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20/05/2003 | FRANCE | N°02/04412

France | France, Cour d'appel de Rennes, 20 mai 2003, 02/04412


Deuxième Chambre ARRÊT R.G.: 02/04412 RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 20 MAI 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ: Monsieur LETOUZE, Président, Madame NIVELLE, Conseiller, Monsieur CHRISTIEN, Conseiller, EXPOSE DES FAITS-PROCEDURE-OBJET DU RECOURS

La Société CARADEC est spécialisée dans la production et la commercialisation de l'oeuf en batterie;

La société LES FERMIERS DE BRETAGNE est spécialisée dans la production des oeufs fermiers et bio;

A la suite de divers accords il a été convenu entre le

s deux sociétés, la Société CARADEC s'intéressant aux oeufs bio, que LES FERMIERS D...

Deuxième Chambre ARRÊT R.G.: 02/04412 RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 20 MAI 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ: Monsieur LETOUZE, Président, Madame NIVELLE, Conseiller, Monsieur CHRISTIEN, Conseiller, EXPOSE DES FAITS-PROCEDURE-OBJET DU RECOURS

La Société CARADEC est spécialisée dans la production et la commercialisation de l'oeuf en batterie;

La société LES FERMIERS DE BRETAGNE est spécialisée dans la production des oeufs fermiers et bio;

A la suite de divers accords il a été convenu entre les deux sociétés, la Société CARADEC s'intéressant aux oeufs bio, que LES FERMIERS DE BRETAGNE achèteraient à la Société CARADEC sa production d'oeufs bio qu'elle lui revendrait après avoir effectué un travail de calibrage et de conditionnement;

Une convention de collaboration était passée entre la Société CARADEC et LES FERMIERS DE BRETAGNE , sans que la Société CARADEC ne la signe ; les relations entre les deux sociétés se sont toutefois établies sur cette base à compter du mois de septembre 1997 ;

A compter du mois de mai 1998 les relations entre la Société CARADEC et LES FERMIERS DE BRETAGNE se sont dégradées et le 1er septembre 1998 la Société CARADEC mettait fin à sa collaboration avec LES FERMIERS DE BRETAGNE ;

S'estimant victime d'une rupture abusive et brutale des relations commerciales qu'elle entretenait avec la Société CARADEC, la société LES FERMIERS DE BRETAGNE assignait celle-ci devant le Tribunal de Grande Instance de DINAN statuant en matière commerciale qui par jugement en date du 9 mai 2000 déclarait fautive la rupture de la convention de collaboration par la société CARADEC qui était en outre déboutée de ses demandes reconventionnelles;

Cette décision était confirmée, mais par substitution de motifs, par

un arrêt de la Cour d'Appel de Rennes en date du 25 avril 2001;

Le jugement du Tribunal de Dinan, qui était assorti de l'exécution provisoire , ayant ordonné une expertise afin de chiffrer le préjudice subi par LES FERMIERS DE BRETAGNE du fait des agissements de la Société CARADEC, l'expert a déposé son rapport le 24 février 2001;

Au vu de ce rapport et sur demande de la société LES FERMIERS DE BRETAGNE , le Président du Tribunal de Grande Instance de DINAN , statuant en référé, allouait à celle-ci par ordonnance en date du 10 juillet 2002 une provision de 30 489,80 euros ( 200 000 francs ) réglée par la Société CARADEC ;

Par jugement en date du 14 mai 2002, le Tribunal de Grande Instance de DINAN , statuant en matière commerciale, a :

- condamné la Société CARADEC à verser à la société LES FERMIERS DE BRETAGNE la somme de 213 997,26 euros , dont à déduire la provision de 30 489,80 euros soit la somme de 183 507,46 euros outre les intérêts légaux à compter de l'assignation;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de la moitié de la condamnation prononcée;

- condamné la Société CARADEC à verser à la société LES FERMIERS DE BRETAGNE la somme de 2300 euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La Société CARADEC a interjeté appel de cette décision;

Elle demande à la Cour aux termes de ses conclusions récapitulatives du 6 septembre 2002, à, a titre principal de :

- dire et juger que la société LES FERMIERS DE BRETAGNE n'a subi aucun préjudice consécutivement à la rupture par la Société CARADEC de leurs relations commerciales;

- débouter la société LES FERMIERS DE BRETAGNE de toutes ses demandes, fins et conclusions;

A titre subsidiaire de surseoir à statuer jusqu'à décision définitive à intervenir suite au pourvoi inscrit le 20 juillet 2001 auprès de la Cour de Cassation sur l'arrêt rendu le 25 avril 2001 par la Cour d'Appel de Rennes ;

A titre infiniment subsidiaire de :

- dire que compte tenu de la nature et de la durée de leurs relations commerciales, la Société CARADEC aurait dû respecter un préavis d'une durée de 3 mois;

- ordonner une nouvelle mesure d'expertise comptable ayant pour mission, après avoir convoqué les parties et leurs conseils, de se faire communiquer les documents contractuels et comptables relatifs aux exercices 1997,1998 et 1999 et de dire si la société LES FERMIERS DE BRETAGNE a effectivement et réellement subi un préjudice du fait de la rupture sans préavis de leurs relations commerciales et dans l'affirmative d'en évaluer le montant , étant précisé que celui-ci ne saura excéder une durée de trois mois commençant à courir à compter du mois de septembre 1998; de faire de façon générale toute observation de nature à éclairer le Tribunal;

En toute hypothèse de condamner la société LES FERMIERS DE BRETAGNE au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LES FERMIERS DE BRETAGNE concluent à la confirmation de la décision attaquée et demandent la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

MOYENS PROPOSES PAR LES PARTIES

Considérant qu'au soutien de son recours la Société CARADEC affirme que LES FERMIERS DE BRETAGNE n'ont subi aucun préjudice consécutif à

la rupture de leurs relations commerciales dans la mesure où, ayant trouvé rapidement d'autres partenaires :

- aucune chute significative des quantités d'oeufs annuelles traitées n'est enregistrée malgré la perte du marché CARADEC à partir du mois d'août 1998 et alors que le prix de vente moyen annuel est en constante progression;

- le chiffre d'affaires de la société LES FERMIERS DE BRETAGNE a été maintenu par référence à celui réalisé lorsqu'elle travaillait avec la Société CARADEC ;

- aucun plan de licenciement n'a été mis en oeuvre et la masse salariale est restée stable;

Considérant qu'elle fait valoir qu'il n'est pas démontré que la société LES FERMIERS DE BRETAGNE ait eu la capacité de traiter près de 30 % de volume d'oeufs supplémentaire par rapport à ce qu'elle traitait avant le départ de CARADEC ni qu'elle ait eu la clientèle lui permettant d'écouler ce volume supplémentaire;

Considérant que la Société CARADEC critique également la méthode de calcul de l'expert Monsieur X... pour déterminer le préjudice de la société LES FERMIERS DE BRETAGNE et fait observer que, sous réserve de la décision de la Cour de Cassation saisie d'un pourvoi contre la décision rendue le 25 avril 2001, la durée du préavis ne saurait excéder 3 mois comme il est d'usage dans le secteur professionnel considéré;

Qu'elle estime qu'il doit être sursis à statuer sur la présente demande jusqu'à la décision de la Cour de Cassation ;

Considérant que la Société CARADEC estime encore que les méthodes de calcul de l'expert aboutissent à un enrichissement sans cause de la société LES FERMIERS DE BRETAGNE et qu'il convient pour calculer le préjudice certain, direct et prévisible subi par la société LES FERMIERS DE BRETAGNE de prendre pour base les seuls volumes

effectivement vendus par LES FERMIERS DE BRETAGNE à la Société CARADEC depuis le début de leurs relations commerciales; qu'enfin le préjudice ne peut être calculé qu'en fonction de la marge nette pendant toute la période considérée;

Considérant que la société LES FERMIERS DE BRETAGNE fait valoir de son côté que la Société CARADEC n'a jamais contesté l'authenticité ni la valeur probante de la comptabilité utilisée par l'expert pour établir le dommage subi;

Que l'expert et le Tribunal ont justement constaté une perte significative du volume d'activité , consécutive à la rupture, et génératrice d'un préjudice incontestable; que ce n'est qu'en juin 1999 que LES FERMIERS DE BRETAGNE ont retrouvé un certain volume d'activité;

Considérant que pour un plus ample exposé des faits , de la procédure et des prétentions des parties la Cour se réfère à la décision attaquée, et aux écritures des parties régulièrement signifiées;

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant, sur la demande de sursis à statuer, que la Cour de Cassation a , par arrêt du 6 mai 2003 , rejeté le pourvoi formé par la Société CARADEC contre la décision de la Cour d'Appel de céans en date du 25 avril 2001;

