Quatrième Chambre ARRÊT N° R.G : 02/06039 Mme Christine X... épouse Y... M. Bernard Y... Z.../ S.C.C.V. LE BRITANNIA Confirmation RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 24 JUIN 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
: Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, Monsieur Philippe SEGARD, Conseiller, Madame Véronique JEANNESSON, Conseiller, GREFFIER : Madame Agnès A..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 06 Mai 2004 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 24 Juin 2004, date indiquée à l'issue des débats.
APPELANTS : Madame Christine X... épouse Y... 9 boulevard du Château 92200 NEUILLY SUR SEINE représentée par la SCP Y. CHAUDET - J. BREBION - JD. CHAUDET, avoués assistée de Me Sylvie FORME, avocat Monsieur Bernard Y... 9 boulevard du Château 92200 NEUILLY SUR SEINE représenté par la SCP Y. CHAUDET - J. BREBION - JD. CHAUDET, avoués assisté de Me Sylvie FORME, avocat INTIMÉE : S.C.C.V. LE BRITANNIA 4 rue d'Armonique 29233 CLEDER représentée par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE etamp; LE CALLONNEC, avoués
assistée de Me B... DES OUCHES, avocat I - Exposé préalable :
En dates des 12 et 17 avril 1997, la Fédération des Oeuvres La'ques du Pas de Calais signait avec Monsieur Marcel C... un compromis de vente sous conditions suspensives et avec faculté de substitution portant sur un immeuble sis à Saint Cast, 7 boulevard de la Garde.
Le projet était de rénover l'immeuble et, dès l'été 1997, Monsieur Marcel C..., par ailleurs gérant d'une agence immobilière A.I.S. à Saint Cast, a offert à la vente des appartements en état futur d'achèvement.
Pour le moins une réservation a été faite le 16 août 1997, et un financement par un crédit d'accompagnement de 2.500.000 francs a été obtenu de la B.C.M.E. le 28 juin 1998.
Le 24 juillet 1998, Monsieur Marcel C... et Monsieur D... du Rusquec ont créé une société civile de construction vente, la SCCV Le Britannia, avec pour objet ladite opération de rénovation immobilière.
Après un contact pendant les congés d'août, l'agence A.I.S., sous la signature de Monsieur C... a adressé aux époux Y... un formulaire de contrat de réservation à l'entête de la SCI Le Britannia.
Ales époux Y..., par ailleurs propriétaires d'un autre bien à Saint Cast, ont, le 29 septembre 1998, adressé à l'agence A.I.S. un mandat de vendre leur appartement dans la résidence "Le Panorama" et, ont courant octobre retourné un contrat de réservation entièrement redactylographié, daté du 9 octobre 1998.
Ce document, prévoyant un prix de 3.019.500 francs TTC pour deux appartements, ajoutait diverses précisions ou modifiait le formulaire, notamment en remplaçant "au cours du 2ème trimestre 1999" par "le 20 juin 1999 au plus tard" pour la date d'achèvement, supprimant la mention des intempéries et celle relative aux
inconvénients dus à la finition du chantier pour les remplacer par une astreinte de 1.000 francs par jour de retard à compter du 30 juin 1999 et réduisant à 2,5% le dépôt de garantie.
Ce contrat de réservation a été ainsi accepté par la SCCV Le Britannia pour avoir été signé par son gérant.
L'acte authentique de vente de l'immeuble a été signé le 18 janvier 1999 par la SCCV Le Britannia et la Fédération des Oeuvres La'ques du Pas de Calais et les travaux de réhabilitation n'ont été entrepris qu'en avril 1999.
Dans le délai de 12 mois prévu à la réservation, le 28 mai 1999, Me Blanchard-Le Rolle, notaire à Fréhel, a adressé aux époux Y... un projet d'acte de vente en état futur d'achèvement accompagné de divers documents et réclamant copie de l'offre de prêt concernant le financement partiel de l'acquisition.
Le projet d'acte précisait "...la présente vente est consentie et acceptée sous la condition suspensive que dans un délai de 6 mois à compter du 18 janvier 1999, date de l'acquisition sus-énoncée, date à laquelle étaient déjà achevées les fondations de l'immeuble dans lequel sont situés les biens sus-désignés, la société venderesse justifie qu'elle ait satisfait aux conditions définies par l'article R261-18 b précité".
Le 9 juillet 1999, les époux Y..., au motif que les travaux avaient commencé avec retard, notifiaient par lettre recommandée à la SCCV Le Britannia leur renonciation à la réservation et réclamaient restitution du dépôt de garantie, soit 75.487 francs (11.507,92 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 1998.
La SCCV s'y refusant, elle a été assignée par acte du 10 décembre 1999 et, par jugement du 3 septembre 2002, le Tribunal de Grande Instance de Dinan a : -Débouté Monsieur et Madame Y... de leur demande de restitution de dépôt de garantie et de leurs demandes
annexes ; -Dit que la somme de 11.507,92 euros reste acquise à la SCCV Le Britannia ; -Dit que cette somme lui sera remise par la B.C.M.E., dépositaire ; -Condamné Monsieur et Madame Y... à payer à la SCCV Le Britannia la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ; -Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; -Condamné Monsieur et Madame Y... à payer à la SCCV Le Britannia la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile -Condamné Monsieur et Madame Y... aux dépens.
Madame Christine E... épouse Y... et Monsieur Bernard Y... ont déclaré appel de ce jugement le 20 septembre 2002.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées : - le 27 avril 2004 pour Madame Christine E... épouse Y... et Monsieur Bernard Y... ; - le 30 avril 2004 pour la SCCV Le Britannia.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2004.
*** II - Motifs : 1° Sur la date de livraison :
Le projet de contrat de réservation, tout comme le contrat lui-même, indique que le réservant "s'est rendu propriétaire des biens ci-après désignés" et cette formulation n'implique pas qu'un acte authentique ait alors titré la SCCV Le Britannia qui était acquéreur de l'immeuble selon compromis dont les conditions suspensives avaient été levées donc à raison d'une vente devenue parfaite qui n'a d'ailleurs pas posé de problème lors de la réitération ultérieure par acte authentique.
Le contrat de réservation, bien que modifié par rapport au projet
adressé aux clients a été accepté par le représentant de la SCCV et s'impose donc aux parties.
Si la date de livraison avait été impérative, le client, qui a réécrit le contrat, pouvait insérer une condition suspensive de ce chef. Or, ce praticien du droit avocat de profession, n'a indiqué qu'une date et des pénalités pour jours de retard avec dix jours de grâce et un montant classique par rapport au prix. La date du 20 juin 1999 n'était donc pas une condition substantielle.
Il doit être apprécié si le retard dans l'exécution de l'obligation est d'une telle gravité que la résolution doit être prononcée. Or, au 9 juillet 1999, il y avait 9 jours de retard, soit une pénalité de 9.000 francs (1.372,04 euros) alors que les travaux de rénovation étaient en cours et il n'y avait aucune raison de mettre fin aux relations contractuelles pour ce motif.
En effet, selon planning provisoire, les travaux de démolition devaient avoir lieu en février 1999, le gros oeuvre des appartements 3,6 et 7 était prévu en mars et avril, la charpente et les étanchéités en mai, le chauffage, l'électricité et la plomberie en juin et les peintures en juillet 1999.
Si le chantier n'a effectivement débuté qu'au printemps 1999, il est justifié par document BCME qu'outre des honoraires d'architecte ou de bureau d'études et frais divers, des situations SARL Lainé relatives au gros-oeuvre ont été payées le 19 mars 1999 pour 84.039,02 francs et le 4 juin 1999 pour 165.910,27 francs ainsi que des situations Ets Peroquin pour des menuiseries le 7 juin 1999 pour 79.080,80 francs, le 1er juillet 1999 pour 116.690,65 francs et le 3 août 12999 pour 143.571,61 francs.
Le 1er juillet 1999, l'entreprise Lainé était payée d'une troisième situation concernant des enduits pour 184.500,37 francs alors qu'une situation d'installation électrique a été payée le 30 juin 1999 pour
66.330 francs et une situation pour de la plomberie le 3 août 1999 pour 80.000 francs.
Le fait qu'au 30 juin 1999 seulement 1/5 du coût des travaux ait été payé n'est pas déterminant puisque dans une opération de rénovation, certains locaux peuvent être traité par priorité par rapport à d'autres.
*** 2° Sur la garantie d'achèvement :
Le point de départ du délai de 6 mois prévu par le dernier alinéa de l'article R261-18 du Code de la Construction peut être, dans le cas de la rénovation d'un existant dont les fondations sont de fait achevées, la date d'ouverture du chantier si celle-ci n'est pas retardée inconsidérément.
Ce ne peut en aucun cas être la date de la réservation d'un appartement et d'ailleurs en l'espèce, la première réservation (Minier) étant datée du 16 août 1997, la garantie aurait été exigible au 16 février 1998, soit 7 mois avant la réservation Y...
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu, tout comme le notaire rédacteur du projet d'acte, considérant que c'était à cette date que la SCCV avait possession effective des lieux donc possibilité d'engager les travaux, la date de l'acte authentique de vente par la Fédération des Oeuvres La'ques du Pas de Calais, soit le 18 janvier 1999.
Il était donc logique que la condition suspensive prévue dans l'intérêt des acquéreurs indique que la SCCV devait justifier de cette garantie intrinsèque dans le délai de six mois, soit avant le
18 juillet 1999. ***
Selon attestation notariée, les appartements ont été vendus : -le 15 juillet 1999 pour 1.825.000 francs, -les 16 et 17 juillet 1999 pour 1.000.000 francs, -les 16 et 17 juillet 1999 pour 2.400.000 francs, puis, -le 13 et 24 avril 2001 pour 1.750.000 francs, -le 20 juin 2001 pour 237.058,22 euros (1.555.000 francs), -le 16 juillet 2001 pour 102.903,09 euros (675.000 francs), -le 2 novembre 2001 pour 106.714,31 euros (700.000 francs).
Il est allégué de ce que deux de ces ventes seraient fictives ou de complaisance, le lot de 2.400.000 francs ayant été vendu à Monsieur D... de L'Etang du Rusquec, détenteur de 50% des parts de la SCCV Le Britannia et le lot de 1.000.000 francs ayant été vendu à M. B... des Ouches, beau-frère du premier et conseil de la SCCV.
Sur ce point, la Cour adopte expressément les motifs exacts en fait et en droit du premier juge et répondant en tous points aux conclusions des parties, étant de plus observé que ces ventes ont été régulièrement enregistrées à la Conservation des Hypothèques et que les acquéreurs étaient toujours propriétaires de ces appartements en 2001.
L'attestation notariée tenant compte des fonds propres pour 400.000 francs, du crédit BCME de 2.500.000 francs et des ventes de juillet 1999 pour un total de 5.225.000 francs correspondait donc à la réalité et il est constant qu'au 18 juillet 1999 la SCCV Le Britannia disposait de la garantie financière requise et aurait pu, si les époux Y... n'avaient pas notifié antérieurement la fin des relations contractuelles, leur en justifier régulièrement en temps utile.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté que le contrat de vente n'ayant pas été conclu du fait des acquéreurs et les conditions de l'article R 261-31 du Code de la Construction et de
l'Habitation n'étant pas réunies, Monsieur et Madame Y... devaient être déboutés de leur demande concernant la restitution du dépôt de garantie, la somme déposé sur un compte BCME étant acquise à la SCCV Le Britannia.[* 3° Sur la demande 3° Sur la demande reconventionnelle de la SCCV :
Les époux Y... n'ont pas imposé à la SCCV Le Britannia la pénalité de 1.000 francs par jour de retard, celle-ci ayant été acceptée en connaissance de cause. Par ailleurs, au risque de perdre le dépôt de garantie, les clients étaient libres de réserver un ou plusieurs appartements, étant observé qu'il n'est pas établi qu'ils aient eu en octobre 1998 conscience d'une difficulté pour financer cette acquisition, compte tenu de la mise en vente de l'autre bien leur appartenant.
Par contre, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que par la suite les réservataires ne se sont pas souciés de rechercher le financement qui devenait nécessaire, leur appartement ne se vendant pas rapidement, et ont de ce fait causé à la SCCV un préjudice en renonçant à leur réservation. Par ailleurs, la SCCV Le Britannia, qui justifie avoir commercialisé son programme pour une bonne part en fonction de l'achèvement des travaux de rénovation, n'apporte pas de précision sur l'existence d'autres amateurs lors de la période en cause. Le préjudice subi est donc limité, même s'il ne peut être qualifié de principe.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné les époux Y... à payer à la SCCV le Britannia le somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts. *]
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCCV Le Britannia la totalité des frais irrépétibles engagés à l'occasion de cet appel et, outre la somme de 1.500 euros allouée par le premier juge, les époux Y... seront condamnés à lui payer de ce chef la somme de 1.500 euros.
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Par ces motifs, La Cour :
- Reçoit l'appel, régulier en la forme ;
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- Y ajoutant, condamne Monsieur Bernard Y... et Madame Christine X... épouse Y... à payer à la SCCV Le Britannia la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamne Monsieur Bernard Y... et Madame Christine X... épouse Y... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier,
Le Président,