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16/01/2003 | FRANCE | N°00/04339

France | France, Cour d'appel de Rennes, 16 janvier 2003, 00/04339


Quatrième Chambre ARRÊT R.G : 00/04339 M. Jean-Paul X... Y.../ GAEC AR VEZEN DERO Infirmation

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 16 JANVIER 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

: M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, Mme Brigitte VANNIER, Conseiller, M. Philippe SEGARD, Conseiller, GREFFIER : Mme Agnès Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 31 Octobre 2002 ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 16 Janv

ier 2003, après prorogation de la date indiquée à l'issue des débats.



APPELANT...

Quatrième Chambre ARRÊT R.G : 00/04339 M. Jean-Paul X... Y.../ GAEC AR VEZEN DERO Infirmation

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 16 JANVIER 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

: M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, Mme Brigitte VANNIER, Conseiller, M. Philippe SEGARD, Conseiller, GREFFIER : Mme Agnès Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 31 Octobre 2002 ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par M. Jean-Luc MOIGNARD, Président, à l'audience publique du 16 Janvier 2003, après prorogation de la date indiquée à l'issue des débats.

APPELANT : Monsieur Jean-Paul X... Le A... 29225 PLOUGAR représenté par Me GAUTIER, avoué assisté de Me Philippe COSNARD, avocat INTIMEE : GAEC AR VEZEN DERO Lan Ar A... 29430 LANHOUARNEAU représentée par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT etamp; LE CALLONNEC, avoués assistée de Me Gilles CAROFF, avocat

I - Exposé préalable :

Sur devis du 10 mars 1989, Monsieur B..., exploitant agricole, ayant été éleveur de porcs, à Lanhouarneau, lieu-dit "Lan ar A...", a commandé à Monsieur Jean-Paul X..., menuisier charpentier à Plougar, la pose de huit poteaux de chêne de 4 mètres, une charpente en sapin du Nord traité et un bardage en tôles "Nervacier",

correspondant à la reconstruction d'un bâtiment de 25 mètres sur 15, anciennement à usage de porcherie.

Ce devis, accepté pour une somme totale de 48 493,41 francs TTC, prévoyait la récupération des plaques "Eternit" de l'ancienne toiture.

Les travaux ont été effectués en mars et avril 1989 et facturés à un GAEC "Ar Vezen Déro", sis au même lieu-dit "Lan ar A...", le 29 avril sous le n°212 pour la somme totale de 46 719,83 francs TTC, intégralement payée.

L'exploitant agricole a ensuite procédé à la pose d'une isolation thermique, son projet étant d'utiliser le bâtiment pour y cultiver des champignons.

Sans qu'un devis soit produit, une entreprise Premel-Cabis et Fils a facturé le 27 juin 1989 à l'exploitation "B... B.et Fçois", toujours au même lieu-dit, sous l'intitulé "Installation d'une champignonnière", un système de chauffage ou de climatisation, une alimentation électrique et de menus travaux supplémentaires pour un total de 46 810,70 francs TTC.

Les travaux, s'ils n'ont pas été formellement réceptionnés, ont été acceptés sans réserve et la mise en service de la champignonnière a eu lieu en juillet 1989. Il n'y aura aucune difficulté pendant huit ans, jusqu'en 1997, époque à laquelle le GAEC "Ar Vezen Déro" dit avoir constaté une attaque généralisée de mérule sur la charpente.

Monsieur C..., expert, a été désigné en référé d'heure à heure par Ordonnance du 27 février 1998. Il a déposé son rapport le 24 avril 1998 et a constaté sur les lieux le 2 mars précédent qu'une attaque de mérule affectait l'ouvrage et nuisait à sa stabilité, indiquant qu'un effondrement des deux fermes centrales était prévisible à court terme. Il préconisait la pose d'étais métalliques.

L'expert exposait qu'une champignonnière n'aurait jamais dû être

conçue avec une charpente en bois. M. X... indiquant qu'il n'avait pas été informé de la destination du bâtiment, l'expert était d'avis qu'il se devait de s'informer sur la destination des ouvrages dont il entreprenait la réalisation afin de concevoir et adapter ceux-ci aux exigences techniques des conditions de leur future utilisation.

Bien qu'aucun devis ou facture n'en fasse mention, l'expert admet que M. X... a posé, après l'isolation thermique, deux portes séparant les chambres de production et ne pouvait, avec de telles dispositions constructives, assimiler ce bâtiment à une porcherie.

Constatant que le GAEC avait lui-même réalisé l'isolation intérieure, enfermant de ce fait des éléments en bois, et aurait dû, par ailleurs, s'inquiéter du devenir de la charpente compte tenu des conditions d'exploitation future et principalement du taux hygrométrique ambiant, l'expert proposait de lui laisser 30% de responsabilité.

Le coût des travaux de reprise, en fait la reconstruction totale de l'ouvrage avec une charpente métallique galvanisée, était évalué à 582 668,61 francs HT, outre un préjudice économique pendant travaux, la champignonnière étant toujours utilisée à la date de l'expertise. En réalité il était même préconisé de construire ce bâtiment neuf à proximité de l'ancien, à détruire.

Sur assignation délivrée par le GAEC le 28 août 1998, le Tribunal de Grande Instance de Morlaix, par jugement du 7 juin 2000, a :

-Homologué le rapport de M. C... ; -Déclaré M. X... responsable des désordres affectant l'immeuble à hauteur de 70%, le GAEC Ar Vezen Déro étant reconnu responsable des désordres à hauteur

de 30% ; -Condamné M. X... à payer au GAEC Ar Vezen Déro les sommes de 470 878,02 francs au titre des travaux avec indexation et 56 861,46 francs au titre du préjudice ; -Ordonné l'exécution provisoire ; -Condamné M. X... à payer au GAEC la somme de 6 000 francs en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Jean- Paul X... a déclaré appel de ce jugement le 27 juin 2000. Par arrêt du 21 février 2002, la Cour a, avant dire droit, invité l'expert à préciser si la mérule affectant le bâtiment est due à la mise en place de l'isolation intérieure ou si, en l'absence d'un tel équipement, les conditions se seraient tout de même trouvées réunies pour son apparition et son développement.

Sur ce complément de mission, M. C... a répondu que l'apparition de la mérule sur la charpente n'est pas due à la mise en place de l'isolation intérieure, mais à l'emploi d'éléments de bois dans un tel contexte d'exploitation. Il ajoute que l'isolation n'a fait qu'aggraver et accélérer le sinistre et qu'en l'absence d'isolation, l'attaque aurait été moins foudroyante.

L'essentiel de la discussion entre les parties, qui ne contestent pas le caractère décennal du sinistre, est de savoir si l'entrepreneur savait ou devait savoir que le bâtiment serait à usage de champignonnière et sur l'incidence éventuelle d'une immixtion du maître de l'ouvrage.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et de l'arrêt avant dire droit, et aux dernières conclusions déposées : - le 14 mars 2002 pour le GAEC Ar Vezen Déro ; - le 14 mai 2002 pour M. X...

*** II - Motifs :

S'il n'y a pas eu de réception des travaux par procès-verbal, ceux-ci ont été intégralement payés lors de la prise de possession et il n'est pas contesté que la garantie décennale est recherchée pour la structure d'une champignonnière menaçant ruine.

Les travaux commandés à Jean-Paul X..., artisan menuisier-charpentier, et réalisés par celui-ci consistent en une charpente, un bardage et la repose d'une couverture sur un bâtiment agricole existant, qui était antérieurement à destination d'élevage porcin.

Il est constant que le désordre dont s'agit provient d'une attaque de la charpente par la mérule qui s'est développée en raison des conditions physiques, température et hygrométrie, nées de l'utilisation du bâtiment en champignonnière.

Il trouve son origine non dans une réalisation défectueuse de la charpente, réalisée conformément aux règles de l'art puisqu'elle a résisté huit ans dans les conditions extrêmes décrites par l'expert, mais dans le fait qu'elle a été réalisée en bois alors que ce matériau est à proscrire s'agissant d'un local à usage de champignonnière.

Il convient donc de rechercher si l'artisan connaissait la destination que le maître de l'ouvrage envisageait pour ce bâtiment. Ni le devis, ni la facture, seuls documents contractuels au dossier, ne mentionnent la destination ou un usage particulier des lieux et aucun élément ne peut être tiré du traitement des bois, l'attestation ultérieurement communiquée étant banale et faisant apparaître un traitement classique pour bois de charpente.

