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21/01/2003 | FRANCE | N°01/00936

France | France, Cour d'appel de Rennes, 21 janvier 2003, 01/00936


COUR D'APPEL DE RENNES

Première chambre B Arrêt du 21 janvier 2003 R.G: 01-00936

Les époux X... sont propriétaires à PONTRIEUX d'un ensemble immobilier cadastré A n° 282, donnant au Nord sur la rue de l'EPERONNERIE, à l'Ouest sur l'impasse du TRIEUX, étant bordé à l'Est par la parcelle 281, laquelle est elle-même bordée à l'Est par les parcelles partiellement bâties A 818 et 817 appartenant, aux époux Y....

Au sud de ces parcelles existe une bande de terre, sans référence cadastrale semblant formée par les alluvions déposées par la rivière du Trieux

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Des difficultés opposant les époux Y... aux époux X... quant à leurs droits respect...

COUR D'APPEL DE RENNES

Première chambre B Arrêt du 21 janvier 2003 R.G: 01-00936

Les époux X... sont propriétaires à PONTRIEUX d'un ensemble immobilier cadastré A n° 282, donnant au Nord sur la rue de l'EPERONNERIE, à l'Ouest sur l'impasse du TRIEUX, étant bordé à l'Est par la parcelle 281, laquelle est elle-même bordée à l'Est par les parcelles partiellement bâties A 818 et 817 appartenant, aux époux Y....

Au sud de ces parcelles existe une bande de terre, sans référence cadastrale semblant formée par les alluvions déposées par la rivière du Trieux.

Des difficultés opposant les époux Y... aux époux X... quant à leurs droits respectifs sur la bande de terre située le long du TRIEUX.

Le Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP, par jugement du 20

décembre 2000, a :

- déclaré recevable la demande des époux X...,

- y faisant droit pour partie, constaté le défaut d'enclave de la propriété de M. et Mme Y...,

- pour le surplus, débouté les époux X... de leurs demandes,

- dit que la propriété de M. et Mme Y..., cadastrée section A

187 bénéficie d'un droit de passage sur la parcelle appartenant à M. et Mme

X... et située entre la parcelle cadastrée section A n° 282 appartenant aussi à ces derniers et la rivière du Trieux,

- condamné les demandeurs à payer aux défendeurs la somme de 10.000

F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Les époux X... ont interjeté appel de cette décision. Dans leurs dernières écritures du 16 octobre 2002 ils demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande de

M. et Mme X... et constaté le défaut d'enclave de la propriété de M. et Mme

Y... cadastrée section A n° 817 commune de PONTRIEUX,

- réformer ledit jugement pour le surplus,

- constater la carence des époux Y... à rapporter la preuve d'un titre établissant l'existence au profit de leur parcelle désignée ci-dessus, d'un droit de passage sur le remblai dont M. et Mme X... sont propriétaires et qui est situé entre leur parcelle cadastrée section A n° 282 et la rivière LE TRIEUX,

- dire en conséquence que M. et Mme Y... ne bénéficient d'aucun droit de passage sur ledit remblai et leur interdire en conséquence sous astreinte tout passage sur la propriété de M. et Mme X...,

- condamner M. et Mme Y... à verser une indemnité de 800

euros par an depuis 1995 à M. et Mme X... en réparation du préjudice matériel et moral subi par ces derniers du fait du passage exercé depuis 1995, SUBSIDIAIREMENT, si par impossible, la Cour reconnaissait le droit de passage au profit de la propriété des époux Y...,

- fixer à la somme de 800 euros le montant de l'indemnité annuelle due à M. et Mme X... par M. et Mme Y... sur le fondement de l'article

682 du code civil,

- dire que cette somme sera revalorisée annuellement en fonction de l'indice INSEE de la construction ou de tout autre indice qui y serait substitué,

- condamner en tant que de besoin M. et Mme Y... au paiement de cette somme avec effet à compter de 1995,

- ordonner la publication de la présente décision au bureau des hypothèques

ou à titre subsidiaire et avant dire droit en ce qui concerne ladite indemnité,

- désigner un expert pour donner à la Cour tous éléments d'évaluation de cette indemnité,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- condamner les époux Y... à supporter tous les dépens et à verser à M. et Mme X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile une somme de 4500 euros.

Les époux Y..., dans leurs dernières écritures du 24

avril 2002 sollicitent que la Cour :

- dise les époux X... mal fondés en leur appel,

- réforme partiellement le jugement

et,

A TITRE PRINCIPAL

- Vu les articles 30 et suivants du nouveau code de procédure civile, réforme le jugement déféré en ce qu'il a reconnu aux époux X... un droit de propriété sur la parcelle litigieuse et en conséquence dise que M. et Mme

X... sont irrecevables en leur action, faute de pouvoir justifier d'un intérêt légitime conférant qualité pour agir, A TITRE SUBSIDIAIRE

- Vu l'article 98 alinéa 2 du code rural devenu L 215-2 du Code de l'environnement,

dise que la propriété éventuelle de M. et Mme X... sur la parcelle située entre la rivière le Trieux et la parcelle de M. et Mme X... cadastrée section A 282 ne saurait faire obstacle au droit de passage acquis par M. et Mme Y... pour la desserte de leur fonds cadastré A 817

SUBSIDIAIREMENT

- Vu les articles 682 et suivants du code civil,

dire que la propriété de M. et Mme Y... cadastrée A 817 se trouve

bien enclavée et en conséquence qu'elle bénéficiera d'une servitude de passage sur la parcelle située entre la rivière le Trieux et la propriété de M. et Mme

X..., ladite servitude ne pouvant donner lieu à aucune indemnité au profit de M. et Mme X... en raison de la prescription trentenaire,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- débouter les époux X... de toutes leurs demandes, les condamner aux dépens ainsi qu'à verser à M. et Mme Y... la somme de 2500

euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Cour pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties fera expressément référence au jugement entrepris et aux dernières écritures déposées. MOTIFS DE LA DECISION

I - Considérant qu'il résulte suffisamment des pièces produites aux débats qu'au lieu où se situe le litige le Trieux est un cours d'eau non domanial ;

Considérant qu'en effet sont concordants en ce sens, les renseignements découlant des pièces produites et notamment :

- de l'examen du document intitulé schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux du bassin Loire Bretagne cours d'eau domaniaux et non domaniaux,

- de la lecture de la lettre adressée à M. X... le 17

juillet

2000 par le Directeur Départemental de l'équipement précisant "après vérification... ce terrain... ne fait pas partie du domaine public pluvial... les limites de ce domaine étant fixées au niveau du pont routier rejoignant la route départementale n° 87, pont en amont duquel la rivière cesse d'être navigable. Ces limites du domaine public pluvial sont confirmées par un tout récent arrêté préfectoral

en date du 16

mai 2000" ;

- des visas de "l'article 112 du code rural sur les déversements dans un cours d'eau non domanial des eaux usées provenant d'égouts communaux" dans l'arrêté du 4 janvier 1973 par lequel le Préfet des Côtes du Nord a déclaré d'utilité publique les travaux de station d'épuration et de construction d'égout que voulait réaliser le syndicat de la Rive à cet endroit ;

Considérant que ne peut faire obstacle à la revendication par les époux

Y... du terrain litigieux, situé entre la limite Sud de la parcelle 282 et la rive du Trieux, ni le fait que cette parcelle ne soit pas identifiée au cadastre, ni celui qu'elle ne figure pas dans leur titre de propriété, ni enfin la circonstance qu'ils ne paieraient pas pour cette bande de terre d'impôt foncier ;

Considérant qu'en effet le droit de propriété peut s'établir librement au-delà même des indications figurant dans les titres, et sans que puisse faire obstacle à la recevabilité de la demande des circonstances déduites du cadastre qui est un document fiscal et non un livre foncier faisant preuve de la propriété ou d'une éventuelle irrégularité de situation au regard de l'imposition foncière ;

Considérant qu'il ne résulte pas des faits de la cause que la propriété des parties soit séparée du lit du TRIEUX par un chemin public ou par un chemin privé appartenant à un tiers ;

Considérant que l'une comme l'autre des parties ont donc la qualité de riverain du Trieux ;

Considérant que s'agissant à cet endroit d'un cours d'eau non domanial, les riverains en application de l'article L 215-2 du code de l'environnement sont propriétaires sauf titre ou prescription contraire du lit du ruisseau, que la propriété des alluvions, relais et atterrissements est réglé aux termes de l'article 215-6 du même code par les dispositions des articles 556 et suivants du code civil

;

Considérant que la thèse selon laquelle la bande de terre litigieuse ne pourrait être considérée comme alluvion relais ou atterrissement, au motif que sa réalisation serait le fruit de travaux faits par l'homme n'est pas étayée en fait ;

Considérant qu'en effet les attestations produites décrivent comme existant depuis toujours à cet endroit une berge, dont la largeur a varié au fil du temps, et que les riverains ont simplement fait des travaux de confortation ou d'aménagement des berges sans intervenir sur le cours de la rivière ;

Considérant que la bande de terre litigieuse est donc bien comme l'a retenu le premier juge propriété des riverains ;

Considérant que toutefois tant au terme de l'alinéa trois de l'article 215-2 du code de l'environnement et antérieurement de l'article 98 ancien du code rural que de la jurisprudence constante ce droit de propriété est grevé des droits antérieurement acquis par "les riverains ou autres intéressés" ;

Considérant que les attestations produites aux débats, les photographies anciennes démontrent que depuis des temps immémoriaux l'accès des berges était laissé libre, que pendant très longtemps les habitants du village disposaient des "planches à laver sur les berges" déversaient des eaux usées dans le cours d'eau par vidange de seaux ou encore utilisaient les berges pour pénétrer à l'arrière de leur propriété ;

Considérant que plus particulièrement les documents produits aux débats démontrent que Louise Z... antérieurement propriétaire de partie du fonds aujourd'hui Y... avait transformé en 1965 une ancienne cave en bordure du Trieux en garage et se rendait par la berge avec son véhicule automobile à ce garage ;

Considérant que ces faits ainsi que l'utilisation du terre plein

bordant le Trieux par des véhicules automobiles de riverain est confirmé par le témoin

CONAN ;

Considérant que les affirmations de Mme Z... sont confirmées par la production de la facture des travaux effectués à son nom payés le 1er

octobre 1965 et comprenant la fourniture et la pose d'une porte de garage ;

Considérant que le fait que certains témoins disent ne pas avoir vu de tels passages ne suffit pas à en démontrer l'inexistence ;

Considérant que le fait qu'au fil du temps, en fonction des fluctuations du cours de la rivière l'espace constitué par la berge ait été plus ou moins étroit et en conséquence ait laissé une plus ou moins grande aisance de passage sur celle-ci, est la conséquence de la nature d'un tel terrain, mais ne suffit pas à remettre en cause l'existence ancienne de l'usage des berges par les riverains et habitants du village notamment pour les commodités de desservice des fonds ;

Considérant que l'existence manifestement ancienne de portes dans les bâtiments longeant le TRIEUX confirme cet usage, soit par voie d'eau lorsque celle-ci longeait le mur, soit par la berge lorsque tel n'était pas le cas ;

Considérant qu'il convient de souligner que lorsque M. X..., alors boulanger, a sollicité du Maire de PONTRIEUX "l'autorisation de construire une marche pour pouvoir entrer dans le fournil côté Trieux" le maire a donné "un avis favorable sous réserve de laisser le passage le long du Trieux" ;

Considérant que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que si l'état d'enclave de la propriété Y... riveraine au Nord de la voie publique ne pouvait être invoqué, était pertinent la demande des époux Y... de passer sur la berge à raison des droits acquis des riverains limitant le droit de propriété de chacun d'eux sur les

berges du Trieux ;

Considérant qu'il ne ressort pas des faits de la cause que les époux

Y... abuseraient de ce droit, ou en ferait un usage contraire à l'intérêt commun des riverains ;

Considérant qu'à raison du fondement retenu, l'exercice de ce droit de passage ne peut donner lieu à indemnité au profit des époux X... ;

Considérant que la décision entreprise sera donc confirmée ;

Considérant que succombant en leur recours les époux X... supporteront la charge des dépens exposés en cause d'appel et verseront, l'équité le justifiant en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une somme de 1800 euros ; PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise

Déboute les parties de leurs autres chefs de demande

Condamne pour la cause d'appel les époux X... à verser aux époux Y... la somme de 1800 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Condamne les époux X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER.- LE PRESIDENT.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 01/00936
Date de la décision : 21/01/2003

Analyses

PROPRIETE - Action en revendication - Immeuble - Exercice - Conditions

Le droit de propriété peut s'établir librement, au-delà même des indications figurant dans les titres. Dés lors, il ne peut être fait obstacle à la recevabilité de la demande en reconnaissance d'un droit de propriété au seuls motifs que la parcelle en cause ne figure pas dans le titre de propriété du revendiquant, quelle n'est pas identifiée au cadastre qui s'avère être un document fiscal et non un livre foncier ou, que le prétendu propriétaire est en situation irégulière à l'égard de l'imposition foncière.


Références :

Code civil article 556 Code de l'environnement articles L. 215-2 et L.215-6

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2003-01-21;01.00936 ?
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