Première Chambre B ARRÊT R.G : 01/04950 M. Vincent X... Melle Valérie X... Y.../ CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE BRETAGNE Confirmation RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
: Monsieur PIPERAUD, Président de Chambre, Mme Rosine NIVELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller, GREFFIER : Mme Jacqueline Z..., lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 26 Septembre 2002 devant Monsieur Jean-Malo BOHUON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur PIPERAUD, Président de Chambre, à l'audience publique du 31 Octobre 2002, date indiquée à l'issue des débats.
APPELANTS : Monsieur Vincent X... 61 Avenue Aristide Briand 35000 RENNES représenté par la SCP CASTRES A... etamp; PEROT, avoués assisté de Me Philippe DOHOLLOU, avocat, entendu en sa plaidoirie (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle 25% numéro 01/5003 du 23/10/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES) Mademoiselle Valérie X... 8 rue du Champ Fleury 35310 CHAVAGNE représentée par la SCP CASTRES A... etamp; PEROT, avoués assistée de Me Philippe DOHOLLOU, avocat, entendu en sa plaidoirie (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 01/005269 du 09/10/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES) INTIMÉE : CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE BRETAGNE, Société Anonyme à Directoire 4 rue du Chêne Germain BP 8 35511 CESSON
SERVIGNE représentée par la SCP BAZILLE etamp; GENICON, avoués assistée de Me Bruno CRESSARD, avocat, entendu en sa plaidoirie FAITS - PROCEDURE - MOYENS Par acte du 10 février 1997 la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE de Bretagne a consenti à la SARL THOMAS l'ouverture d'un compte courant professionnel, dont se sont portés cautions solidaires à hauteur de 40 000 F M. Vincent X..., gérant de la SARL, et Mlle Valérie X..., sour de ce dernier, tous deux associés de la SARL. Suivant jugements des 29 septembre et 8 décembre 1998 la SARL THOMAS a été mise en redressement judiciaire puis en liquidation. Après les avoir mis en demeure la CAISSE D'EPARGNE, par acte du 3 février 2 000, a assigné les cautions en paiement de la somme de 11 630,84 F suivant décompte du 17 décembre 1999, avec intérêts légaux capitalisés à compter du 29 octobre 1998 et jusqu'au parfait paiement, et de la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec exécution provisoire et condamnation aux dépens. Par jugement du 29 mai 2 001 le Tribunal de Commerce de Rennes a condamné solidairement M. Vincent X... et Mlle Valérie X... au paiement de la somme de 11 630,84 F majorée des intérêts légaux à compter du 29 octobre 1998 capitalisés à compter du 3 février 2 000, ordonné l'exécution provisoire, condamné solidairement M. Vincent X... et Mlle Valérie X... au paiement de la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, débouté la CAISSE D'EPARGNE du surplus de ses demandes, débouté M et Mlle X... de toutes leurs demandes, et condamné M et Mlle X... aux entiers dépens. M et Mlle X... ont fait appel le 27 juillet 2 001. Ils demandent à la Cour de réformer le jugement, de dire que la CAISSE D'EPARGNE a commis des fautes à leur égard, qu'elle a commis en tous cas une réticence dolosive, d'annuler les cautionnements consentis les 27 mars 1997 et 12 février 1998, et en conséquence de
condamner la CAISSE D'EPARGNE à verser à M et Mlle X... 45 735 euros chacun à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à 1 524,49 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens. Ils font valoir que leur cautionnement a été donné le 12 février 1998 au moment où le compte courant subissait un découvert important, qu'ils avaient également cautionné un prêt de 1 500 000 F aux fins d'acquérir, pour le prix de 1 750 000 F, un bar-brasserie-PMU sous l'enseigne
Le Domino
présenté par l'agence immobilière BLOT, et dont le chiffre d'affaires prévisionnel annuel devait être au minimum de 1 200 000 F selon le cabinet comptable E 3 Y..., que M. A..., le responsable de la CAISSE D'EPARGNE, ne les a reçus qu'une seule fois et ne les a interrogés que sur leur motivation, que ce faisant la banque ne rapporte pas la preuve de l'exécution de s on obligation de conseil, que le prix d'acquisition était manifestement excessif puisque le fonds a été revendu pour un prix de 1 184 500 F, que le projet n'était pas viable, que l'état prévisionnel établi par la CAISSE D'EPARGNE faisait ressortir un excédent brut d'exploitation de 520 000 F, mais que le cabinet KPMG, dans une étude du 7 juin 2 000, a mis en évidence une perte annuelle de 114 580 F et un excédent brut d'exploitation de 260 000 F, qui ne permettait pas de faire face aux échéances d'emprunt, qu'en outre ces chiffres ont été calculés sur la base d'estimations de chiffres d'affaires manifestement excessives, que le chiffre de référence devait être au maximum de 1 060 000 F et non de 1 160 000 F, que la CAISSE D'EPARGNE a déduit les charges des anciens exploitants (98 000 F) sans les remplacer, que l'excédent de 520 000 F selon les prévisions de la CAISSE D'EPARGNE était un leurre et que son erreur d'appréciation est ainsi établie, que son erreur d'appréciation est également manifeste quant à la valeur du fonds de commerce, que la valorisation de la recette journalière est en effet
