La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2004 | FRANCE | N°02/04301

France | France, Cour d'appel de Rennes, 28 avril 2004, 02/04301


Septième Chambre ARRÊT N° R.G : 02/04301 Me Paul-Henri X... C/ Compagnie d'assuranc AXA FRANCE IARD ANCIENNEMENT AXA ASSURANCES IARD SARL TNT (TRANS NEGOCE TREGOROIS) Réformation partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 AVRIL 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER : Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 01 Mars 2004 devant Madame

Marie-Gabrielle LAURENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audien...

Septième Chambre ARRÊT N° R.G : 02/04301 Me Paul-Henri X... C/ Compagnie d'assuranc AXA FRANCE IARD ANCIENNEMENT AXA ASSURANCES IARD SARL TNT (TRANS NEGOCE TREGOROIS) Réformation partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 AVRIL 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER : Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 01 Mars 2004 devant Madame Marie-Gabrielle LAURENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, à l'audience publique du 28 Avril 2004, date indiquée à l'issue des débats.

APPELANT : Maître Paul-Henri X... es qualité de liquidateur judiciaire de la société LEDT 37 place des Otages 29600 MORLAIX représenté par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE etamp; LE CALLONNEC, avoués assisté de Me Jacques GOAOC, avocat INTIMÉES : Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD S.A. anciennement AXA ASSURANCES IARD prise en la personne de ses représentants légaux

domiciliés en cette qualité audit siège 370 rue Saint Honoré 75001 PARIS représentée par Me Yvonnick GAUTIER, avoué assistée de Me HUC HERVOUET GAUTIER SEZE, avocat

SARL TNT (TRANS NEGOCE TREGOROIS) ASSIGNE EN APPEL PROVOQUE, n'ayant pas constitué avoué Goasquéo 29650 GUERLESQUIN défaillante

La société Logistique Européenne de Distribution et de Transports (LEDT) a souscrit à effet du 1er octobre 1989 auprès de la cie Axa Assurances un contrat assurant la responsabilité civile contractuelle des professionnels du transport dont la cotisation est calculée au taux de 0,40% du chiffre d'affaires hors taxe.

Les conditions générales précisent que l'assuré s'engage à tenir un registre sur lequel seront inscrits les éléments servant de base aux déclarations ; à fournir à l'assureur, dans les deux mois qui suivent chaque échéance, un relevé des éléments devant servir de base au calcul de la prime définitive ; à laisser en tout temps l'assureur procéder à la vérification des éléments variables déclarés.

Reprenant l'article L 113-10 du code des assurances les conditions générales disposent qu'en cas d'erreur ou d'omission dans les déclarations, l'assuré devra payer, outre le montant de la prime, une indemnité égale à 50% de la prime omise. Lorsque ces erreurs ou omissions auront, par leur nature, leur importance ou leur répétition, un caractère frauduleux, l'assureur pourra répéter les indemnités payées et ce, indépendamment de l'indemnité prévue ci-dessus.

Les 28 mars et 6 juin 1992 les cargaisons de viande que transportait LEDT de Guingamp à Bari en Italie ont été volées au cours d'attaques

à main armée. Le destinataire, la société Siciliani a saisi le tribunal de Bari pour obtenir condamnation de la société LEDT à lui rembourser son préjudice. C'est dans ces conditions que LEDT a attrait la cie Axa devant le tribunal de commerce de Morlaix pour obtenir sa garantie. La société Siciliani est intervenue volontairement aux débats.

Par jugement du 2 novembre 1994 le tribunal de commerce a débouté la société italienne de son action contre le transporteur et a ordonné une expertise dans les relations entre Axa et son assuré puisque l'assureur soulevait que LEDT avait minoré son chiffre d'affaires.

En cours de procédure l'expert a demandé la mise en cause de la société Trans Négoce Trégorois (TNT) puisque LEDT soutenait que la minoration de son chiffre d'affaires tenait à la sous-traitance avec cette entreprise également assurée par un contrat de même nature près d'Axa et dont les dirigeants étaient les mêmes que ceux de LEDT.

Par jugement du 22 mai 1996 le tribunal de commerce a étendu les opérations d'expertise à TNT. L'appel formé contre cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt du 5 mars 1997.

Par jugement du 22 mai 2002 le tribunal de commerce de Morlaix a :

Dit prescrite sur le fondement de l'article L 114-1 du code des assurances la demande formée le 30 octobre 1995 contre TNT alors que les relations d'assurance avaient cessé à compter du 31 décembre 1992.

Fixé la créance de la société Axa Assurances IARD au passif

chirographaire de la liquidation judiciaire de LEDT à la somme de 187

708 euros.