Que la demande de ce chef est devenue sans objet;

Sur le fond

Considérant que dans son arrêt en date du 25 avril 2001 la Cour d'Appel de Rennes a confirmé la rupture abusive par la Société CARADEC de ses relations contractuelles avec la société LES FERMIERS DE BRETAGNE ;

Le Tribunal ayant ordonné une expertise, l'expert Monsieur X... a déposé son rapport ;

Considérant qu'une rupture brutale des relations commerciales, sans

préavis, ne peut que générer un préjudice à la société victime de cette rupture brutale qui ne lui a pas permis , comme elle aurait pu le faire pendant la durée du préavis, de nouer des relations commerciales avec d'autres partenaires;

Qu'en l'espèce ce préavis devait tenir compte des impératifs techniques de la profession à savoir la durée de production des poules pondeuses, de la durée des relations contractuelles entre les parties qui avaient débuté dès 1995 mais n'avaient été formalisées que depuis un projet de contrat en date du 25 septembre 1997;

Considérant ainsi que la durée de 14 mois retenue par l'expert apparaît parfaitement raisonnable soit du 1er août 1998 au 30 septembre 1999;

Considérant que l'expert note dans son rapport : "qu'en 1996 le pourcentage des ventes à la Société CARADEC était de 20 %, qu'il a chuté en 1997 à 13 % pour passer à 28 % sur les 7 premiers mois de l'année 1998";

Qu'il note encore, à la page 16 de son rapport : " l'analyse des ventes mensuelles ( tous clients confondus ) nous permet de constater une chute de vente d'oeufs à parti du mois d'août , non seulement à destination de la S.A CARADEC mais également une chute des ventes totale de l'ordre de 700 000 oeufs par mois ";

Considérant que la lecture du tableau de synthèse de la page 14 du rapport permet de constater que la moyenne mensuelle des ventes d'oeufs à CARADEC est passée de 693 000 au 1er trimestre de 1998 à 808 000 au deuxième trimestre pour chuter à 383 000 au troisième trimestre de la même année avant que les ventes ne soient totalement suspendues;

Qu'il n'est donc pas sérieusement contestable que le comportement de la Société CARADEC a eu un impact négatif pour la société LES FERMIERS DE BRETAGNE ;

Considérant qu'il sera fait remarquer que la défection brutale de la Société CARADEC a été d'autant plus préjudiciable à la société LES FERMIERS DE BRETAGNE que le marché de l'oeuf connaissait une crise , étant observé que l'expert a tenu compte dans l'évaluation du préjudice des nouveaux marchés que la conjoncture a permis à la société LES FERMIERS DE BRETAGNE de regagner à compter du 1er juin 1999;

Considérant enfin sur la capacité de la société LES FERMIERS DE BRETAGNE d'absorber un surcroît de production que l'expert a justement fait remarquer que d'une part il est toujours possible d'augmenter l'amplitude des horaires de conditionnement et que d'autre part avant le départ de la Société CARADEC, en décembre 1997, le volume traité était de 30 % supérieur aux volumes traités de juin à septembre 1999 (après la prise de nouveaux marchés) ;

Considérant enfin que rien ne justifie que soit ordonnée une nouvelle expertise;

Qu'il convient en conséquence de confirmer en tous points la décision attaquée;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société LES FERMIERS DE BRETAGNE l'intégralité des frais irrépétibles engagés à l'occasion de la procédure d'appel; qu'il convient de lui accorder la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant que succombant en son recours la Société CARADEC supportera les dépens de première instance et d'appel; DECISION

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires du premier juge qu'elle adopte,

LA COUR

Confirme la décision déférée;

Condamne la Société CARADEC à payer à la société LES FERMIERS DE

BRETAGNE la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la Société CARADEC aux dépens de première instance et d'appel , ceux ci pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT B. FOURNIER P. LETOUZE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 02/04412
Date de la décision : 20/05/2003

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Résiliation - Résiliation unilatérale - Contrat conclu pour une durée indéterminée - Préavis - Délai - Inobservation

Subit un préjudice la société qui n'a pu que constater la perte significative de son volume d'activité suite à la rupture sans préavis par son partenaire com- mercial de leur convention de collaboration, la durée de préavis devant à cet égard tenir compte des impératifs techniques de la profession avicole


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2003-05-20;02.04412 ?
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