademoiselle Y... ont fait assigner Madame Z..., Monsieur A..., Monsieur C... et la compagnie MMA le 14 mai 2003 devant le Tribunal de
grande instance de Morlaix aux fins notamment de les voir condamner in solidum à leur payer le coût des travaux de des dommages et intérêts.
Par jugement en date du 7 août 2003, le Tribunal de grande instance de Morlaix a refusé l'homologation du rapport d'expertise de Monsieur B..., constaté que Monsieur B... a outrepassé les termes de sa mission d'expertise, constaté que le rapport de Monsieur B... ne saurait au vu de ses imprécisions et constatations techniques contestables, justifier la mise en oeuvre de la responsabilité de la société ALF pour défaut de conseil, débouté Monsieur X... et Mademoiselle Y... de leurs demandes, prononcé la mise hors de cause de Madame Z..., reçu la demande reconventionnelle de Madame Z... et condamné Monsieur X... et Mademoiselle Y... à lui payer la somme de 1 000 ç à titre de dommages et intérêts et condamné les mêmes à payer à chacun des défendeurs des frais irrépétibles.
Monsieur X... et Mademoiselle Y... ont régulièrement interjeté appel de cette décision le 21 octobre 2003.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées le 17 janvier 2005 pour Monsieur X... et Mademoiselle Y..., le 14 janvier 2005 pour Monsieur A..., le 5 janvier 2005 pour Monsieur C..., le 15 décembre 2004 pour Madame Z... et le 14 mai 2004 pour la compagnie MMA .
*** II - Motifs :
A l'appui de leur appel, Monsieur X... et Mademoiselle Y... font valoir : - que le rapport de Monsieur B... ne souffre aucune critique et qu'il doit être homologué, - sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil, que Madame Z... est de mauvaise foi car elle avait parfaitement connaissance de l'existence de la mérule avant la vente, - qu'ayant indiqué dans un courrier au premier juge avoir refait sa maison "du sol au plafond" et ayant fait réaliser un enduit extérieur d'étanchéité, Madame Z... est réputée constructeur au sens de l'article 1792-1 du Code Civil, donc responsable de plein droit des dommages affectant l'ouvrage, - que Monsieur A... n'a pas suffisamment poussé les vérifications imposées par la norme P 03-200 d'octobre 1998 et notamment de pratiquer pour la recherche de mérule des sondages conformément à l'article 5-2-2-1 alinéa 2 et 3 et qu'il a manqué à son obligation de conseil, - que les ALF ont posé en 1995 des menuiseries de type profils rénovation dans des dormants conservés, qui étaient en mauvais état, - que Monsieur C... qui a exécuté le travail de pose aurait dû émettre des réserves.
Sur le rapport d'expertise de Monsieur B... :
Aux termes de l'ordonnance du 2 octobre 2001, Monsieur B... n'avait pas pour mission de se prononcer sur les responsabilités des parties et d'effectuer un partage de responsabilité. Il ressort du constat d'expertise que le rapport s'attache surtout une recherche des diverses responsabilités. Dans ces conditions, seules les constatations techniques, de fait et objectives de Monsieur B... seront retenues étant rappelé que la Cour n'est pas liée par le rapport d'expertise.
Sur la responsabilité de Madame Z... :
Monsieur A... du cabinet ALIZE a constaté dans son rapport d'inspection en date du 2 mai 2001 : "Dans la cuisine, sur les trois extrémités de solives côté sud-ouest, présence de pourriture cubique
due à l'action d'un champignon cellulolytique de type "mérule" :
mycelium apparent et actif" et il a conclu :"A la date de l'inspection, nous avons décelé des traces d'activité de champignon cellulolytique de type mérule, traces décrites ci-dessus."
Le vice était apparent lors de la vente, le cabinet ALIZE ayant expressément indiqué la présence de mérule active alors qu'il est patent que ce champignon se développe plus particulièrement dans les zones à l'abri de la lumière et confinées.
Les consorts D... ont renoncé au bénéfice de la condition suspensive et ont réitéré la vente en toute connaissance de cause ce d'autant plus qu'ils savaient que des sondages destructifs étaient nécessaires pour saisir l'ampleur du phénomène. De surcroît, ils savaient que des sondages destructifs étaient nécessaires pour saisir l'ampleur du phénomène. En effet, il n'est pas contestable que le technicien du cabinet ALIZE a recommandé verbalement ces sondages notamment aux appelants présents lors de l'inspection (page 4 du rapport, réponse de Monsieur B... au dire du 27 novembre 2002, page 19 du rapport, dire du conseil de Madame Z... en date du 27 novembre 2002) qui par ailleurs font le reproche à Madame Z... de n'avoir pas voulu les réaliser (dire du 29 novembre 2002 de leur conseil et pages 3 et 10 des conclusions). L'acte authentique de vente précise de surcroît que l'acquéreur déclare avoir pris "parfaite connaissance" de l'état parasitaire et en faire ainsi son affaire personnelle. Le vice était apparent au moment de la vente et l'action des consorts D... fondée sur l'article 1641 du Code civil ne peut prospérer.
Par ailleurs, Madame Z... a certes fait faire des travaux en septembre 2000. Cependant, il n'est pas démontré qu'ils aient constitué un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil. La "peinture soi-disant d'étanchéité" selon les termes de Monsieur B...
et l'expression de Madame Z... dans son courrier au juge de première instance selon laquelle elle a refait sa maison "du sol au plafond" ne peuvent s'entendre comme une rénovation lourde ou des travaux d'étanchéité caractérisant un ouvrage. Madame Z... produit d'ailleurs une liste des travaux de laquelle il ressort qu'il s'agit de travaux d'embellissement ou d'entretien de la maison, ainsi qu'une attestation de Monsieur E..., des Peintures Triskell, indiquant que la peinture ne peut prétendre à une garantie d'imperméabilisation par l'extérieur. L'article 1792 du Code civil n'est en conséquence pas applicable.
