N° RG : 23/00927
N° Portalis :
DBVQ-V-B7H-FK5S
ARRÊT N°
du : 5 juillet 2024
B. D.
Mme [M] [I]
épouse [N]
C/
Mme [R] [I]
M. [E] [I]
Formule exécutoire le :
à :
Me Didier Lemoult
Me Raphaël Croon
Me Xavier Colomès
COUR D'APPEL DE REIMS
1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II
ARRÊT DU 5 JUILLET 2024
APPELANTE AU PRINCIPAL ET INTIMÉE INCIDEMMENT :
d'un jugement rendu le 6 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Troyes (RG 19/00724)
Mme [M] [I] épouse [N]
[Adresse 18]
[Localité 3]
Comparant et concluant par Me Didier Lemoult, membre de la SCP LR avocats & associés, avocat au barreau de l'Aube,
INTIMÉE AU PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDEMMENT :
Mme [R] [I]
[Adresse 23]
[Localité 25]
Comparant et concluant par Me Xavier Colomès, membre de la SCP Colomès - Mathieu - Zanchi - Thibault, avocat au barreau de l'Aube
INTIMÉ :
M. [E] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparant et concluant par Me Raphaël Croon, membre de la SCP Sammut - Croon - Journé-Léau, avocat postulant au barreau de Châlons-en-Champagne, et par Me François-Xavier Mignot, membre de la SARL Cannet - Mignot (Legasphère avocats), avocat au barreau de Dijon
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Duez, président de chambre
Mme Magnard, conseiller
Mme Herlet, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE :
Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé
DÉBATS :
À l'audience publique du 30 mai 2024, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 juillet 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450
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du code de procédure civile, signé par M. Duez, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
1/ M. [J] [I] et Mme [B] [Y] sont respectivement décédés les [Date décès 11] 2003 et [Date décès 6] 2010, laissant pour leur succéder leurs trois enfants :
M. [E] [I], né le [Date naissance 12] 1960,
Mme [R] [I], née le [Date naissance 17] 1964,
Mme [M] [I] épouse [N], née le [Date naissance 8] 1968.
Par jugement du tribunal de grande instance de Chambéry en date du 27 mai 2013, Mme [G] [I] veuve [D], quatrième enfant du couple, avait été déclarée absente et considérée comme décédée, de sorte qu'elle est exclue du règlement des successions de ses parents.
2/ Par exploits d'huissier en date du 26 février 2019, M. [E] [I] a assigné Mme [M] [I] épouse [N] et Mme [R] [I] aux fins d'obtenir l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et des successions confondues de M. [J] [I] et de Mme [B] [Y].
3-1/ Par jugement en date du 06 mai 2022, le tribunal judiciaire de Troyes a :
ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la communauté et des successions confondues de M. [J] [I] et de Mme [B] [Y],
désigné Me [P], notaire à [Localité 31], pour y procéder,
dit qu'il appartiendra au notaire désigné d'établir un état liquidatif concernant la succession, reconstituant les masses actives et passives, la masse partageable, de faire les comptes entre les parties, de déterminer les droits des parties, et pour ce faire, de recevoir communication de tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,
dit que M. [E] [I], Mme [M] [I] épouse [N] et Mme [R] [I] devront procéder au rapport à succession des différentes donations consenties par leurs auteurs en avancement d'hoirie, et le notaire liquidateur devra calculer le montant de l'indemnité de réduction qui serait due par l'un ou l'autre des héritiers le cas échéant,
dit n'y avoir lieu de dire plus particulièrement que devra être dressée la liste des rapports à succession du chef des différentes donations mobilières et immobilières à M. [E] [I] par ses parents en application de l'article 843 du code civil et en proposer une valeur en fonction des règles applicables, ce qui est inclus dans la mission du notaire à l'égard de l'ensemble de ses héritiers,
dit n'y avoir lieu de fixer d'ores et déjà la consistance ainsi que la valeur de la masse à partager des successions de M. [J] [I] et de Mme [B] [Y], outre éventuelles revalorisations et rapports à successions,
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dit n'y avoir lieu de dire plus particulièrement que le notaire devra :
- se faire remettre par M. [E] [I] sur la période de 1975 jusqu'au décès de ses parents, l'ensemble des relevés de comptes bancaires de ces derniers, qu'il s'agisse des relevés de comptes bancaires personnels ou professionnels au nom de M. [J] [I], des relevés de comptes bancaires au nom de Mme [B] [Y] épouse [I], ou des relevés de comptes bancaires au nom de tous les deux, notamment à la [33], la [34] et le [35], ainsi que de l'ensemble des documents comptables, notamment les grands livres (par exemple pour extrait, pièce adverse n°25) de la comptabilité professionnelle et personnelle tenue au nom de M. [J] [I] et de Mme [B] [I],
- se faire remettre par M. [E] [I] (pour justifier du crédit du chèque de Mme [R] [I] de 50 000 francs) des relevés de compte bancaire du mois de juin 1998 de [J] [I] sur ses comptes [35], [32] et [34],
- dresser la liste des dons et donations qui ont pu bénéficier à M. [E] [I] de la part de ses parents en fonction notamment de l'analyse des relevés de comptes bancaires et documents comptables énoncés ci-dessus dont la communication lui aura été faite,
dit n'y avoir lieu de voir juger que :
- la masse à partager dans la succession de Mme [G] [I] veuve [D] s'établit, quant à elle, de la manière suivante, outre éventuelles revalorisations, tel que sollicité par M. [E] [I],
- le partage de la succession de feue Mme [G] [I] veuve [D], qui n'est constituée que de liquidités et autres valeurs mobilières, s'effectuera par une répartition équitable entre M. [E] [I], Mme [M] [I] épouse [N] et Mme [R] [I], selon leurs droits dans la succession (soit : ' pour chacun d'entre eux),
dit que la donation du 13 mai 1981 au profit de M. [E] [I] est rapportable pour sa valeur au jour du partage, en fonction de l'état du bien au jour de la donation, conformément aux modalités de rapport prévues dans l'acte,
dit qu'il appartiendra au notaire désigné de liquider et d'intégrer dans les comptes à établir entre les parties le montant de l'indemnité ainsi due par M. [E] [I], lequel est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation s'élevant à 3977,50 euros par an depuis le 1er juin 2009 jusqu'au partage devant intervenir,
débouté Mme [M] [I] épouse [N] de sa demande tendant à voir ordonner le rapport à la succession par M. [E] [I] du montant de la donation indirecte résultant de l'occupation pour un prix dérisoire - 915 euros/an - de l'immeuble sis à [Localité 43], [Adresse 1], pour la période comprise entre le 01/01/2012 et le 31/12/2020 qui, sur la base du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes en date du 12/06/2018, doit être évaluée à 3 977,50 euros par an, soit pour la période concernée, à 27 562,50 euros (3 062,50 x 9 années),
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dit qu'il appartiendra au notaire liquidateur de déterminer le montant exact des sommes versées par M. [E] [I] au titre de l'indemnité d'occupation due par lui s'agissant du bien sis à [Localité 43] (10), [Adresse 1], sur le compte détenu en son étude, et sur production de tout autre justificatif de paiement de M. [E] [I], afin qu'il en soit tenu compte dans le cadre du partage devant intervenir,
débouté Mme [M] [I] épouse [N] de sa demande tendant à voir ordonner le rapport à succession du montant de la donation indirecte résultant de l'occupation soit gratuite, soit dans des conditions très avantageuses par M. [E] [I], de l'immeuble sis à [Localité 43], [Adresse 1], soit la somme de 138 178 euros,
