Huitième Chambre Prud'Hom ARRÊT R.G : 02/07109 M. Francis LE X... Y.../ UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN Réformation partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
: Madame Francine SEGONDAT, Président, Madame Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller, Monsieur François PATTE, conseiller, GREFFIER : Monsieur Philippe Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 16 Octobre 2003 ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 27 novembre 2003, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 21 novembre 2003 APPELANT : Monsieur Francis LE X... 7, Route de Kérouman 29810 PLOUMOGUER comparant en personne, assisté de Me Jean-Pierre DEPASSE, Avocat au Barreau de RENNES INTIMÉE : l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN prise en la personne de son représentant légal 14, rue Colbert 56325 LORIENT CEDEX comparant en la personne de M. A..., Directeur Général de la Mutualité du Morbihan, assistée de Me Patrick LE BIHAN, Avocat au Barreau de LORIENT
Vu le jugement rendu le 17 octobre 2002 par le Conseil des prud'hommes de Lorient qui a débouté M. LE X... de toutes ses demandes, Vu l'appel interjeté par M. LE X... le 15 novembre 2002, Vu les conclusions infirmatives déposées le 6 octobre 2003, reprises et développées à l'audience par le salarié qui demande à la Cour de requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
et de condamner l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN à lui verser diverses sommes à titre d'indemnités de rupture, dommages - intérêts et rappels de salaire, Vu les conclusions déposées le 7 octobre 2003, reprises et développées à l'audience par l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN qui demande à la Cour de confirmer la décision, conclusions auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions réciproques, LES FAITS M. LE X... a été embauché par l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN le 1er février 1996 en qualité de responsable d'un camping situé à proximité du centre de rééducation fonctionnelle de Kerpape. Il a notifié la rupture de son contrat par lettre du 13 avril 1999.
Ayant obtenu une dispense partielle de préavis, son contrat a pris fin le 21 mai 1999. Par lettre du 23 juin suivant, il revendiquait 1.926,50 heures supplémentaires non rémunérées. M. LE X... demande la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que cette décision équivoque n'est que la conséquence du comportement de l'employeur, fautif de lui avoir imposé une charge de travail trop importante, de n'avoir pas respecté ses obligations médicales (pas de visite de reprise), de ne pas avoir payé les heures supplémentaires, et qui, de surcroît, n'a pas prononcé de licenciement, considérant à tort qu'il avait démissionné. MOTIFS DE LA DECISION Sur les heures supplémentaires Considérant que les mises en demeure dont fait état M. LE X... sont du 22 juin 1999 et 15 mars 2001, donc postérieures à la rupture du contrat de travail ; qu'aucun élément des débats ne confirme les réclamations qu'il aurait faites en 1997 et 1998 ; Considérant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme
sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; Considérant que le défaut de décompte du temps de travail au sens de l'article D. 212-21 n'est pas sanctionné par une présomption d'accomplissement des heures revendiquées ; que lorsque l'employeur ne fournit pas d'éléments au juge, celui-ci statue sur les seuls éléments du salarié, mais encore faut-il qu'ils soient susceptibles d'emporter la conviction ; Considérant qu'à l'appui de ses demandes, M. LE X... produit ses agendas (du 21 mai 1996 à la date de cessation du contrat de travail) et diverses attestations qui retracent l'étendue de ses interventions ; Considérant qu'en sa qualité de responsable de centre, l'appelant était chargé des travaux d'entretien, de la préparation de la saison (à partir de mars avril jusqu'en septembre, avec un maximum en juillet août) et du fonctionnement du centre au cours de cette période ; Considérant qu'en exécutant les travaux d'entretien (plomberie etc) ou en participant à des réunions de chantier avec les intervenants extérieurs, M. LE X... n'a fait qu'exécuter son contrat de travail, et ceci n'implique pas en soi la réalisation d'heures supplémentaires ; qu'il ne saurait revendiquer pour lui seul tout le travail accompli par les équipes d'entretien ; Considérant que ses attestations établissent d'importantes amplitudes pendant la haute saison, mais elles ne donnent pas d'indication sur les horaires de travail effectif qui y étaient inclus ; que M. LE X... n'étant pas tenu de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur à l'intérieur de ces limites, Considérant que M. LE X... ne saurait nier qu'il était assisté d'autres salariés pendant la saison, ni mettre leur efficacité en cause aux seules fins de justifier sa présence continue ; Considérant que pour les années 1997, 1998 et 1999, les réservations étaient gérées par une secrétaire ; que le nettoyage des sanitaires et des mobil homes, ou la surveillance de nuit étaient
assumés par des prestataires de service et ne nécessitaient pas son intervention ; Considérant que les agendas de M. LE X... présentent des invraisemblances : (ex tonte de pelouses pendant trois jours continus les 16, 17 et 18 novembre 1998) ou ne sont corroborés par aucun élément objectif dans la quasi totalité des cas ; Considérant que les demandes sont incohérentes puisqu'il revendique en appel 38.446,65 d'heures supplémentaires pour les années complètes, et subsidiairement 36.804,67 pour les seules périodes de haute saison, soit environ 12 heures supplémentaires par jour en admettant un travail 7 jours sur 7 en juillet août, ce qui est complètement invraisemblable eu égard à l'assistance dont il disposait ; Considérant en revanche qu'il est possible de recouper ces agendas avec trois plannings mensuels (avril, mai et juin 1998) versés aux débats ; que sur la base des éléments concordants, et en l'absence de tout élément fourni par l'employeur, il apparaît que M. LE X... a bien accompli des heures supplémentaires au cours de ces mois et qu'il lui reste dû à ce titre 2.089,28 ; que le jugement sera réformé en conséquence ; Sur la rupture Considérant que dans sa lettre du 13 avril 1999, M. LE X... s'exprimait en ces termes : " Conformément à notre entretien de ce jour, je vous formalise par la présente ma volonté de mettre un terme au contrat de travail qui nous lie depuis le 1er février 1996. Je souhaiterais que ceci se concrétise, d'un commun accord, dans les meilleurs délais." Considérant que ce courrier ne comporte pas de réserve ou de reproche, ni sur les heures supplémentaires, ni sur une charge anormale de travail, ni sur l'absence de visite de reprise ; Qu'il exprime en des termes catégoriques, une volonté ferme et non équivoque de mettre un terme au contrat ; que dès lors, il importe peu que le terme démission ne soit pas employé ; Considérant par ailleurs que l'appelant a obtenu d'être dispensé d'une partie de son préavis de trois mois, et qu'il a
quitté son poste le 21 mai 1999 (lettre de l'employeur du 23 avril 1999) ; Considérant qu'il n'avait jamais présenté de revendication salariale jusqu'alors ; que la demande formulée en juin 1999 en l'absence de réclamation antérieure et pour une somme totalement fantaisiste de 1.926,50 heures supplémentaires ne suffit pas à jeter le doute sur la volonté manifestée ; Considérant que dans sa lettre du 9 mai 2000, l'employeur offre simplement de confirmer les motivations de M. LE X... afin de faciliter sa prise en charge par les organismes sociaux, mais cette proposition ne peut être dissociée des autres motifs occultés par M. LE X... et également évoqués dans la lettre :
la nécessité de modifier les conditions d'existence de son épouse ce qui impliquait leur retour dans le Nord Finistère et opter pour la démission pour éviter toute gêne à l'auteur de son embauche, membre de sa famille ; Considérant que les éléments du dossier n'établissent pas l'existence d'une charge de travail anormale ; que s'il n'y a pas eu de visite de reprise à l'issue d'un arrêt pour accident de travail, force est de constater que cet arrêt de trois semaines a été suivi de plusieurs semaines de congés, et que M. LE X... a repris son poste à la suite ; qu'à aucun moment il n'a pas jugé nécessaire de demander un examen au médecin du travail ainsi qu'il en avait le droit ; que la négligence de l'employeur ne justifiait donc pas une rupture du contrat de travail ; Considérant dans ces conditions que c'est par une véritable dénaturation que M. LE X... reproche à l'employeur d'avoir considéré le contrat comme rompu sans procéder à un licenciement, alors qu'il s'est borné à accorder la dispense partielle de préavis sollicitée dans une lettre de démission non équivoque, Que les faits reprochés à l'employeur ne sont pas établis, à la seule exception de deux d'entre eux (absence de visite de reprise, non paiement d'heures supplémentaires en 1998), lesquels ne justifiaient pas la rupture du contrat de travail aux torts et
charges de la Mutualité ; Que la démission de M. LE X... ne faisant aucun doute, le jugement sera confirmé sur la rupture ; Considérant que, succombant partiellement, l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN sera condamnée aux entiers dépens ; qu'elle devra verser à M. LE X... une somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du N.C.P.C. ; DECISION PAR CES MOTIFS La Cour Réforme le jugement Condamne l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN à verser à M. LE X... 2.089,28 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires Confirme les autres dispositions Déboute M. LE X... du surplus de ses prétentions Condamne l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN à verse 1.200 euros à M. LE X... en application de l'article 700 du N.C.P.C. Condamne l'UNION MUTUALISTE DU MORBIHAN aux entiers dépens. LE GREFFIER LE PRESIDENT