COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2003 Sixième Chambre ARRÊT N° R.G : 02/03035 Mme X... Y... épouse Z... M. Thierry Z... A.../ PREFET DE LOIRE ATLANTIQUE DIRECTION DES INTERVENTIONS SANITAIRES ET SOCIALES PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
: Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, Madame Odile MALLET, Conseiller, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, GREFFIER : Claudine BONNET, lors des débats, et Jacqueline ROUAULT, lors du prononcé, DÉBATS : En chambre du Conseil du 26 Mai 2003 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 01 Septembre 2003, date indiquée à l'issue des débats.
APPELANTS : Madame X... Y... épouse Z... née le 27 Novembre 1964 à SAINT GILLES CROIX DE VIE 5 rue de la Trézence Marnay 17330 BERNAY ST MARTIN représentée par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués assistée de Me GERMAIN, avocat Monsieur Thierry Z... né le 09 Février 1966 à SAINT JEAN D'ANGELY (17411) 5 rue de la Trézence Marnay 17330 BERNAY ST MARTIN représenté par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués assisté de Me GERMAIN, avocat INTIMÉS : Monsieur le PRÉFET DE LOIRE ATLANTIQUE Préfecture 6 Quai Ceineray 44000 NANTES représentée par la SCP BAZILLE etamp; GENICON, avoués assistée de Me MATHYS, avocat DIRECTION DES INTERVENTIONS SANITAIRES ET SOCIALES (D.I.S.S.) 4 Boulevard Louis Barthou BP 56224 44262 NANTES CEDEX 2 représentée par la SCP BAZILLE etamp; GENICON, avoués assistée de Me MATHYS, avocat Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL PRES LA COUR D'APPEL DE
RENNES représenté par Monsieur RUELLAN DU B..., Substitut Général, entendu en ses réquisitions EXPOSE DU LITIGE
Les époux Z... ont relevé appel du jugement rendu le 25
avril
2002 par le Tribunal de Grande Instance de NANTES qui les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et dit n'y avoir lieu en l'état à annulation des actes de reconnaissance par eux souscrits.
Ils exposent avoir contracté mariage devant l'officier d'état civil de BERNAY SAINT-MARTIN le 2 juillet 1994, et être les parents d'un enfant né le 5
octobre 1993 ;
- que le 14 août 2001, Mme Z... a donné naissance à des jumeaux en recourant à la procédure d'accouchement sous X, conformément aux dispositions de l'article 341-1 du code civil, et qu'elle a signé le 16
août 2001 le procès-verbal tendant à la remise des enfants à l'Aide Sociale à l'Enfance ;
- que Mme Z... avait souffert d'une grave dépression au cours de sa grossesse gémellaire et que, craignant que son mari ne prenne pas ses responsabilités, elle doutait de pouvoir assurer seule une telle maternité ;
- qu'ayant demandé, après réconciliation, la restitution des enfants à l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article 351 alinéa 2 du code civil, celle-ci leur a été refusée en raison du placement des enfants déjà intervenu ;
- qu'à la suite de l'intervention du procureur de la République de SAINTES, ils ont pu souscrire une reconnaissance au bénéfice des jumeaux, le 15
novembre
2001 pour madame, et le 28 novembre 2001 pour monsieur.
Les époux Z... demandent à la Cour de :
* réformer la décision déférée, sauf en sa disposition ayant dit n'y avoir lieu en l'état à annulation des actes de reconnaissances par eux souscrits ;
* dire et juger que les jumeaux avaient dès leur conception, une filiation paternelle légitime établie à l'égard de Monsieur Z... ;
* constater que Monsieur Z... n'a jamais consenti à l'adoption de ses deux enfants et que par conséquent le délai de deux mois de l'article 348-3 alinéa
2 du code civil n'a jamais couru à son égard; * constater que les enfants ne pouvaient en droit être admis comme pupilles de l'Etat ni faire l'objet d'une quelconque mesure de placement ;
* annuler toute la procédure et toutes les mesures prises par la DISS et ordonner la remise immédiate des jumeaux entre leurs mains ;
* condamner in solidum le préfet de Loire Atlantique et la DISS à leur régler une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le Préfet de Loire-Atlantique, en qualité de tuteur des enfants Pierre et Louis, nés le 14 août 2001 à NANTES et la DISS sollicitent à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ses dispositions concernant la reconnaissance dont ils réclament l'annulation ;
Ils font valoir que les enfants ont été admis définitivement en qualité de pupilles de l'Etat à compter du 16 octobre 2001 ;
Le Parquet Général conclut à la confirmation de la décision dont appel ;
Pour un plus ample exposé du litige, ils est fait référence à cette décision et aux écritures des parties ; MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier :
qu'après avoir donné naissance à des jumeaux le 14 août 2001 en recourant à la procédure d'accouchement sous X, Mme Z... a signé
un procès-verbal de remise des enfants aux services de l'ASE ;
que conformément aux dispositions de l'article L 224-4, 1°) du code de l'action sociale, les enfants ont été admis en qualité de pupille de l'Etat à compter du 16 octobre 2001 ;
que bien qu'informée de la faculté de lever l'anonymat avant cette date et des formalités à accomplir en vue d'une restitution des enfants, Mme
Z... n'a exprimé aucune volonté claire ni aucune intention déterminée à cet égard ; que celle-ci a pourtant bénéficié d'un délai supplémentaire d'une quinzaine de jours, les services sociaux ayant repoussé le placement définitif des enfants au 30
octobre 2001
;
Considérant que l'état dépressif, invoqué par cette dernière, ne lui ôtait nullement sa lucidité ; qu'elle était consciente et très bien renseignée des démarches à accomplir pour obtenir la restitution des jumeaux ;
Qu'elle allègue gratuitement mais ne démontre nullement que les services sociaux qui lui ont indiqué les démarches à effectuer pour lever l'anonymat dès la naissance, l'aient incitée à l'abandon des enfants en préférant la procédure juridique d'abandon (par accouchement sous X) au recueil d'un consentement parental à l'adoption ; que les premiers juges ont justement relevé : "Il est constant que le 14
août
2001 au CHU de NANTES, celle qui s'est révélée être Mme X...
Z..., mariée, a accouché de jumeaux de sexe masculin après avoir, à l'époque, demandé le secret de son admission et de son identité" (...)
"Jusqu'au placement des enfants en vue de l'adoption réalisé le 30
octobre
2001, Mme Z... a toujours manifesté une volonté affirmée d'accoucher de manière anonyme. Elle n'a jamais manifesté une volonté clairement exprimée de reprendre les enfants. Or il résulte des dispositions de l'article 352 du code civil que le
placement en vue de l'adoption met obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille d'origine et fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance". (...)
Considérant que les enfants, dont l'appelante a accouché anonymement le 14 août 2001 à NANTES et dont la filiation n'était pas établie avant leur placement en vue de l'adoption en date du 30 octobre 2001, ne peuvent plus être restitués à leur famille d'origine, le délai minimum de deux mois édicté par l'article
351
du code civil entre le recueil des enfants (16 août 2001) et leur placement ayant été parfaitement respecté ;
Que ce placement en vue d'adoption est tout à fait régulier, la remise des jumeaux Pierre et Louis, alors non reconnus par leurs parents, ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal selon les formes prescrites par l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale ;
Qu'un tel placement fait obstacle à toute restitution des enfants, aux termes des dispositions précitées de l'article 352 du code civil ;
Considérant qu'en application de ce même texte, les reconnaissances souscrites par les époux Z... les 15 et 28 novembre 2001, soit postérieurement au placement, ne sont pas valides ;
Que ces reconnaissances ne sauraient avoir un quelconque effet juridique, dans la mesure où en accouchant sous "X" et en n'ayant effectué nulle démarche en vue de lever l'anonymat dans le délai légal de deux mois, Mme Z... est censée n'avoir jamais donné naissance à des enfants, lesquels se trouvaient sans filiation ni famille à la date du placement ;
Que les dispositions de l'article 352 du code civil font qu'en présence du placement en vue de l'adoption définitive, totalement valide intervenu en l'espèce, toute déclaration de filiation et toute
reconnaissance, paternelle ou maternelle, étaient et demeurent légalement impossible après ledit placement ;
Que le délai de deux mois de l'article 351 du code civil ainsi que les dispositions de l'article 352 du même code sont opposables à M. Z... comme à Mme Z..., ceux-ci n'ayant reconnu les enfants qu'après leur placement définitif en vue de l'adoption ;
Considérant que l'argumentation des appelants est inopérante, aucune filiation légitime ou naturelle ne pouvant être valablement établie et reconnue en la cause ; que ceux-ci tentent en vain de se prévaloir des articles 312, 348-3 et 348-4 du code civil ;
Qu'en particulier, M. Z... ne saurait soutenir que les jumeaux avaient dès leur conception une filiation paternelle légitime, établie à son égard et qu'il devait consentir à leur adoption ;
Considérant qu'enfin, il n'est pas prouvé que la restitution des jumeaux aujourd'hui sollicitée par leurs parents biologiques soit conforme à leur intérêt, au sens de l'article 3-1 de la convention internationale des Droits de l'enfant, ceux-ci étant pleinement intégrés et épanouis au sein d'une famille adoptive bien structurée ; Considérant que le jugement déféré doit être confirmé par adoption de motifs, en ce qu'il a débouté les époux Z... de leurs demandes et seulement réformé en sa disposition ayant refusé en l'état d'annuler les actes de reconnaissance des enfants ;
Considérant que les appelants, qui succombent intégralement, doivent supporter les dépens ; PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement entrepris,
Annule les actes de reconnaissance souscrits par les époux Z... à l'égard des enfants Pierre et Louis, nés à NANTES le 14 août 2001 ;
Dit que mention du dispositif du présent arrêt, une fois définitif, sera portée à l'état civil en marge desdits actes ;
Confirme la décision déférée pour le surplus ;
Condamne les époux Z... aux dépens d'appel ;
Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER.- LE PRESIDENT.-