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24/11/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944925

France | France, Cour d'appel de Rennes, 24 novembre 2004, JURITEXT000006944925


Septième Chambre R.G : 03/00327 M. Jean-Claude X... Y.../ Société GERHARD BUSCH S.A. BONTE FRANCE Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER :

Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 11 Octobre 2004

devant Madame Agnès LAFAY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans...

Septième Chambre R.G : 03/00327 M. Jean-Claude X... Y.../ Société GERHARD BUSCH S.A. BONTE FRANCE Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER :

Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 11 Octobre 2004 devant Madame Agnès LAFAY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Madame Agnès LAFAY, Conseiller, à l'audience publique du 24 Novembre 2004, date indiquée à l'issue des débats.

APPELANT : Monsieur Jean-Claude X... 25 rue Armand Duez 44230 SAINT SEBASTIEN SUR LOIRE représenté par la SCP BAZILLE etamp; GENICON, avoués assisté de Me André SALAUN, avocat

INTIMÉES : Société GERHARD BUSCH Brookdammmm 28 - D-21217 - SEEVETAL MECKELFELD - ALLEMAGNE représentée par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués assistée de la SCP BAUM etamp; CIE, avocats S.A. BONTE FRANCE 143 avenue du Général de Gaulle BP 302 92143 CLAMART CEDEX représentée par la SCP CHAUDET etamp; BREBION, avoués assistée de Me Guy LALLEMENT, avocat

Le 4 mai 1998, M. X..., massicotier, a été victime d'un accident du

travail alors qu'il utilisait une banderoleuse de marque GERHARD BUSCH GmbH que son employeur, la société imprimerie BRETECHER avait acquise auprès de la société BONTE FRANCE.

A la suite de cet accident, la société Imprimerie BRETECHER a obtenu par ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de Nantes en date du 26 Juin 1998 rendue au contradictoire de la société BONTE FRANCE et de la société de droit allemand GERHARD BUSCH GmbH la désignation de M. Z... en qualité d'expert, ce technicien recevant notamment pour mission de décrire les causes de l'accident survenu le 4 mai 1998 et de dire si la machine était conforme aux normes de sécurité. Au résultat du rapport déposé par l'expert le 25 mai 2000, Monsieur X... a assigné en référé la société BONTE FRANCE et la société GERHARD BUSCH GmbH sur le fondement des articles 145 du nouveau code de procédure civile et 1386-1 et suivants du code civil à l'effet : - d'ordonner une mesure d'expertise médicale; - de les condamner solidairement à lui payer une provision de 4 573,47 euros à valoir sur la réparation de son préjudice et une indemnité de 1 067,14 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par acte d'huissier du 23 août 2002, Monsieur X... a appelé en intervention la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Nantes aux fins de lui déclarer opposable l'ordonnance à intervenir .

La société BONTE FRANCE France , par conclusions verbales a, formulé protestations et réserves sur l'expertise sollicitée et s'en rapporte sur la demande de provision.

La société GERHARD BUSCH GmbH a laquelle l'assignation avait été notifiée le 28 juin 2002 n'a pas comparu ni personne pour elle.

Par décision du 31 octobre 2002, le Juge des Référés a ordonné une expertise , mais a débouté M. X... de sa demande de provision en relevant que les dispositions de l'article 1386-1 et suivants du Code Civil, sur lesquelles se basait exclusivement le demandeur, n'étaient pas applicables au dommage dont il avait été victime le 4 mai 1998.

Monsieur X... a relevé appel de cette ordonnance.

Il soutient : - que la Sté GERHARD BUSCH GmbH ne pouvait ignorer que la banderolleuse pouvait être utilisée dans un autre état que l'Allemagne et que la loi Française est donc applicable. - qu'en application des articles 1147 et 1384 alinéa 1 du Code Civil le vendeur professionnel et le fabricant sont tenus de livrer des produits exempts de tout vice. - que la machine utilisée avait une lacune dans le système de sécurité. - que lui-même n'a commis aucune faute.

La SA BONTE FRANCE fait valoir : - que la Sté GERHARD BUSCH GmbH est irrecevable à soulever une exception d'incompétence alors qu'elle ne l'a pas fait avant toute défense au fond. - qu'elle n'est pas fabricant de la machine mais seulement venderesse de cet élément et ne peut être tenue d'un éventuel dysfonctionnement dès lors que le fabricant lui-même est à la cause. - à titre subsidiaire que la Sté GERHARD BUSCH GmbH doit être tenue à la garantie.