S'il est prétendu que M. X... est revenu, après la pose de l'isolation, monter deux portes, force est de constater qu'aucune

porte ne figure sur les devis et facture de cet artisan et qu'aucune preuve du moment où ces portes auraient été posées n'est versée aux débats.

De plus, il n'apparaît pas à l'évidence que cet artisan se devait de comprendre à la simple vue de la nouvelle disposition des lieux qu'il s'agissait d'une champignonnière.

En réalité, Jean-Paul X... n'a pas été informé de cet usage envisagé pour le bâtiment agricole qu'il a réhabilité.

L'expert judiciaire indique qu'il lui appartenait de s'informer sur la destination des ouvrages dont il entreprenait la réalisation afin de conseiller ses clients, refuser le cas échéant le marché, concevoir et adapter le projet aux exigences techniques des conditions de leur future utilisation.

Mais il appartenait essentiellement au maître de l'ouvrage de s'inquiéter lorsqu'il lui était proposé une charpente en bois et de poser la question de la compatibilité de ce matériau avec la culture des champignons.

En effet, Jean-Paul X... ne se voyait pas confier la réalisation d'une charpente sur un bâtiment en cours d'édification mais sur un ouvrage existant dont la destination de bâtiment agricole classique était manifeste.

C'était alors sur le maître de l'ouvrage que pesait l'obligation de lui indiquer qu'il avait pour projet de modifier la destination du bâtiment.

Celui-ci devait d'autant plus cette information qu'il résulte des pièces aux débats que le GAEC était parfaitement conscient des nécessités de la culture qu'il avait le projet de mettre en place et revendiquait des compétences en la matière puisqu'il s'était réservé la mise en oeuvre de l'élément le plus spécifique : l'isolation

appropriée à la culture des champignons exotiques.

En réalité, l'artisan a réalisé l'ouvrage commandé dans les règles de l'art et le maître de l'ouvrage a, sans en aviser au préalable celui-ci, modifié ensuite la destination des lieux pour transformer un bâtiment agricole classique avec une charpente rénovée au moindre frais, en champignonnière.

Les désordres qui ont ensuite atteint la charpente résultant de l'utilisation particulière et originale des lieux, différente de la destination manifeste du bâtiment et ne trouvant pas leur cause dans l'intervention de Jean-Paul X..., celui-ci ne peut être tenu à les garantir.

Le jugement sera donc infirmé et le GAEC "Ar Vezen Déro" débouté de toutes ses prétentions.

***

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Jean-Paul X... la totalité des frais irrépétibles engagés à l'occasion de cette instance et il lui sera alloué de ce chef la somme de 1 000

euros.

***

Par ces motifs,

Par ces motifs,

La Cour :

- Reçoit l'appel, régulier en la forme ;

-Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

-Déboute le GAEC Ar Vezen Déro de toutes ses prétentions ;

-Condamne Le GAEC Ar Vezen Déro à payer à M. Jean-Paul X... la

somme de MILLE (1 000) EUROS en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-Condamne le GAEC AR Vezen Déro aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Yvonnick Gautier, avoué. .

Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 00/04339
Date de la décision : 16/01/2003

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE

Un artisan menuisier-charpentier ayant réalisé des travaux, notamment une charpente, sur un bâtiment agricole existant, antérieurement à destination d'élevage porcin et cette charpente ayant subi des désordres résultant d'une attaque de mérule qui s'est développée en raison de l'utilisation du bâtiment en champignonnière, il convient de rechercher, pour retenir sa garantie, si l'artisan connaissait la nouvelle destination envisagée par le maître de l'ouvrage. Or, ni le devis, ni la facture ne mentionnent la destination ou l'usage particulier des lieux et il n'apparaît pas à l'évidence que l'artisan se devait de comprendre à leur simple vue qu'il s'agissait d'une champignonnière. C'est au contraire sur le maître de l'ouvrage que pesait l'obligation de lui indiquer son projet de modifier la destination des lieux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2003-01-16;00.04339 ?
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