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22/05/2003 | FRANCE | N°02/07353

France | France, Cour d'appel de Rennes, 22 mai 2003, 02/07353


Huitième Chambre Prud'Hom ARRÊT R.G : 02/07353 S.A. DCN LOG C/ Mme Moufida X... Y... partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 22 MAI 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Mme Francine SEGONDAT, Président, Mme Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller, Monsieur François PATTE, Conseiller, GREFFIER : M. Philippe Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 28 Mars 2003 devant Mme Francine SEGONDAT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et

qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Contradictoire, pr...

Huitième Chambre Prud'Hom ARRÊT R.G : 02/07353 S.A. DCN LOG C/ Mme Moufida X... Y... partielle RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 22 MAI 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

: Mme Francine SEGONDAT, Président, Mme Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller, Monsieur François PATTE, Conseiller, GREFFIER : M. Philippe Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 28 Mars 2003 devant Mme Francine SEGONDAT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 22 Mai 2003, date indiquée à l'issue des débats

APPELANTE et intimée à titre incident : La S.A. DCN LOG prise en la personne de ses représentants légaux Bâtiment Euclide 168, Chemin de la Capellane 83188 SIX FOURS LES PLAGES CEDEX représentée par Me Béatrice DI SALVO substituant à l'audience Me Jean-Pierre DUPRILOT, Avocats au Barreau de LYON (Cabinet LAMY LEXEL)

INTIMÉE et appelante à titre incident : Madame Moufida X... 25, Rue de Saint Maudé 56100 LORIENT comparante en personne, assistée de M. Christian A..., Délégué syndical C.F.D.T. de LORIENT

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant Contrat à durée indéterminée de chantier en date du 16 octobre 2000, la Sté DNC LOG ayant pour activité le service après-vente au profit des marines étrangères des bâtiments de guerre

construits par la DNC, a embauché Mme Moufida X... en qualité d'assistante arabophone pour assurer les fonctions suivantes dans le cadre d'un contrat commercial conclu avec le royaume d'Arabie Saoudite : soutien des familles des stagiaires saoudiens, interprétariat et traduction.

Estimant avoir subi un véritable harcèlement de la part de M. B..., responsable des stagiaires saoudiens et que la DCN LOG n'a pas pris les dispositions nécessaires pour éviter ses agissements et "s'est mise en position de rupture du contrat de travail à l'égard de sa salariée dès le 23 avril 2001, date à laquelle Mme X... a été mise en arrêt maladie " (sic) celle-ci a, le 8 juin 2001, saisi le Conseil de Prud'hommes de Lorient d'une demande indemnitaire ainsi que de diverses demandes de nature salariale et notamment en paiement d'heures supplémentaires.

En cours de procédure, la Sté DCN LOG a initié une procédure de licenciement et licencié Mme X... le 21 août 2002 pour faute grave pour absence injustifiée depuis le 3 juillet 2002 date d'expiration d'un congé maternité ayant débuté le 3 décembre 2001.

Par jugement rendu le 31 octobre 2002, le Conseil de Prud'hommes de Lorient a jugé le licenciement nul, estimé que Mme X... avait subi un harcèlement sexuel et moral de la part du client de la Sté DCN LOG laquelle n'avait pas fait preuve de toute l'efficacité souhaitable pour la défendre et avait omis d'appliquer les dispositions de l'article L. 122-46 du Code du travail et l'a condamnée à payer à Mme X... 40.490,96 euros au titre des salaires restant à courir entre le 1er mai 2001 et le 23 décembre 2002, 4049,09 euros au titre des congés payés y afférents, 937,07 euros au titre des heures supplémentaires, 93,70 euros au titre des congés payés associés, 4.262,21 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau

Code de Procédure Civile.

La société DCN LOG a, le 20 Novembre 2002, relevé appel de ce jugement. Mme X... en a ultérieurement relevé appel incident.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Au soutien de son appel, la Société DCN LOG fait valoir par conclusions déposées le 18 février 2003 oralement développées à l'audience : 1°) que M. B... appartenant à l'entreprise cliente bénéficiaire des prestations de la DCN LOG n'avait aucune autorité sur Mme X.... 2°) qu'elle même n'avait aucun pouvoir de sanction à l'égard de l'auteur du harcèlement et que les conditions de mise en cause de sa responsabilité n'étaient pas réunies. 3°) qu'elle a tout mis en oeuvre pour assurer la protection de Mme X... et lui a témoigné confiance et soutien, la confirmant dans sa fonction principale : apporter un soutien aux familles de stagiaires. 4°) que Mme X... s'est systématiquement opposée à toutes les mesures prises pour la protéger. 5°) qu'elle n'a effectué aucune heure supplémentaire en octobre, novembre, décembre 2000 ni janvier et février 2001 et que si elle a bien effectué 28 heures supplémentaires en mars et avril 2001, ces heures ont été partiellement récupérées.

Aussi conclut-elle à l'infirmation du jugement, à l'absence de toute faute à elle imputable et à la réduction de la condamnation prononcée au titre des heures supplémentaires.

Elle sollicite en outre le remboursement des salaires versés en exécution de la décision rendue ce 31 octobre 2002 par le Conseil de Prud'hommes de Lorient et la condamnation de Mme X... à lui payer la somme de 762,25 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* * *

En réponse Mme Moufida X... observe, par conclusions déposées le 21 mars 2003 oralement reprises à la barre! 1°) qu'affectée au

service soutien pour l'accueil des stagiaires au Centre de Formation de Lorient, elle a subi une dégradation des relations contractuelles non seulement du fait de l'attitude de M. B... mais aussi du fait de DCN LOG qui s'est toujours refusée à prendre position envers sa salariée, s'est montrée impuissante à éviter les agissements du client, et n'a réagi à la situation qu'en l'empêchant de faire son travail au service des stagiaires saoudiens et de leurs familles. 2°) qu'elle a toujours noté les heures supplémentaires faites et que ces heures n'ont pas été payées et ont été seulement en partie récupérées.

Elle demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions excepté le quantum des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, qu'elle prie la Cour de fixer à 8.524,41 euros, sollicitant en outre 762,25 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS

A - Sur la rupture du contrat de travail

Considérant qu'il est constant qu'à compter de la mi-janvier 2001 jusqu'à ce qu'elle soit mise en arrêt de travail le 23 avril suivant, Mme X... dont les fonctions d'interprétariat et de soutien des familles des stagiaires saoudiens impliquaient des relations quotidiennes avec ceux-ci, s'est heurtée à un véritable harcèlement d'abord sexuel puis moral de la part du responsable des stagiaires saoudiens : M. B..., représentant des Royales Sandi Naval Forces, clientes de la DCN LOG, employeur de celle-ci.

Considérant en effet qu'après avoir essuyé un refus de relations plus personnelles que professionnelles, M. B... l'a mise en cause pour des activités privées de professeur de danse puis pour des comportements ne respectant pas les principes de la religion musulmane, les coutumes saoudiennes et ce qu'il estimait être la

bonne moralité, la dénigrant et réclamant sa cessation d'activité.

Considérant qu'informée de cette situation, la Sté DCN LOG s'est trouvée au coeur d'un conflit d'intérêts puisqu'elle devait tout à la fois satisfaire un client important et protéger une salariée compétente dont les services ne donnaient lieu à aucune critique et dont elle avait besoin pour assister ses clients saoudiens.

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats :

correspondances, rapports, attestations que, ne possédant aucun pouvoir de sanction à l'égard de M. B..., elle a fait ce qui était possible en déprogrammant une activité de Mme X... susceptible de la mettre en contact avec M. B... en février 2001 puis en sollicitant l'intervention de la DCN LORIENT afin qu'elle se manifeste auprès du client dès lors qu'elle entendait maintenir Mme X... dans ses activités puis en interrompant sa ligne téléphonique professionnelle et en lui fournissant un nouveau portable dont le numéro devait rester inconnu de M. B..., mais que dans ses relations contractuelles avec Mme X..., elle a adopté une attitude fautive en la mettant en demeure le 12 avril de quitter le Centre de formation de Lorient malgré les protestations de la salariée, en l'isolant professionnellement et en la plaçant dans une situation telle que son travail s'est trouvé privé de substance.

Considérant que par courrier en date du 23 avril 2001, priant la Sté DCN LOG de réagir, Mme X... a clairement résumé l'impasse dans laquelle elle se trouvait : "il est très difficile de poursuivre cette mission aujourd'hui entre M. C... (son supérieur hiérarchique) qui me conseille des cachets pour dormir, M. D... (responsable hiérarchique de M. C...) qui me demande de résister aux pressions du client B... et Mme E... (collègue assistante arabo islamique) qui mène une campagne de dénigrement auprès des familles saoudiennes leur assurant que je vais quitter l'entreprise".

Considérant que l'attitude ambiguù de la DCN LOG proposant à Mme X... le 27 avril 2001 des contacts extrêmement rares et encadrés avec les familles et lui interdisant de se rendre au CFLT sauf pour évacuation sanitaire d'un malade, la privant de l'essentiel de son travail d'interprétariat, établit clairement que le contrat de travail ne pouvait plus se dérouler dans les conditions prévues à l'origine par la faute de la DCN LOG qui ne pouvait plus fournir à Mme X... la prestation de travail convenue et que la DCN LOG est responsable de la rupture dont la salariée était fondée à prendre acte.

Considérant que celle-ci s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un "contrat de chantier à durée indéterminée", le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme X... les salaires restant dus, le montant des dommages-intérêts étant réduit eu égard au préjudice subi.

B - Sur les heures supplémentaires

Considérant que l'employeur verse aux débats les feuilles de présence signées de Mme X... d'octobre 2000 à avril 2001 tandis que la salariée produit des pages d'agenda sur lesquelles elle fonde sa demande en paiement des heures non récupérées.

Considérant qu'au vu de ces éléments fournis par les 2 parties la Cour est en mesure de se convaincre qu'il reste dû à Mme X... 7 heures supplémentaires à 25% ce qui représente 113,31 euros outre 11,33 euros au titre des congés payés associés.

Que le jugement sera en conséquence réformé en ce sens.

C - Sur les demandes annexes

Considérant que succombant en l'essentiel de son recours, la Sté DCN LOG supportera les dépens et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant que l'équité ne commande pas de faire au profit de Mme

X... application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Réforme le jugement déféré sur le montant des dommages-intérêts et le rappel d'heures supplémentaires.

- Condamne la Sté DCN LOG à payer à Mme X...: 113,31 euros + 11,33 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés y afférents.

- Confirme pour le surplus le jugement déféré.

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- Condamne la Sté DCN LOG aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 02/07353
Date de la décision : 22/05/2003

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut

Constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la rupture d'un contrat de chantier à durée indéterminée dans la mesure où d'une part, en l'espèce, face à un harcèlement sexuel puis moral exercé par un client à l'encontre d'une de ses salariées embauchée en qualité d'assistante arabophone pour assurer les fonctions d'interprétariat et de soutien des familles des stagiaires saoudiens, la société n'a pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin à ces agissements et n'a notamment réagi qu'en isolant professionnellement sa salariée pourtant compétente et où d'autre part, l'attitude fautive de la société, en proposant à sa salariée des contacts extrêmement rares et encadrés avec les familles, en la privant de l'essentiel de son travail d'interprétariat, établit que le contrat de travail ne peut plus se dérouler dans les conditions prévues à l'origine et qu'elle est ainsi responsable de la rupture dont la salariée est fondée à prendre acte.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2003-05-22;02.07353 ?
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