La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2003 | FRANCE | N°01/05651

France | France, Cour d'appel de Rennes, 02 octobre 2003, 01/05651


Cour d'appel de RENNES 4ème Chambre civile R.G. n°01/05651 ARRET DU 02/10/2003 CAILLE-GFA DOMAINE DU LANDREAU VILLAGE-PERTHUIS c/ CGAM-SARL PINEAU LA MONNIEROISE-SA BLANLOEIL I - Exposé du litige:

La SARL Pineau La Monnieroise , entreprise de maçonnerie, a réalisé la construction de cuves verrées destinées au stockage de vin pour le compte de plusieurs viticulteurs au cours des années 1987 à 1991 dont Monsieur X..., le GFA Domaine du Landreau et Monsieur Y.... La SARL Pineau La Monnieroise a utilisé du béton prêt à l'emploi fabriqué et livré par la SA BLANLOEIL. Des dé

sordres affectant les cuves sont apparus et se sont manifestés par des...

Cour d'appel de RENNES 4ème Chambre civile R.G. n°01/05651 ARRET DU 02/10/2003 CAILLE-GFA DOMAINE DU LANDREAU VILLAGE-PERTHUIS c/ CGAM-SARL PINEAU LA MONNIEROISE-SA BLANLOEIL I - Exposé du litige:

La SARL Pineau La Monnieroise , entreprise de maçonnerie, a réalisé la construction de cuves verrées destinées au stockage de vin pour le compte de plusieurs viticulteurs au cours des années 1987 à 1991 dont Monsieur X..., le GFA Domaine du Landreau et Monsieur Y.... La SARL Pineau La Monnieroise a utilisé du béton prêt à l'emploi fabriqué et livré par la SA BLANLOEIL. Des désordres affectant les cuves sont apparus et se sont manifestés par des soufflures dans le béton entraînant des fissures dans les plaques de verre constituant le revêtement des cuves.

Par assignation du 31 mars 1998, Monsieur X..., le GFA Domaine du Landreau et Monsieur Y... ont saisi le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Nantes afin de voir ordonner une expertise. Par ordonnance du 14 avril 1998, le Juge des référés a désigné Monsieur Z... qui a déposé son rapport le 1er décembre 1998.

Les demandeurs ont fait assigner au fond par actes du 31 mars 1998 la SARL Pineau La Monnieroise et la SA BLANLOEIL aux fins de les voir déclarées responsables des désordres.

Par acte du 9 novembre 1998, la S.A.R.L. Pineau La Monnieroise a appelé à la cause la CGA, assureur de la SA BLANLOEIL pour la voir condamner in solidum avec cette dernière à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Par jugement en date du 15 mai 2001, le Tribunal de grande instance de Nantes a rejeté l'exception tirée de la péremption d'instance soulevée par la SA BLANLOEIL et la CGA, dit que l'action engagée par Monsieur Y... à l'égard de la SARL Pineau La Monnieroise sur le

fondement de l'article 1792 du Code Civil est prescrite, condamné la SARL Pineau La Monnieroise et la SA BLANLOEIL in solidum à payer notamment à Monsieur X... la somme de 17 139 F HT au titre des travaux de reprise et celle de 9000 F à titre du préjudice de jouissance, au GFA Domaine du Landreau la somme de 35 049 F HT au titre des travaux de reprise et celle de 9000 F au titre du préjudice de jouissance, condamné in solidum la X... et la SA BLANLOEIL à verser à Monsieur X..., au GFA Domaine du Landreau la somme de 4000 F chacun en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamné la SA BLANLOEIL et son assureur la CGA à payer à Monsieur Y... la somme de 5900 F HT au titre des travaux de reprise et celle de 6000 F au titre du préjudice de jouissance outre 4000 F de frais irrépétibles, condamné la SA BLANLOEIL et son assureur la CGA à garantir la X... en raison des condamnations susvisées ainsi qu'aux dépens, ordonné l'exécution provisoire et rejeté les autres demandes.