débouté Mme [R] [I] de sa demande tendant à dire que pour la période antérieure depuis le 1er janvier 1983 jusqu'au 1er juillet 2009, M. [E] [I], avec l'occupation gratuite de l'immeuble, a bénéficié d'une donation indirecte à hauteur de 3 977,50 euros par an, soit sur une période de 26 ans et 6 mois, une somme de 92 681,85 euros sauf à parfaire, dont il doit rapport à la succession de ses parents en application de l'article 843 du code civil avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
débouté Mme [M] [I] épouse [N] de ses demandes tendant à :
- voir ordonner le rapport à la succession par M. [E] [I] du montant des donations déguisées correspondant à la valeur des parcelles sises à [Localité 43], cadastrées section D n°[Cadastre 20] à [Cadastre 21], section B n°[Cadastre 15] et [Cadastre 16], section ZB n°[Cadastre 24], les parcelles sises à [Localité 29] cadastrées section B n°[Cadastre 10] et [Cadastre 13], la parcelle sise à [Localité 40], cadastrée section A n°[Cadastre 14], la parcelle sise à [Localité 42], cadastrée section A n°[Cadastre 19],
- voir désigner tel expert qu'il lui plaira aux fins d'estimer les parcelles objet de plusieurs donations déguisées,
débouté Mme [M] [I] épouse [N] de ses demandes tendant à :
- dire que M. [E] [I] doit rapporter à la succession de ses parents pour les donations déguisées à la valeur des biens immobiliers achetés entre 1975 et 1980 à son nom (le 28 janvier 1975 à [Localité 43] parcelles D n°[Cadastre 20] et [Cadastre 21], le 18 février 1977 à [Localité 43] parcelle B n°[Cadastre 15] et le 12 janvier 1978 à [Localité 29] parcelles B n°[Cadastre 10] et [Cadastre 13]) pour une valeur totale de 10 641 euros à l'époque de leur achat, à revaloriser en fonction de la valeur à la date du partage,
- pour le rapport des biens immobiliers ci-dessus ayant donné lieu à donation déguisée au profit de M. [E] [I], dire n'y avoir lieu à expertise et dire que le notaire liquidateur devra en application de l'article 860 du code civil rechercher leur valeur à la date la plus rapprochée du partage pour déterminer le montant du rapport,
- dire qu'en application de l'article 856 du code civil, M. [E] [I] devra rapporter à la succession le montant des revenus produits depuis l'ouverture de la succession par les parcelles ayant fait l'objet de donations déguisées ci-dessus entre 1975 et 1980, et que le montant de ces revenus sera déterminé par le notaire liquidateur,
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débouté Mme [M] [I] épouse [N] de sa demande tendant à voir ordonner le rapport à la succession des dons manuels dont M. [E] [I] a bénéficié, d'un montant de 16 655,25 euros,
débouté Mme [R] [I] de sa demande tendant à voir dire que M. [E] [I] doit rapporter à la succession de ses parents au titre des dons manuels les sommes de 16 655,25 euros et 1 904,62 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'ouverture de la succession,
débouté M. [E] [I] de sa demande tendant à voir juger que la succession est redevable à l'encontre de M. [E] [I] d'une somme de 2 820,13 euros, dont il devra être tenu compte dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage de la succession,
dit que les donations des 26 mai 1986 et 03 avril 1996 au profit de Mme [M] [I] épouse [N] sont rapportables pour leur valeur au jour du partage, en fonction de l'état du bien au jour de la donation, conformément aux modalités prévues par la loi,
dit que la donation du 15 mars 2001 au profit de Mme [M] [I] épouse [N] est rapportable pour sa valeur en pleine propriété stipulée dans l'acte de donation, conformément aux modalités de rapport prévues dans l'acte,
dit qu'il appartiendra au notaire liquidateur de déterminer la valeur des parts sociales au jour du décès de M. [J] [I] et de Mme [B] [Y], soit les [Date décès 11] 2003 et [Date décès 6] 2010, afin de vérifier si la donation reçue par Mme [M] [I] épouse [N] le 30 avril 1999 portant sur 200 parts sociales de la SCEAV [I], qui n'est pas soumise à rapport à succession, est néanmoins sujette à réduction pour atteinte à la réserve,
dit que ne constituent pas des dons manuels rapportables par Mme [M] [I] épouse [N] :
- le chèque en date du 08 décembre 1988, d'un montant de 25 000 francs,
- le chèque en date du 25 octobre 1995, d'un montant de 10 000 francs,
- le chèque en date du 08 novembre 1995, d'un montant de 10 000 francs,
- le chèque en date du 09 septembre 1997,
dit que Mme [M] [I] épouse [N] sera tenue de rapporter les dons manuels suivants :
- la somme de 30 860 francs au titre du chèque en date du 29 décembre 1993,
- la somme de 15 000 francs au titre du chèque en date du 3 novembre 1997,
dit que Mme [M] [I] épouse [N] sera tenue de rapporter les donations suivantes :
- la somme de 94 296,53 francs au titre de l'achat d'un tracteur enjambeur en date du 20 avril 1989,
- la somme de 186 930 francs au titre de l'achat d'un tractopelle en date du 02 décembre 1998,
- la somme de 136 699,22 francs au titre de l'achat du véhicule Peugeot boxer en date du 10 avril 1999, déduction faite de la TVA,
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dit que la donation du 15 mars 2001 au profit de Mme [R] [I] est rapportable pour sa valeur en pleine propriété stipulée dans l'acte de donation, conformément aux modalités de rapport prévues dans l'acte,
dit que ne constitue pas un don manuel rapportable par Mme [R] [I] la somme de 50 000 francs au titre du chèque en date du 15 janvier 1998,
dit que l'intégralité des frais de notaire, impôts et frais de projets de travaux relatifs au bien immobilier sis à [Localité 41] reçu par Mme [R] [I] dans le cadre du règlement de la succession de Mme [F] [I], devra être rapporté à la succession des époux [I]-[Y],
dit que s'appliqueront à l'ensemble des donations rapportables les dispositions de l'article 856 du code civil, lequel prévoit que les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter de l'ouverture de la succession : les intérêts ne sont dûs qu'à compter du jour où le montant du rapport est déterminé,
dit qu'il appartiendra au notaire liquidateur de procéder à la composition de lots d'égale valeur comprenant l'actif immobilier et mobilier devant être attribués à chaque héritier,
commis le juge désigné par l'ordonnance prise par le président du tribunal en application des articles L.121-3 et R.121-1 du code de l'organisation judiciaire pour surveiller le déroulement des opérations et faire rapport au tribunal en cas de difficultés,
dit qu'en cas de manquement ou de difficultés le notaire commis sera remplacé sur simple requête par le juge commis, rendue à la demande de la plus diligente des parties,
dit que le notaire désigné établira son état liquidatif dans le délai d'un an sauf prorogation du délai accordé par le juge commis,
invité les parties à s'expliquer sur le droit de Mme [M] [I] épouse [N] à solliciter une créance de salaire différé dans le cadre du règlement des successions de ses parents au regard de la prescription quinquennale applicable en la matière,
renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 5 juillet 2022 à 9 heures aux fins de conclusions des parties,
renvoyé les parties devant le notaire commis,
débouté les parties de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, dont distraction au profit des avocats aux offres de droit qui le requièrent,
ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.
