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05/06/2003 | FRANCE | N°02/01854

France | France, Cour d'appel de Rennes, 05 juin 2003, 02/01854


Quatrième Chambre ARRÊT R.G : 02/01854 VJ SMABTP S.A. ARMOR PEINTURE C/ M. Michel ROLLAND Mme Maryannick OUDIN épouse X... Confirmation partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 05 JUIN 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

: M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, M. Philippe SEGARD, Conseiller, Mme Véronique JEANNESSON, Conseiller, GREFFIER : Mme Agnès EVEN, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 10 Avril 2003 ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par M. Jean-Luc MOIGNARD,

Président, à l'audience publique du 05 Juin 2003, date indiquée à l'issue de...

Quatrième Chambre ARRÊT R.G : 02/01854 VJ SMABTP S.A. ARMOR PEINTURE C/ M. Michel ROLLAND Mme Maryannick OUDIN épouse X... Confirmation partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 05 JUIN 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

: M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, M. Philippe SEGARD, Conseiller, Mme Véronique JEANNESSON, Conseiller, GREFFIER : Mme Agnès EVEN, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 10 Avril 2003 ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 05 Juin 2003, date indiquée à l'issue des débats.

APPELANTES : SMABTP 6/8 allée du Bâtiment BP 1628 35016 RENNES CEDEX représentée par la SCP GAUVAIN etamp; DEMIDOFF, avoués assistée de Me AVRIL, avocat

S.A. ARMOR PEINTURE ZA des Quatre Voies 22170 PLELO représentée par la SCP GAUVAIN etamp; DEMIDOFF, avoués assistée de Me AVRIL, avocat INTIMES : Monsieur Michel X... Les Rouvenais 22150 L'HERMITAGE LORGE représenté par la SCP CHAUDET etamp; BREBION, avoués assisté de la SCP LEFRAIS RENARD DARDY, avocats Madame Maryannick OUDIN épouse X... Les Rouvenais 22150 L'HERMITAGE LORGE représentée par la SCP CHAUDET etamp; BREBION, avoués assistée de la SCP LEFRAIS RENARD DARDY, avocats I - Exposé du litige:

La SA ARMOR PEINTURE , assurée auprès de la SMABTP a réalisé en 1998 des travaux de ravalement sur une importante propriété appartenant à

Monsieur et Madame X... et sise à L'Hermitage Lorge.

Se plaignant de l'apparition de désordres , les maîtres de l'ouvrage ont saisi le Juge des référés qui par ordonnance du 9 novembre 2000 a confié une expertise à Monsieur Y... lequel a déposé son rapport le 1er août 2001. Il notait que les travaux réalisés avaient entraîné une rétention d'humidité dans les murs de l'immeuble provoquant une infestation généralisée par le champignon mérule. Il préconisait aux propriétaires de quitter la maison en raison des risques d'incendie et de ruine.

Les travaux de réparation étaient estimés, sous réserve de nouvelles découvertes en cours de chantier, à 436 488,06 euros outre un important préjudice de jouissance.

Par actes des 5 et 6 novembre 2001, les époux X... ont saisi le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc d'une demande visant à autoriser les travaux préconisés par l'expert, voir désigner celui-ci pour les suivre et faire constat de bonne fin et voir la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP condamnées à leur payer la somme de 503 081,76 euros à titre de provision sur leurs préjudices matériel et de jouissance.

Le Juge des référés, usant des dispositions de l'article 811 du nouveau Code de procédure civile a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de grande instance.

Par jugement en date du 29 janvier 2002, le Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a autorisé Monsieur et Madame X... à faire effectuer les travaux de remise en état préconisés par l'expert dans son rapport du 1er août 2001, désigné Monsieur Y... avec mission de procéder à un constat des lieux après travaux de démolition, en cas d'aggravation des désordres, chiffrer les travaux de reprise complémentaires et les nouveaux préjudices des époux X..., procéder à un contrôle de bonne fin des travaux et faire un

apurement définitif des comptes, tant pour les travaux que pour les préjudices, dit que les frais d'expertise seront supportés par la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP , condamné la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP in solidum à payer aux époux la somme de 503 081,76 euros tant au titre des travaux qu'au titre du préjudice de jouissance, ordonné l'exécution provisoire et condamné la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP à payer des frais irrépétibles .

Par conclusions signifiées et déposées le 11 juillet 2002, la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP , régulièrement appelantes par acte du 12 mars 2002, concluent à la réformation du jugement et demandent à la Cour de dire et juger que les travaux exécutés par la SA ARMOR PEINTURE ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs et de débouter les époux X... de leurs demandes, subsidiairement, de leur donner acte de ce qu'elles offrent une indemnité provisionnelle de 182 938,82 euros à condition qu'un expert en bâtiment soit à nouveau désigné et reçoive pour mission d'organiser une réunion contradictoire à l'issue des travaux de dégarnissage et de démolition, de commettre un expert qui aura pour mission de donner toute indication sur la valeur réelle du bien immobilier appartenant aux époux X... , donner à l'expert la mission complémentaire de prendre connaissance des objections de la SA ARMOR PEINTURE et de la SMABTP à la suite du rapport d'expertise de Monsieur Y... du 1er août 2001 et de fournir des éléments de réponse, impartir à l'expert la mission de donner toute indication sur la relation des prestations chiffrées avec le sinistre et de donner toute indication en terme de qualité par rapport aux modifications et aux suppléments de travaux effectués par rapport à l'existant.

Dans leurs dernières écritures déposées le 14 mars 2003, les époux X... concluent à la confirmation du jugement sauf à fixer à 758 059 euros le montant de la provision devant leur être allouée en

deniers ou quittance à valoir sur l'estimation définitive des travaux et de leur préjudice et sollicite la condamnation de la SA ARMOR PEINTURE et de la SMABTP à leur payer des frais irrépétibles .

Par ordonnance du 22 janvier 2003, le Conseiller de la mise en état a condamné in solidum la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP à payer aux époux X... la somme de 200 000 ä à titre de provision supplémentaire pour leurs préjudices matériel et de jouissance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions visées ci dessus.

*** II - Motifs :

Sur la nature des désordres :

La SMABTP conteste le caractère décennal des désordres au motif qu'il s'agit de travaux de ravalement et de peinture réalisés sur des existants.

Il ressort du rapport de Monsieur Y... que le ravalement effectué s'inscrivait dans le cadre de travaux d'entretien et de maintenance normaux. Les époux X... ne peuvent donc soutenir qu'il s'agissait d'importants travaux de rénovation.

Cependant, les travaux de ravalement ont consisté en la mise en oeuvre d'un revêtement de plastique épais sur les parties enduites des façades ainsi que l'hydrofugation des parties en briques et des

soubassements en pierre de taille granitiques. Monsieur Y... souligne que pour mettre en oeuvre cette imperméabilisation et cette hydrofugation, la SA ARMOR PEINTURE a procédé à un lavage sous haute pression du support qui a endommagé certaines briques et arraché de nombreux joints, ce qui aurait dû amener l'entreprise à effectuer une réfection totale desdits joints. La SA ARMOR PEINTURE s'est contentée de quelques calfeutrements par injection de silicone à la pompe et l'expert indique que dans ces conditions, l'hydrofugation ne pouvait être efficace. Il ajoute en page 22 de son rapport que la SA ARMOR PEINTURE a commis deux erreurs: "1-Une insuffisance conceptuelle de ses ouvrages (peau étanche partielle) 2- une réalisation très imparfaite des ouvrages tout particulièrement au niveau de la maçonnerie de briques."

De surcroît, Monsieur Dubois, architecte et technicien remarque, dans un courrier adressé aux époux X... le 16 octobre 2000, que le jointoiement des pierres et des briques dégradé n'a fait l'objet que de travaux partiels de reprise non conformes au DTU applicable et que les joints défaillants ont été repris de manière grossière par des joints souples appliqués à la pompe. Il souligne par ailleurs que l'application d'un revêtement étanche, sans constitution d'une arase au niveau du sol destinée à supprimer toutes remontées capillaires favorise ces dernières, entraînant les désordres constatés.

Il résulte des constatations concordantes de l'expert et du technicien que les travaux entrepris n'avaient pas pour but un simple ravalement mais comportaient des travaux de rejointoiement destinés à éviter les infiltrations ainsi que des travaux d'étanchéité, travaux qui constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code Civil.

Monsieur Y... conclut que les travaux réalisés par la SA ARMOR PEINTURE réceptionnés sans réserve le 30 septembre 1998 ont fait

l'objet d'une conception insuffisante et sont entachés de graves imperfections de réalisation, ce qui est la cause unique des importants phénomènes d'humidité et d'attaques parasitaires qui affectent aujourd'hui la propriété des époux X... .

Ces désordres ont incontestablement porté atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination, Monsieur Y... ayant préconisé le départ des époux X... du bâtiment notamment pour risque d'incendie. En conséquence ils relèvent de la garantie décennale des constructeurs.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les réparations :

La SMABTP et la SA ARMOR PEINTURE contestent la prise en charge des travaux "anti- capillarité" au motif que la société est une entreprise de peinture et de ravalement et qu'elle n'a jamais été chargée d'une opération d'assainissement de la construction.

Outre que la SA ARMOR PEINTURE, professionnelle, se devait de s'interroger sur les conséquences éventuelles de ses travaux sur l'existant, alors que la survenance du champignon mérule est récurrent dans les travaux de bâtiment, il convient de rappeler que la réparation du préjudice subi du fait des fautes exclusives de la SA ARMOR PEINTURE doit être intégrale.

En conséquence elle devra prendre à sa charge la totalité des travaux de réparation nécessaires et préconisés par l'expert pour remédier aux désordres qu'elle a causés, peu important par ailleurs la valeur de l'immeuble des époux X..., ceux-ci devant être replacés dans la situation où ils se trouvaient si les désordres ne s'étaient pas produits.

La SMABTP et la SA ARMOR PEINTURE contestent également le rapport d'expertise au motif qu'il n'est pas contradictoire. Cependant les

conseils techniques de la SMABTP ont été destinataires des notes d'information de Monsieur Y... ainsi que du pré- rapport d'expertise et l'un d'entre eux est intervenu aux opérations d'expertise. Il résulte d'un courrier en date du 2 juillet 2001 de Monsieur Y... en réponse au conseil de la SA ARMOR PEINTURE qu'il a différé à la demande de ce dernier au 31 juillet 2001 le délai pour le dépôt des dires et observations afin que la SMABTP puisse proposer des devis concurrentiels alors que dès le 14 février 2001 le principe des travaux de remise en état était défini dans une note d'information. De plus, dans sa note d'information n° 3 du 13 juillet 2001, l'expert souligne qu'aucun technicien ni aucune entreprise ne se sont transportées la demande de la SA ARMOR PEINTURE ou de son assureur pour effectuer une démarche concrète de contre- proposition financière. La règle du contradictoire a donc été parfaitement respectée par Monsieur Y....

La SMABTP reprend les postes de travaux et discute leur évaluation par l'expert sans étayer ses contestations par le moindre devis. Sa demande d'expertise et son offre d'indemnité provisonnelle seront rejetées.

Monsieur Y... évalue à 758 059 euros le total provisoire des travaux et des préjudice subis par les époux X... . Il convient de condamner in solidum la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP à payer cette somme aux époux X... en deniers ou quittances pour tenir compte des versements perçus.

Les appelants seront condamnés in solidum à Monsieur et Madame X... la somme de 4000 euros à payer en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel.

Ils seront également condamnés in solidum aux dépens.

*** III - Par ces motifs :

LA COUR :

- Reçoit l'appel régulier en la forme,

- Réforme partiellement le jugement,

- Condamne in solidum la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP à payer en deniers ou quittances aux époux X... la somme de SEPT CENT CINQUANTE HUIT MILLE CINQUANTE NEUF EUROS (758 059 euros) à valoir sur l'estimation définitive des travaux de remise en état et de leur préjudice de jouissance,

- Confirme le jugement pour le surplus,

- Y ajoutant,

- Condamne in solidum la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP à payer aux époux X... la somme de QUATRE MILLE EUROS (4000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel.

- Condamne in solidum la SA ARMOR PEINTURE et la SMABTP aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 02/01854
Date de la décision : 05/06/2003

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Garantie décennale - Construction d'un ouvrage - Définition

Constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil des travaux entrepris sur une importante propriété qui n'avaient pas pour but un simple ravalement s'inscrivant dans le cadre de travaux d'entretien et de maintenance normaux, mais comportaient des travaux de rejointoiement destinés à éviter les infiltrations ainsi que des travaux d'étanchéité


Références :

Code civil, article 1792

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2003-06-05;02.01854 ?
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