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09/02/2004 | FRANCE | N°02/01804

France | France, Cour d'appel de Rennes, 09 février 2004, 02/01804


Sixième Chambre ARRÊT N° R.G : 02/01804 Mme Brigitte X... épouse Y... Z.../ M. Gerard Y... A... d'appel REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 09 FEVRIER 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, Madame Monique ROUVIN, Conseiller, Madame Odile MALLET, Conseiller, GREFFIER : Jacqueline ROUAULT, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : En chambre du Conseil du 08 Décembre 2003 devant Monsieur Yves LE GUILLANTON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représenta

nts des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT ...

Sixième Chambre ARRÊT N° R.G : 02/01804 Mme Brigitte X... épouse Y... Z.../ M. Gerard Y... A... d'appel REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 09 FEVRIER 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, Madame Monique ROUVIN, Conseiller, Madame Odile MALLET, Conseiller, GREFFIER : Jacqueline ROUAULT, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : En chambre du Conseil du 08 Décembre 2003 devant Monsieur Yves LE GUILLANTON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 09 Février 2004, date indiquée à l'issue des débats.

APPELANTE : Madame Brigitte X... épouse Y... née le 23 Décembre 1944 à ROSPORDEN (29140) 17 ter rue de la Fontaine 29000 QUIMPER représentée par la SCP D'ABOVILLE,DE MONCUIT SAINT-HILAIRE etamp; LE CALLONNEC, avoués assistée de Me Nathalie TROMEUR, avocat INTIMÉ : Monsieur Gerard Y... né le 10 Janvier 1944 à MELGVEN (29140) Stang Youen 29000 QUIMPER représenté par Me CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoué assisté de Me Louis LE CLEAC'H, avocat

EXPOSE DE LA PROCEDURE :

Par jugement du 1er février 2002, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de QUIMPER, au vu des jugements en date des 15 mars 1996 et 7 mai 1999, de l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 octobre 1996 et des arrêts de la Cour d'Appel de RENNES des

8 février 1989 et 6

septembre 1999, a : - fixé à 33 538,78 euros, soit 220

000 francs en capital, le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur Gérard Y... à son ex-épouse, Madame Brigitte X..., en sus des sommes déjà versées à ce titre, - dit que Monsieur Y... règlera les frais afférents à l'administration fiscale concernant cette prestation compensatoire, - et débouté Madame X... de sa demande formée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Celle-ci a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 27 octobre 2003, la Cour a réouvert les débats sur la demande de nullité de l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 7 novembre 2002 et sur la question de la forme de la prestation compensatoire (capital - rente viagère).

Madame X... demande à la Cour de : - voir ordonner le rejet des débats de la lettre de Maître TROMEUR à Maître LE CLEACH en date du 5 février 2002, par application des dispositions de la loi du 30 décembre 1971, - réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, - condamner Monsieur Y... à lui verser, à titre de prestation compensatoire, une rente mensuelle viagère de 2 440 euros, indexée selon l'usage, par application des articles 270 et suivants du code civil, - subsidiairement, condamner Monsieur Y... à lui verser, à titre de prestation compensatoire, une somme en capital de 300 000 euros, ainsi que les frais d'enregistrement y afférents, - débouter Monsieur Y... de toutes ses demandes plus amples ou contraires, - condamner Monsieur Y... au paiement d'une indemnité de 3 050 euros, par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Monsieur Gérard Y... conclut ainsi : - Vu l'article 914 du Nouveau Code de Procédure Civile, - lui décerner acte de ce qu'il se réserve

de déférer éventuellement à la Cour de Cassation, l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en même temps que l'arrêt sur le fond à intervenir et qu'il renonce donc à son moyen de nullité pour le moment puisque la Cour s'estime incompétente ; - Vu l'arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 13 mars 2001, - dire et juger que la décision d'harmonisation du Conseil National des Barreaux (C.N.B.) du 13 septembre 1997 a vocation à s'appliquer au litige ; - dire et juger que la lettre du 5 février 2002 adressée par le Conseil de Madame X... au conseil de Monsieur Y... a pour unique objet de se substituer à un acte de procédure et constitue un acquiescement au sens des articles 408, 409 et 410 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - dire et juger que l'appel de Madame X... par déclaration du 14 mars 2002 est en conséquence irrecevable ; - ordonner en conséquence la restitution des sommes éventuellement trop perçues par Madame X... depuis le jugement dont appel ; - condamner Madame X... aux dépens ; - si la Cour estimait malgré tout l'appel recevable : - confirmer le jugement déféré en son principe et rectifiant l'erreur de calcul commise : - fixer dans ce cas la prestation compensatoire à 115 556 euros (758

000 francs) ; - dire et juger que les sommes trop versées à la date de l'arrêt devront être restituées par Madame X... à Monsieur Y... dès la signification de l'arrêt à intervenir ; - débouter Madame X... de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Pour un plus ample exposé de la procédure, il est fait référence à la décision attaquée, à l'arrêt du 27 octobre 2003 et aux dernières écritures des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

Considérant qu'en vertu de l'article 914 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile, l'ordonnance du Conseiller de la mise en état,

en date du 7 novembre 2002, ayant déclaré l'appel recevable, ne peut faire l'objet d'un recours qu'en même temps que l'arrêt sur le fond ; Qu'il sera donné acte à l'intimé de ce qu'il renonce à invoquer la nullité de ladite ordonnance, tout en se réservant éventuellement de déférer cette demande à la Cour de Cassation en même temps que l'arrêt au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 66-5 de la loi du 31

décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997 : "en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel".

Considérant que cependant, le Conseil National des Barreaux, dans une décision d'harmonisation en date du 13 septembre 1997 tendant compte des usages antérieurs et pour des raisons de rapidité et de coût, a adopté la rédaction du règlement type suivant

:

"Toutefois ne sont pas couvertes par le secret professionnel et ne sont donc pas en conséquence confidentielles :

- une correspondance ayant pour unique objet de se substituer à un acte de procédure,

- ...."

Considérant que cette décision d'harmonisation en date du 13 septembre 1997 ne contrevient pas aux dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Que l'annulation par le Conseil d'Etat (dont le Tribunal des Conflits a retenu la compétence) de trois décisions de cet organisme (Conseil

National des Barreaux) sur recours de l'Ordre des Avocats d'un barreau local, n'a pas un caractère général et intrinsèque, mais est de portée limitée, les décisions étant déclarées nulles seulement, "en tant qu'elles prévoient une insertion obligatoire dans le règlement intérieur de chaque barreau" ;

Que la Cour de Cassation a consacré, dans un arrêt du 13 mars 2001, le pouvoir de décision du Conseil National des Barreaux, et notamment la légalité des décisions que celui-ci prend en application de sa mission d'harmonisation des règles et usages de la profession ;

Que dans la ligne de cette jurisprudence, le projet de loi sur les professions judiciaires et juridiques reconnaît expressément au Conseil National des Barreaux un pouvoir normatif s'imposant aux différents Conseils de l'Ordre, dans les termes suivants :

"Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil National des Barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession".

Qu'enfin, le Code des Barreaux Européens pose en principe la règle de la non confidentialité des courriers entre avocats, la confidentialité étant l'exception.

Considérant que, par ailleurs, le secret professionnel ne peut protéger que les courriers confidentiels et non les informations destinées à être portées à la connaissance des parties et des juridictions ;

Qu'un courrier émanant du conseil d'une partie, qui comporte acquiescement à un jugement et demande de régler les sommes dues par l'adversaire sur la base de ce jugement, comme dans le cas présent, ne saurait constituer une "confidence" couverte par le secret professionnel (confère Cour d'Appel de COLMAR 31 mai 2002);

Que "dès lors qu'un avocat a manifesté une volonté d'acquiescer non équivoque à l'avocat adverse, sans formuler de réserves", l'on doit

admettre la validité de l'acquiescement (Cass. Civile 2ème chambre 29 mai 1979) ;

Que l'acquiescement peut figurer dans un écrit quelque soit sa nature, acte sous seing privé, simple missive ou acte authentique ; qu'il suffit que le document traduise une volonté claire et non ambigue d'acquiescer (cassation sociale 21 décembre 1977) ;

Que l'avocat, qui est présumé avoir reçu le pouvoir d'acquiescer en vertu de l'article 417 du Nouveau Code de Procédure Civile, n'a pas à faire écrire et signer un courrier par son client dans le but de le soustraire à la confidentialité, ce qui serait illogique au vu de ses pouvoirs de mandataire ad litem ;

Considérant qu'ainsi, la lettre du 5 février 2002 adressée par le conseil de Madame X... au conseil de son ex-mari, après reddition du jugement et achèvement de l'instance devant le tribunal, n'a pas à être rejetée des débats, et ce à un double titre : - ayant pour seul objet de se substituer à un acte de procédure au sens de la décision d'harmonisation du Conseil National des Barreaux, en date du 13 septembre 1997, elle n'entre pas dans le cadre des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; - contenant des informations destinées à être connues de la partie adverse et de l'autorité judiciaire, elle ne se trouve pas couverte par le secret professionnel

;

Considérant que manifestement dépourvue de tout caractère confidentiel, cette lettre ne requérait pas l'apposition expresse de la mention "officielle" ;

Qu'elle constitue bien un acquiescement, tel que prévu par les articles 408 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, sa formulation étant parfaitement claire et précise ; qu'elle est, en effet, rédigée comme suit:

"Ma cliente renonce à faire appel.

Vous voudrez bien en conséquence inviter Monsieur Y... à me faire parvenir le montant de la prestation compensatoire mise à sa charge dans les meilleurs délais."

Que le fait de "renoncer" à faire appel, ce qui implique que l'on se soit préalablement posé en connaissance de cause la question d'intenter un recours et de solliciter le règlement de sommes dues en application d'un jugement, emporte nécessairement acceptation de cette décision de justice ;

Que l'appelante et son conseil ne pouvaient ignorer le contenu du jugement rendu en audience publique le 1er février 2002 et signé du président ; que l'acquiescement est certain ;

Qu'en mentionnant dans ses écritures d'appel "La lettre de son conseil révèle simplement les tergiversations de Madame X...", cette dernière a reconnu qu'elle a changé d'avis et qu'elle a bien eu conscience du sens ainsi que de la portée du jugement comme de la lettre d'acquiescement, acte de procédure ayant toute valeur juridique ; qu'elle était représentée par un avocat, tenu à un devoir de conseil envers elle ;

Qu'elle n'est pas fondée à remettre en cause, sans motif légitime mais à la suite d'hésitations ou de "tergiversations" pour reprendre son expression, un acquiescement ferme et définitif, régulièrement porté par l'intermédiaire de son propre avocat à la connaissance du conseil de la partie adverse ;

Considérant que l'appelante, qui était dans l'attente d'une réponse à sa lettre d'acquiescement, n'avait pas à faire signifier la décision du 1er février 2002 ;

Que la circonstance que Monsieur Y... ait procédé à cette signification le 18 février 2002 est inopérante et sans conséquence sur la validité de l'acquiescement de son épouse ; que celui-ci était définitif et d'effet immédiat dès le 5 février 2002, s'agissant d'un

acquiescement pur et simple dont l'existence et la régularité n'étaient pas subordonnées à l'acceptation formelle de la partie adverse ;

Que l'intimé, qui n'a jamais formé d'appel incident, n'a nullement reconnu un caractère incertain à l'acquiescement donné et ce d'autant plus qu'il n'est ni allégué ni démontré que ce dernier ait eu connaissance de la lettre du 5 février 2002 avant la signification du jugement, l'appelante, afin de tenter d'expliquer le laps de temps important intervenu entre la transmission de cette lettre et sa décision de faire appel, indiquant elle-même : "Les délais d'acheminement postaux étant à l'origine de celle de discordance" ;

Que celle-ci a pu aussi décider logiquement de ne pas délivrer un commandement de payer, puisqu'étant revenue, sans raison valable, sur son acquiescement, elle a voulu en définitive faire appel ; que ce recours paralysant l'exécution de la décision, elle ne saurait, pour contester aujourd'hui son acquiescement, tirer argument de ce que Monsieur Y..., qui a pu recevoir la lettre du 5 février 2002 avec un certain retard et qui avait besoin d'un peu de temps pour rassembler les fonds réclamés, n'aurait pas "exécuté les conditions mises à sa charge" ;

Considérant qu'il est constant que l'appelante a valablement acquiescé au jugement entrepris, par un acte de procédure, qui, effectué après l'expiration de l'instance devant le tribunal et destiné à être porté à la connaissance des parties ainsi que des juridictions, échappe, du fait de sa totale absence de confidentialité et quelqu'en soit la forme (courrier) ; susceptible d'ailleurs d'être différente (acte du palais...), au champ d'application de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Que le but de ce texte n'est pas de protéger des pièces ou documents qui, par nature et vocation, n'ont pas à rester secrets, comme

l'information de l'espèce à destination de la partie adverse et de l'autorité judiciaire, selon laquelle Madame X... renonçait à faire appel ;

Considérant que l'exception au principe de la confidentialité, reconn


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 02/01804
Date de la décision : 09/02/2004

Analyses

AVOCAT - Secret professionnel - Etendue - Correspondance échangée entre conseils - Caractère confidentiel - Exception

Le courrier entre avocats qui comporte acquiescement à un jugement est dépourvu de tout caractère confidentiel et échappe aux dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997. Par conséquent, il n'est pas couvert par le secret professionnel et n'a pas à être rejeté des débats, dès lors qu'il a pour seul objet de se substituer à un acte de procédure, au sens de la décision d'harmonisation du Conseil national des barreaux en date du 13 septembre 1997 qui écarte ce type de correspondance du champ d'application des dispositions précitées, et qu'il contient des informations destinées à être connues de la partie adverse et de l'autorité judiciaire


Références :

Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, article 66-5, dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2004-02-09;02.01804 ?
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