très différente selon que le fonds est établi en ville ou à la campagne, et que les préjudices matériel et moral subis justifient 300 000 F de dommages et intérêts pour chacun d'eux. Ils font valoir en outre que l'engagement de caution de 1 500 000 F était disproportionné par rapport à leurs revenus et à leur patrimoine, et qu'il y a là une réticence dolosive, de même que pour les engagements du 12 février 1998, qui ont été pris une année après le début de l'opération alors que le découvert était constitué. La CAISSE D'EPARGNE demande à la Cour la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. Vincent X... et Mlle Valérie X... au paiement de la somme de 1 771,59 euros majorée des intérêts légaux à compter du 29 octobre 1998 capitalisés à compter du 3 février 2 000, et les a déboutés de toutes leurs demandes, subsidiairement, au cas où sa responsabilité serait retenue, d'ordonner la compensation entre sa créance et les dommages et intérêts, et de condamner M et Mlle X... à 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens. Elle fait valoir que M et Mlle X... avaient invoqué leur expérience dans les affaires de leurs parents, qu'elle n'a agi qu'après examen attentif du dossier, que dans des conditions normales les capacités de l'entreprise étaient suffisantes pour faire face au remboursement du prêt, que l'on peut s'interroger sur leur intérêt porté à l'exploitation de l'affaire compte tenu de la rapidité de la cession du fonds de commerce, que le prévisionnel a été établi par leur propre comptable, que la prise en compte d'un chiffre d'affaire de 1 160 000 F était raisonnable compte tenu du chiffre d'affaires habituel des anciens exploitants, du dynamisme et de l'expérience des nouveaux propriétaires, et du contexte favorable de l'accroissement de la population du Rheu, que l'excédent brut d'exploitation de 355 000 F ne figure pas dans son prévisionnel,
qu'il était logique de penser que M et Mlle X... n'emploieraient qu'un salarié puisque le commerce était auparavant exploité par trois personnes, et que la charge salariale diminuerait ainsi de 98 000 F, qu'il est d'usage que la rémunération des exploitants non salariés soit la différence entre les produits et les charges d'exploitation, qu'avec un disponible de 200 000 F il est estimé que la reprise du commerce est envisageable, que ses prévisions étaient cohérentes en ce qui concerne les charges d'exploitation, et que la différence s'est faite au niveau du chiffre d'affaires et de la marge brute, postes dont l'évolution est conditionnée par les qualités des exploitants. Elle ajoute que l'étude KPMG est basée sur des normes imprécises et générales, alors que son prévisionnel repose au contraire sur des bases sérieuses, que les consorts X... ont fait une fausse déclaration dans leur plan de financement
, et que le fonds de commerce a été revendu par leur successeur avec une plus value de 170 000 F. B..., concernant le caractère disproportionné de l'engagement de caution, elle fait valoir que les consorts X... devaient disposer d'un disponible de 209 000 F, après remboursement du prêt. MOTIFS C... n'est pas contesté que la CAISSE D'EPARGNE a accordé ses concours sur la base du chiffre d'affaires du vendeur, et après un entretien de motivation avec les consorts X... C... apparaît aussi qu'elle ne s'est pas contentée de l'état prévisionnel très favorable établi par le cabinet comptable 3 E, puisqu'elle a retenu un chiffre d'affaires inférieur, soit 1 160 000 F au lieu de 1 200 000 F, pour la première année d'exploitation. D'ailleurs il convient d'observer, concernant le chiffre d'affaires, que celui qui aurait du être pris en compte selon l'audit établi le 7 juin 2 000 par le Cabinet KPMG n'est que légèrement inférieur (1 100 000 F), qu'il est une information tirée de statistiques, au demeurant non versées aux
débats, et donc non personnalisée, et que les arguments pour sa valorisation (dynamisme de nouveaux exploitants, essor démographique de la région), valent ceux avancés pour sa dévalorisation (l'inexpérience de jeunes exploitants). Partant des données qu'elle avait réunies, la banque n'a commis d'erreur manifeste d'appréciation ni dans l'estimation de la marge brute, puisque là aussi elle s'est référée aux résultats antérieurs du vendeur, ni dans le calcul de l'excédent brut d'exploitation, car elle parvient à ce résultat essentiellement en retirant 98 000 F de charges salariales, ce qui est un choix logique puisqu'un associé devait se substituer à un salarié. Quant à la valeur du fonds de commerce, il n'était pas anormal de la calculer sur la base du coefficient applicable aux villes, s'agissant d'un établissement situé aux environs immédiats de Rennes dans une zone en expansion. La CAISSE D'EPARGNE n'a donc pas manqué à son obligation de conseil, l'échec du projet étant imputable aux aléas du commerce ainsi qu'à certains facteurs identifiés par le comptable de la société, notamment une masse salariale trop élevée. Le cautionnement de 1 500 000 F n'était pas disproportionné aux revenus des consorts X... dans la mesure où un nantissement étant pris parallèlement sur le fonds de commerce, d'une valeur de 1 750 000 F au moment de l'acquisition, de sorte que leur engagement était simplement complémentaire. Quant au cautionnement de 40 000 F, il était évidemment tout à fait proportionné aux ressources des consorts X... B... il ne peut être retenu de réticence dolosive de la part de la banque, ni dans l'importance du cautionnement de 1 500 000 F, qui à l'époque où il a été fourni n'apparaissait pas excessif, ni dans la date du cautionnement de 40 000 F, soit le 12 février 1998, alors que le compte courant subissait un découvert important, car les consorts X..., gérant et associé de la SARL THOMAS, ne pouvaient ignorer ce découvert. C... y a
donc lieu de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, y compris dans le montant de la condamnation à paiement des consorts X..., qui est justifié par les documents produits, et il est équitable d'y ajouter la condamnation des consorts X... à payer à la CAISSE D'EPARGNE la somme de 500 euros au titre des frais engagés par elles et non compris dans les dépens. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Déclare l'appel recevable; Confirme le jugement en toutes ses dispositions
; Y ajoutant, Condamne les consorts X... à payer à la CAISSE D'EPARGNE la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les frais d'appel; Rejette les autres demandes
; Condamne M. Vincent X... et Mlle Valérie X... aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT