La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2004 | FRANCE | N°03/5360

France | France, Cour d'appel de Rennes, 16 décembre 2004, 03/5360


ARRET N° 534 DU 16/12/04 - 4ème CHAMBRE - RG 03/5360Sté COIN DE TERRE ET FOYER c/ Consorts LESAGE-Me MOINS-GFA DES GRIPPEAUX X... - Exposé préalable :

En 2000, la société "Coin de Terre et Foyer" (CTF) a contacté Messieurs Y... et Z...
A..., gérants du GFA des Grippeaux en vue de l'acquisition d'une propriété sise à Montfort sur Meu.

Ce GFA était propriétaire d'un corps de ferme comprenant divers bâtiments d'habitation et d'exploitation et des terres sur 24 ha, 28 ares et 4 centiares, données à bail rural à Monsieur Z...
A.... Celui-ci était par aille

urs seul propriétaire d'une autre parcelle limitrophe d'une superficie de 1ha et 20 ...

ARRET N° 534 DU 16/12/04 - 4ème CHAMBRE - RG 03/5360Sté COIN DE TERRE ET FOYER c/ Consorts LESAGE-Me MOINS-GFA DES GRIPPEAUX X... - Exposé préalable :

En 2000, la société "Coin de Terre et Foyer" (CTF) a contacté Messieurs Y... et Z...
A..., gérants du GFA des Grippeaux en vue de l'acquisition d'une propriété sise à Montfort sur Meu.

Ce GFA était propriétaire d'un corps de ferme comprenant divers bâtiments d'habitation et d'exploitation et des terres sur 24 ha, 28 ares et 4 centiares, données à bail rural à Monsieur Z...
A.... Celui-ci était par ailleurs seul propriétaire d'une autre parcelle limitrophe d'une superficie de 1ha et 20 centiares.

Un protocole d'accord a été signé le 26 juin 2000 entre la société CTF et le GFA, représenté par Monsieur Y...
A... et un autre le 30 juin 2000 entre la société CTF et Monsieur Z...
A....

Les négociations se sont poursuivies, Monsieur Z...
A... a régularisé le 1er décembre 2000 un compromis avec la société CTF, mais les pourparlers ont été rompus et le GFA des Grippeaux a finalement vendu la propriété à un autre promoteur, la société Foncière Rennaise, suivant compromis des 18 et 20 février 2001.

Arguant que le protocole d'accord du 26 juin 2000 valait vente, et à défaut qu'il y ait eu rupture abusive des pourparlers, la société CTF a, par acte du 14 mai 2001, fait assigner le GFA, les consorts A... et Maître Moins, notaire, en régularisation de la vente et subsidiairement en paiement de dommages et intérLts.

Par jugement du 16 juin 2003, le Tribunal de Grande Instance de Rennes a : - Débouté la société Coin de Terre et Foyer de toutes ses demandes contre le GFA des Grippeaux et Maître Moins ; - Déclaré en conséquence sans objet la demande de la société Coin de Terre et Foyer contre Z...
A... ; - Condamné la société Coin de Terre et Foyer à payer les sommes de 1.800 ä au GFA des Gippeaux et 1.000 ä à

Maître Moins au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; - Condamné la société Coin de Terre et Foyer aux dépens.

La société coopérative Coin de Terre et Foyer a déclaré appel de ce jugement le 18 aoft 2003.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées : - le 15 décembre 2003 pour la société coopérative Coin de Terre et Foyer ; - le 9 mars 2004 pour Maître Gérard Moins ; - le 11 mai 2004 pour le GFA des Grippeaux, Messieurs Z..., Y..., Daniel, Joùl A... et Madame Anne-Marie A... épouse B....

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2004.

[**][* II - Motifs : 1° Sur la vente :

Il sera décerné acte B la société Coin de Terre et Foyer de ce qu'elle renonce à poursuivre la régularisation de l'acte authentique de vente tant par le GFA des Grippeaux que par Monsieur Z...
A... personnellement.

