Première Chambre B ARRÊT R.G : 01/05137 M. Jean Marie X... Y.../ S.A. COMPTARMOR Confirmation RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
: Mme Monique BOIVIN, Président, Mme Rosine NIVELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller, GREFFIER : Mme Jacqueline Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 27 Juin 2002 devant Mme Monique BOIVIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Mme Monique BOIVIN, Président, à l'audience publique du 31 Octobre 2002.
APPELANT : Monsieur Jean Marie X... 2 Place de la Mairie 22310 PLESTIN LES GREVES représenté par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT etamp; LE CALLONNEC, avoués assisté de Me COTRIAN, avocat INTIMÉE : S.A. COMPTARMOR ZA La Hazaie 1 et 3 rue de la Landelle - BP 33 22950 TREGUEUX représentée par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués assistée de Me DEBREU MILON, avocat
A compter de 1995, Monsieur X... a exploité un fonds de
commerce de Bar-Tabac-Loto sous l'enseigne "l'Ecume" à PLESTIN-LES-GREVES.
Pour l'assister dans la gestion de son entreprise, Monsieur X... a sollicité le concours de la Société d'expertise comptable COMPTARMOR. Les honoraires, contractuellement prévus, s'élevaient à 17 300 F par exercice. Se plaignant d'une inexécution de ses obligations contractuelles par la S.A. COMPTARMOR, Monsieur X... a refusé d'honorer les factures correspondant aux exercices 1996, 1997 et 1998.
Par ordonnance du 02 août 2000, le Président du Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP, statuant sur requête formée par la S.A. COMPTARMOR, a enjoint Monsieur X... de payer à celle-ci la somme en principal de 76 748.63 F.
Monsieur X... a formé opposition à l'ordonnance et, par jugement du 26 juin 2001, le Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP a :
- déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer,
- retenant que la S.A. COMPTARMOR ne justifiait pas de l'augmentation de ses tarifs de base, a réduit le montant réclamé par la S.A. COMPTARMOR et fixé le montant de la créance de la S.A. COMPTARMOR à la somme de 57 288.40 F,
- condamné Monsieur X... à payer à la S.A. COMPTARMOR la somme de 57 288.40 F avec intérêts au taux légal à compter du 05 juillet 2000,
- ordonné l'exécution provisoire,
- renvoyé la S.A. COMPTARMOR à prendre son inscription définitive de nantissement dans les délais de la loi.
Monsieur X... a régulièrement interjeté appel du jugement dont il sollicite la réformation. Il demande que soit commis un expert comptable lequel aura pour mission, de décrire et rappeler les relations contractuelles entre les parties, de donner son avis sur la tenue des comptes et l'accomplissement des formalités et déclarations par la S.A. COMPTARMOR, de décrire les éventuels manquements de la S.A. COMPTARMOR à sa mission, et de donner à la Cour tous les éléments du préjudice subi par le concluant et en chiffrer le montant.
Monsieur X... fait valoir que la S.A. COMPTARMOR a tout d'abord manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant de lui délivrer les attestations sur la qualité des comptes, conformément aux stipulations prévues en page 3 du contrat. Il souligne que cette prestation est essentielle en ce qu'elle permet aux tiers en relation avec l'entreprise de pouvoir s'assurer de la qualité des comptes, et qu'il a en outre été particulièrement gêné dans les discussions ayant précédé la cession de son fonds de commerce de ne pouvoir présenter de tels documents à son futur acquéreur. Il conclut que l'inexécution de sa prestation par la S.A. COMPTARMOR justifie la suspension du paiement des honoraires par Monsieur X....
Monsieur X... reproche encore à la S.A. COMPTARMOR de n'avoir plus procédé aux déclarations de T.V.A. sur investissements à compter de l'année 1996, que cette carence lui est à l'évidence préjudiciable.
Concernant le contrôle des écritures d'inventaire, si Monsieur X... reconnaît que la S.A. COMPTARMOR n'avait pas à participer à l'inventaire des stocks, il fait grief à l'intimée de n'avoir pas satisfait à son devoir général d'assistance et de conseil lui faisant obligation de vérifier et d'établir les conséquences sur le plan comptable des vols et actes frauduleux au sein du Bar-Tabac,
agissements dont elle avait connaissance.
Monsieur X... estime que la S.A. COMPTARMOR a engagé sa responsabilité à son égard en décidant de son adhésion au régime facultatif de retraite indépendamment de son consentement.
