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21/10/2004 | FRANCE | N°03/2062

France | France, Cour d'appel de Rennes, 21 octobre 2004, 03/2062


ARRET N° 433 du 21/10/04 - RG 03/2062 Quatrième Chambre SARL MAITRALAIN GOUAULT c/ EARL LE MIROIR-COOPERL HUNAUDAYE-SARL ELUS FORMATIONS-SA MAAF ASSURANCES

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L'EARL Le MIROIR, entreprise agricole d'engraissage de porcs propriétaire de trois bâtiments, et adhérente de la COOPERL HUNAUDAYE, a projeté avec celle ci la rénovation de ses installations par création, notamment, de pré-fosses. La COOPERL a été chargée d'une mission de conception zootechnique et d'une mission administrative, concernant le dépôt du permis de construire e

t celui du dossier de subventionnement. Les travaux ont débutés en novembr...

ARRET N° 433 du 21/10/04 - RG 03/2062 Quatrième Chambre SARL MAITRALAIN GOUAULT c/ EARL LE MIROIR-COOPERL HUNAUDAYE-SARL ELUS FORMATIONS-SA MAAF ASSURANCES

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L'EARL Le MIROIR, entreprise agricole d'engraissage de porcs propriétaire de trois bâtiments, et adhérente de la COOPERL HUNAUDAYE, a projeté avec celle ci la rénovation de ses installations par création, notamment, de pré-fosses. La COOPERL a été chargée d'une mission de conception zootechnique et d'une mission administrative, concernant le dépôt du permis de construire et celui du dossier de subventionnement. Les travaux ont débutés en novembre 1998 et ont été confiés à diverses entreprises, dont la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT, chargée du gros ouvre. Celle ci a décaissé les bâtiments 1 et 2 pour la création des pré-fosses. La S.A.R.L. ELUS FORMATION, exerçant sous la dénomination GUINGAMP COORDINATION, s'est trouvée chargée de la coordination Sécurité Santé. Dans la nuit du 12 au 13 décembre 1998, à la suite d'un fort coup de vent, la superstructure du bâtiment 1 s'est effondrée. La S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT a déclaré le sinistre à son assureur la MAAF. Le 26 décembre suivant, à la suite d'un autre coup de vent, la superstructure du bâtiment 3 s'est à son tour effondrée. La MAAF a refusé de garantir ce second sinistre, estimant que celui ci ne revêtait pas la notion d'aléa, pour être une simple répétition du premier. Sur demande de l'EARL, M X... a été désigné comme expert judiciaire par ordonnance de référé du 14 avril 1999, et a déposé son rapport le 30 octobre 1999. Par ordonnance de référé du 2 février 2000, le président du tribunal de grande instance de Dinan, statuant en référé, a provisoirement condamné la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à, payer à l' E.A.RL. élevage le Miroir la somme de 265 000 francs,

autorisé cette E.A.R.L. à faire exécuter les travaux de reprise, condamné la M.A.A.F. à garantir à titre provisionnel la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à hauteur de 139 237 francs, outre condamnation à des frais de procédure alloués à l' E.A.RL. élevage le Miroir, Elus formation et la Cooperl- Hunaudaye. Par actes du 23 octobre 2000, l'EARL LE MIROIR a assigné la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT et son assureur la MAAF devant le tribunal de grande instance de DINAN afin de leur demander paiement de ses préjudices matériel et d'exploitation. La MAAF a appelé en garantie la COOPERL et GUINGAMP COORDINANTION. Par jugement du 18 février 2003, le tribunal a rendu le dispositif suivant

: - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à verser à l'E.A.R.L. Elevage du MIROIR la somme de 86.513,02 Euros, - condamne la M.A.A.F. à garantir la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à hauteur de 44 245,57 euros - rejette les autres demandes au fond, - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à verser à l' E.A.R.L. Elevage le Miroir la somme de 1.200 euros à titre de frais de procédure en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à verser à la Cooperl Hunaudaye la somme de 1.200 euros à titre de frais de procédure en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à verser au bureau d'études Elus Formation (Guingamp Coordination) la somme de 1.200 euros à titre de frais de procédure en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire. dont distraction au profit de Maître Durand, avocat à Dinard La S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT a interjeté appel principal de cette décision, les autres parties formant appel incident. Pour un plus ample exposé des

faits, de la procédure, et celui des moyens et prétentions des parties en cause d'appel, il sera fait référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées le 5 novembre 2003 par la S.A.R.L. ELUS FORMATION (GUINGAMP COORDINATION), le 12 décembre 2003 par la COOPERL HUNAUDAYE, le 7 juin 2004 par la Compagnie MAAF, le 3 juillet 2004 par l'E.A.R.L. LE MIROIR et le 31 août 2004 par la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT. L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 août 2004. MOTIFS L'expert M X... a conclu, sans que son rapport soit contesté au plan technique, que les deux sinistres étaient dus à un défaut de contreventement des bâtiments au cours des travaux, alors que leur structure avait été affaiblie par le déchaussement de poteaux porteurs à l'occasion du creusement des pré-fosses. Il relève que les deux coups de vents à l'origine des effondrements n'étaient nullement imprévisibles en Bretagne, à cette époque de l'année, étant en outre de force moyenne. Il conclut à la responsabilité de l'entreprise MAITRALAIN-GOUAULT pour 80 % et de GUINGAMP COORDINATION pour 20 %. La COOPERL a monté le dossier administratif de l'affaire (Permis de construire et demandes de subventions), et a réalisé les plans de principe de la construction. Elle a été également présente de temps à autres sur le chantier pour vérifier le bon suivi de ces plans. Néanmoins, elle n'a nullement été chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète. En particulier, le maître d'ouvrage ne l'a jamais chargée d'aucune mission de contrôle des travaux en cours. Il ne peut être mis aucune conséquence du sinistre sur la société SOCOBATI, présentée comme filiale de la coopérative chargée des travaux de charpente, dès lors que celle ci n'est pas à la cause et alors qu'il ressort de l'expertise que les deux sinistres sont dus, non à des travaux de charpente, mais à l'absence de contreventements par l'entreprise MAITRALAIN. Les deux sinistres sont dus à une défaillance de l'entreprise dans les mesures

provisoires qu'elle avait à mettre en oeuvre, en cours de chantier, pour pallier l'affaiblissement des constructions pendant le creusement des pré-fosses, et n'ont donc strictement rien à voir avec les plans de principe établis par la coopérative. Celle ci a donc été justement mise hors de cause par les premiers juges. L'expert X... propose de retenir à sa charge une part de responsabilité de 20 % pour n'avoir pas mis en garde l'entreprise contre le défaut de ses travaux. GUINGAMP COORDINATION a été chargée de la coordination santé sécurité chantier dans le cadre de l'article L 236-5 du Code du travail. Une telle mission vise les dispositions à prendre sur un chantier pour éliminer les risques inhérents à la présence simultanée de plusieurs entreprises avec des travaux propres. Il n'est pas ici question de l'application de l'article 1792-1 du Code civil, les sinistres étant intervenus en cours de chantier, avant réception. Cependant, en ne signalant pas à l'entreprise le danger lié au risque d'effondrement des murs, qui aurait pu atteindre les salariés travaillant sur le site, le coordinateur a commis une faute justifiant que sa responsabilité soit retenue dans la proportion proposée par l'expert, soit 20 %. Le jugement sera donc réformé en ce qu'il écarté la responsabilité de GUINGAMP COORDINATION. L'expert a évalué le préjudice matériel du maître d'ouvrage à la somme de 40.399,02 Euros. Cette somme n'est pas sérieusement contestée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a retenue. L'EARL LE MIROIR a pour objet l'engraissage de porcs, qu'elle reçoit à demeure avant de les restituer aux producteurs directs. Elle fait valoir qu'elle n'a pu mettre en exploitation ses trois bâtiments que le 15 septembre 2000, soit un retard de 19 mois. Se faisant une référence de son exploitation depuis, elle fait valoir une perte d'exploitation de 33.222,10 Euros par an soit 52.601,65 Euros sur 19 mois. L'expert X..., pour sa part (page 14 du rapport), avait évalué ce préjudice

(y compris les frais d'intérêts sur emprunt relais) à

: 91.420 F au 1er janvier 2000 pour le premier sinistre, 82. 572 F à la même date pour le second sinistre, augmenté ensuite de 15.607 F (7675 + 7932) par mois. Soit au total, au 15 septembre 2000

: 91.420 + 82.572 + ( 8,5 x 15.607 = 132.659,50 F ) = 306.651,50 F, soit 46.748,72 Euros. L'EARL remarque que les chiffres de l'expert sont fondés sur un contrat type, alors que sa marge d'exploitation s'est avérée supérieure grâce à la négociation de contrats avantageux après septembre 2000. Néanmoins, il n'est pas fait preuve de la possibilité de tels contrats avant cette date, alors que leur négociation était aléatoire et que les chiffres de l'expert se fondent sur la moyenne de la profession. La SARL MAITRALAIN-GOUAULT pour sa part fait valoir que le cours du porc est variable et a baissé sur la période. Néanmoins, LE MIROIR fait justement remarquer que son activité d'engraissage consistant en une prestation de service, et non en un élevage destiné à la vente, reste peu sensible aux aléas de la commercialisation. Le chiffre de 46.748,72 Euros sera donc retenu. Soit un total à charge de Maitralain de 40.399,02 + 46.748,72 =

87.147,74 Euros. Il n'est pas opportun d'appliquer ici l'article 1153 du Code civil, de sorte que cette condamnation ne portera intérêts que dans les termes du droit commun ( à compter de la décision la prononçant). La MAAF, assureur de la SARL MAITRALAIN-GOUAULT, reconnaît sa garantie pour le premier sinistre. Elle refuse en revanche celle ci pour le second, estimant qu'il n'existait plus d'aléa pour ce dernier, survenu dans les mêmes circonstances que le premier, et pour les mêmes causes. Les premiers juges l'ont suivie en estimant que l'entreprise avait volontairement poursuivi ses travaux sans modification, sans prendre aucune mesure de contreventement, alors que le premier effondrement devait lui faire prendre conscience de la faiblesse des bâtiments. Ils ont ajouté avec l'expert que lesecond coup de vent ne révélait aucun caractère d'imprévisibilité en Bretagne en cette période de l'année. Néanmoins, la notion d'absence d'aléa doit être distinguée de celle de faute lourde. En l'espèce, la société MAITRALAIN-GOUAULT a notifié le premier sinistre à son assureur la MAAF, qui n a délégué aucun expert, qui ait pu exposer les raisons de l'effondrement. Il appert par ailleurs que les travaux sur le bâtiment 3 étaient alors terminés. Le second coup de vent du 26 décembre, pour avoir été prévisible en cette période de l'année, n'en était pas pour autant inéluctable. En l'absence de venue d'un expert missionné par sa compagnie d'assurance, l'entreprise, en laissant les travaux en l'état, a certes commis une faute. Néanmoins, la survenance du second sinistre, pour avoir été semblable à celle du premier, n'en était pas moins aléatoire, dépendant tant des travaux faits, de leur orientation que de la force du vent et de son secteur. Le jugement sera donc réformé et la MAAF condamnée à garantir les conséquences des deux sinistres. Elle sera donc condamnée envers l'EARL LE MIROIR en même temps que son assurée. Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Il sera alloué la somme de 1.000 Euros à l'EARL Le MIROIR, à charge in solidum de la société MAITRALAIN-GOUAULT, de la MAAF, et de la SARL Elus formation (Guingamp Coordination) pour ses frais en cause d'appel, de même que la somme de 500 Euros à la Cooperl HUNAUGHAYE. PAR CES MOTIFS La Cour,

Reçoit l'appel, Réformant le jugement rendu le 18 février 2003 par le tribunal de grande instance de DINAN, - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT, la MAAF et la S.A.R.L. ELUS FORMATION (Guingamp Coordination) à verser en deniers et quittances à l'E.A.R.L. Elevage du MIROIR la somme de QUATRE VINGT SEPT MILLE CENT QUARANTE SEPT EUROS et 74 centimes ( 87.147,74 euros), - condamne in solidum la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT, la MAAF et la S.A.R.L. ELUS FORMATION

(Guingamp Coordination) à verser à l' E.A.R.L. Elevage le Miroir la somme de DEUX MILLE DEUX CENTS (2.200 euros) à titre de frais de procédure en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour ses frais tant en première instance qu'en cause d'appel, - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT à verser à la Cooperl Hunaudaye la somme de MILLE SEPT CENTS EUROS (1.700 euros) à titre de frais de procédure en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour ses frais tant en première instance qu'en cause d'appel,, - condamne la S.A.R.L. MAITRALAIN-GOUAULT, la MAAF et la S.A.R.L. ELUS FORMATION (Guingamp Coordination) aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de référé, ceux de l'expertise judiciaire, et qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code civil, - Dit qu'en leurs rapports entre eux, la société MAITRALAIN GOUAULT et la MAAF d'une part, la SARL ELUS FORMATION (Guingamp Coordination) d'autre part, se répartiront la charge des condamnations en principal, frais irrépétibles et dépens à raison de 80 % pour les premières et 20 % pour la seconde.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 03/2062
Date de la décision : 21/10/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-10-21;03.2062 ?
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