M. X..., liquidateur de la liquidation judiciaire de la société LEDT, a fait appel de ce jugement. Il fait valoir que l'action, qui dérive du contrat d'assurance, est prescrite ; que l'expertise n'a pas révélé la fausse déclaration du chiffre d'affaires mais a seulement permis d'en établir l'étendue ; que dès les conclusions signifiées le 23 juin 1993 la cie Axa avait connaissance des fausses déclarations ; que la prescription a recommencé à courir après le jugement avant dire droit du 2 novembre 1994 ; que l'instance a été périmée faute de diligences et que l'action en paiement introduite les 18 et 25 octobre 1999 est prescrite. Il conclut donc à l'infirmation.

Subsidiairement il soutient que l'expertise ne lui est pas opposable ; au fond il rappelle notamment que l'omission de chiffre d'affaires en 1992 ne peut être reprochée alors que les parties étaient en litige, que LEDT demandait paiement de sinistres non remboursés et que le réajustement de la prime pouvait être laissé en suspens.

Il soutient qu'il n'y a pas eu fraude de LEDT ce qui exclut la répétition des sinistres.

Axa France IARD anciennement Axa Assurances IARD fait valoir qu'elle a exercé son action par voie d'exception à la demande principale en paiement ce qui exclut qu'on puisse lui opposer la prescription. Elle soutient que, dès lors que LEDT contestait toute minoration, c'est bien l'expertise qui l'a révélée. Elle conclut au rejet des contestations sur le chiffrage et soutient que la fraude est établie.

Estimant que la multiplication des arguments de mauvaise foi est fautive, elle demande condamnation personnelle de M. X... à lui payer 5

000 i à titre de dommages-intérêts.

Sur l'appel provoqué à l'égard de TNT, elle fait valoir que c'est le dépôt du rapport de l'expert qui a révélé la minoration du chiffre d'affaires de TNT. Elle conclut donc à l'infirmation du jugement et demande condamnation de TNT.

La société TNT, régulièrement assignée à personne habilitée n'a pas constitué.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie aux dernières écritures déposées le 27 janvier 2004 par M. X... et le 4 juillet 2003 par la cie Axa.

SUR CE

Considérant que l'article L 113-10 du code des assurances dispose que dans les assurances où la prime est décomptée soit en raison des salaires, soit d'après le nombre des personnes ou des choses faisant l'objet du contrat, il peut être stipulé que, pour toute erreur ou omission dans les déclarations servant de base à la fixation de la prime, l'assuré doit payer, outre le montant de la prime, une indemnité qui ne peut en aucun cas excéder 50% de la prime omise. Il peut être également stipulé que lorsque ces erreurs ou omissions auront, par leur nature, leur importance ou leur répétition, un caractère frauduleux, l'assureur pourra répéter les indemnités payées

et ce, indépendamment de l'indemnité prévue ci-dessus ;

Que ce sont ces dispositions qui ont été adoptées dans les contrats liant Axa à LEDT et TNT, l'assureur s'étant réservé le droit de vérifier en tout temps les éléments variables déclarés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L

114-1 du code des assurances toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que toutefois ce délai ne court, en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;

Sur la demande formée contre LEDT

Considérant que l'assureur a soulevé l'absence de garantie contre LEDT pour fausse déclaration par voie d'exception en défense à la demande en garantie formée contre elle ; que la prescription ne peut donc lui être opposée par application de la règle selon laquelle les exceptions sont perpétuelles ; que par la suite elle a été interrompue par le jugement du 2 novembre 1994, l'assignation du 30 octobre 1995, le jugement statuant à l'égard de TNT et de LEDT le 22 mai 1996, l'arrêt du 5 mars 1997 et les déclarations de créance des 7 juillet 1997 et 16 janvier 1998 dans le cadre du redressement judiciaire de LEDT dont l'effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ;

Que M. X... ne peut donc se prévaloir ni d'une prescription acquise lors des assignations des 18 et 25 octobre 1999 ni d'une péremption d'instance

;

Considérant que l'expertise, qui lui est donc opposable, établit avec précision que LEDT a déclaré un chiffre d'affaires plus élevé de 5

455

932 francs que celui effectivement réalisé pour la période d'octobre 1989 à septembre 1990 ; qu'elle l'a minoré de 8

010

619 francs pour les douze mois suivants et de 43

144

026 francs pour la période d'octobre 1991 à septembre 1992 ; qu'on ne peut considérer que la première déclaration supérieure de 89/90 fonde la déclaration minorée de 90/91 ni que le litige en cours en 92 justifiait que la déclaration reste en suspens alors que LEDT a occulté près de la moitié de son chiffre d'affaires ;

Que l'insuffisance nette de 45

698

713 francs, la répétition des minorations et l'importance de celle concernant l'année 91/92 donne à ces omissions un caractère manifestement frauduleux qui justifie l'application des sanctions contractuellement prévues et conformes à l'article L

113-10 du code des assurances ;

Qu'il y a donc lieu de chiffrer à 182

794,85 francs le montant des primes omises (0,40% du chiffre d'affaires occulté), à 91

397,42 francs le montant de la pénalité de 50% de la prime omise, et à 781

453,17 francs la répétition de sinistres dès lors que ceux de l'exercice 1990 ne peuvent être pris en compte puisqu'il n'y a pas eu insuffisance de déclaration la première année d'assurance, au contraire ; qu'il est donc dû la somme de 1

055

645,44 francs soit 160

932,10 euros ;

Que le jugement sera réformé en ce sens

;

Sur la demande contre M. X...

Considérant que l'échec dans l'usage d'une voie de droit n'est pas en soi révélateur d'une faute

; qu'il n'y a aucun abus dans le fait de soulever une prescription ou une péremption d'instance qui se discutent ; que l'intimé sera débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Sur la demande contre TNT

Considérant que le droit de contrôle que s'est réservé l'assureur est soumis à la prescription biennale de deux ans ; qu'il n'est donc plus en droit de demander le contrôle des éléments servant de base à la déclaration plus de deux ans après la souscription de cette déclaration ;

Que l'assureur qui ne s'est pas donné les moyens de vérifier les éléments servant de base au calcul de la prime définitive due par TNT dans le délai de la prescription biennale n'est pas en droit d'invoquer l'article L

114-1 deuxième alinéa 1° du code des assurances ;

Considérant que l'assureur n'a procédé à aucun contrôle des éléments ; que l'expert n'a demandé la mise en cause de TNT que pour vérifier les dires de LEDT qui prétendait que ses seules omissions de chiffre d'affaires concernaient une somme de 1

500

000 francs, montant de sa sous-traitance à TNT

; qu'Axa l'ayant assignée à cette fin le 30 octobre 1995 en a profité pour demander aussi la vérification de son chiffre d'affaires pour établir l'omission de déclaration ;

Que cependant l'absence totale de diligence de l'assureur dans le contrôle des éléments de la comptabilité de TNT ne lui a pas permis d'en vérifier l'exactitude ; qu'il ne peut aujourd'hui arguer de la découverte postérieure de la fausseté des déclarations révélée par l'expertise pour faire partir le point de départ de la prescription à compter du dépôt du rapport d'expertise

;

Considérant que les relations d'assurance entre Axa et TNT ont cessé au 31 décembre 1992 ; que le 30 octobre 1995, date de l'assignation à TNT, son droit à demander le contrôle de sa comptabilité était prescrit ;

Que c'est donc à raison que le premier juge a constaté la prescription ;

PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire Réformant le jugement, fixe la créance de la cie Axa France IARD au passif chirographaire de la société Logistique Européenne de Distribution et Transport (LEDT) à la somme de 160

932,10 euros. Y... le jugement en ce qu'il a dit prescrite l'action de la cie Axa France IARD à l'encontre de la SARL TNT Trans Négoce Trégorois. L'en déboute. Déboute la cie Axa France IARD de sa demande à l'encontre M. X... Y... les autres dispositions du jugement. Laisse les dépens de l'appel provoqué à la charge de la cie Axa France IARD. Condamne M. X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 02/04301
Date de la décision : 28/04/2004

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Prescription - Prescription biennale - Point de départ.

Aux termes de l'article L. 114-1 du Code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court, en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance. En l'espèce, s'agissant de l'absence de garantie soulevée par voie d'exception en défense par l'assureur contre l'assuré pour fausse déclaration, la prescription ne peut lui être opposée dans la mesure où d'une part, les exceptions sont perpétuelles et où d'autre part, la prescription a été interrompue par l'action en garantie de l'assuré puis par les déclarations de créance dans le cadre d'un redressement judiciaire de l'assuré et ce, jusqu'à la clôture de la procédure collective. S'agissant de l'action exercée contre la société sous-traitante de l'assuré, elle-même assurée, l'assureur n'est plus en droit de demander le contrôle des éléments servant de base à la déclaration de l'assuré plus de deux ans après la souscription de cet- te déclaration dans la mesure où le droit de contrôle qu'il s'est réservé est sou- mis à la prescription biennale.

ASSURANCE (règles générales) - Risque - Déclaration - Erreur ou omission - Article L - du Code des assurances.

En vertu de l'article L. 113-10 du Code des assurances, dans les assurances où la prime est décomptée soit en raison des salaires, soit d'après le nombre des personnes ou des choses faisant l'objet du contrat, il peut être stipulé que, pour toute erreur ou omission dans les déclarations servant de base à la fixation de la prime, l'assuré doit payer, outre le montant de la prime, une indemnité qui ne peut en aucun cas excéder 50% de la prime omise. Il peut être également stipulé que lorsque les erreurs ou omissions auront, par leur nature, leur importance ou leur répétition, un caractère frauduleux, l'assureur pourra répéter les indemnités payées et ce, indépendamment de l'indemnité prévue ci-dessus. En l'espèce, est établi le caractère frauduleux de la déclaration de l'assuré dans la mesure où au vu de l'expertise, la répétition des minorations et leur importance donnent aux omissions faites par l'assuré un caractère manifestement frauduleux, ce qui justifie l'application des sanctions contractuellement prévues et conformes à l'article L. 113-10.


Références :

Code des assurances, articles L. 114-1
L. 113-10

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2004-04-28;02.04301 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award