La Sté GERHARD BUSCH GmbH conclut à la confirmation de la décision en ce qu'elle a débouté M. X... de sa demande de provision et sur l'appel en garantie de la Sté BONTE FRANCE à l'incompétence de la juridiction française au profit des Tribunaux allemands.

Elle expose : - que seule la loi allemande est applicable, dans la mesure où elle a vendu la machine à une autre société allemande et donc elle ne pouvait prévoir que cette machine serait en définitive utilisée dans un autre état; - que la machine livrée est conforme aux normes de sécurité européenne et n'était donc affectée d'aucun défaut; - que M. X... a commis des fautes en procédant à un mauvais réglage et en tentant de retirer par la force le matériel coincé sous la barre de soudure. - que la Cour d'Appel de Rennes est incompétente pour statuer sur l'appel en garantie de la société BONTE FRANCE contre la société GERHARD BUSCH GmbH compte tenu de l'existence d'une clause attributive de juridiction au profit du tribunal de Winsen/Luhe (Allemagne).

La Cour se réfère aux conclusions déposées le 8 octobre 2004 par M. X..., le 11 octobre 2004 par la SA BONTE FRANCE et le 7 octobre 2004 par la Sté GERHARD BUSCH GmbH pour plus ample exposé des prétentions, moyens et arguments des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de M. X... dirigée contre la Sté GERHARD BUSCH GmbH et la SA BONTE FRANCE

* Sur la loi applicable

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention de LA HAYE, la loi applicable à la responsabilité des fabricants pour les dommages causés par un produit est celle de l'Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s'est produit;

Que l'article 7 de cette convention prévoit une dérogation à cette règle si la personne dont la responsabilité est invoquée établit qu'elle ne pouvait raisonnablement prévoir que le produit serait mis en service dans l'Etat considéré;

Considérant que la Sté GERHARD BUSCH GmbH, qui selon l'expert est le leader des banderoleuses d'étiquettes et en a fabriqué 3000 depuis

1963, ne peut valablement soutenir qu'elle ne pouvait "raisonnablement" prévoir que son produit serait mis en service en France;

Que les instructions de service sont d'ailleurs établies en langue française et que la Sté GERHARD BUSCH GmbH a dépêché lors de la livraison à l'imprimerie BRETECHER un technicien pour effectuer la mise en service de la machine;

Que la loi française est applicable entre M. X... et la Sté GERHARD BUSCH GmbH.

* Sur les responsabilités

Considérant que le fabricant est tenu de livrer un produit exempt de tout défaut de nature à causer un danger pour les personnes ou pour les biens, c'est à dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre;

Que le vendeur est tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou pour les biens , et qu'il en est responsable tant à l'égard des tiers qu'à l'égard de ses acquéreurs;

Considérant que si il y a un défaut sur un produit, la victime tiers au contrat peut demander réparation in solidum au fabricant et au vendeur;

Considérant que l'expert conclut qu'il y avait une lacune dans les dispositifs de sécurité, laquelle n'était aucunement signalée et que le fait qu'il y ait une grande sécurité apparente (et pour le reste réelle) constituait un piège pour l'utilisateur;

Que M. X..., en relevant le capot de la machine pour ajuster les étiquettes ne pouvait prévoir que la barre de soudure descendrait brutalement, alors que sur l'écran s'était affichée la mention "Arrêt machine par capot";

Que d'ailleurs pour éviter le renouvellement de l'accident, la

société GERHARD BUSCH GmbH a ajouté une temporisation de descente de la barre de soudure dans le programme et une électro- vanne supplémentaire;

Que dans les instructions il est mentionné 'Ouverture du Capot-Arrêt immédiat de tous les mouvements" (avec affichage"Arrêt Machine par capot");

Considérant que l'expert précise que si M. X... a, probablement, effectué une erreur de réglage, cette erreur était raisonnablement prévisible et qu'en ouvrant, dans le but de remettre manuellement en ordre les piles d'étiquettes, il n'avait pas à craindre de mouvement intempestif;

Qu'aucune faute ne saurait être reprochée à la victime;

Qu'il importe peu en l'espèce que la machine fabriquée par la Sté GERHARD BUSCH GmbH et vendue par la Sté BONTE FRANCE soit conforme aux normes de sécurité dans la mesure où il n'est pas sérieusement contestable qu'elle était atteinte d'un défaut de nature à créer un danger pour les personnes;

Qu'il convient de condamner la Sté BONTE FRANCE et la Sté GERHARD BUSCH GmbH à verser une provision de 4 500 euros ;

Sur l'appel en garantie dirigé par la Sté BONTE FRANCE contre la Sté GERHARD BUSCH GmbH

Considérant que la Sté GERHARD BUSCH GmbH se prévaut d'une clause attributive de juridiction en faveur des Tribunaux de WINSEN en Allemagne, cette clause figurant aux conditions générales de vente qui seraient opposables à la Sté BONTE FRANCE dans la mesure où cette dernière tient ses droits de la Sté SCHNEIDER SENATOR qui a acheté la machine litigieuse et qui avait connaissance de cette clause à laquelle elle ne s'était pas opposée;

Considérant qu'aux termes de l'article 74 du Nouveau Code de Procédure Civile , les exceptions doivent , à peine d'irrecevabilité,

être soulevées immédiatement et avant toute défense au fond;

Considérant que la Sté BONTE FRANCE a formulé sa demande en garantie contre la Sté GERHARD BUSCH GmbH pour la première fois en appel par conclusions du 5 octobre 2004;

Que la Sté GERHARD BUSCH GmbH a répondu à cette demande en soulevant l'incompétence du Tribunal Français par conclusions du 7 octobre 2004 et donc avant toute défense au fonds, les premières conclusions du 9 février 2004 n'étant dirigée que contre la demande formulée par M. X...;

Considérant que l'exception d'incompétence est recevable;

Considérant qu'il existe une contestation sérieuse quant à la compétence des Tribunaux Français pour statuer sur l'appel en garantie formée par la SA BONTE FRANCE à la Sté GERHARD BUSCH GmbH qu'il appartiendra au Juge du fond de trancher;

Considérant que l'équité commande de condamner la Sté BONTE FRANCE et la Sté GERHARD BUSCH GmbH à verser à M. X... la somme de 1 500 ä pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme la décision déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise médicale.

- La réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

- Condamne in solidum la Sté BONTE FRANCE et la Sté GERHARD BUSCH GmbH à payer à Monsieur X... une provision de QUATRE MILLE CINQ CENTS EUROS (4 500 euros ) outre la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros ) pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

- Constate qu'il existe une contestation sérieuse sur la compétence du Tribunal Français pour statuer sur l'appel en garantie présentée par la Sté BONTE FRANCE contre la Société GERHARD BUSCH GmbH.

- Déboute la Sté BONTE FRANCE de cette demande.

- Condamne la Société BONTE FRANCE et la Société GERHARD BUSCH GmbH aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile .

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944925
Date de la décision : 24/11/2004

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de La Haye du 2 octobre 1973 - Responsabilité des fabricants du fait des produits - Article 1er - Loi applicable - Domaine d'application.

Il résulte de l'article 4 et 7 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 que la loi applicable à la responsabilité des fabricants pour les dommages causés par un produit est celle de l'Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s'est produit à moins que la personne dont la responsabilité est invoquée établisse qu'elle ne pouvait raisonnablement prévoir que le produit serait mis en service dans l'Etat considéré. Ainsi, la loi française est applicable au litige intervenu en France relatif à l'utilisation d'une banderoleuse dès lors que le fabricant allemand, leader des banderoleuses d'étiquettes dont les instructions de services étaient établies en langue française et dépêchant lors de la livraison à l'acquéreur un technicien pour effectuer la mise en service de la machine, pouvait raisonnablement prévoir que son produit serait mis en service en France

VENTE - Vendeur - Obligations - Obligation de sécurité - Etendue - Produit dangereux pour les personnes ou les biens - Responsabilité à l'égard des victimes immédiates et des victimes par ricochet - /.

Dès lors que le fabricant et le vendeur sont tenus de livrer des produits exempts de tout défaut de nature à causer un danger pour les personnes ou pour les biens, il convient de condamner le fabricant et le vendeur d'une banderoleuse au versement d'une provision au salarié accidenté par l'utilisation de cette machine dans la mesure où une lacune dans les dispositifs de sécurité nullement signalée constitue un défaut permettant à la victime de demander réparation in solidum au fabricant et au vendeur malgré l'erreur prévisible de réglage probablement commise par la victime non constitutive d'une faute. La conformité du produit aux normes de sécurité n'exclut pas la réparation dès lors qu'il n'est pas sérieusement contestable qu'il était atteint d'un défaut de nature à créer un danger pour les personnes


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2004-11-24;juritext000006944925 ?
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