Aucune responsabilité ne peut être retenue à l'encontre de Madame Z...
Sur la responsabilité de Monsieur A... :
La norme XP P 03-200 d'octobre 1998 dispose en son article 4-1 :
"Règle générale
L'activité professionnelle consistant à l'établissement du constat de l'état parasitaire pour les immeubles bâtis et non bâtis et relatif aux agents biologiques destructeurs du bois (insectes et champignons) doit être déontologiquement bien distincte de l'activité de conseil, d'offres et de services pour le traitement ou la vente de produit de préservation.
A cet effet, le constat parasitaire une fois établi doit être signé par celui qui a effectué la visite de l'immeuble. Il ne peut comporter ni conseils, ni offres de services"
Cette même norme prévoit en son article 5-2-1 : "L'intervenant doit faire une description aussi exacte que possible de ce qui est soumis à la visite.", et en ses articles 5-2-2 et 5-2-2-3
"Méthode d'investigation proprement dite
L'investigation consiste à faire un examen le plus complet possible à l'extérieur et surtout à l'intérieur de la construction selon le schéma suivant :
Champignons
Il faut distinguer les champignons détruisant le bois des champignons de discoloration compte tenu des conséquences résultant de leur développement (ils sont décrits en annexe B). Il y a lieu de bien distinguer les champignons à l'intérieur de ces deux catégories.
Vérifications :
La recherche se fait :
- à l'intérieur de l'immeuble partout où il peut y avoir eu et où il y a des risques d'humidification propice aux champignons;
- à l'extérieur : bois exposés aux intempéries."
Outre que l'article 5.2.2.1 de la norme P 03-200 concerne la recherche de termites et non de mérule, il convient de constater que Monsieur F..., contrôleur du cabinet A... a dressé un état parasitaire conforme à la norme qui est rappelée ci-dessus. Son rapport n'est pas une expertise mais seulement un compte-rendu visuel de son inspection. Il est rappelé sur ce document qu'il s'agit d'un "état parasitaire visuel, sans démolition, sans dépose de revêtement ni manipulation importante de mobilier et limité aux parties visibles et accessibles à la date de l'inspection." Il n'appartenait pas au diagnostiqueur de faire des sondages destructifs. La jurisprudence de la Cour d'appel de Bordeaux à laquelle les appelants se réfèrent, reproche à l'expert chargé d'établir un état parasitaire concernant les insectes xylophages de ne pas avoir procéder à l'enlèvement partiel de tuiles pour vérifier la charpente, ce qui n'est pas un sondage destructif comme ceux nécessités par la recherche de mérule. Ceux-ci ne sont pas préconisés par la norme et le contrôleur n'avait pas à indiquer sur son rapport qu'il n'avait pu en faire. Si, en
présence d'humidité dans une maison à risque il revient au diagnostiqueur, au titre de son obligation de conseil, de préconiser un examen plus approfondi des lieux, fait notamment par un professionnel du bois, en l'espèce, Monsieur F... a parfaitement rempli son rôle en mentionnant la présence de la mérule qu'il a détectée, étant rappelé que le diagnostiqueur ne peut avoir une activité de conseil et qu'il ne lui est pas demandé une expertise.
Sur la responsabilité des ALF et de Monsieur C...:
Madame Z... indique dans ses écritures qu'en 1995, les locataires en place ont signalé que les fenêtres étaient vétustes et présentaient des difficultés de manoeuvre, ce qui justifiait leur remplacement. Il ressort d'une attestation à l'intention de Madame Z... et produite par elle, émanant de Monsieur Patrick G... des ALF, en date du 28 mars 1995 bien avant le litige et qui n'a donc pas été établie pour la circonstance, que la pose des châssis PVC est correctement effectuée par Monsieur C... et que les dormants en bois étaient en bon état et pouvaient servir de support aux châssis PVC.
Monsieur B... affirme que les dormants conservés étaient en très mauvais état en 1995 du fait de l'activité du champignon parasitaire (page 15). Il n'existe pas cependant dans le rapport d'éléments permettant de prouver que lors de la pose des menuiseries les dormants aient été en mauvais état en dehors de l'affirmation de l'expert, alors que s'ils étaient déjà contaminés par le mérule en 1995, ils se seraient rapidement détériorés, étant relevé que Monsieur F... en 2001 n'a pas constaté de trace visible du champignon sur les fenêtres, châssis (PVC) et les rebords en bois. Il existe un doute sur le mauvais état des dormants lors de la pose des
menuiseries et la responsabilité des ALF ne peut être retenue avec certitude. Pour les mêmes raisons, aucune responsabilité ne peut être imputée à Monsieur C...
Sur les autres demandes :
C'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte qu' il a été alloué à Madame Z... la somme de 1 000 ç à titre de dommages-intérêts.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles qu'ils ont exposés pour faire valoir leurs droits. Monsieur X... et Madame Y... seront condamnés à leur payer chacun la somme de 1 500 ç en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils seront également condamnés aux dépens.
*** - Par ces motifs :
LA COUR :
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Infirme partiellement le jugement déféré,
Retient le rapport de Monsieur B... uniquement en ses constatations techniques et de fait,
Déboute Monsieur X... et Madame Y... de leurs demandes à l'encontre de Madame Z..., Monsieur A..., Monsieur C... et la compagnie MMA ,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur X... et Madame Y... à payer à Madame Z... , Monsieur A..., Monsieur C... et la compagnie MMA la somme de
MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 ç) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Monsieur X... et Madame Y... aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le Greffier,
P/Le Président empêché,