Septième Chambre ARRÊT R.G : 02/01079 M. Arsène X... Mme Jeanine LE Y... épouse X... Z.../ CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCES MALADIE A... MORBIHAN S.A.R.L. LE B... TRAVAUX AGRICOLES MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE BRETAGNE-GROUPAMA Mme Odile EUZENAT LE B... Réformation RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM A... PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT A... 04 JUIN 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET A... DÉLIBÉRÉ
:
Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER : Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 09 Avril 2003 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 04 Juin 2003, date indiquée à l'issue des débats.
APPELANTS : Monsieur Arsène X... C... 56480 CLEGUEREC représenté par la SCP BAZILLE etamp; GENICON, avoués assisté de Me Claude CHAPPEL, avocat Madame Jeanine LE Y... épouse X... C... 56480 CLEGUEREC représentée par la SCP BAZILLE etamp; GENICON, avoués assistée de Me Claude CHAPPEL, avocat INTIMEES : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE A... MORBIHAN 37 boulevard de la Paix 56000 VANNES représentée par Me Jean-Loup BOURGES, avoué assistée de Me Antoine JOURDA, avocat S.A.R.L. LE B... TRAVAUX AGRICOLES poursuite et diligences de sa liquidatrice amiable Mme EUZENAT-LE B... demeurant en cette qualité audit siège, fonction à laquelle elle a été nommée lors de l'assemblée générale
extraordinaire du 30.06.94 Kermenaven 56480 CLEGUEREC représentée par la SCP GUILLOU etamp; RENAUDIN, avoués assistée de Me Michel PEIGNARD, avocat MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE Avenue Général Borgnis Desbordes BP 326 56018 VANNES CEDEX représentée par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués assistée de Me Yves REGENT, avocat CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE BRETAGNE-GROUPAMA Rue du Colonel Rémy BP 201 56006 VANNES CEDEX représentée par la SCP CHAUDET etamp; BREBION, avoués assistée de Me Yves BEAUVOIS, avocat Madame Odile EUZENAT LE B..., es qualité de Liquidatrice amiable de la SARL LE B... TRAVAUX AGRICOLES Lieudit Kerménaven 56480 CLEGUEREC représentée par la SCP GUILLOU etamp; RENAUDIN, avoués assistée de Me Michel PEIGNARD, avocat
Le 24 juillet 1990 M. Arsène X... a entrepris de nettoyer à la main la trémie d'une moissonneuse appartenant à la SARL Le B... Travaux Agricoles. Il y est descendu et a posé ses deux pieds sur le carter de la vis sans fin horizontale qui était en mouvement. Ayant glissé il a été blessé à la jambe droite qu'il a fallu amputer sur place.
Par jugement du 19 août 1998 le tribunal de grande instance de Lorient a :
dit que la responsabilité de l'accident ne peut être recherchée sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ou celle d'un contrat de travail ayant lié Monsieur Arsène X... à l'entreprise Le B..., ou sur celui d'un contrat d'entraide agricole défini dans les termes de l'article L 325-1 du code rural,
avant dire droit ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur l'existence d'une éventuelle convention d'assistance bénévole ayant lié Monsieur X... à la SARL Le B... Travaux Agricoles.
Cette décision a été confirmée par arrêt de cette cour le 24 novembre 1999.
Par jugement du 9 janvier 2002 le tribunal de grande instance de Lorient a notamment :
constaté que M. X... était lié à la SARL Le B... Travaux Agricoles par une convention d'assistance bénévole,
constaté que M. X... a commis une faute déchargeant la SARL Le B... Travaux Agricoles de son obligation de réparation,
rejeté en conséquence les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie et des époux X....
Les époux X... ont fait appel de ce jugement. Ils ne contestent pas la qualification juridique donnée par le tribunal. Ils font valoir que la SARL Le B... Travaux Agricoles avait une obligation de sécurité de résultat ; qu'en tout cas c'est sur consigne de M. Le B... que M. X... est intervenu dans la trémie sans connaître les instructions de sécurité relatives à la moissonneuse. Ils concluent donc à la responsabilité totale ou au moins partielle de la SARL Le B... Travaux Agricoles et
demandent l'indemnisation de leurs préjudices.
La caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan soutient que M. X... n'a pas commis de faute et demande l'indemnisation de ses débours.
La SARL Le B... Travaux Agricoles conclut à la confirmation du jugement tant en ce qu'il a retenu une convention d'assistance qu'une faute de M. X.... Elle conclut subsidiairement au caractère excessif des demandes de M. X... et à l'absence de préjudice de son épouse et demande la garantie de son assureur.
La caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Bretagne-Groupama conclut que M. X... se trouvait en fait dans le cadre d'un contrat de travail. Elle demande subsidiairement la confirmation du jugement et très subsidiairement un partage de responsabilité et une limitation au préjudice corporel de l'indemnisation.
La mutualité sociale agricole conclut à la confirmation du jugement qui l'a mise hors de cause. SUR CE
Sur le fondement juridique
Considérant qu'il a été jugé que M. X... et la SARL Le B... Travaux Agricoles n'étaient pas liés par un contrat de travail ; que l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 24 novembre 1999 exclut de discuter les moyens de Groupama sur ce fondement ;
Considérant que le premier juge a exactement énoncé que les parties
étaient liées par une convention d'assistance bénévole caractérisée par l'absence de rémunération, les bonnes relations d'aide de la famille Le B... à Mme X..., agricultrice, le coup de main apportée par M. X... à la SARL Le B... Travaux Agricoles (société familiale) en constituant la contrepartie ;
Que c'est à raison que le premier juge a retenu que M. X... est intervenu dans le cadre d'un échange de bons procédés, de manière occasionnelle et gratuitement ; qu'il sera ajouté que cette aide a été acceptée ;
Considérant que la convention d'assistance bénévole emporte pour l'assisté l'obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel, sauf par lui à prouver une faute de l'assistant ayant concouru à la réalisation du dommage ;
Considérant que, si M. X... a des connaissances agricoles puisqu'il aidait son épouse à la ferme, rien ne démontre sa connaissance particulière du fonctionnement d'une moissonneuse-batteuse ;
Qu'il résulte de l'audition de M. André Le B... que M. X... lui avait dit qu'il allait descendre dans la trémie ; que M. Le B..., créateur de l'entreprise agricole, ne l'en a pas dissuadé et n'a pas attiré son attention sur le caractère dangereux de cette opération qu'il a lui-même effectuée selon lui "des centaines de fois" ; qu'il a "laissé le mécanisme des vis sans fin en marche car autrement le reste des petits pois ne pouvait être évacué" ;
Qu'il a donc laissé M. X... exécuter une manoeuvre dangereuse, voire la lui a demandée, contre les règles de sécurité alors qu'il le savait inexpérimenté en la matière ;
Considérant que pour sa part M. X... aurait dû se refuser à exécuter ce travail risqué alors surtout qu'il manquait de l'expérience nécessaire ;
Que sa faute a concouru à la réalisation du dommage dans une proportion d'un tiers ;
Sur le préjudice de M. X...
A) Préjudice soumis à recours
1) Frais médicaux et assimilés
Ils se sont élevés à 84
627,17 euros ; les frais futurs capitalisés sont de 19
040,50 euros ;
2) Incapacité temporaire totale
Elle a duré du 24 juillet 1990 au 24 janvier 1992 ; M. X... était en retraite mais n'a pu vaquer à ses occupations de la vie quotidienne ; il lui sera alloué une somme de 7 300 euros ;
3) Incapacité permanente partielle
Elle est chiffrée à 60% par l'expert ; la victime était âgée de
soixante et un ans au moment de la consolidation ; il n'est pas prouvé que M. X... doit avoir recours à une tierce personne si ce n'est pour l'aider à mettre sa prothèse ; il sera alloué une somme de 75 000 euros ;
4) Récapitulatif
Compte tenu du partage de responsabilité le préjudice se monte à 185 967,67 x 2/3 = 123 978,45 euros sur lequel s'exerce le recours de la caisse à hauteur de 98
713,11 euros soit un solde revenant à M. X... de 25 265,34 euros ;
B) Préjudice personnel
1) Indemnisation de la douleur
Chiffrée à 5/7 elle sera fixée à 10 000 euros
;
2) Préjudice esthétique
Quantifié à 4/7 il sera fixé à 5
000 euros
;
3) Préjudice d'agrément
Il est incontestable car M. X... ne peut plus pratiquer la marche et le jardinage ; il sera alloué 7 500 euros ;
4) Changement de résidence
Aucun élément du dossier ne permet d'établir que le changement de
résidence a été nécessité par l'infirmité de la victime qui sera déboutée de cette demande ;
5) Récapitulatif
Après partage il revient à M. X... une somme de 15
000 euros ;
Sur le préjudice de Mme X...
Considérant qu'en matière de convention d'assistance bénévole l'assisté n'a l'obligation que de réparer les conséquences des dommages subis par celui auquel il a fait appel ; que les troubles subis par l'épouse de la victime n'entrent pas dans la catégorie des préjudices indemnisables ;
Sur les autres demandes
Considérant que par application de l'article 1153-1 du code civil les intérêts courront du jour de la décision ;
Considérant que la société et son assureur dont la garantie n'est pas discutée seront condamnées aux dépens et à payer à M. X... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 2 500 euros et à la MSA celle de 1 800 euros à titre d'indemnité de procédure ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, Réforme le jugement. Condamne in solidum la société Le B... travaux agricoles et son assureur la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Bretagne-Groupama à payer, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, à : - M. X... la somme de 40 265,34 euros, - La caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 98
713,11 euros. Dit que la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Bretagne-Groupama devra garantir la société Le B... travaux agricoles de ces condamnations. Confirme le jugement en ses autres dispositions. Condamne les mêmes à payer à M. X... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 2 500 euros et à la mutualité sociale agricole celle de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT