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12/12/2002 | FRANCE | N°01/00996

France | France, Cour d'appel de Rennes, 12 décembre 2002, 01/00996


Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N°
R. G : 01 / 00996

Epoux X...

C /

COMMUNE DE BRUZ

Réformation partielle

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2002

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ   :

Madame Marie- Gabrielle LAURENT, Président,
Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,
Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise Y..., lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique d

u 10 Octobre 2002
devant Madame Marie- Gabrielle LAURENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qu...

Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N°
R. G : 01 / 00996

Epoux X...

C /

COMMUNE DE BRUZ

Réformation partielle

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2002

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ   :

Madame Marie- Gabrielle LAURENT, Président,
Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,
Madame Agnès LAFAY, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise Y..., lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Octobre 2002
devant Madame Marie- Gabrielle LAURENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Madame Marie- Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 12 Décembre 2002, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTS :

Epoux X...
" ...
PONT REAN
35580 GUICHEN

assistée de Me Jean Z..., avocat

INTIMEE :

COMMUNE DE BRUZ
Place du Docteur Jolly
35170 BRUZ

assistée de Me A..., avocat

En 1974 Mme de B... a donné à bail rural aux époux X... un ensemble immobilier sur la commune de BRUZ dénommé " Le Vert Buisson " comprenant bâtiments d'habitation et d'exploitation d'une contenance d'environ 44 ha. Le bail a été renouvelé selon acte des 28 mars et 12 avril 1988 à effet du 29 septembre 1983.

Les époux X... exploitent en outre d'autres terres qu'ils ont louées ou acquises.

" Le Vert Buisson " a été vendu les 27 et 31 juillet 1990 à la commune de BRUZ qui constituait une réserve foncière en prévision de l'aménagement urbain de ce secteur.

Dès 1990 la commune a repris aux preneurs une superficie de 9 ha 90 a moyennant une indemnité de 296 161 francs. La ferme conservait une contenance de 34 ha 74 a 08 ca.

La bailleresse a délivré congé pour le 29 septembre 1992 mais ce congé a été déclaré nul pour défaut de motif par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Rennes rendu le 11 février 1992 confirmé par cette cour le 12 mai 1993.

La commune a poursuivi la résiliation du bail mais les parties ne se sont pas accordées sur le montant de l'indemnité d'éviction.

Par ordonnance du 12 mai 1998 le président du tribunal paritaire des baux ruraux de Rennes a ordonné une expertise confiée à M. C... et a fixé à 700 000 francs le montant de la provision à valoir sur l'indemnité d'éviction au profit des époux X....

Par jugement du 12 décembre 2000 rendu après le dépôt du rapport d'expertise, le tribunal paritaire des baux ruraux de Rennes a fixé l'indemnité d'éviction à la somme globale de 1   074   208 francs, le montant des améliorations à 97   893 francs, rejetant ainsi les prétentions des époux X... à certaines indemnités et celles de la commune de Bruz tendant à voir juger qu'elle effectue une reprise totale et ne peut donc se voir condamner pour déséquilibre de l'exploitation.

Les époux X... ont fait appel de ce jugement.

Ils concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le déséquilibre économique. Ils soutiennent en effet que par application des articles L. 411- 32 du code rural et L. 13- 13 du code de l'expropriation la résiliation du bail portant sur 34 ha 74 a 08 ca alors qu'ils exploitent une superficie de plus de 100 ha menace l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation.

Ils demandent :

± une indemnité d'éviction de 971 595, 95 francs représentant une somme de 27   967 francs par hectare conformément au protocole d'accord départemental de 1997- 1998,

± une indemnité de déséquilibre de 330   342, 62 francs en prenant en compte les diverses emprises depuis dix ans,

± une indemnité pour non rétablissement de 323   865, 31 francs tenant compte de la forte pression urbaine,

± une indemnité d'éviction des bâtiments d'habitation et d'exploitation de 126 000 et 389   739 francs en soutenant qu'ils les occupaient ;

± une indemnité pour arrière- fumure de 31   909 francs ;

± une indemnité pour allongement de parcours de 8 039, 51 francs sur dix ans soit 80   395, 10 francs ;

Ils renoncent à leur demande de compensation et de surdimensionnement.

Leur demande concernant l'indemnité globale d'éviction est donc de 2   316   846 francs soit 353   200, 90 euros.

± Ils demandent en outre les sommes de 134   678 francs pour les travaux de drainage et de 6   168 francs pour les clôtures, cette dernière somme au titre des améliorations ou d'une indemnité de réemploi.

Enfin ils sollicitent une somme de 4   574 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La commune de Bruz forme appel incident.

Elle fait valoir qu'elle a repris la totalité des biens soumis au bail et que le tribunal a, à juste titre, écarté la notion de reprise partielle ;

Que cependant c'est à tort que le tribunal a estimé que l'article L. 411- 32 alinéa 5 du code rural impliquait qu'il soit fait application du code de l'expropriation alors qu'il n'a pour objet que de définir le mode de calcul de l'indemnisation du preneur évincé ;

Qu'en effet, s'il est normal que l'exploitant exproprié qui subit un acte de puissance publique soit indemnisé de toutes les conséquences dommageables qui en résultent, il ne saurait en être de même dans la relation de droit privé dans laquelle le propriétaire qui a donné à bail une certaine superficie ne peut être tenu d'une indemnité d'éviction que pour cette superficie alors qu'il est étranger aux autres conventions que son locataire a pu souscrire, d'autant plus qu'en l'espèce les preneurs ne l'ont pas avisée qu'ils mettaient en valeur d'autres biens que ceux qui leur avaient été donnés à bail en contravention avec l'article L. 331- 6 du code rural et sans qu'aient été respectées les dispositions relatives au contrôle des structures.

Elle offre en conséquence une indemnité d'éviction de 671 160 francs calculée sur la marge brute à l'hectare. Elle conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté la demande d'indemnité de non rétablissement et d'éviction de la maison d'habitation. Elle en demande la réformation en ce qui concerne les bâtiments d'exploitation et l'indemnité pour allongement de parcours alors qu'il y a résiliation totale du bail, que les époux X... ont disposé d'un délai d'un an pour se réinstaller et qu'ils ont d'importants bâtiments d'exploitation au lieudit " Le Haut Champ Glé ".

Elle conclut à la confirmation pour l'indemnité d'arrière fumure et l'indemnité pour amélioration.

Elle demande à la cour de condamner les époux X... à payer les frais d'expertise rendue nécessaire en raison de leurs prétentions exagérées et demande la somme de 3 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE

Sur l'étendue de l'indemnisation

Considérant que l'article L. 411- 32 du code rural alinéa 4 dispose que, lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué ;

Que l'alinéa 5 précise que le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme en matière d'expropriation ;

Considérant que la généralité des termes utilisés pour ce dernier alinéa exclut l'interprétation qu'en fait la commune de Bruz qui ne l'estime applicable qu'en cas de résiliation partielle et en considération des seuls biens objets de la reprise ;

Qu'en effet le statut des baux ruraux n'entraîne pas qu'une relation purement contractuelle de droit civil mais prend en compte le fait de l'exploitation   ; qu'ainsi par exemple l'article L. 411- 62 interdit la reprise partielle si elle est de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur, ce qui peut comprendre des terres appartenant à d'autres propriétaires ;

Considérant que la commune vient aux droits de Mme de B... ; qu'il n'est pas prétendu que, lors de la conclusion du bail initial, les époux X... exploitaient d'autres terres que celles alors données à bail ; qu'en outre l'absence de mentions d'autres baux n'entraîne pas à elle- seule la nullité du bail aux termes de l'article L. 331- 6 ; qu'enfin la commune est bien mal venue à arguer de son ignorance de l'exploitation d'autres terres que les siennes par les preneurs alors qu'en sa qualité de propriétaire elle en a tenu compte lors de la reprise en 1990 de 9ha90a ;

Considérant que la violation éventuelle par les époux X... du contrôle des structures est étrangère à la commune ; qu'en outre elle n'apparaît pas établie tant il paraît improbable qu'à l'occasion de la délivrance en 1995 d'une autorisation d'exploiter, l'autorité administrative n'aient pas mis les exploitants en demeure de régulariser si tel avait été le cas   ;

Considérant en conséquence que c'est à bon droit que le premier juge a énoncé que l'intégralité des préjudices subis par les preneurs doit être indemnisée ; qu'elle le sera conformément aux dispositions de l'article L. 13- 13 du code de l'expropriation qui dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation   ;

Sur l'indemnité d'éviction

Considérant que la juridiction n'est pas tenue de suivre le protocole d'accord départemental pour fixer les indemnités ;

Que l'indemnité d'arrière fumure ne fait pas l'objet de discussion ;

1) L'indemnité pour perte d'exploitation
Considérant que les époux X... demandent une indemnisation en considérant que toutes les terres sont de première catégorie alors que le contraire est démontré ; que par ailleurs l'expert a suffisamment expliqué que les correctifs à apporter aux données de l'exploitation conduisent à des bases incertaines ; que les conclusions de l'expert après les réponses aux dires des parties permettent donc de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 850 347 francs le montant de cette indemnité   ;

2) L'indemnité pour déséquilibre partiel

Considérant que les terres exploitées par les époux X... ont fait l'objet de diverses emprises ; qu'ils ont cependant globalement conservé au cours des années une superficie identique ; qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte les emprises des dix dernières années ;

Que le jugement sera confirmé par adoption de motifs ;

3) L'indemnité pour allongement de parcours

Considérant qu'il ne peut être reproché aux preneurs d'exploiter des terres éloignées du " Grand Champ Glé " dès lors que la pression urbaine ne leur

a pas laissé beaucoup de choix après l'emprise de 1995 pour reconstituer leur exploitation ;

Que le jugement sera confirmé par adoption de motifs ;

4) L'indemnité pour non rétablissement

Considérant que la perte d'exploitation est indemnisée pour une période de trois ans ; que le bail arrivait à expiration à l'issue de cette période   ; que le bailleur aurait alors eu la possibilité de ne pas le renouveler pour cause d'urbanisme sans indemnité d'éviction ; que les preneurs ne pouvaient raisonnablement espérer son renouvellement puisque la commune avait tenté dès 1992 d'y mettre fin ; qu'il ne s'agit pas d'un préjudice certain au sens de l'article 13- 13 du code de l'expropriation ; que c'est à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande ;

5) L'indemnité d'éviction du siège d'exploitation et de la maison d'habitation

Considérant que les preneurs démontrent qu'ils occupaient la maison d'habitation quoiqu'elle eût été sinistrée et qu'ils utilisaient une partie des vieux bâtiments d'exploitation ; que le jugement sera partiellement réformé en ce qu'il a rejeté la demande relative à la maison d'habitation au motif qu'ils ne l'habitent plus depuis des années ; qu'il sera confirmé par adoption de motifs pour les locaux d'exploitation ; qu'il sera alloué une somme de 63   000 francs (9 604, 29 euros) pour l'éviction de la maison d'habitation conformément à l'évaluation juste de l'expert ;

Sur l'indemnité pour amélioration

Considérant que le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice ;

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Considérant que le litige tient essentiellement à ce que chacune des parties a pu se méprendre sur ses droits et, en ce qui concerne les preneurs, au fait que la commune avait en premier lieu proposé une indemnité de rétablissement à titre transactionnel ; que les appelants gagnent très légèrement en appel mais succombent en la plupart de leurs prétentions ; que chaque partie supportera en conséquence la charge de ses frais et dépens en cause d'appel comme en première instance par application des articles 696 et 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement et dit que la commune doit une indemnité d'éviction de 9   604, 29 euros (63   000 francs) pour la maison d'habitation.

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 01/00996
Date de la décision : 12/12/2002

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Résiliation - / JDF

Lorsqu'une résiliation partielle de bail compromet gravement l'équilibre d'une exploitation agricole - pouvant d'ailleurs comprendre des terres appartenant à d'autres propriétaires - le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué. Il est indemnisé de son préjudice comme en matière d'expropriation (alinéas 4 et 5 de l'article L.411-32 du code rural).Ainsi, la reprise par une commune de plus d'un tiers d'une exploitation, correspondant à la totalité des biens soumis au bail, menace gravement l'équilibre économique de l'ensemble. Il convient par conséquent d'indemniser dans leur intégralité les préjudices causés par l'éviction, et pas seulement ceux en rapport avec les biens donnés en location par le bailleur qui exerce la reprise.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2002-12-12;01.00996 ?
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