Par conclusions signifiées et déposées le 30 mai 2002, Monsieur X..., régulièrement appelant par acte du 12 septembre 2001, ainsi que Monsieur Y... et le GFA Domaine du Landreau concluent à la réformation du jugement et demandent à la Cour de fixer le préjudice , au titre des travaux de reprise, à la somme de 10 000,66 euros pour Monsieur X..., 49 423,97 euros pour Monsieur Y... , 23 172,25 euros pour le GFA Domaine du Landreau , outre 3100 euros chacun au titre du préjudice de jouissance, de confirmer le jugement pour le surplus et de leur allouer chacun la somme de 765 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures déposées le 18 juin 2003, la SARL Pineau La Monnieroise conclut à la confirmation du jugement et sollicite de dire qu'en ce qui concerne la condamnation de CGA,, il s'agit d'une

fixation de créance du fait de sa liquidation judiciaire et de condamner la SA BLANLOEIL et les mandataires de la liquidation judiciaire de la CGA à lui payer des frais irrépétibles .

Par conclusions signifiées et déposées le 14 mai 2003, la SA BLANLOEIL, la SCP Delaere et associés et Monsieur Alain A... concluent à la réformation du jugement et demandent à la Cour de constater la liquidation judiciaire de la CGA, de décerner acte à la SCP Delaere et associés et à Monsieur Alain A... de ce qu'ils interviennent en qualité de mandataires liquidateurs de la CGA, de rejeter la demandes de Monsieur Y... comme étant prescrites par application des article 1641 et suivants du Code Civil, confirmer le jugement sur le montant des travaux de reprise, rejeter toute demande de dommages et intérêts et dire que les éventuelles condamnations à l'encontre de la CGA ne pourront qu'être converties en fixation de créance sous réserves de déclaration et d'acceptation.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions visées ci dessus.

*** II - Motifs :

Sur les responsabilités :

La SARL Pineau La Monnieroise ne discute pas sa responsabilité en tant que constructeur sur le fondement de l'article 1792 du Code Civil envers Monsieur X... et le GFA Domaine du Landreau . La SA

BLANLOEIL accepte les condamnations prononcées in solidum à son encontre au profit du GFA Domaine du Landreau et de Monsieur X... au titre des travaux de reprise. Elle soutient que l'action de Monsieur Y... à son encontre est prescrite s'agissant d'une action qui ne peut être fondée que sur la garantie des vices cachés et qui n'a pas été intentée dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code Civil, en l'espèce plus de dix ans après la fourniture des matériaux.

Il ressort du rapport de l'expert que les désordres se manifestent par l'apparition de soufflures dans le béton, fissurant les plaques de verre qui tapissent les cuves. Les plaques de verre se décollent rendant ainsi les cuves impropres à leur destination avec le risque d'altérer la qualité du vin. Monsieur Z... indique que la mise en oeuvre n'est pas en cause car il s'agit d'un phénomène d'alcali-réaction du béton qui consiste en une réaction chimique entre certains constituants amorphes et mal cristallisés de la silice contenue dans certains granulats et un hydroxyde alcalin provenant du ciment. Les silicates alcalins ainsi formés sont plus volumineux et entraînent une désagrégation du béton.

Ainsi que le souligne à juste titre Monsieur Z..., les désordres sont dus à un vice du béton fourni par la SA BLANLOEIL. Ce défaut intrinsèque et non apparent du béton rend les cuves impropres à leur destination et constitue le vice défini à l'article 1641 du Code Civil.

Monsieur Y... a fait assigner au fond la SA BLANLOEIL par acte du 31 mars 1998. Le rapport de Monsieur Z... a été déposé le 1er décembre 1998. Le point de départ du bref délai de l'article 1648 du Code Civil ne court qu' à compter de la connaissance certaine du vice qu'en avait Monsieur Y... c'est-à-dire lors de la notification du rapport d'expertise. En conséquence, les dispositions de l'article

1648 sont respectées et l'action intentée par Monsieur Y... qui dispose d'une action directe à l'encontre de la SA BLANLOEIL, fabricant du béton à qui ne s'applique pas la garantie décennale, n'est pas prescrite, étant relevé que l'action initiale de Monsieur Y... fondée sur le défaut de conformité de la chose livrée doit être requalifiée par application de l'article 12 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, en une action fondée sur la garantie légale des vices cachés à laquelle la SA BLANLOEIL a répondu dans ses écritures.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SA BLANLOEIL et SARL Pineau La Monnieroise à réparer les désordres des cuves de Monsieur X... et du GFA Domaine du Landreau et en ce qu'il a condamné la société BLANLOEIL à réparer les désordres subis par Monsieur Y....

Ces désordres sont dus exclusivement à un vice caché du béton, l'expert n'ayant constaté aucun défaut de mise en oeuvre de la SARL Pineau La Monnieroise. En sa qualité de vendeur professionnel ayant fourni le béton, la SA BLANLOEIL et son assureur la CGA doivent garantir en totalité l'acquéreur des défauts cachés du matériau vendu qui l'ont rendu impropre à l'usage auquel il était destiné. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur les préjudices :

Les appelants sollicitent d'être indemnisés de leur entier préjudice soutenant qu'une simple réparation ponctuelle du revêtement est insusceptible de restituer aux cuves les caractéristiques qu'en attendaient les maîtres de l'ouvrage. La SA BLANLOEIL fait valoir que l'expert a considéré que les désordres étaient mineurs et a préconisé des réparations ponctuelles.

Cependant , il résulte du rapport de Monsieur Z... (page 10) que

les ouvrages affectés par l'alcali-réaction posent des problèmes de gestion et qu'il n'existe pas actuellement de solution éprouvée pour réparer les structures malades et arrêter définitivement l'évolution des dégradations. Il souligne en page 9 que les désordres sont visibles par l'apparition d'un spectre d'auréoles en sous-face du carreau de verre et que ces auréoles évoluent par une série de fissures radiales qui affectent le carreau et au stade ultime, une rupture de l'ensemble se réalise laissant apparaître un cratère. Il ajoute que la qualité du vin peut être remise en cause par quelques plaques décollées dans une cuve par imprégnation du vin dans le béton sur la partie dégradée par l'alcali- réaction et par propagation à toute la cuve d'un goût aigre rendant le vin impropre à sa commercialisation dans de bonnes conditions.

Dès lors, au regard du caractère évolutif des désordres et de la nécessité pour les viticulteurs de disposer de cuves conformes à leur destination, une réparation ponctuelle ne peut être envisagée et il convient de prendre en compte l'évaluation de l' expert quant au remplacement des cuves soit 331,60 F par hectolitre, les viticulteurs ne contestant pas récupérer la TVA.

Néanmoins, la demande des appelants couvre la totalité du volume des cuves dont ils disposent alors que certaines cuves ne souffrent d'aucun désordre et que d'autres ont été construites avec un béton non fourni par la SA BLANLOEIL. Il y a lieu en conséquence de se reporter au rapport de Monsieur Z... pour déterminer le préjudice direct et certain des appelants.

1) préjudice de Monsieur X... :

Cuve n° 3 : 13 599 F HT. Cependant, la SA BLANLOEIL ne conteste pas le jugement qui sera donc confirmé.

2) préjudice de Monsieur Y... : Les désordres constatés imputables à la SA BLANLOEIL concernent les cuves 3, 5, 6 et 8 soit

349 hl au coût de 331,60 F HT par hl soit un préjudice de 115 728 F HT ou 17 642,62 euros

3) préjudice du GFA Domaine du Landreau :

Cuve n° 2 :31 509 F HT. La cuve n° 4 n' a pas été inspectée. Par ailleurs, le volume des cuves1 et 3 n'est pas déterminé. Il convient en conséquence de prendre en compte la réparation des surfaces au m soit 3540 F HT. Le préjudice est évalué à 35 049 F HT. Le jugement sera confirmé.