Enfin, Monsieur X... fait grief au cabinet d'expertise comptable d'avoir manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de proposer à son client d'adhérer à un centre de gestion agréé, ce qui lui aurait permis de bénéficier des abattements liés à une telle adhésion, que ce manquement lui a causé un préjudice lié au surcoût qu'il a dû supporter tant au niveau fiscal qu'au niveau social, que la responsabilité de la S.A. COMPTARMOR est, sur ce point, établie.
La S.A. COMPTARMOR, quant à elle, sollicite de la Cour la confirmation en toutes ses dispositions du jugement dont appel et entend répondre comme suit aux arguments de l'appelant :
La S.A. COMPTARMOR accepte les dispositions du jugement aux termes duquel sa créance est arrêtée à la somme de 17 300 F HT pour chacun des trois exercices non réglés. Elle accepte également les
dispositions du jugement déduisant la somme de 2 000 F pour chacune des années 1997 et 1998 des honoraires dus par Monsieur X....
Concernant l'attestation sur la qualité des comptes, la S.A. COMPTARMOR expose d'une part, qu'il suffisait à Monsieur X... de solliciter la délivrance de l'attestation, ce qu'il ne prouve pas avoir fait et d'autre part, qu'il ne l'a pas demandé en raison de l'inutilité que présentait cette démarche dans le cadre des transactions engagées lors de la mise en vente de son fonds.
Aux arguments opposés à la S.A. COMPTARMOR par Monsieur X... sur les déclarations fiscales et sociales, l'intimée répond que la mission stricto sensu de l'expert comptable ne prévoyait aucune prestation au titre de récupération de la T.V.A., que même s'il en avait été autrement, Monsieur X... n'aurait pas pu récupérer la T.V.A. sur les travaux effectués par lui dans l'appartement d'habitation au motif que celle-ci n'est absolument pas récupérable. Quant au moyen tiré du contrôle des écritures d'inventaire, la S.A. COMPTARMOR entend réfuter la thèse de Monsieur X... dans la mesure où dans l'arrêté des comptes de l'exercice 1997-98 une provision de 416 594.75 F a été comptabilisée pour tenir compte des agissements frauduleux ainsi qu'il est établi tant par le bilan que
par une attestation versée aux débats par la S.A. COMPTARMOR.
La S.A. COMPTARMOR reconnaît avoir suggéré à Monsieur X... de cotiser à un régime facultatif de retraite pour obtenir une retraite plus importante. Cependant, selon la S.A. COMPTARMOR, Monsieur X... ne peut venir prétendre qu'il n'a jamais entendu adhérer à ce régime et que cette adhésion a été faite à la seule initiative du cabinet comptable dans la mesure où l'accord clair et formel de l'adhérent est nécessaire pour qu'il soit admis à cotiser aux fins d'une retraite.
La S.A. COMPTARMOR se défend d'avoir manqué à son devoir de conseil et justifie avoir attendu l'année 1997 pour faire adhérer Monsieur X... à un centre de gestion agréé au motif que ce n'est qu'à partir de cette année que l'adhésion a représenté un véritable avantage pour son client. DISCUSSION I- Sur les honoraires
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats par la S.A. COMPTARMOR que Monsieur X... a laissé impayées les factures correspondant aux exercices clos les 30 septembre 1996, 30 septembre 1997 et 30 septembre 1998 représentant un solde T.T.C. de 76 748.63 F,
Qu'en l'absence de dispositions contractuelles la S.A. COMPTARMOR, ne pouvait augmenter unilatéralement le coût de ses prestations, que c'est donc à bon droit que le Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP a réduit la créance détenue par la S.A. COMPTARMOR sur Monsieur X..., que celle-ci s'établit désormais à la somme de 8 733.56 Euros T.T.C. (57 288.40 Francs). II- Sur les bilans de la S.C.I. non dressés pour les exercices 1997 et 1998
Attendu qu'en raison de l'interdépendance des obligations réciproques résultant du contrat synallagmatique conclu entre les parties, l'inexécution de son obligation d'établir les bilans de la S.C.I. par la S.A. COMPTARMOR a ouvert, conformément aux dispositions de l'article 1131 du Code Civil, à Monsieur X... le droit de ne pas payer les honoraires facturés par la S.A. COMPTARMOR au titre des bilans de la S.C.I. non dressés pour les exercices 1997 et 1998 ;
Que c'est donc à bon droit qu'en première instance, la somme de 4 000 F H.T. a été déduite de la créance détenue par la S.A. COMPTARMOR sur Monsieur X...