3-2-1/ Les motifs décisoires de la décision du tribunal judiciaire de Troyes retiennent que la demande de Mme [M] [I] épouse [N] tendant à voir ordonner le rapport à la succession par M. [E] [I] du montant des donations déguisées correspondant à la valeur des parcelles et à voir désigner un expert afin de faire estimer les parcelles objet de plusieurs donations s'appuie uniquement sur l'état délivré par la publicité foncière pour caractériser l'existence de ces acquisitions mais qu'aucun élément probant relatif aux modalités de financement et notamment au règlement par les époux [I]-[Y] du prix n'est versé aux débats. Le premier juge a retenu que Mme [M] [I] épouse [N] n'avait pas rapporté la preuve de l'appauvrissement de ses parents ni la preuve de l'intention libérale pour justifier ses demandes.
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3-2-2/ Ces mêmes motifs décisoires retiennent encore pour débouter Mme [M] [I] épouse [N] de sa demande tendant à voir ordonner le rapport à la succession des dons manuels dont M. [E] [I] a bénéficié d'un montant de 16 655,25 euros que les éléments versés par M. [E] [I] en défense suffisent à considérer que, s'il a encaissé les chèques susvisés, il a néanmoins opéré divers versements au profit de ses parents à hauteur des mêmes sommes à minimum.
3-2-3/ Le tribunal a aussi relevé qu'il appartiendra au notaire liquidateur de déterminer la valeur des parts sociales au jour du décès des époux [I]-[Y] dès lors que pour la détermination de la réduction, les biens existants au décès du donateur ainsi que ceux dont il a été disposé par donation entre vifs sont évalués d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession.
3-2-4/ Le tribunal a également retenu que le rapport est dû en fonction de l'état du bien au jour de la donation, de sorte que s'agissant du matériel agricole dont la dévaluation est inexorable, le premier juge a retenu que le rapport est dû de la totalité de la somme réglée par les époux [I]-[Y], de sorte que Mme [M] [I] épouse [N] est tenue de rapporter la somme de 94 296,53 francs et la somme de 186 930 francs au titre de donations indirectes.
4/ Par acte en date du 7 juin 2023, Mme [M] [I] épouse [N] a interjeté appel, son recours portant sur :
Le rejet de ses demandes tendant à voir ordonner le rapport à la succession par M. [E] [I] du montant des donations déguisées correspondant à la valeur des parcelles sises à [Localité 43] et à voir désigner un expert aux fins d'estimer les parcelles objet de plusieurs donations déguisées.
Le rejet de la demande tendant à voir ordonner le rapport à la succession des dons manuels dont M. [E] [I] a bénéficié.
La désignation du notaire liquidateur de déterminer la valeur des parts sociales au jour du décès des époux [I]-[Y].
La condamnation de Mme [M] [I] épouse [N] à rapporter les sommes de 94 296,53 francs et 186 930 francs au titre des donations indirectes.
5-1/ Aux termes de ses conclusions d'appelante déposées au greffe de la cour d'appel de Reims le 7 septembre 2023, Mme [M] [I] épouse [N] sollicite l'infirmation partielle de la décision déférée et, statuant de nouveau de :
Ordonner le rapport à la succession par M. [E] [I] du montant des donations déguisées correspondant à la valeur des parcelles sises à [Localité 43], cadastrées section D n°[Cadastre 22] et [Cadastre 21], section B n°[Cadastre 15] et [Cadastre 16], section ZB n°[Cadastre 24] ; les parcelles sises à [Localité 29] cadastrées section B n°[Cadastre 10] et [Cadastre 13] ; la parcelle sise à [Localité 40], cadastrée section A n°[Cadastre 14] ; la parcelle sise à [Localité 42] cadastrée section A n°[Cadastre 19].
Désigner un expert afin d'estimer les parcelles objet de ces donations déguisées.
Juger que la donation, non-rapportable du 30 avril 1999, portant sur les 200 parts sociales de la SCEAV [I] doit s'apprécier au jour du partage en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet et non du décès de M. [J] [I] et de Mme [B] [Y].
Condamner M. [E] [I] à rapporter à la succession les dons manuels d'un montant de 16 655,25 euros.
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Juger que Mme [M] [I] épouse [N] ne sera pas tenue de rapporter la donation indirecte pour la somme de 94 296,53 francs au titre de l'achat du tracteur enjambeur en date du 20 avril 1989.
juger que Mme [M] [I] épouse [N] sera tenue de rapporter la donation indirecte pour la somme de 155 000 francs HT au titre de l'achat d'un tractopelle en date du 2 décembre 1998.
condamner M. [E] [I] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
5-2/ Au soutien de ses prétentions, Mme [M] [I] épouse [N] fait valoir que M. [E] [I] était encore mineur et sans revenu lorsqu'il a procédé à l'acquisition par acte notarié des parcelles de terres acquises entre le 28 janvier 1976 et le 18 juillet 1980. Elle soutient que M. [E] [I] ne disposait d'aucun revenu avant le 1er octobre 1978 et qu'en réalité ces acquisitions ont été financées par leur père, M. [J] [I]. Elle expose que M. [E] [I] a reconnu ce mode de financement paternel en première instance et qu'il prétend avoir procédé au remboursement de cette somme en communiquant un talon de chéquier et un relevé de compte bancaire de 11/1982 faisant apparaître parmi les débits, un débit de 60 000 francs. Cependant, Mme [M] [I] épouse [N] estime que cela ne prouve en aucune façon que cette somme a été portée au crédit du compte de M. [J] [I]. L'appelante fait également valoir que M. [E] [I] ne rapporte pas non plus la preuve de l'autofinancement de 4 805 francs. L'appelante estime dès lors qu'il s'agit de donations déguisées en raison de l'inexistence de la preuve des prétendus remboursements.
Mme [M] [I] épouse [N] soutient également que le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués qu'à l'époque du partage et à la date la plus proche de son paiement. Elle expose encore que les premiers juges estimaient ne pas avoir d'éléments suffisants pour déterminer la valeur des parts sociales au jour du décès des époux [I]-[Y] alors qu'ils disposaient de plusieurs éléments d'appréciation venant corroborer la prétention développée par la concluante, notamment une décision civile de condamnation des deux associés en tant que caution de la SCEAV qui permettait de démontrer l'état d'endettement de la société qui emportait une valorisation nulle voire négative des parts sociales tant au moment du décès de M. [J] [I] qu'au moment du décès de Mme [B] [Y].
L'appelante sollicite que soit ordonné le rapport des dons manuels d'un montant de 16 655,25 euros dès lors qu'elle a démontré l'existence de chèques destinés à M. [E] [I], qui reconnaît les avoir encaissés.
Elle soutient que les seuls propriétaires indivis du tracteur enjambeur étaient Messieurs [J] et [E] [I] puisqu'elle indique n'avoir jamais été informée de rien et qu'elle n'a jamais consenti à une quelconque participation dès lors qu'elle n'a été enregistrée que dans deux comptabilités par le débit du compte numéro [XXXXXXXXXX04] dans la comptabilité générale de M. [E] [I] et par le débit du compte numéro [XXXXXXXXXX04] dans la comptabilité générale de M. [J] [I]. Elle fait valoir que l'état descriptif estimatif du matériel en annexe des statuts de la SCEAV [I] démontre que les seuls apporteurs étaient Messieurs [J] et [E] [I].
Enfin, elle expose que le tractopelle était utilisé par M. [E] [I] à titre personnel mais qu'elle ne l'a jamais utilisé. Elle indique avoir remboursé
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son père le 10 février 1999 le montant de la TVA payée lors de l'achat, soit la somme de 31 930 francs, qui figure au crédit du compte bancaire de M. [J] [I].
6-1/ Mme [R] [I] a interjeté appel incident le 07 juin 2023 et aux termes de ses conclusions d'intimée déposées au greffe de la cour d'appel de Reims le 07 juin 2023, Mme [R] [I] sollicite de :
dire Mme [R] [I] bien fondée à faire appel incident du jugement du 6 mai 2022 du tribunal judiciaire de Troyes et infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux achats de biens immobiliers au nom de M. [E] [I] payés par ses parents, à la donation des parts sociales de la SCEAV [I] à Mme [M] [I] épouse [N], aux dons et donations à M. [E] [I] par chèques de ses parents, aux rapports à la succession à la charge de Mme [M] [I] épouse [N] des sommes de 94296,53 francs et 186 930 francs au titre de donations indirectes, à l'occupation de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 43] et sur les donations indirectes imputées à Mme [R] [I].
Statuant à nouveau de,
dire que le notaire devra se faire remettre par M. [E] [I], sur la période de 1975 jusqu'au décès de ses parents, l'ensemble de comptes bancaires de ces derniers, qu'il s'agisse des relevés de comptes bancaires personnels ou professionnels au nom de M. [J] [I], des relevés de comptes bancaires au nom de tous les deux, notamment à la [33], la [34] et le [35], ainsi que de l'ensemble des documents comptables notamment les Grand Livres (par exemple pour un extrait, pièce adverse n°25), de la comptabilité professionnelle et personnelle tenue au nom de M. [J] [I] et Mme [B] [I],
dire que le notaire devra dresser la liste des dons et donations qui ont pu bénéficier à M. [E] [I] de la part de ses parents, en fonction de l'analyse des relevés de comptes bancaires et documents comptables énoncés ci-dessus, dont la communication lui aura été faite,
ordonner le rapport à succession de ses parents par M. [E] [I] de la donation indirecte dont il a bénéficié avec l'occupation gratuite de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 43], à hauteur de 3 977,50 euros par an, pour la période du 1er janvier 1983 jusqu'au 1er juillet 2009, soit sur une période de 26 ans et 6 mois, une somme de 105 403,75 euros sauf à parfaire, en application de l'article 843 du code civil, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
ordonner le rapport à succession de ses parents par M. [E] [I] de la valeur des donations déguisées correspondant aux parcelles qu'il a achetées entre 1975 et 1980 à son nom à [Localité 43], parcelles cadastrées section D n°[Cadastre 20] et [Cadastre 21], section B n°[Cadastre 15] et [Cadastre 16], section ZB n°[Cadastre 24] ; les parcelles sises à [Localité 29], cadastrées section B n°[Cadastre 10] et [Cadastre 13] ; la parcelle sise à [Localité 40], cadastrée section A n°[Cadastre 14], la parcelle sise à [Localité 42], cadastrée section A n°[Cadastre 19], et en outre les parcelles lieudit «[Localité 38]» section ZB n°[Cadastre 26] et ZB n°[Cadastre 27] à [Localité 43]
dire que pour déterminer le montant des rapports, le notaire liquidateur aura à chercher la valeur desdites parcelles à la date la plus rapprochée du partage,
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dire qu'en application de l'article 856 du code civil, M. [E] [I] devra rapporter à la succession le montant des revenus produits depuis l'ouverture de la succession jusqu'au partage par les parcelles ayant fait l'objet de donations déguisées ci-dessus (montant à déterminer par le notaire liquidateur),
dire que M. [E] [I] devra rapporter à la succession de ses parents les dons manuels par chèques pour la somme de 61 500 francs, soit 9 376,61 euros,
dire que Mme [R] [I] n'aura aucun rapport à succession à faire sur les sommes payées pour les impôts et frais de projets de travaux relatifs au bien immobilier sis à [Localité 41], qu'elle a reçu dans le cadre de la succession de Mme [F] [I],
dire que les frais de notaire acquittés pour la transmission de cette maison de [Localité 41] ne seront jugés comme devant être rapportés par la concluante à la succession de ses parents qu'à hauteur de 50 % de leur montant,
condamner M. [E] [I] à payer à la concluante une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP Colomès - Mathieu - Zanchi - Thibault, avocats.
6-2/ Au soutien de ses prétentions, Mme [R] [I] fait valoir que le jugement ne pourra qu'être infirmé en ce que le tribunal a retenu qu'aucun élément probant relatif aux modalités de financements et aux règlements par les époux [I]-[Y] du prix n'est versé aux débats alors que dans ses conclusions, M. [E] [I] reconnaissait expressément que le prix des acquisitions avait été acquitté par son père. Elle soutient que les sommes de 10 641 euros et de 3 048,98 doivent être considérées comme ayant bénéficié à M. [E] [I] et constitue une donation déguisée. Elle expose que la demande de rapport est fondée car les circonstances montrant l'intention libérale qui caractérise la donation.
Elle soutient également qu'il appartiendra au notaire-liquidateur de déterminer la valeur des parts sociales au jour du décès de M. [J] [I] et de Mme [B] [Y] en fonction de tous les éléments et notamment des considérations financières que l'appelante pourra lui fournir.
Mme [R] [I] expose former appel incident à l'encontre du dispositif du jugement ne faisant pas droit à la demande de rapport au motif que M. [E] [I] aurait suffisamment justifié du remboursement des sommes correspondantes alors qu'il a reconnu avoir expressément bénéficié du paiement des sommes faisant l'objet de la demande de rapport impliquant, dès lors, que la charge de la preuve du rapport lui incombe.
Elle indique que M. [E] [I] occupe depuis le 1er janvier 1983 un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 43] qui appartenait à ses parents sans contrepartie de l'occupation de l'immeuble jusqu'au décès de leur mère le [Date décès 5] 2010. Mme [R] [I] soutient que M. [E] [I] a bénéficié avec l'occupation gratuite d'une donation directe à hauteur d'une somme de 106 403,75 euros dont il doit rapport à la succession de ses parents dès lors que la durée importante de la mise à disposition de l'immeuble à son profit par ses parents traduisent la volonté de lui apporter une aide et de leur intention libérale mais aussi un appauvrissement subi par les parents dans leur patrimoine.
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Mme [R] [I] fait également valoir que les sommes relatives à l'assurance d'habitation invoquées par M. [E] [I] pour 1 032,34 francs pour la maison à [Localité 41] dont Mme [R] [I] est propriétaire pour avoir été légataire de Mme [F] [K], s'agissaient en réalité de règlements qui ont été faits directement auprès des professionnels (notaire, métreur, architecte...) depuis le compte professionnel de M. [J] [I] et de Mme [B] [Y]. Elle explique aussi que les projets de travaux étaient ceux de son père et que les sommes litigieuses n'étaient donc pas des dettes personnelles qui lui incombaient, tout comme les règlements des taxes foncières qui ont été effectués depuis un compte professionnel de M. [J] [I]. Enfin, elle soutient que les frais de notaire pour la maison de [Localité 41] qu'elle a reçue par voie de succession ont été acquittés par son père.
7-1/ Aux termes de ses conclusions d'intimé déposées au greffe de la cour d'appel de Reims le 7 décembre 2023, M. [E] [I] sollicite la confirmation du jugement en date du 06 mai 2022 en toutes ses dispositions et, y ajoutant de :
débouter Mme [M] [I] épouse [N] de l'ensemble de ses prétentions,
condamner Mme [M] [I] épouse [N] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 400 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
7-2/ Au soutien de ses prétentions, M. [E] [I] fait valoir qu'il a débuté son activité en octobre 1978 et qu'il a commencé à percevoir des revenus à compter de cette date. Il reconnaît ne pas avoir été en mesure de régler la totalité des sommes réalisées entre 1975 et 1978, M. [E] [I] ayant réglé la somme de 65 000 francs qu'il a intégralement remboursée en 1982.
Il soutient que les époux [I]-[Y] ont fait une donation entre vifs à Mme [M] [I] épouse [N] le 30 avril 1999 par préciput et hors part successorale d'une valeur totale au jour de la donation de 198 183,72 euros. Il expose que selon l'examen des comptes annuels de la SCEAV [I] sur les années 2003 et 2010, le résultat d'exploitation de cette société n'évolue pas de manière significative d'année en année, c'est pourquoi M. [E] [I] propose que la valeur desdites parts, objet de la donation du 30 avril 1999, soit évaluée à la somme de 200 000 euros aux fins de vérification de l'absence d'atteinte à la réserve.
M. [E] [I] indique avoir totalement remboursé la somme de 109 251,29 francs qui résulte de chèques émis par M. [J] [I] et qu'aucun rapport ne saurait être ordonné.
Il soutient qu'un tracteur enjambeur a été acheté par les époux [I]-[Y], M. [E] [I] et Mme [M] [I] épouse [N] le 20 avril 1989. Le montant dû par Mme [M] [I] épouse [N] a été réglé par ses parents. Il expose que la part de Mme [M] [I] épouse [N] réglée par ses parents a pour conséquence d'être une donation indirecte soumise à rapport.
Enfin, M. [E] [I] fait valoir que les époux [I]-[Y] ont financé l'achat d'un tractopelle le 2 décembre 1998 pour un montant de 186,930 francs TTC pour le compte de leur fille Mme [M] [I] épouse [N]. Dès lors, M. [E] [I] soutient qu'il s'agit d'une donation indirecte soumise à rapport à succession.
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2024 et la procédure plaidée à l'audience du 30 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur les demandes de rapport à succession des parcelles situées à [Localité 43], [Localité 29], [Localité 42] et [Localité 40] appartenant à M. [E] [I] :
L'article 843 du code civil dispose que :
Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.
L'article 860 al 1er du code civil dispose que, sauf stipulation contraire de l'acte de donation, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.
Tout acte emportant transfert de propriété mobilière ou immobilière, consenti par une personne à un héritier ou à un tiers sous la forme d'un acte à titre onéreux, tel qu'une vente, un bail ou une reconnaissance de dette doit être requalifié de donation déguisée si en réalité, cet acte constitue un don du fait de l'absence de paiement du prix, du loyer ou des échéances de crédit et procure à son bénéficiaire un réel avantage successoral.
En l'espèce, au titre de l'appel principal de Mme [M] [I] et de l'appel incident de Mme [R] [I] la cour est saisie d'une demande de rapport à succession des parcelles appartenant à M. [E] [I], suivantes :
Acte des 26 et 28 janvier 1976 reçu par Me [X], Notaire à [Localité 31] : Parcelles achetées à la SAFER et sises à [Localité 43], cadastrées section D n°[Cadastre 20] et [Cadastre 21] pour 5 872 francs. (Pièce appelante n° 1)
Acte du 18 février 1977 reçu par Me [X], Notaire à [Localité 31] : Parcelle achetée à Mme [H] et sise à [Localité 43], cadastrées section B n°[Cadastre 15] pour 1200 francs. (pièce appelante n° 2)
Acte du 12 janvier 1978 reçu par Me [U], Notaire à Riceys : Parcelles sises à [Localité 29] cadastrées section B n°[Cadastre 9] et [Cadastre 10] pour 6.000 francs (reprises dans les conclusions des parties sous le numéro cadastral B [Cadastre 10] et [Cadastre 13], pièce appelante n° 3)
Acte du 19 janvier 1979 reçu par Me [T], Notaire à [Localité 31] : Parcelle achetée à Mmes [A] et [L] et sise à [Localité 43] cadastrée section B n° [Cadastre 16] pour 300 francs (pièce appelante n° 4)
Acte du 1er décembre 1979 reçu par Me [T], Notaire à [Localité 31] : Parcelles achetées aux consorts [C]-[Z] et sise à [Localité 43] cadastrées section ZB [Cadastre 27] et ZB [Cadastre 26] pour 20.000 francs (reprises dans les conclusions des parties sous le numéro cadastral ZB n° [Cadastre 24], (pièce appelante n° 5 et appelante incidente n° 6)
Acte du 12 janvier 1980 reçu par Me [U], Notaire [Localité 28] : Parcelle achetée à la SAFER, sise à [Localité 40] cadastrée section A n° [Cadastre 14] pour 22.134 francs. (pièce appelante n° 6)
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Acte du 18 juillet 1980 reçu par Me [T], Notaire à [Localité 31] : Parcelle achetée à la SAFER et sise à [Localité 42] cadastrée section A n° [Cadastre 19] pour 14.229 francs (pièce appelante n° 7)
Dans ses conclusions (page 10/18) M. [E] [I] indique avoir commencé à travailler comme viticulteur en octobre 1978 et précise avoir perçu des revenus à partir de cette date de sorte qu'il affirme que les ventes passées les 12/01/1979 et 1er /12/1979 ont fait l'objet d'un paiement du prix de cession et ne peuvent être qualifiées de donations déguisées.
Pour les ventes passées en 1975 et 1978, avant le début de son activité, M. [E] [I] reconnaît avoir reçu un prêt de ses parents pour 65 000 francs, et indique avoir remboursé ce prêt en deux fois les 08/06/1982 et 19/11/1982.
Sur ce :
Il sera relevé à l'examen des sept actes de vente que les prix de cession des différentes parcelles sont systématiquement stipulés payés par l'acquéreur en dehors de la comptabilité du notaire.
Pour autant il ressort des actes notariés qui font foi jusqu'à preuve contraire sur le paiement du prix en fonction de la clause ci-dessus que le prix est présumé payé par l'acquéreur et que la charge de la preuve de ce que la réalité serait autre appartient aux parties soutenant l'existence d'une donation déguisée.
Or, il est acquis par les pièces produites par M. [E] [S] sous les n° 76 et 77 (bordereau de vente à la Sté [39] et relevé MSA) que ce dernier a perçu des revenus à compter du mois d'octobre 1978. Même si ces pièces ne justifient pas du montant des ressources de l'intéressé à cette époque, elles sont suffisantes pour justifier des capacités de financement de M. [E] [I] au regard des prix des parcelles litigieuses.
En outre Mmes [M] et [R] [I] ne produisent aucune pièce justifiant sans ambiguïté que les prix de vente des parcelles acquises par leur frère après octobre 1978, auraient en réalité été payés par leurs parents comme elles l'affirment dans leurs conclusions.
La simple vraisemblance alléguée ne suffit pas à renverser la présomption liée à l'acte notarié.
En ce qui concerne les parcelles acquises avant octobre 1978, la cour relève que M. [E] [I] était âgé de 15, 16 et 17 ans lors des actes d'achat des 28/01/1976, 18/02/1977 et 12/01/1978.
Pour justifier du remboursement à ses parents du prix des parcelles acquises durant sa minorité M. [E] [I] verse aux débats :
Un talon de chèque (numéro 0403612940) tiré sur le [35], daté manuscritement du 19 novembre 1982 et adressé à M. [J] [I] pour 60.000 francs.
Un relevé de son compte bancaire au 30/11/1982 mentionnant le débit de ce chèque au 22/11/1982 pour 60.000 francs. (Pièce intimé n° 66)
Un virement au profit de Mme [B] [I] en date du 08/06/1982 pour 5.000 francs (pièce intimé n° 67)
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Au regard de ces pièces il est incontestable que M. [E] [I] a versé à ses parents la somme de 65 000 francs en novembre 1982.
S'il n'est pas justifié par les pièces produites que ces sommes ont été imputées exclusivement au prix des parcelles acquises au temps de la minorité de M. [E] [I], ce dernier reconnaît implicitement dans ses conclusions que ses parents l'ont «aidé» à s'installer en finançant les premières acquisitions de parcelles et vraisemblablement en épaulant les débuts de son activité de viticulteur.
Ainsi le remboursement du prix des parcelles acquises les 28/01/1976, 18/02/1977 et 12/01/1978, que M. [E] [I] reconnaît avoir été payé par ses parents lors des achats, est'il suffisamment démontré en l'espèce, dès lors que M. [E] [I] justifie d'un transfert d'argent d'un montant supérieur au prix global d'acquisition de ces trois actes et que Mmes [M] et [R] [I] ne produisent aucune pièce de nature à contredire ce remboursement ou justifier d'une imputation pour une autre cause.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point. Les demandes complémentaires de Mme [M] [I] tendant à désigner un expert pour fixer la valeur actuelle des dites parcelles et de Mme [R] [I] tendant à rapporter à la succession les revenus de ces mêmes parcelles seront déclarées sans objet puisqu'il n'y a lieu à rapport à succession de ce chef.
2/ Sur la demande de rapport à succession de l'indemnité d'occupation de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 43] par M. [E] [I] :
L'article 815-9 du Code civil dispose que «l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité».
En application de ce texte, tout héritier indivisaire qui occupe à titre personnel un bien
appartenant à une indivision, est redevable d'une indemnité d'occupation envers celle-ci.
L'article 815-10 al 3 du code civil dispose que l'indemnité d'occupation ne peut être sollicitée que sur les cinq dernières années précédant la demande.
Seule une libéralité, qui suppose une intention libérale et un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession. (Cass Civ 1ère 18 janvier 2012 n° 09-72542)
En l'espèce M. [E] [I] a occupé et occupe cet immeuble, bien successoral, depuis le 1er janvier 1983 pour les besoins de son exploitation viticole à titre personnel, et n'a commencé à acquitter une indemnité d'occupation de 915 € par an qu'à partir du 16 janvier 2012.
Le premier juge a rappelé que par jugements rendus par le tribunal de grande instance de Troyes les 28 août 2015 et 12 juin 2018 M. [E] [I] avait été déclaré redevable d'une indemnité d'occupation pour cet immeuble à hauteur de 3 977,50 € par an à compter du 1er juin 2009.
Le premier juge a ordonné que le notaire commis intègre cette indemnité conformément aux décisions des 28 août 2015 et 12 juin 2018 et a rejeté les demandes de rapport à succession de l'indemnité d'occupation à même montant pour la période échue du 1er janvier 1983 au 30 juin 2009 estimant que les parents de M. [E] [I] n'avaient subi aucun appauvrissement du chef de la présence de leur fils durant cette période.
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En cause d'appel Mme [R] [I] reprend cette prétention estimant que la mise à disposition gratuite d'un bien immobilier constitue un avantage indirect rapportable à la succession aux termes de l'article 843 du code civil.
M. [E] [I] n'a pas conclu en cause d'appel sur ce point, toutefois il appartient à la cour de statuer sur cette prétention en fonction des motifs de la décision déférée.
La cour retiendra que la demande présentée par Mme [R] [I] au titre de la période 01/01/1983-30/06/2009 est prescrite au sens de l'article 815-10 al 3 du code civil depuis le 30/06/2014, les conclusions de Mme [R] [I] à cette fin, devant le tribunal judiciaire datant du 15/10/2021 et l'instance ayant été introduite devant le tribunal judiciaire de Troyes le 26/02/2019.
En tout état de cause la cour relèvera que l'immeuble en question était également le domicile de Mme [B] [Y] jusqu'à son décès le [Date décès 7] 2010. (Adresse portée sur la déclaration de succession - pièce n° 2 de l'intimé).
Ainsi Mme [B] [Y] vivait au [Adresse 1] à [Localité 43] avec M. [E] [I] de sorte que l'avantage conféré à ce dernier n'a pas été de nature à appauvrir feue Mme [B] [Y] et ne saurait en conséquence constituer une donation indirecte rapportable.
La décision déférée sera confirmée du chef de cette disposition.
3/ Sur les demandes de rapport à succession des «dons manuels» reçus par M. [E] [I] :
Mmes [M] et [R] [I] réclament le rapport à succession d'une somme de 16.655,25 euros correspondant à plusieurs sommes encaissées par M. [E] [I] et provenant du compte bancaire professionnel de leurs parents pour 109.251,29 francs à savoir :
chèque du 20/07/1987 pour 7 751,29 francs,
chèque du 07/09/1987 pour 10 000 francs,
chèque du 21/09/1987 pour 50 000 francs,
chèque du 09 juillet 1992 pour 1 500 francs,
chèque du 21 décembre 1992 pour 40 000 francs.
M. [E] [I] a reconnu dans ses écritures de première instance et d'appel avoir bénéficié des chèques au titre de paiement de vente de bouteilles pour l'un et indique avoir remboursé les autres sommes versées à titre de prêt par ses parents.
Il produit à cet effet :
Une facture de vente de bouteilles à son père pour 7.751,29 francs en date du 26/06/1987 (pièce intimé n° 68).
Un relevé de son compte bancaire du 28/02/1993 mentionnant un virement de 40.000 francs au bénéfice de ces parents (pièce n° 69).
Un relevé de son compte bancaire du 31/08/1988 mentionnant un virement de 80.000 francs au bénéfice de ces parents (pièce n° 70).
A l'évidence ces pièces justifient que M. [E] [I] a couvert ses parents pour des sommes qui correspondent et sont mêmes supérieures aux chèques qu'il reconnaît avoir encaissés.
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Mme [M] [I] conteste la véracité de l'imputation des virements aux chèques reconnus encaissés par son frère en indiquant qu'il est peu plausible que M. [E] [I] ait remboursé plus qu'il ne devait (conclusions page 11/15).
