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10/03/2004 | FRANCE | N°02/06141

France | France, Cour d'appel de Rennes, 10 mars 2004, 02/06141


Septième Chambre ARRÊT R.G : 02/06141 S.A. LACROIX RUGGIERI C/ M. Lionel LE X... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE MORBIHAN M. Stéphane GOUELLO AXA FRANCE IARD SA ANCIENNEMENT AXA ASSURANCES IARD Y... partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 10 MARS 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

: Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER :

Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audi

ence publique du 21 Janvier 2004 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Mad...

Septième Chambre ARRÊT R.G : 02/06141 S.A. LACROIX RUGGIERI C/ M. Lionel LE X... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE MORBIHAN M. Stéphane GOUELLO AXA FRANCE IARD SA ANCIENNEMENT AXA ASSURANCES IARD Y... partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 10 MARS 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

: Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER :

Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 21 Janvier 2004 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, à l'audience publique du 10 Mars 2004, date indiquée à l'issue des débats.

APPELANTE : S.A. LACROIX RUGGIERI 6 boulevard de Joffrery 31600 MURET représentée par la SCP CHAUDET etamp; BREBION, avoués assistée de Me PREEL, avocat INTIMÉS : Monsieur Lionel LE X... Le Z... d'Oust 56460 LA CHAPELLE CARO représenté par la SCP BAZILLE etamp; GENICON, avoués assisté de Me Philippe OLIVE, avocat CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE MORBIHAN 37, Boulevard de la Paix BP 321 56021 VANNES CEDEX représenté par la SCP JEAN LOUP BOURGES etamp; LUC BOURGES, avoués Monsieur Stéphane GOUELLO pris en sa qualité de Président du Comité des Fêtes de la commune de TAUPONT La Bottine 56500 RADENAC représenté par Me Yvonnick GAUTIER, avoué assisté de la SCP BOEDEC etamp; RAOUL-BOURLES, avocats AXA FRANCE IARD SA ANCIENNEMENT AXA ASSURANCES IARD 370 rue Saint Honoré 75001 PARIS

représentée par Me Yvonnick GAUTIER, avoué assistée de la SCP BOEDEC etamp; RAOUL-BOURLES, avocats

M. Lionel Le X... est membre bénévole du Comité des fêtes de Taupont (association loi de 1901).

Alors qu'il était chargé de tirer les artifices à allumage manuel dans la nuit du 13 au 14 juillet 2000, il a été très gravement blessé par l'explosion d'une bombe de type mortier qui avait été fabriquée par la sté Lacroix Ruggieri.

Par jugement du 3 septembre 2002 le tribunal de grande instance de Vannes a débouté M. Le X... de ses demandes formées à l'égard du Comité des fêtes au motif que la victime, membre de cette association et participant activement au spectacle, n'est pas liée à celui-ci par une convention d'assistance bénévole et ne bénéficie que d'une obligation de sécurité de moyens à laquelle l'organisateur n'a pas manqué.

Le premier juge a déclaré la sté Lacroix Ruggieri responsable de l'accident sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil en retenant notamment que le pétard a fusé dès la mise à feu de la mèche, ce qui démontre la défectuosité du produit.

Il a indemnisé les préjudices de M. Le X....

La sté Lacroix Ruggieri a fait appel de ce jugement. Elle soutient que la preuve de la défectuosité du produit n'est pas rapportée et conclut donc au débouté des demandes de M. Le X... à son égard.

Elle demande subsidiairement une mesure d'expertise. Enfin elle estime que le Comité des fêtes et son assureur doivent indemniser les préjudices.

M. Le X... fait appel incident. Il demande la condamnation solidaire du Comité des fêtes et de son assureur avec la sté Lacroix Ruggieri en raison de la convention d'assistance bénévole avec l'organisateur du feu d'artifice tenu à son égard d'une obligation de sécurité de résultat. Il demande une indemnisation plus importante que celle allouée par le premier juge.

Le Comité des fêtes de Taupont en la personne de M. Gouello, président, et la cie Axa France IARD, son assureur, concluent à la confirmation du jugement.

La Caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan forme appel incident et demande la condamnation in solidum de la sté Lacroix Ruggieri et du Comité des fêtes à lui régler le montant de ses débours définitifs.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie aux dernières écritures déposées le 13 janvier 2004 par l'appelante principale, le 5 décembre 2003 par M. Le X..., le 14 janvier 2004 par le Comité des fêtes et son assureur et le 29 janvier 2003 par la Caisse primaire d'assurance maladie.

SUR CE

Sur les responsabilités

Considérant que les articles 1386-1 et 1386-9 du code civil disposent que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime qui doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ;

Considérant que le dommage de M. Le X..., qui a eu la main droite arrachée par la bombe de type mortier fabriquée par la sté Lacroix Ruggieri, n'est pas contesté ;

Considérant que, selon les pièces versées aux débats par l'appelante, le "marron d'air" de 50 mm a pour but de produire un effet sonore important et est tiré à partir d'un mortier en carton par allumage d'une mèche lente qui se trouve en dehors de son conduit en papier et du mortier ; que le délai de la phase d'allumage est compris entre trois et six secondes pour que l'opérateur puisse reculer et se retourner de manière à n'exposer aucune partie de son corps au-dessus du mortier de tir ; que le marron d'air a percuté violemment la main de M. Le X..., l'énergie cinétique du projectile à la sortie du mortier de l'ordre de 80 m/s étant suffisante pour causer la grave blessure qu'il a subie ;

Considérant qu'il est établi notamment par l'enquête de gendarmerie que l'explosion s'est produite alors que M. Le X..., après avoir placé la fusée dans le mortier, venait d'allumer la mèche avec le bâton allumeur ; que le témoin M. A... déclare en effet : " Je me souviens voir Lionel mettre la fusée au fond du tube mortier et avoir entendu aussitôt une explosion" et "je peux dire que

l'explosion a été pratiquement instantanée lorsque Lionel a placé la fusée au fond du tube", ce qui conforte les déclarations de la victime "Dans le cas présent, la mèche s'est consumée très rapidement (une fraction de seconde), n'ayant pas eu le temps de me reculer. Ma main se trouvait encore à 10 cm de la sortie du tube." ;

Qu'il en résulte que la mèche n'a pas mis trois à six secondes pour atteindre la poudre et éjecter la bombe mais s'est consumée de façon quasi-instantanée ; que le fait que M. A... ait pensé que la fusée a explosé dans le mortier et non à l'extérieur n'est pas de nature à remettre son témoignage en question mais le renforce au contraire puisqu'il souligne la quasi-immédiateté de l'explosion après l'introduction de la bombe dans le mortier ; que la sté Lacroix Ruggieri n'explique pas en quoi l'éventuelle mauvaise position de la bombe dans le mortier serait de nature à entraîner une combustion extrêmement rapide de la mèche ; que ses développements relatifs à un mortier de 75 mm sont inopérants dès lors qu'il s'agit à l'évidence d'une erreur matérielle de l'huissier puisque les constatations des gendarmes, les déclarations des témoins et la propre photographie du procès-verbal de constat démontrent que la bombe de 50 mm a été tirée dans un mortier de 50 mm ;

Considérant qu'aucun élément du dossier ne peut faire penser que M. Le X..., qui était expérimenté puisqu'il tirait ce genre d'artifice depuis huit ans, a commis une fausse manoeuvre alors qu'est établie la défectuosité de la mèche qui a atteint la poudre d'éjection du marron d'air en une fraction de seconde et non en trois à six secondes comme l'exigent les règles de sécurité ; que c'est cette défectuosité qui est à l'origine du dommage de M. Le X... puisqu'il n'a pas eu le temps de se protéger de la sortie de la bombe ; qu'il

importe dès lors peu de savoir si, en outre l'artifice a explosé prématurément ;

Que c'est donc à raison que le premier juge a retenu la responsabilité de la sté Lacroix Ruggieri sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil ;

Considérant que M. Le X... est membre du Comité des fêtes et est donc lié à celui-ci par la charte associative ; que c'est en participant à une activité en relation avec l'objet social de son association qu'il a été blessé et non en exécutant une convention d'assistance bénévole ;

Considérant par ailleurs que le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, énoncé que le Comité des fêtes est tenu à l'égard de ses membres d'une obligation de sécurité de moyens, étant observé qu'il n'est pas prétendu que les statuts de l'association -non versés aux débats- prévoient une obligation plus rigoureuse ;

Qu'en l'espèce il n'est pas démontré ni même allégué par M. Le X... que le Comité des fêtes ait failli à son obligation de sécurité ; qu'en effet M. Le X... n'était pas un néophyte en matière de tirs d'artifices puisque c'était la huitième année qu'il y participait ; qu'en outre les membres du Comité qui préparaient les fusées examinaient s'ils présentaient un défaut (procès-verbal d'audition de M. Laurent B...) ;

Que le premier juge sera confirmé sur ce point ;

Sur le préjudice

Considérant qu'il résulte de l'expertise non discutée que M. Le X..., né le 15 juillet 1966, a dû être amputé de la main droite ; l'incapacité temporaire a été totale du 14 juillet au 13 décembre 2000.

La consolidation est intervenue le 1er juin 2001.

L'incapacité permanente partielle chez ce droitier est de 50% malgré la prothèse. Il ne peut plus être moniteur de moto-école. Il existe donc une incidence professionnelle.

En raison des douleurs initiales, de la chirurgie et des douleurs morales liées à ce traumatisme particulièrement grave le quantum doloris est de 4,5/7 ;

Le préjudice esthétique peut être évalué à 4/7

;

Il existe un préjudice d'agrément important tenant à l'impossibilité de se livrer à ses loisirs antérieurs, chasse, moto, bricolage, et aux difficultés de préhension qui l'empêchent d'avoir des rapports complètement normaux dans sa vie personnelle

;

Sur le préjudice soumis à recours

- Frais médicaux et assimilés comprenant les frais futurs évalués par la sécurité sociale :

72

027,64

- Pertes de salaires : 3

335,88

- Préjudice d'agrément avant consolidation dont M. Le X... ne discute pas qu'il soit soumis au recours de l'organisme social : 3

500,00

- Incapacité permanente partielle avec une incidence professionnelle non discutée qui relève de la perte de chance : 170

000,00

- Préjudice matériel :

Ce préjudice entre dans l'assiette du recours de l'organisme social ; Les frais d'assistance à l'expertise par le médecin conseil seront examinés en même temps que la demande formée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Les frais de gant pour la prothèse sont inclus dans les frais futurs de la caisse primaire d'assurance maladie et M. Le X... ne démontre pas qu'ils sont différents ; cette demande sera rejetée

;

Le changement de voiture qui n'est pas contestable ne sera pas pris en compte entièrement car il convient d'en déduire le prix de l'ancienne voiture ; il sera alloué une somme de :

4 000,00

Les autres frais matériels sont justifiés à hauteur de :

219,37

TOTAL :

253

082,89 dont il y a lieu de déduire le recours de la caisse primaire d'assurance maladie de 74

377,78

euros en sorte qu'il revient à M. Le X... la somme de 178

705,11 euros ;

Sur le préjudice personnel

1) La douleur sera indemnisée par la somme de

7

500

2) Le préjudice esthétique : 10

000

3) Le préjudice d'agrément : 12

200

4) Le préjudice moral : le premier juge a exactement rejeté ce préjudice ;

TOTAL : 29

700

Sur les autres demandes

Considérant que le premier juge sera confirmé en ce qui concerne les demandes relatives aux provisions, aux frais futurs, aux intérêts et à la créance de la caisse primaire d'assurance maladie

;

Considérant que la sté Lacroix Ruggieri qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens et à payer en cause d'appel à titre de frais non taxables à M. Le X... la somme de 1

700 euros, au Comité des fêtes de Taupont celle de 1

200 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan celle de 700 euros

; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la seule responsabilité de la sté Lacroix Ruggieri. Réformant condamne la sté Lacroix Ruggieri à payer à M. Lionel Le X... les sommes de :

- 179

705,11 euros au titre du préjudice soumis au recours de l'organisme social (incluant le préjudice matériel), - 29

700 euros au titre du préjudice personnel. Confirme le jugement en ses autres dispositions. Condamne la sté Lacroix Ruggieri à payer à M. Le X... la somme de 1

700 euros, au Comité des fêtes de Taupont celle de 1

200 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan celle de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne la sté Lacroix Ruggieri aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 02/06141
Date de la décision : 10/03/2004

Analyses

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Producteur - Responsabilité - Mise en oeuvre.

En vertu des articles 1386-1 et 1386-9 du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime qui doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. En l'espèce, le fabricant de bombes de type mortier utilisées lors d'un feu d'artifice engage sa responsabilité dans la mesure où d'une part, la mèche de la fusée s'étant consumée de façon quasi-instantanée contrairement aux règles de sécurité, sa défectuosité est établie et est à l'origine du dommage subi par l'utilisateur, celui-ci n'ayant pas eu le temps de se protéger de la sortie de la bombe et où d'autre part, aucune faute de la victime n'a été établie.

ASSOCIATION - Responsabilité contractuelle - Etendue - Obligation de sécurité.

N'est pas retenue la responsabilité du Comité des fêtes dont le statut est soumis à la loi de 1901, dans la mesure où son membre lié à ce dernier par la charte associative, a été blessé en participant à une activité en relation avec l'objet social de l'association et non en exécutant une convention d'assistance bénévole et où, sauf dispositions statutaires, le Comité est tenu à l'égard de ses membres d'une obligation de sécurité de moyens qui en l'espèce, a été respectée.


Références :

1386-9
Code civil, articles 1386-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2004-03-10;02.06141 ?
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