III- Sur l'attestation de la qualité des comptes
Attendu que pour pouvoir invoquer utilement une exception d'inexécution, le demandeur à l'exception doit justifier d'une exception d'une certaine gravité,
Qu'en l'espèce, la gravité de l'inexécution au regard des intérêts de Monsieur X... est d'autant plus difficile à admettre que celui-ci, d'une part, ne semble n'avoir jamais réclamé au prestataire de services la moindre attestation pendant toute la durée de leur convention, et d'autre part, n'établit nullement en quoi l'absence d'attestation a pu le gêner dans les discussions relatives à la vente de son fonds de commerce,
Qu'en conséquence, le manquement par la S.A. COMPTARMOR ne revêt pas un caractère d'une telle gravité qu'il permette à Monsieur X... de s'affranchir de ses propres obligations, que la demande de Monsieur X... sur ce point est rejetée. IV- Sur les déclarations fiscales et sociales
Attendu que Monsieur X... reproche à la S.A. COMPTARMOR de "ne pas s'être préoccupée de la récupération de la T.V.A. sur investissements",
Mais attendu qu'aux termes de la lettre de mission, le service d'assistance en matière fiscale et sociale promis au client comprenait l'établissement des déclarations de T.V.A. mensuelles,
l'établissement de la déclaration de résultat de fin d'exercice et l'établissement des déclarations de taxes para-fiscales, à l'exclusion d'une quelconque prestation prévue au titre de la récupération de la T.V.A.,
Que par suite, il convient de déclarer Monsieur X... mal fondé à réclamer à son cocontractant l'exécution d'une obligation que ce dernier n'avait pas souscrite et de le débouter de sa demande. V- Sur le contrôle des écritures d'inventaire
Attendu que Monsieur X... fait encore grief à la S.A. COMPTARMOR de n'avoir pas exécuté sa mission consistant dans la préparation et le contrôle des écritures d'inventaire,
Mais attendu qu'il relève de plusieurs courriers versés aux débats que la S.A. COMPTARMOR avait parfaitement connaissance des agissements frauduleux perpétrés dans le commerce de Monsieur X..., qu'il ressort tant de ces courriers que de l'arrêté des comptes de l'exercice 1997-98 que ces agissements frauduleux ont été comptabilisés dans le bilan de l'exercice,
Que concernant les autres exercices, les parties ne mettant pas la Cour en mesure de se prononcer sur le bien-fondé de leurs prétentions respectives, le moyen doit être rejeté,
Qu'au surplus, il n'appartient pas à la Cour d'ordonner la commission d'un expert-comptable pour suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, d'où il s'ensuit que la demande de Monsieur X... sur ce point est écartée. VI- Sur l'adhésion à un régime facultatif de retraite
Attendu que la S.A. COMPTARMOR reconnaît avoir suggéré à Monsieur X... de cotiser sur les commissions de tabac pour obtenir une retraite plus importante, que cette suggestion relevait de son devoir général de conseil,
Mais attendu qu'il n'est nullement établi que la S.A. COMPTARMOR ait imposé un tel choix à Monsieur X... , ce qu'elle n'avait d'ailleurs pas le pouvoir de faire dans la mesure où l'adhésion d'un commerçant à un régime facultatif de retraite est subordonnée à son consentement clair et formel,
Que dans ces conditions, et en l'absence de preuve contraire, il convient de rejeter expressément la demande formée par Monsieur X...
VI- Sur l'adhésion à un centre de gestion agréé
Attendu que Monsieur X... reproche à la S.A. COMPTARMOR de s'être abstenue de lui proposer d'adhérer à un centre de gestion agréé alors que l'expert comptable est tenu envers son client d'un devoir général d'assistance et de conseil lui faisant obligation de rechercher et de lui proposer les solutions juridiques et fiscales les plus appropriées,
Mais attendu que la S.A. COMPTARMOR reconnaît n'avoir pas proposé l'adhésion à un centre de gestion agréé à Monsieur X... en 1995, qu'elle justifie cette abstention en invoquant le caractère trop récent de l'activité commerciale de l'appelant au regard des obligations qui auraient découlé pour lui de cette adhésion,
Qu'elle reconnaît n'avoir pas suggéré non plus à Monsieur X... d'adhérer à un centre de gestion agréé en 1996, au motif que le résultat de l'activité de Bar-Tabac pour cet exercice était insuffisant pour que le bénéfice de l'abattement lié à l'adhésion présentât un avantage pour lui,
Qu'il en résulte que la S.A. COMPTARMOR a agi dans l'intérêt de son client, qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité engagée sur ce point.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 juin 2001, par le Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP,
- Déboute Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Déboute la S.A. COMPTARMOR du surplus de ses demandes,
- Condamne Monsieur X... aux dépens qui comprendront les frais de nantissement, les dépens d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Le condamne à payer à la S.A. COMPTARMOR la somme de 1 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,