Toutefois à défaut pour elle de rapporter la preuve d'une autre dette de son frère qui aurait été la cause des virements de février 1993 et août 1988, force sera de constater que M. [E] [I] justifie du remboursement des sommes que ses parents lui ont avancées.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
4/ Sur l'estimation de la valeur des parts sociales de la SCEAV [I] reçues par Mme [M] [I]-[N] :
Dans le cadre des réductions des donations préciputaires pour dépassement de la réserve héréditaire l'article 922 al 2 du code civil dispose que :
'Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant.'
Et l'article 924-2 du code civil dispose que :
'Le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. S'il y a eu subrogation, le calcul de l'indemnité de réduction tient compte de la valeur des nouveaux biens à l'époque du partage, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.'
Il se déduit de l'articulation de ces deux articles que l'estimation de la valeur des donation faites aux héritiers du de cujus est faite sur la valeur des biens donnés à la date du partage mais que s'il y a lieu à réduction d'une libéralité pour atteinte à la réserve héréditaire l'indemnité de réduction se calcule sur la valeur du bien donné au jour où la libéralité a pris effet.
En l'espèce M. Et Mme [I]-[Y] ont donné à Mme [M] [I]-[N] 200 parts sociales de la SCEAV [I] selon acte de donation préciputaire reçu par Me [O] Notaire à [Localité 30] le 30 avril 1999.
Le premier juge a estimé que :
« ' il appartiendra au notaire liquidateur de déterminer la valeur des parts sociales au jour du décès de Monsieur [J] [I] et de Madame [B] [W] [Y], soit les [Date décès 11] 2003 et [Date décès 6] 2010, afin de vérifier si la donation reçue par Madame [M] [I], épouse [N], le 30 avril 1999, portant sur 200 parts sociales de la SCEAV [I], qui n'est pas soumise à rapport à succession, est néanmoins sujette à réduction pour atteinte à la réserve »
L'état d'endettement de la SCEAV était de 775 600 euros le 30 juin 2013 et la SCEAV a été placée en liquidation judiciaire le 30 septembre 2015.
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Pour ces raisons, Mme [M] [I]-[N] estime que les parts sociales ont une valeur nulle et que le tribunal judiciaire disposait de suffisamment d'éléments pour le déclarer sans enjoindre au notaire commis de vérifier leur valeur au jour du décès des deux de cujus.
Il semble évident que la valeur des parts sociales de la SCEAV était nulle à compter de la liquidation judiciaire de cette société viticole. (30/09/2015)
Toutefois M. [J] [I] est décédé le [Date décès 11] 2003 et Mme [B] [Y] le [Date décès 6] 2010, de sorte qu'il n'est pas strictement établi par les pièces produites aux débats, qu'à la date de l'ouverture des deux successions, les parts sociales de la SCEAV [I] étaient dépourvues de toute valeur.
En conséquence le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.
5/ Sur les rapports à succession du chef de Mme [M] [I]-[N] :
Madame [M] [I] a été condamnée à rapporter la somme de 94.296,53 Frs au titre de l'achat du 20 Avril 1989 d'un tracteur enjambeur financé par son père, ainsi que celle de 186.930 francs au titre de l'achat d'un tractopelle en date du 2 décembre 1998, et ce au titre de donations indirectes.
A) Tracteur enjambeur :
Selon facture du 20 avril 1989 des Ets Giraud Mme [B] [I], M. [E] [I] et Mme [M] [I] ont acquis un tracteur enjambeur pour 647 641,01 francs TTC.
Cette facture mentionne que Mme [M] [I]-[N], également exploitante viticole, devait participer à cet achat à hauteur de 94 296,53 euros (pièce intimé n° 20) alors qu'il résulte d'un talon de chèque et du relevé de compte des époux [I] (parents) en date du 31/08/1989 qu'en réalité ce sont les deux parents qui ont financé la part de leur fille.
Toutefois il ressort des statuts de la société d'exploitation viticole [I] du 18 juin 1991 (pièce appelante n° 27) et plus précisément de la liste d'apport en capital que ce tracteur a été apporté à la SCEAV :
- à proportion de 57 % par les époux [J] et [B] [I],
- à proportion de 43 % par M. [E] [I].
Mme [M] [I]-[N] n'est pas mentionnée au titre de propriétaire de cet apport en capital à la SCEAV et la somme des deux pourcentages des apporteurs recoupe 100 % de la propriété de l'engin.
Il est donc établi que Mme [M] [I]-[N] n'avait aucune part de propriété dans ce tracteur nonobstant les termes de la facture d'achat de ce matériel et nonobstant le fait qu'elle est devenue associée de la SCEAV le 30 avril 1999.
S'il est évident qu'elle a utilisé le tracteur de 1985 à 1999 pour l'exploitation de ses propres vignes, comme le relève M. [E] [I] dans ses conclusions (page 15/18), elle le faisait dans le cadre d'un prêt à usage familial.
En conséquence, les seuls propriétaires indivis du tracteur enjambeur étaient messieurs [J] et [E] [I] de sorte que Mme [M] [I]-[N] ne doit aucun rapport à succession de ce chef.
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La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.
B) Tractopelle :
Il n'est pas contesté que M. [J] [I] a acheté à la société [36] une tractopelle le 2 décembre 1998 pour 185 930 francs TTC et a payé cette somme (pièce intimé n° 21)
Or, bien que par paiement total de l'engin, les époux [J] et [B] [I] étaient propriétaires de celui ci, c'est Mme [M] [I]-[N] qui a vendu cette tractopelle à la SCEAV [I] et au GFA [37] le 22 décembre 1999 pour 93 465,00 francs à chacun des acquéreurs. (pièces n° 22 et 23)
Même si Mme [M] [I]-[N] indique n'avoir jamais eu l'utilité de l'engin utilisé en fait par son frère et son père et avoir remboursé la TVA payée à son père le 10/02/1999 (conclusions page 13/15), il n'en demeure pas moins que les factures de vente ont été émises au nom de Mme [M] [I]-[N] laissant ainsi présumer, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, que cette dernière a encaissé le prix de vente de la tractopelle, ce qui constitue une donation déguisée sujette à rapport à succession.
La décision déférée sera confirmée sur cette disposition.
6/ Sur les rapports à succession du chef de Mme [R] [I] :
M. [E] [I] a demandé à imputer à Mme [R] [I] des donations indirectes de leurs parents sur une maison appartenant à cette dernière à [Localité 41], donation indirecte qu'il estime matérialisée par le paiement par leur parents des frais de notaire des impositions foncières et des travaux effectués dans l'immeuble.
Pour faire droit à cette demande le premier juge a rejeté l'argument avancé par Mme [R] [I] selon lequel les frais de notaires et le paiement des impôts, qui n'étaient pas contestés par Mme [R] [I] en première instance, avaient été réalisés directement du compte de ses parents vers les tiers bénéficiaires sans transiter par le compte de Mme [R] [I].
Le premier juge a également rejeté le moyen avancé par Mme [R] [I] selon lequel les travaux n'avaient jamais été réalisés faute de preuve de ce fait par Mme [R] [I].
En cause d'appel Mme [R] [I] reprend le moyen selon lequel les frais de notaire, architecte et métreur avaient été payés directement par ses parents aux divers professionnels sans transiter par son propre compte bancaire.