Le préjudice de jouissance, exactement évalué par le premier juge sera confirmé pour Monsieur X... et le GFA Domaine du Landreau et élevé à 12000 F ou 1829,38 euros pour Monsieur Y... .

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Y... les frais irrépétibles qu'il a engagés pour faire valoir ses droits. La SA BLANLOEIL sera condamnée à lui payer la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

L'équité commande de ne pas faire droit à la demande de la SARL Pineau La Monnieroise à l'encontre de la SA BLANLOEIL au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Les dépens d'appel seront partagés également entre Monsieur X..., le GFA Domaine du Landreau et la SA BLANLOEIL qui succombent en appel.

*** III - Par ces motifs :

LA COUR :

- Reçoit l'appel régulier en la forme,

- Constate la liquidation judiciaire de la CGA au 20 mars 2003,

- Décerne acte à la SCP Delaere et Associés et à Monsieur Alain A... de leur intervention es qualités de liquidateurs de la CGA,

- Confirme le jugement déféré à l'égard de Monsieur X... et du GFA Domaine du Landreau ainsi que sur les dépens.

- Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société BLANLOEIL et la CGA à garantir la SARL Pineau La Monnièroise

- Réforme pour le surplus,

- Déclare la Sté BLANLOEIL garantie par son assureur la CGA,responsable des désordres de Monsieur Y... sur le fondement de l'article 1641 du Code Civil,

- Condamne la Sté BLANLOEIL à payer à Monsieur Y... la somme de DIX SEPT MILLE SIX CENT QUARANTE DEUX EUROS et 62 centimes (17 642,62 euros) en réparation des désordres et celle de MILLE HUIT CENT VINGT NEUF EUROS et 38 centimes (1829,38 euros) au titre du préjudice de jouissance.

- Condamne la Sté BLANLOEIL à payer à Monsieur Y... la somme de HUIT CENTS EUROS (800 euros) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- Fixe la créance de Monsieur Y... au passif de la liquidation judiciaire de la CGA aux sommes de DIX SEPT MILLE SIX CENT QUARANTE DEUX EUROS et 62 centimes (17642,62 euros), MILLE HUIT CENT VINGT NEUF EUROS et 38 centimes (1829,38 euros) et HUIT CENTS EUROS( 800

euros).

- Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la CGA les condamnations à l'encontre de la SARL Pineau La Monnièroise au profit de Monsieur X... et du GFA Domaine du Landreau et garanties par la CGA.

- Rejette les autres demandes,

- Dit que les dépens d'appel seront partagés également entre Monsieur X... , le GFA Domaine du Landreau et la SA BLANLOEIL et recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 01/05651
Date de la décision : 02/10/2003

Analyses

VENTE - Garantie - Vices cachés - Action rédhibitoire - Délai - Point de départ - Découverte du vice

Constituent le vice défini à l'article 1641 du Code civil excluant toute action fondée sur la non-conformité de la chose vendue les désordres affectant des cuves verrées destinées au stockage de vin, désordres dus exclusivement à un vice du béton, dans la mesure où ce défaut intrinsèque et non apparent du béton rend les cuves impropres à leur destination avec le risque d'altérer la qualité du vin. Dès lors, étant relevé que l'action initiale fondée sur le défaut de conformité de la chose livrée doit être requalifiée par application de l'article 12, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, en une action fondée sur la garantie légale des vices cachés, n'est pas prescrite l'action intentée par le sous-acquéreur qui dispose d'une action directe à l'encontre du fabricant de béton. En effet, les dispositions de l'article 1648 du Code civil, en vertu desquelles le point de départ du bref délai ne court qu'à compter de la connaissance certaine du vice, sont respectées dés lors que le sous-acquéreur a agi quelques mois avant la notification du rapport d'expertise établissant clairement l'existence du vice du béton


Références :

Code civil, articles 1641, 1648 Code de procédure civile (Nouveau), article 12, alinéa 2

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2003-10-02;01.05651 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award