Quatrième Chambre R.G: 02/04047 AEPEC DE ROCABEY C/ S.A. MAHEY FRERES Infirmation RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRET DU 18 DECEMBRE 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, Monsieur Philippe SEGARD, Conseiller, Madame Véronique JEANNESSON, Conseiller, GREFFIER : Madame Agnès X..., lors des débats et lors du prononcé DEBATS: A l'audience publique du 05 Novembre 2003 devant Madame Véronique JEANNESSON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT:
Contradictoire, prononcé par Monsieur Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 18 Décembre 2003, date indiquée à l'issue des débats. APPELANTE: AEPEC DE ROCABEY 40 avenue de Moka 35400 SAINT MALO représentée par la SCP CASTRES COLLEU & PEROT, avoués assistée de la SCP GUYOT GUYOT -GARNIER GARNIER LOZAC'HMEUR BOIS DOHOLLOU PERSON SOUET ARION, avocats INTIMÉE : S.A. MAHEY FRERES ZAC de la Moinerie Rue du Grand Jardin 35400 SAINT MALO représentée par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT SAINT -HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués assistée de la SCP DENOUAL SAER KERJEAN LE GOFF, avocats I -Exposé du litige: Courant 1997, dans le cadre de la réalisation de travaux de mise en conformités et de mise aux normes de son établissement scolaire, l'Association d'Education Populaire et d'Enseignement Catholique (AEPEC) a entrepris la rénovation de l'installation de chauffage. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à Monsieur Y..., architecte, titulaire d'une mission complète, aidé d'un économiste de la construction, Monsieur Z.... Le lot chauffage a été confié à la SA MAHEY Frères, suivant marché à forfait en date du 9 juillet 1997 d' un montant de 225 000 F TTC. La réception a été prononcée le 9 septembre 1997 sans réserve sur les travaux de chauffage. Dès l'hiver suivant, des dysfonctionnements sont apparus: le chauffage était déséquilibré, la programmation de la
régulation était défectueuse et la consommation élevée par rapport aux années précédentes. La SA MAHEY Frères est intervenue à plusieurs reprises sans résultat satisfaisant. L' AEPEC de Rocabey a sollicité au mois de mars 1999 l'avis d'une entreprise spécialisée pour effectuer un diagnostic. La société ECODIAG a déterminé une insuffisance de chauffage dans le bâtiment sud en raison d'une puissance d'arrivée trop faible, un problème d'équilibrage hydraulique du réseau avec une mauvaise répartition des débits, un non-fonctionnement de la programmation hebdomadaire, la programmation ne fonctionnant pas les jours non occupés, une régulation inefficace, des défauts de paramétrage de la régulation et la nécessité d' ajouter des robinets thermostatiques sur tous les corps de chauffe. L ' AEPEC de Rocabey a fait assigner Monsieur Y... et son assureur la MAF, la SA MAHEY Frères et son assureur la compagnie AXA ainsi que son assureur dommages-ouvrage devant le Tribunal de grande instance de Saint-Malo aux fins d'expertise. Par ordonnance en date du 13 janvier 2001, Monsieur A... a été désigné en qualité d' expert. Celui-ci a déposé son rapport le 10 avril 2001. Par acte du 17 septembre 2001 , l' AEPEC de Rocabey a fait assigner la SA MAHEY Frères devant le Tribunal d'instance de Saint-Malo afin de la voir déclarée responsable des désordres affectant le système de chauffage. Par jugement en date du 21 mai 2002, le Tribunal d'instance de Saint-Malo a dit que l'action de l'AEPEC de Rocabey à l'encontre de la SA MAHEY Frères est irrecevable comme prescrite et l'a déboutée de ses demandes. L ' AEPEC de Rocabey a interjeté appel de cette décision le 20 juin 2002. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées le 1er octobre 2002 pour l'AEPEC de Rocabey et le 23 janvier 2003 pour la SA MAHEY Frères. II- Motifs Sur la nature
des désordres : La rénovation de l'installation de chauffage s'inscrit dans le cadre d'importants travaux de rénovation et de mise aux normes de sécurité nécessitant notamment des travaux de gros oeuvre, charpente, couverture, menuiseries intérieures et extérieures, plomberie, chauffage, électricité qui constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code Civil, le montant de ces divers travaux s'élevant au coût conséquent de 1573 975,28 F TTC La réception du lot chauffage a été prononcée le 9 septembre 1997 sans réserves. Les désordres consistent en un dysfonctionnement du système de régulation qui entraîne une insuffisance de chauffage du bâtiment annexe. A la date de la réception, cette insuffisance n'était pas apparente, les désordres n'ayant été appréhendés qu'à partir de l 'hiver suivant. C'est avec raison que l'expert indique que l'installation de chauffage est un élément d'équipement dissociable car démontable et déposable sans détérioration ou enlèvement de matière de l'ouvrage. Il convient en conséquence de rechercher si les désordres affectant cet élément dissociable rendent l'ouvrage impropre à sa destination. En l'espèce, il est relevé un déséquilibre du chauffage avec surchauffe dans certaines classes et température insuffisante dans l'annexe. Il est également souligné en page 25 du rapport qu'un membre du personnel de l'établissement devait venir plus tôt le matin pour relancer le chauffage et encore plus tôt le lundi et le jeudi pour compenser l'inertie des bâtiments, ce que normalement la régulation devait faire automatiquement. La régulation est donc défaillante. S'agissant d'un établissement scolaire, il convient de considérer que les désordres du système de chauffage rendent l'ouvrage impropre à sa destination, peu important qu'il soit un élément d'équipement dissociable. Les désordres relèvent donc de la garantie décennale des constructeurs. Sur les responsabilités : La SA MAHEY Frères soutient que le désordre qui consiste dans le
dysfonctionnement de la régulation n' affecte pas l' ouvrage qu' elle a réalisé conformément à son marché. Elle fait valoir qu'elle est seulement intervenue sur quelques radiateurs et sur la chaudière qui fonctionnent parfaitement et qu' elle a pris acte de ce qu' on lui a demandé de ne pas intervenir sur la régulation. Elle souligne que le système de régulation n' est pas le support de l'ouvrage qu'elle a réalisé qui fonctionne parfaitement et indépendamment de la régulation qui vient se greffer sur l'ouvrage pour permettre une programmation. Cependant, le marché en date du 9 juillet 1997 prévoit notamment, au poste électricité-régulation, la reprise de l'armoire électrique et de la régulation existante, travaux réalisés effectivement suivant facture du 12 novembre 1997. Les travaux de rénovation effectués par la SA MAHEY Frères sont indissociables et indivisibles des existants sur lesquels ils viennent s ' incorporer et la cause des désordres ne réside pas seulement dans les parties anciennes, soit une mauvaise régulation dès lors que la SA MAHEY Frères qui avait en charge la reprise de la régulation existante et qui a facturé le 10 décembre 1997 à l' AEPEC de Rocabey une intervention portant sur la remise en fonctionnement d'un régulateur STEAFFA, le contrôle des moteurs de vanne, le remplacement de la carte de commande et la programmation du régulateur avec réglage à nouveau des courbes de chauffage par zone école maternelle et école primaire, a fait l' erreur , ainsi que le relève pertinemment l'expert, de ne pas vérifier préalablement le bon fonctionnement de la régulation et de ne pas prévoir dans son devis les travaux nécessaires pour que l'installation donne satisfaction. Il importe peu que le maître de l'ouvrage ait désiré faire des économies en gardant l'ancienne régulation dès lors que la SA MAHEY Frères, professionnelle et spécialiste du chauffage et tenue à ce titre d'une obligation de conseil a entériné sans réserves les propositions du
maître de l'ouvrage. En conséquence, la SA MAHEY Frères, constructeur au sens de l'article 1792-1 du Code Civil, est responsable de plein droit des désordres constatés. Le jugement sera donc infirmé. Sur les préjudices : Il convient de prendre en compte les factures de la société LE LOUARN qui a réparé le système de régulation donnant maintenant entière satisfaction pour la somme de 1560,32 euros HT ainsi que le réglage complémentaire préconisé par l'expert pour 243,92 euros HT auquel il convient d'appliquer le taux de TVA en vigueur . Monsieur A... a justement évalué la surconsommation de gaz due à l'absence de régulation à 650,35 euros HT. Le coût du diagnostic de la société ECODIAG rendu nécessaire du fait de l'échec des interventions de la SA MAHEY Frères constitue un préjudice en lien direct avec la carence de la SA MAHEY Frères. Il s'élève à 735,41 E. L'expert a à juste titre évalué le préjudice de jouissance caractérisé par les températures insuffisantes et la nécessité pour le personnel de remettre en route manuellement la régulation à la somme de 2286,74 E . La SA MAHEY Frères sera en conséquence condamnée à payer à l' AEPEC de Rocabey les sommes de 1866,14 E TTC, 291,73 E TTC, 777,81 euros TTC, 735,41 E et 2286,74 E soit 5957,83 E avec intérêts au taux légal à compter de l' assignation du 17 septembre 2001. Il serait inéquitable de laisser à la charge de l' AEPEC de Rocabey les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour faire valoir ses droits. La SA MAHEY Frères sera condamnée à lui payer la somme de 1500 E en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle sera condamnée aux dépens de la procédure. III -Par ces motifs :
LA COUR : -Reçoit l'appel régulier en la forme, -Infirme le jugement déféré, -Constate que les désordres affectant le système de chauffage sont de nature décennale, -Déclare la SA MAHEY Frères responsable des désordres sur le fondement des articles 1792 et 1792-1 du Code Civil, -Condamne la SA MAHEY Frères à
payer à l' AEPEC de Rocabey la somme de CINQ MILLE NEUF CENT CINQUANTE SEPT EUROS et 83 centimes (5957,83 E) en réparation de ses préjudices matériels et de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 17 septembre 2001, -Condamne la SA MAHEY Frères à payer à l' AEPEC de Rocabey la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1500 E) en application des dispositions de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile, -Condamne la SA MAHEY Frères aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l' article 699 du nouveau Code de procédure civile.