COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2003
Huitième Chambre Prud'Hom
R.G:02/07500
S.A. JEAN STALAVEN
C/
Monsieur X...
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Mme Francine SEGONDAT, Président,
Mme Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller,
Monsieur François PATTE, Conseiller, ARRÊT:
Vu le jugement rendu le 4 octobre 2002 par le Conseil des Prud'Hommes de Nantes qui saisi par Monsieur X... embauché le 13 janvier 1987 par la SA JEAN STALAVEN en qualité de représentant de commerce-livreur puis le 1er mars 2000 en qualité de chef de secteur et licencié le 10 avril 2001, d'une demande tendant à voir dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'une demande de dommages-intérêts a fait droit à sa demande et a condamné la SA JEAN STALAVEN à lui payer 38 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et 1 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu l'appel formé le 2 décembre 2002 par la SA JEAN STALAVEN.
Vu les conclusions déposées le 16 juillet 2003 par la SA JEAN STALAVEN oralement soutenues à l'audience tendant à la réformation du jugement et à la condamnation de Monsieur X... à lui verser 18 522 euros à titre de remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire, 4 500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
Vu les conclusions déposées le 26 septembre 2003 par Monsieur
X... oralement soutenues à l'audience tendant à la confirmation du jugement , à la condamnation de la SA JEAN STALAVEN à lui verser 2 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens et priant la Cour de dire que les sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil des Prud'Hommes.
I- Sur le licenciement
Considérant que Monsieur X... a été licencié le 10 avril 2001 au motif qu'il a refusé un changement de son secteur d'activité alors que ce changement constituait une obligation contractuelle ;
Considérant que la SA JEAN STALAVEN fait valoir au soutien de son appel qu'une clause de mobilité était insérée dans le contrat de travail de Monsieur X..., que cette clause était parfaitement licite et que le salarié était tenu d'accepter un changement de son secteur géographique, qu'il ne relevait en aucun cas du statut de VRP et que la réorganisation de l'entreprise s'avérait nécessaire compte tenu des mauvais résultats commerciaux et de la concentration des marchés entre quelques centrales ;
Qu'elle verse aux débats le contrat de travail de Monsieur X... en date du 1er mars 2000, la proposition de modification du secteur d'activité de ce dernier, la fiche de fonctions des chefs de secteur chargé du développement des ventes GMS, un tableau des résultats commerciaux de septembre 2001 et décembre 2001 et l'organigramme du groupe STALAVEN.
Considérant que de son côté, Monsieur X... soutient qu'il est soumis au statut de VRP conformément aux dispositions de son contrat de travail, que le fait pour l'employeur d'avoir inséré une clause de
mobilité dans le contrat ne remet pas en cause le statut contractuellement choisi par les parties et appliqué dans les relations de travail, qu'en se référant au statut de VRP dans le contrat de travail, les parties appliquent le statut qui en découle, que la clause de modification unilatérale du secteur géographique d'activité figurant dans son contrat de travail est nulle car contraire au statut de VRP, qu'en conséquence son refus d'accepter la modification de son contrat de travail est justifié et dès lors le licenciement fondé sur ce refus est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'il verse aux débats ses contrats de travail, la proposition de modification du secteur géographique en date du 22 février 2001, la lettre par laquelle il a refusé cette modification et la liste du personnel ne faisant plus partie de la société STALAVEN ;
Considérant en fait qu'aux termes du contrat de travail de Monsieur X... en date du 1er mars 2000 il est précisé que " Monsieur X... Y... devient chef de secteur CDV, circuit GMS. Cet engagement est fait dans les conditions fixées par l'article L. 751-1 et suivants du Code Du Travail et les autres dispositions légales et conventionnelles en vigueur, en particulier l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 dont vous dépendez ci" et qu'il en résulte que le statut de VRP s'appliquait à Monsieur X... de façon globale et systématique et qu'en aucun cas l'existence d'une clause de mobilité ne pouvait remettre en cause ce statut contractuellement choisi par les parties et applicable dans toutes ses dispositions ;
Considérant en droit nonobstant la validité de principe des clauses de mobilité géographique, que le secteur de prospection constituant
un élément du contrat de travail d'un VRP ne peut être modifié sans son accord et que la clause par laquelle l'employeur se réserve le droit de modifier unilatéralement en tout ou partie le contrat de travail est nulle ;
Qu'en effet, une clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement le secteur géographique contractuellement fixé du VRP même en raison d'une réorganisation commerciale de la société ;
Considérant dès lors que la clause par laquelle la société STALAVEN se réservait la possibilité de modifier le secteur géographique de Monsieur X... est nulle puisqu'elle était en contravention avec le statut de VRP pour lequel le secteur de prospection constitue un élément essentiel du contrat de travail ;
Considérant que l'employeur devant ainsi obtenir l'accord exprès du salarié pour modifier son secteur géographique, le refus du salarié ne peut justifier un licenciement dont le seul motif réside dans ce refus ;
Considérant dès lors d'une part que Monsieur X... était en droit de
refuser la proposition de modification de son secteur géographique et d'autre part que
l'employeur ne pouvait le licencier en ce fondant sur ce seul refus ; Considérant par conséquent que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit et jugé le licenciement de Monsieur X... injustifié.
II- Sur les dommages-intérêts
Considérant que la société STALAVEN fait valoir au soutien de son appel que Monsieur X... n'a jamais justifié de sa situation de chômage, ni de sa perte de revenus réelle en percevant les indemnités ASSEDIC ;
Considérant que Monsieur X... soutient qu'il bénéficiait d'une ancienneté importante au sein de la société, qu'il est resté sans emploi pendant 9 mois et a accepté en janvier 2002 un emploi auprès de la société SAMECO pour un salaire inférieur à celui perçu au sein de la société JEAN STALAVEN et verse aux débats deux avis de paiement ASSEDIC de décembre et novembre 2001, ses bulletins de paie de janvier, février et décembre 2002 ;
Considérant en fait que Monsieur Z... comptait une ancienneté de 15 ans sein de la société, qu'il est resté au chômage de juillet 2001 à janvier 2002 et qu'il a retrouvé un emploi dont le salaire est inférieur à celui qu'il percevait au sein de la société JEAN STALAVEN ;
Que dès lors c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société JEAN STALAVEN à lui verser la somme de 38 000 euros correspondant à 14 mois de salaire.
III- Sur les dépens et l'article 700
Considérant que la société JEAN STALAVEN succombant supportera les dépens et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, mais que l'équité commande de faire partiellement droit à le demande présentée par Monsieur X... fondée ce texte.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS
LA COUR