Elle indique que son père M. [J] [I] avait l'idée de séjourner dans la maison de [Localité 41] et avait pour ce faire commandé à des architectes et métreurs divers plans qu'il a payés, mais que, en définitive, seuls les plans ont été élaborés et payés directement par [J] [I] et que les travaux n'ont jamais été réalisés.
Mme [R] [I] ne conteste pas que [J] [I] a réglé directement les taxes foncières de l'immeuble de [Localité 41] et soutient que le quantum de ces taxes n'est pas justifié, aucun avis fiscal n'étant versé pour les exercices 1989, 1991, 1997.
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Mme [R] [I] reconnaît que son père a payé les frais de notaire relatifs à l'acquisition de l'immeuble de [Localité 41] et que ceci constitue un don rapportable mais expose que ce don ne peut être rapporté qu'à hauteur de 50 % puisque [J] [I] a payé ces frais de notaires sur le compte de son exploitation professionnelle ce qui a entraîné une diminution du revenu imposable et a abaissé la charge fiscale de ses parents.
En cause d'appel M. [E] [I] et Mme [M] [I]-[N] n'ont pas conclu sur ce point.
A/ Travaux effectués dans l'immeuble de [Localité 41] appartenant à Mme [R] [I] :
La thèse selon laquelle aucun travaux n'a été effectivement réalisé dans l'immeuble de Mme [R] [I] n'est pas contredite par les motivations de la décision déférée qui n'enjoint un rapport à succession à la charge de Mme [R] [I] que pour :
l'intégralité des frais de notaire d'acquisition de l'immeuble,
l'intégralité des impositions foncières liées à l'immeuble,
les frais de plan et de projets de travaux commandés.
Ce point est donc sans objet s'agissant d'une éventuelle plus-value foncière.
B/ Frais de maîtrise d'oeuvre :
Il ressort des conclusions de Mme [R] [I] non contestées sur ce point que feu [J] [I] a payé des frais de maîtrise d'oeuvre à un métreur et à un architecte pour la somme globale de 15 503,40 francs.
Pour autant il n'est versé aux débats aucune pièce permettant de contester le fait que [J] [I] aurait commandé ces travaux de maîtrise d'oeuvre personnellement et dans un objectif personnel, et ce notamment s'il avait la volonté de passer quelques temps de villégiature dans l'immeuble de [Localité 41] acheté par sa fille.
Dès lors, il n'est démontré ni que Mme [R] [I] ait commandé ces travaux, ni qu'elle en ait tiré bénéfice.
En conséquence il n'y a pas lieu à rapport à succession de ce chef.
La décision déférée sera donc infirmée sur ce point.
C/ Frais de notaire :
Mme [R] [I] reconnaît que son père a financé les frais notariés d'achat de l'immeuble de [Localité 41], (conclusions page 26/29) ce qui constitue un don manuel lui ayant bénéficié même si la somme ne lui a pas été remise mais a été payée directement par [J] [I] au notaire.
La décision déférée sera confirmée de ce chef à charge pour le notaire désigné pour les opérations de «compte liquidation partage» de déterminer la valeur exacte de ce rapport.
D/ Taxes foncières :
Mme [R] [I] reconnaît que son père a payé certaines taxes foncières de l'immeuble qu'elle possède à [Localité 41]. (Conclusions page 26/29)
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Elle ne disconvient pas d'un rapport à succession mais à hauteur de 50 % pour les raisons ci-dessus énoncées.
La cour relève que Mme [R] [I] invoque une fraude fiscale de ses parents en indiquant que ceux ci ont financé un engagement personnel en le déduisant en frais professionnels de leur activité viticole.
La cour ne peut évidemment reprendre ce raisonnement s'apparentant à de la complicité de fraude fiscale et ordonnera par voie de confirmation de la décision déférée, que la totalité des impositions et taxes foncières relatives à l'immeuble de [Localité 41] payées par les époux [J] et [B] [I] pour le compte de Mme [R] [I] soient rapportés à la succession.
Il appartiendra au notaire désigné pour les opérations de «compte liquidation partage» de fixer les taxes foncières payées par les époux [J] et [B] [I] pour le compte de leur fille.
7/ Sur les demandes d'instruction au notaire en charge des opérations de «compte liquidation partage» :
Le premier juge a relevé que les parties s'étaient accordées sur la désignation de Me [V] [P] Notaire à [Localité 30] pour procéder aux opérations de «compte liquidation partage».
Le premier juge a également estimé que dès lors qu'il appartiendra à Me [P] de reconstituer la masse partageable il n'y avait pas lieu de préciser sa mission, comme le sollicitait Mme [R] [I], qu'il devrait dresser la liste des dons et donation rapportables.
La décision déférée a également considéré que les demandes de Mme [R] [I] tendant à permettre au notaire de se faire remettre l'ensemble des relevés bancaires des de cujus faisaient double emploi avec la mission générale de Me [P] qui pouvait solliciter tant auprès des parties qu'auprès des tiers tous documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Mme [R] [I] reprend ses prétentions en cause d'appel et elle en sera déboutée pour les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge et que la cour adopte conformément à l'article 955 du code de procédure civile.
La décision déférée sera confirmée de ce chef.
8/ Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure :
Il ressort des articles 696 et 700 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens et que, sauf considération d'équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l'autre partie.
La décision de première instance est confirmée dans la plus grande partie de ses dispositions déférées à la cour, toutefois chacune des indivisaires voit une partie de ses prétentions d'appel retenue.
En tout état de cause la nécessité d'un recours à Justice est en l'espèce causée tant par les animosités respectives des héritiers des époux [J] et [B] [I] à la suite du décès de leurs parents que par les diverses «approximations» dans la gestion des flux financiers personnels et professionnels ayant existé entre les parents et leurs enfants du vivant des de cujus.
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En conséquence les dépens et les frais irrépétibles de procédure, conséquences inéluctables d'une situation passée à laquelle chacune des parties a participé, devront être supportés égalitairement entre eux.
Il s'ensuit que les dépens d'appel seront, comme ceux de première instance, employés en frais privilégiés de partage et que les demandes respectives présentées en cause d'appel au titre des frais irrépétibles de procédure seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement dans les limites de sa saisine :
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Troyes le 06 mai 2022 (RG N° 19/00724) en toutes ses dispositions déférées à la cour hormis les dispositions ci-après limitativement énoncées :
Disposition ordonnant un rapport à succession à la charge de Mme [M] [I]-[N] pour la valeur de l'engin viticole «tracteur enjambeur».
Disposition ordonnant un rapport à succession à la charge de Mme [R] [I] pour les frais et honoraires de maîtrise d'oeuvre relatifs à l'immeuble de [Localité 41].
Statuant de nouveau sur ces deux dispositions :
Dit n'y avoir lieu à rapport à succession à la charge de Mme [M] [I]-[N] pour la valeur de l'engin viticole «tracteur enjambeur».
Dit n'y avoir lieu à rapport à succession à la charge de Mme [R] [I] pour les frais et honoraires de maîtrise d'oeuvre relatifs à l'immeuble de [Localité 41].
Y ajoutant :
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage dont distraction au profit des avocats aux offres de droit qui le requièrent.
Déboute Mme [M] [I]-[N], M. [E] [I] et Mme [R] [I] de leurs demandes respectives formulées au titre des frais irrépétibles de procédure d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT