Deuxième Chambre ARRÊT R.G.: 02/04836 RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 20 MAI 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ: Monsieur LETOUZE, Président, Madame NIVELLE, Conseiller, Monsieur PATTE, Conseiller, 1 - EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 23 juillet 2002, la SARL Yannick LE X... a interjeté appel d'un jugement rendu le 01 juillet 2002 par le Tribunal de Commerce de PAIMPOL, qui a dit que Michel LE Y... n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SARL Yannick LE X... et que le prétendu préjudice de cette dernière n'est pas démontré.
La SARL Yannick LE X... demande la réformation du jugement, que soit constatée la faute grave engageant la responsabilité quasi-délictuelle de Michel LE Y... et que soit prononcée sa condamnation au paiement de la somme de 8 842,04 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tant matériel que moral subi par l'entreprise, et de celle de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Michel LE Y... demande au contraire à la Cour de confirmer la décision dont appel et sollicite la condamnation de la SARL Yannick LE X... à lui payer la somme de 3 050 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi et la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile. 2 - MOYENS PROPOSES PAR LES PARTIES
Considérant que la SARL Yannick LE X..., appelante, expose au soutien de son recours, qu'il n'existe pas de liens juridiques entre elle et Michel LE Y... et qu'en conséquence les parties étaient en situation de concurrence ; qu'elle souligne que Michel LE Y... a voulu tirer profit du renom de la SARL Yannick LE X... en utilisant sans autorisation le nom et les références commerciales de
cette dernière ; qu'elle rappelle enfin qu'elle n'a pas à apporter la preuve d'une baisse de son chiffre d'affaires et que le trouble commercial subi constitue bien un préjudice moral indemnisable.
Michel LE Y..., intimé, soutient au contraire qu'il existait d'étroites relations de collaboration entre lui et la SARL Yannick LE X... et qu'il oeuvrait pour le compte de cette société ; qu'il affirme par ailleurs qu'il n'a pas commis de faute à l'égard de l'appelante, ni créé un risque de confusion au détriment de cette dernière, et qu'il en conclut que l'attitude abusivement procédurière de la SARL Yannick LE X... lui a causé un préjudice moral dont la réparation est justifiée.
3 - MOTIFS DE L'ARRET
Considérant que la SARL Yannick LE X..., entreprise de construction, a été contactée au cours du mois de juillet 1999 par un certain M. Z... aux fins de constater certaines anomalies sur un chantier de construction d'une piscine, chantier suivi par Michel LE Y... pour le prétendu compte de l'appelante ;
Que M. LE X..., gérant de la société éponyme, s'est rendu sur les lieux et s'est fait remettre par M. Z..., un dossier où apparaît entre autres documents, un contrat de construction d'une piscine à l'entête de PISCINES D'ARMOR et comportant l'adresse, les numéros de téléphone et de fax de la SARL Yannick LE X... ;
Qu'ignorant l'existence de ce chantier et considérant qu'il avait été mené à son insu, M. LE X... a porté plainte contre Michel LE Y... pour création et usage de faux documents à en tête de sa société ;
Considérant que Michel LE Y... ne nie pas qu'il a réalisé des documents et qu'il les a utilisés mais soutient qu'il n'est pas imaginable au vu "des fiches clients" et notamment celles en date 10
octobre 1998 et du 12 avril 1999 que les documents recomposés l'aient été sans l'accord de M. LE X... ;
Or considérant que des pourparlers de collaboration existaient bien entre les deux parties ; qu'en effet le courrier en date du 27 avril 1999 adressé à Michel LE Y... démontre l'existence et non pas la fin de telles relations d'affaires, contrairement à ce que soutient la SARL LE X... ;
Considérant encore que dans le rapport de gendarmerie N° 2383 du 18 mars 2000, M. LE X... reconnaît avoir été au courant du projet de catalogue établi par Michel LE Y... qui toutefois ne devait pas s'en servir "tant que leur collaboration ne serait pas effective" affirmation qui, comme l'ont constaté les premiers juges, sous-tend obligatoirement une relation d'affaire ;
Qu'il en résulte que M. LE X... a contribué à créer une apparence de collaboration entre Michel LE Y... et sa société, notamment en retransmettant par "fiche client" les appels adressés à Michel LE Y... ; qu'il en résulte que les faits incriminés ne sauraient constituer des actes de concurrence déloyale justifiant la réparation du préjudice allégué ;
Qu'en conséquence la SARL LE X... sera débouté de sa demande sur le fondement de la concurrence déloyale ;
Mais considérant par ailleurs que Michel LE Y... a entrepris le 17 mai 1999 un chantier de construction de piscine chez M. Z...;
Que lors de leur rencontre sur ce même chantier en juillet 1999, M. Z..., comme en attestent les pièces versées aux débats, a constaté la surprise et l'étonnement de M. LE X... qui d'évidence, n'avait pas connaissance de l'avancement d'un tel chantier, ni de l'existence de devis et plans à en tête des PISCINES D'ARMOR mais comportant les références commerciales de la société LE X... ;
Qu'il résulte de ces faits que Michel LE Y... s'est rattaché volontairement et de manière directe à la société LE X... sans toutefois l'en informer préalablement et expressément et qu'il a utilisé abusivement le nom et les références commerciales de celle-ci à l'insu de son gérant ;
Qu'en effectuant un chantier défectueux et clandestin sous couvert de l'identité de la société LE X..., Michel LE Y... a commis une faute grave portant atteinte à l'image de l'entreprise et lui causant un trouble commercial certain ; que toutefois la société LE X... n'apportant pas la preuve d'un préjudice matériel, seul le préjudice moral sera retenu ;
Qu'en conséquence Michel LE Y... sera condamné à payer la somme de 5000 euros à l'appelante à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL LE X... les frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de la présente procédure ; qu' il y a lieu en conséquence de condamner Michel LE Y... à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Que succombant, il sera également condamné aux dépens ;
DECISION
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Réformant la décision déférée,
Condamne Michel LE Y... à payer à la SARL Yannick LE X... la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ;
Condamne Michel LE Y... à payer à la SARL Yannick LE X... la somme
de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne Michel LE Y... aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile
LE GREFFIER LE PRESIDENT