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30/05/2002 | FRANCE | N°01/03456

France | France, Cour d'appel de Rennes, 30 mai 2002, 01/03456


COUR D'APPEL DE RENNES ARRET DU 30 MAI 2002 Huitième Chambre Prud'homale RG: 01/03456 M. Daniel D'HERBEY Mme Danièle ESTAY DELPIRE M. Christophe RICHARD M. Christophe SIMON C/ ASSOCIATION MOISSONS NOUVELLES COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE: Mme Francine SECONDAT, Président, Mme Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller, Monsieur François PATTE, Conseiller, GREFFIER: M. Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé DEBATS: A l'audience publique du 04 Avril 2002 Arrêt: Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience

publique du 30 Mai 2002, date indiquée à l'issue des débats AP...

COUR D'APPEL DE RENNES ARRET DU 30 MAI 2002 Huitième Chambre Prud'homale RG: 01/03456 M. Daniel D'HERBEY Mme Danièle ESTAY DELPIRE M. Christophe RICHARD M. Christophe SIMON C/ ASSOCIATION MOISSONS NOUVELLES COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE: Mme Francine SECONDAT, Président, Mme Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller, Monsieur François PATTE, Conseiller, GREFFIER: M. Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé DEBATS: A l'audience publique du 04 Avril 2002 Arrêt: Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 30 Mai 2002, date indiquée à l'issue des débats APPELANTS: Monsieur Daniel D'HERBEY Sapilon 44410 HERBIGNAC comparant en personne, assisté de Me André TINIERE, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE Madame Danièle ESTAY DELPIRE Kerozan 44350 GUERANDE comparante en personne, assistée de Me André TINIERE, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE Monsieur Christophe RICHARD 18, rue Marcelin Berthelot 44600 SAINT-NAZAIRE représenté par Me André TINIERE, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE Monsieur Christophe SIMON 7, Allée des Grillons 44510 LE POULIGUEN représenté par Me André TINIERE, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE INTIMEE: L' ASSOCIATION MOISSONS NOUVELLES Prise en la personne de son Président Faubourg Saint Michel 44350 GUERANDE représentée par Me Christian AMIGUES, Avocat au Barreau de ST-NAZAIRE Vu le jugement rendu le 9 avril 2001 par le Conseil des Prud'hommes de SAINT NAZAIRE qui, saisi par Messieurs D'HERBEY, RICHARD et SIMON et par Madame ESTAY DELPIRE, embauchés en 1974, 1990, 1998 et 1980 par l'Association MOISSONS NOUVELLES en qualité d'éducateurs spécialisés, de demandes de rappels de salaire et indemnités correspondant à la rémunération des permanences nocturnes assurées au cours des 5 dernières années en chambre de veille, a débouté les salariés de leurs demandes. Vu l'appel formé par les salariés le 11 mai 2001 du jugement notifié les 27 avril précédent. Vu les conclusions déposées

et soutenues l'audience par Messieurs D'HERBEY, RICHARD et SIMON et par Madame ESTAY DELPIRE tendant à l'infirmation du jugement et à la condamnation de l'Association MOISSONS NOUVELLES à leur payer :

Monsieur D'HERBEY : 12.962,62 euros + 1296,26 euros au titre des congés payés y afférents Madame ESTAY : 182.390,03 euros + 1823,90 euros, Monsieur SIMON : 11.170,07 euros + 1117 euros Monsieur RICHARD: 4.946,24 euros + 497,62 euros outre 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile. Vu les conclusions déposées et soutenues l'audience par l'Association MOISSONS NOUVELLES tendant à la confirmation du jugement. DISCUSSION Considérant que pour critiquer le jugement qui les a déboutés de leurs demandes au motif que l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 dit LOI AUBRY II avait validé le régime d'équivalence instauré par la Convention Collective Nationale des Etablissements et Services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 nonobstant le fait qu'elle n'ait pas été étendue et que les salariés connaissaient la teneur de cette loi qui mettait fin à l'instance lorsqu'ils ont introduit leur action le 3 janvier 2000, après la publication de la loi, Messieurs D'HERBEY, RICHARD et SIMON et Madame ESTAY DELPIRE font valoir d'une part qu'ils sont fondés à demander la rémunération de leur travail effectif durant les nuits de garde puisqu'ils étaient tenus de demeurer dans l'entreprise pour répondre à un appel de l'employeur et ne pouvaient vaquer librement à leurs occupations personnelles, d'autre part que la Convention Collective ne pouvait valablement dicter un régime d'équivalence qui leur serait opposable , d'autre part enfin que la loi de validation ne saurait recevoir application en l'espèce dès lors qu'elle est entrée en vigueur le 1er février 2000 après l'introduction de l'instance et dès lors qu'elle est contraire à la notion de procès équitable résultant de l'article 6-1 de la CEDH ; Considérant s'agissant de l'application de la loi du

19 janvier 2000 que sa date d'application importe peu dès lors qu'elle est bien entrée en vigueur le 1er février 2000 conformément aux dispositions de son article 37 et qu'il s'agit d'une loi rétroactive s'appliquant sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée aux "versements effectéus au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu du travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail agrées en vertu de l'article 16 de la loi n°75 535 relatives aux institutions sociales et médico sociales en tant que leur montant est contesté par le moyen tiré de l'absence de validité des dites clauses", ce qui est bien le cas en l'espèce où les salariés contestent le régime d'équivalence qui leur a été appliqué en excution d'une convention collective agrée et non étendue ; Considérant toutefois que si l'employeur est bien fondé à soutenir qu'il est ainsi recevable à se prévaloir de ce texte, il ne peut en revanche utilement prétendre que cette loi est conforme aux dispositions de l'article 6-1 de la CEDH alors qu'elle consacre l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice en influant sur le dénouement judiciaire de litiges en cours hors l'existence d'impérieux motif d'intérêt général; Considérant en effet que ni la mission d'utilité et d'intérêt public des établissements concernés ni l'incidence budgétaire au demeurant aléatoire de la prise en charge par ceux ci des heures de veille assurées par le personnel socio éducatif ne sauraient constituer un impérieux motif d'intérêt général justifiant l'ingérence du législateur dans le cours de la justice ; Considérant en outre que l'employeur ne peut davantage utilement arguer de ce que la loi de validation n'a pas réellement porté atteinte à un droit légitime au motif que le

législateur se serait contenté de valider une règle appliquée sans contestation pendant plus de 30 ans en admettant la validité des heures d'équivalence dictées par les clauses des conventions collectives agrées, alors d'une part qu'il est de principe qu'une convention collective ne répondant pas aux exigences des articles L 212-2 et L 132-26 du code du travail ne peut valablement instaurer un tel régime et que, d'autre part, la jurisprudence trentenaire qu'il revendique a été abandonnée par un arrêt du 29 juin 1999 et qu'il ne saurait se prévaloir d'un droit acquis à une certaine stabilité juridique lequel est contredit par la nature vivante et évolutive de la jurisprudence et par le pouvoir d'appréciation du Juge; Considérant enfin qu'il ne peut invoquer la validation par le Conseil Constitutionnel de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 dans sa décision du 13 janvier 2000 alors que l'autorité du Conseil Constitutionnel ne s'attache qu'aux questions qu'il a tranchées et que les difficultés inhérentes à l'application de l'article 29 ne lui ont pas été soumises ; Considérant en définitive que Madame ESTAY DELPIRE et Messieurs D'HERBEY, SIMON et RICHARD tenus de demeurer pendant les périodes de veille dans l' établissement pour répondre à un appel de l'employeur et ne pouvant vaquer librement à leurs occupations personnelles sont fondés à demander la rémunération des heures de travail effectif non règlées pendant la durée non couverte par la prescription nonobstant la validation par la Loi AUBRY II des versements déjà opérés ; Considérant que l'Association MOISSONS NOUVELLES conteste le principe mais non le quantum des demandes qui a été exactement établi ; Considérant que l'équité commande de faire partiellement droit à la demande des salariés fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. DECISION PAR CES MOTIFS LA COUR Infirme le jugement déféré. Condamne l'Association MOISSONS NOUVELLES à payer à titre de rappels de salaires et congés payés

associés : -à Monsieur D'HERBEY : 12.962,62 euros + 1296,26 euros -à Madame ESTAY -1823903 euros + 1823.90 euros -à Monsieur SIMON :

11.170,07 euros + 1117 euros -à Monsieur RICHARD : 4.976,24 euros + 497,62 euros. La condamne à payer à chacun d'eux 200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile. La condamne aux entiers dépens. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 01/03456
Date de la décision : 30/05/2002

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Réduction

Dans la mesure où la loi du 19 janvier 2000, dite loi AUBRY II, consacre la possibilité pour le pouvoir législatif d'influer sur des litiges en cours en matière de rémunération des périodes de permanences nocturnes du personnel socio-éducatif, et que pourtant aucun impérieux motif d'intérêt général ne justifie une telle ingérence, les dispositions susvisées ne sont par conséquent pas conformes à l'article 6OE1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, est en droit de réclamer la rémunération de ses heures de travail effectif non réglées pendant la durée non couverte par la prescription, sans égard à la validation par la loi AUBRY II des versements déjà opérés, le salarié qui doit demeurer pendant ses nuits de garde dans l'établissement pour répondre à un appel de son employeur, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2002-05-30;01.03456 ?
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