*][**] 2° Sur la rupture des pourparlers : a) Le GFA des Grippeaux :

Si les actes d'aliénation devaient Ltre approuvés à l'unanimité par une assemblée générale extraordinaire des associés, Messieurs Z... et Y...
A..., gérants statutaires du GFA, engageaient celui-ci dans les rapports avec les tiers pour les actes entrant dans l'objet social, chaque gérant ayant les mLmes pouvoirs. Ainsi, tous les actes de négociations ont été valablement faits au nom et pour le GFA.

Après échange de correspondances et de télécopies, un protocole a été

signé par Y...
A... pour le GFA, donc en qualité de gérant, prévoyant la signature d'un compromis dans les quatre mois. Il était fait état de la nécessité de formalités administratives et il était prévu un prix de 34 francs le m au vendeur, les "consorts A..." (et non le GFA) restant propriétaires des bâtiments de ferme et d'environ 5.000 m de foncier, ces bâtiments étant rénovés et aménagés par l'acquéreur en complément du prix, il en était de mLme pour une dation concernant 5 lots viabilisés d'environs 650 m chacun.

Monsieur Z...
A..., déclaré exploitant agricole, devait percevoir une indemnisation forfaitaire de 1.300.000 francs.

Il était fait par ailleurs état d'une grange appartenant en propre B Madame B... et B rénover en fonction des souhaits de celle-ci.

Par avenant du 2 novembre 2000, signé par Y...
A... pour le GFA, le protocole a été prorogé jusqu'au 30 novembre 2000 puis, le 5 décembre 2000, Y...
A... le prorogeait jusqu'à cette date.

Fin novembre 2000, l'étude urbanistique conduite par la commune de Montfort sur Meu étant suffisamment avancée, la signature du compromis était possible et Monsieur Z...
A... a d'ailleurs signé pour sa part un tel document concernant la parcelle qui lui appartenait en propre pour le prix de 340.680 francs HT et faisant référence à l'indemnité prévue pour ses pertes d'exploitation et le déménagement de sa stabulation et portée B 1.480.000 francs.

Maître David a donc proposé au GFA des Grippeaux un projet de compromis avec, outre le prix principal de 3.910.000 francs (596.075,66 ä), une obligation pour un coft estimé à environ 600.000 francs HT, de viabiliser 12 lots apportés en dation 5 lots revenant aux associés du GFA et les 7 autres étant destinés à être vendus par le GFA vendeur en priorité.

Les bâtiments de la ferme, avec un foncier global d'environ 5.000 m ,

devaient rester propriété du GFA ou des consorts A... et devaient être rénovés en 4 lots identiques comprenant chacun un appartement au rez de chaussée et un autre à l'étage, outre la maison occupée par M. Z...
A..., pour un coft total de 2.000.000 francs HT.

Le 29 novembre 2000, Monsieur Y...
A... sollicitait le report du rendez-vous du 1er décembre et que soit mentionnée la chronologie des travaux, la rénovation du bâtiment de ferme devant être prévu avant le lotissement. Il faisait état d'une difficulté créée par sa soeur Anne-Marie et son époux, ainsi qu'un sieur Le C... quant à la réfection de la grange.

Un nouveau projet de compromis a été alors rédigé et adressé au gérant du GFA et le 18 décembre 2000 Monsieur Y...
A... ès qualités confirmait les accords antérieurs et fixait au 3 janvier 2001 la date de signature du compromis. Il résulte d'une lettre de Me Moins à Me David datée du 10 janvier 2001 que les consorts A... étaient alors "globalement satisfaits des propositions de la société Gambetta Immobilier", groupe dont dépend la société coopérative CTF. Certains des consorts A... ayant choisi de se faire assister par Me Moins, un nouveau rendez vous était prévu pour le 22 janvier 2001 mais les relations entre les parties n'évolueront pas jusqu'à ce que, le 12 mars 2001, il apparaissait que compromis avait été signé entre le GFA et un autre acquéreur dès les 18 et 20 février précédents.

S'il était loisible aux membres du GFA de ne pas donner suite aux pourparlers, encore eut-il fallu qu'après des négociations ayant duré longtemps et où le GFA avait à plusieurs reprises manifesté son intention de poursuivre, il ait été mis fin à ces pourparlers clairement, loyalement et avec des justifications légitimes.

Or, la société Coin de Terre et Foyer a cherché à satisfaire aux demandes des membres du GFA et les négociations avaient pour unique

objet les modalités d'exécution des travaux dans les bâtiments. Le 1er décembre 2000 ces projets convenaient à l'agriculteur et début janvier 2001 les autres membres se disaient globalement satisfaits de ces offres.

Par ailleurs la société Coin de Terre et Foyer n'a jamais refusé de satisfaire aux exigences de Madame B... quant à l'aménagement de sa grange, proposant encore le 15 janvier 2001 selon lettre de Me David, notaire, des modalités de délimitation des parcelles et il doit Ltre observé que cette question n'était pas déterminante car le compromis avec la Foncière Rennaise ne prévoit plus aucun travaux puisque avec le même prix principal de 34 francs le m , le nouvel acquéreur offrait une dation sur 16 lots au lieu des 4 lots et des travaux promis par le premier.

Si un accord total n'avait pas été trouvé au 3 janvier 2001, les pourparlers n'ont pas été rompus B cette date et ni le GFA, ni aucun de ses membres n'ont fait savoir à la société Coin de Terre et Foyer que les négociations avaient pris fin avant que soit signé le compromis avec un autre acquéreur. Bien au contraire, dans les échanges de lettres entre notaires, il a été caché jusqu'au 12 mars 2001 la signature de ce compromis le mois précédent.

La rupture des pourparlers a donc été fautive de la part du GFA. *** b) Maître Moins :

Alors que Monsieur Z...
A... avait pour sa part signé son compromis et que le 18 décembre 2000 Monsieur Y...
A... pour le GFA retenait la date du 3 janvier 2001 pour signature de l'autre compromis, Maître Moins, notaire, apparaît pour la première fois dans ce dossier par une lettre du 10 janvier 2001 adressée à son confrère Me David, disant avoir été missionné par les membres du GFA à

l'exception de Z...
A...

Cette lettre, bien que le compromis n'ait pas été signé à la date prévue initialement mais reportée au 12 janvier, ne remet pas en cause les négociations puisque Me Moins déclare qu'il aidera à la concrétisation de cet accord qui lui semble techniquement et économiquement intéressant pour "les vendeurs".

Me Moins entendait en réalité être associé à l'opération et réécrivait à son confrPre le 11 janvier mentionnant qu'il avait indiqué au gérant que si les consorts A... souhaitaient conclure avec le Groupe Gambetta Immobilier, ils avaient tout intérêt à le faire le plus rapidement possible, proposant un rendez-vous pour la semaine suivante.

Le 15 janvier 2001, Me David lui répondait qu'il n'était pas question pour l'instant de prendre un accord sur la commercialisation et qu'il n'y avait pas de monopole territorial.

Le 17 janvier 2001, Me Moins persistait en sa demande auprès de Me David, étant "toujours en attente de ta réponse sur notre participation dans les projets à venir".

Aucune autre correspondance ne sera échangée avant la lettre du 12 mars 2001 alors qu'il est indiqué par Me Moins lui-mLme que dès le 5 février 2001 les consorts A... décidaient d'accepter une offre du groupe Launay, avec lequel par conséquent des négociations étaient en cours depuis quelques temps.

Le compromis signé les 19 et 20 février 2001, s'il entérinait une offre plus simple puisque faisant abstraction des travaux et de leurs modalités, n'était pas à l'évidence plus avantageux pour le GFA ou les consorts A... puisque dépendant aussi de la commercialisation future des lots.

Ces modalités plus simples n'ont a aucun moment été proposées au GFA avec lequel les négociations, qui duraient depuis plus de 18 mois, se

heurtaient au problèmes posés par ces travaux et il eft été du devoir de conseil du notaire de suggérer de proposer cette solution à la société Coin de Terre et Foyer afin d'éviter de placer ses clients dans une situation difficile.

Par ailleurs, en occultant pendant près d'un mois, entre le 18 février et le 12 mars 2001, tant B l'égard de son confrère David qu'à l'égard du GFA, qu'un compromis avait été signé avec un autre acquéreur, le notaire n'a pas agi avec la diligence et la prudence nécessaire.

En réalité, l'intervention de Maître Moins avait pour finalité principale d'évincer le premier acquéreur, et par voie de conséquence son confrPre. Au-delà de toute appréciation déontologique, elle est constitutive d'une faute engageant la responsabilité quasi-délictuelle de ce notaire à l'égard de la société susvisée. [**][* 3° Sur le préjudice : a) Les dépenses engagées :

Si la société Coin de Terre et Foyer a engagé en pure perte des dépenses de personnel, déplacements et frais divers, ceci est inhérent aux aléas des négociations et ne peut être retenu que pour la part résultant de la rupture fautive de celles-ci,à savoir la dernière phase.

Il sera donc retenu, sur les justificatifs fournis, le temps passé pour la période postérieure à décembre 2000, soit 19.519 francs et un voyage, soit 915,25 francs, total :20.434,25 francs (3.115,18 ä). *][**] b) L'apporteur d'affaire :

La SARL Space Immo, titulaire d'un mandat de recherche, n'a droit à aucune rémunération puisque ses diligences n'ont pas abouties à un acte constatant un accord de volontés. Cette intermédiaire pourrait réclamer des dommages et intérêts aux responsables de cet état de fait mais force est de constater qu'il ne le fait pas et la société Coin de Terre et Foyer ne peut plaider pour lui "par procureur". c)

La rémunération de l'entreprise :

La société Coin de Terre et Foyer fait état d'une part d'une rémunération destinée à couvrir ses charges et évaluée selon les usages de la profession en fonction du chiffre d'affaires.

Considérant qu'elle a su dès mars 2001 que cette affaire ne pouvait prospérer, ladite société a pu redéployer ses investissements et n'a pas subi cette perte de rémunération telle qu'elle la calcule.

Il sera retenu de ce chef la somme de 50.000 ä. *** d) La perte de marge :

Ce n'est pas la rupture des pourparlers qui est à l'origine du préjudice mais son caractère fautif, donc les circonstances de celui-ci. La société Coin de Terre et Foyer n'a pas été privée de ce fait de la perte de bénéfices sur cette opération, ceci étant la conséquence de la non- réalisation du projet qui pouvait survenir en tout état de cause.

Elle sera déboutée de ce chef. ***

Le préjudice de la société Coin de Terre et Foyer sera donc réparé, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, par la somme de 3.115,18 ä + 50.000 ä = 53.115,18 ä à titre de dommages et intérêts.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Coin de Terre et Foyer la totalité des frais irrépétibles engagés à l'occasion de cet appel et le GFA des Grippeaux et Maître Moins seront condamnés in solidum à lui payer de ce chef la somme de 3.000 .

***

Par ces motifs, La Cour :

- Reçoit l'appel, régulier en la forme ;

- Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- Donne acte à la société Coin de Terre et Foyer de ce qu'elle renonce à poursuivre la régularisation de l'acte authentique de vente par le GFA des Grippeaux d'une part et par Monsieur Z...
A... d'autre part, des terres leur appartenant sises à Montfort sur Meu, lieu-dit "Les Grippeaux" ;

- Condamne in solidum le GFA des Grippeaux et Maître Géraud Moins à payer à la société Coin de Terre et Foyer les sommes de : [* CINQUANTE TROIS MILLE CENT QUINZE EUROS et 18 centimes (53.115,18 ä) B titre de dommages et intérêts

*]TROIS MILLE EUROS (3.000 ) en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamne le GFA des Grippeaux et Maître Géraud Moins aux dépens de premiPre instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de

- Condamne le GFA des Grippeaux et Maître Géraud Moins aux dépens de premiPre instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 03/5360
Date de la décision : 16/12/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-12-16;03.5360 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award