Quatrième Chambre
ARRÊT R.G : 02/05192
M. Adrien X... C/ COMMUNE DE BINIC Infirmation
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 MARS 2003
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Luc MOIGNARD, Président,
M. Philippe SEGARD, Conseiller,
Mme Véronique JEANNESSON, Conseiller, GREFFIER : Mme Agnès EVEN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 28 Janvier 2003
devant M. Jean-Luc MOIGNARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Contradictoire, prononcé par M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 20 Mars 2003, date indiquée à l'issue des débats.
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APPELANT : Monsieur Adrien X...
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22520 BINIC représenté par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT etamp; LE CALLONNEC, avoués
assisté de Me Véronique BAOUSSON, avocat
INTIMEE : COMMUNE DE BINIC
Hôtel de Ville
Quay de Z... - BP 59
22520 BINIC représentée par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués
assistée de Me Jean-Paul MARTIN, avocat I - Exposé préalable : Par acte authentique reçu par Me Le Bonnec, notaire, Monsieur X... a acquis de la commune le 8 juillet 1997 un terrain à bâtir de 850 m2 correspondant au lot n°11 du lotissement communal "Chateau-Croc" à Binic, pour le prix de 179 350 francs hors taxes, soit 216 296,10 francs TTC. Ce prix TTC de 211 francs le m2 était, selon délibération du Conseil Municipal du 21 juillet 1995, celui prévu pour les terrains ayant vue sur mer, les autres étant vendus pour 190 francs le m2. Considérant que le terrain par lui acquis n'avait pas vue sur la mer, M. X... a, par lettre du 18 juin 1999, sollicité de la Commune de Binic le remboursement de la somme de 21 527,10 francs, correspondant à la différence de prix des lots. Il lui a été répondu le 21 juin suivant qu'il avait acheté ce terrain en toute connaissance de cause par rapport à sa situation et à son positionnement et qu'il n'avait émis aucune réserve lors de la signature de l'acte authentique.
Saisi le 15 juin 2000 par M. X..., et après transport sur les lieux, le Tribunal d'instance de Saint Brieuc, par jugement du 4 décembre 2000, constatant que le demandeur n'apportait pas la preuve de ce que la vue sur la mer, aujourd'hui cachée par de la végétation, n'existait pas au jour de la vente, a : - Débouté Monsieur X... de ses demandes ; - Condamné Monsieur X... à payer au Maire de Binic la somme de 2 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Monsieur X... a déclaré appel de ce jugement le 13 février 2001.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées : - le 9 décembre 2002 pour Monsieur Adrien X... ; - le 16 décembre 2002 pour la Commune de Binic. L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2003.
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II - Motifs : Une vente est parfaite lorsqu'il y a accord sur la chose et sur le prix. En l'espèce, le prix indiqué à l'acte et payé le même jour, soit 179 350 francs hors
taxes et 216 296,10 francs TVA incluse, a été fixé par délibération du Conseil Municipal en date du 21 juillet 1995 sur proposition du maire à 211 francs HT le m2 pour les terrains avec vue sur mer et 190 francs HT le m2 pour les autres. Cette délibération s'imposait aux parties et n'avait plus à faire l'objet d'une publicité préalable depuis la Loi 94-112 du 9 février 1994. Elle n'apparaît pas comme ayant été incluse dans le second dépôt de pièces au rang des minutes du notaire du 22 mai 1996 pour n'être pas mentionnée en page 5 de l'acte authentique reprenant l'ensemble de ces pièces. La mention, en page 2 de l'acte, d'une délibération du 9 juin 1995 apparaît comme une confusion avec l'arrêté municipal de cette date et en réalité l'acte de vente dont s'agit n'a donné aucune indication à l'acquéreur sur la délibération fixant les prix au m2. Enfin il doit être constaté que l'acte, bien que précis sur la désignation du bien vendu, ne mentionne pas la "vue sur mer", élément pourtant considéré comme substantiel par la venderesse puisque justifiant un prix plutôt qu'un autre. Monsieur Adrien X... peut donc arguer de ce qu'il n'a été informé qu'ultérieurement de la teneur de cette décision.
*** Même si l'acte ne contient aucune mention à ce sujet, il convient donc de rechercher si le terrain en cause avait une vue sur la mer à la date de son acquisition soit en juillet 1997. La Commune indique que c'était le cas et l'acquéreur prétend le contraire. Dans la mesure où l'acquéreur a été laissé dans l'ignorance sur le mode de calcul du prix, c'est à la Commune de Binic d'établir ce qu'elle prétend. Il a été constaté par le premier juge sur les lieux et il n'est pas contesté que le 2 octobre 2000 la vue de la mer était inexistante depuis ledit terrain à raison de haies d'arbres en limite de la parcelle et en contrebas du lot. A l'exception de la croissance naturelle de la végétation, les photographies ne démontrent rien de plus que l'art consommé de ceux qui les ont prises pour utiliser au mieux les angles de vue. L'attestation du paysagiste M. C... indique que les arbres constituant le bois sis entre la propriété et la mer croissent de 30 cm par an pour les prunelliers à plus de 50cm par an pour les ormes et les frênes mais il n'est apporté aucune précision sur la consistance exacte de ce bois ou de cette haie et sur l'emplacement des différentes espèces. La Commune de Binic n'apporte pas la preuve de ce que la parcelle vendue le 11 juillet 1997 à M. X... avait une vue sur la mer et celui-ci est bien fondé à obtenir la diminution du prix en application des dispositions de la délibération du Conseil Municipal du 21 juillet 1995. La Commune de Binic sera donc condamnée à rembourser à celui-ci la somme de 3 281,79 euros (21 527,10 francs) avec intérêts à compter du 15 juin 2000, date de la saisine de la juridiction.
*** Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant la totalité des frais irrépétibles engagés à l'occasion de cette instance et il lui sera alloué de ce chef la somme de 900 euros.
Par ces motifs, La Cour :
- Reçoit l'appel, régulier en la forme ; - Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; - Condamne la Commune de Binic à payer à Monsieur Adrien X... les sommes de : *TROIS MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT UN EUROS et 79 centimes (3 281,79 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2000 ; *NEUF CENTS (900) EUROS en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; - Condamne la Commune de Binic aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier, Le Président,