N° RG : 23/01092
N° Portalis :
DBVQ-V-B7H-FLLG
ARRÊT N°
du : 24 mai 2024
B. D.
M. [G] [X]
C/
Mme [K] [X]
épouse [M]
M. [S] [X]
M. [E] [X]
M. [J] [X]
Formule exécutoire le :
à :
Me Karoline Diallo
SELARL F. Peze
COUR D'APPEL DE REIMS
1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II
ARRÊT DU 24 MAI 2024
APPELANT :
d'un jugement rendu le 19 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne (RG 20/03169)
M. [G] [X]
[Adresse 12]
[Localité 11]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/002548 du 26/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Reims)
Comparant et concluant par Me Karoline Diallo, avocat au barreau de Reims
INTIMÉS :
1°] - Mme [K] [X] épouse [M]
[Adresse 13]
[Localité 11]
2°] - M. [S] [X]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
3°] - M. [E] [X]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
4°] - M. [J] [X]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Comparant et concluant par Me Frédéric Peze, membre de la SELARL F. Peze, avocat au barreau de Châlons-en-Champagne
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Duez, président de chambre
Mme Magnard, conseiller
Mme Herlet, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE :
Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé
DÉBATS :
À l'audience publique du 11 avril 2024, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2024
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ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Duez, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
Du mariage de Mme [C] [L] et de M. [P] [X] sont issus cinq enfants :
Mme [K] [X] épouse [M], née le [Date naissance 6] 1949,
M. [S] [X], né le [Date naissance 2] 1950,
M. [E] [X], né le [Date naissance 9] 1960,
M. [J] [X], né le [Date naissance 3] 1968,
M. [G] [X], né le [Date naissance 5] 1972.
Mme [C] [L] est décédée le [Date décès 7] 2004 et M. [P] [X] est décédé le [Date décès 8] 2015 laissant pour leur succéder leurs cinq enfants.
Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] ont fait assigner M. [G] [X] en ouverture des opérations de «compte liquidation partage» devant le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne le 23 novembre 2015.
Par jugement du 10 janvier 2018, aujourd'hui définitif, le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne a ordonné, avec exécution provisoire, l'ouverture des opérations de «compte liquidation partage» des indivisions issues de la communauté conjugale des époux [X]-[L] et de leurs décès respectifs et désigné pour ce faire Me [Z] [F] notaire à [Localité 15].
Cette décision a, en outre :
Débouté les demandeurs de leur prétention tendant à être autorisés à passer seuls les actes de disposition sur les biens indivis.
Ordonné la vente sur licitation en l'étude du notaire désigné et avec mise à prix de 9 500 euros de la parcelle de terre sis à [Localité 11] cadastrée [Cadastre 28] pour 58a 40ca et ce avec faculté d'acquisition préférentielle au prix adjugé pour chacun des indivisaires.
Ordonné l'attribution préférentielle à M. [G] [X] de l'immeuble indivis à usage d'habitation sis à [Adresse 12] cadastré section [Cadastre 19], [Cadastre 18] et [Cadastre 20] lieudit «Le Village» pour une contenance totale de 11a 67ca.
Rejeté la demande de fixation de la valeur de cet immeuble par expert.
Fixé à 280 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [G] [X] à l'indivision pour l'occupation de l'immeuble sis [Adresse 12], du jour du décès de feu [P] [X] jusqu'à la cessation de l'indivision ou de l'occupation privative de cet immeuble par M. [G] [X].
Rejeté la demande de rapport à succession des donations et avantages dont a bénéficié M. [G] [X] en l'absence d'intention libérale de feu [P] [X].
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Dit qu'il incombe à M. [G] [X] de régler seul les frais d'obsèques de [P] [X] à hauteur des 5 700 euros antérieurement remis par son père à cet effet.
Le notaire commis a dressé un procès-verbal de difficulté des opérations de «compte liquidation partage» sur deux points :
- L'estimation de l'immeuble sis [Adresse 12].
- L'interprétation du testament olographe rédigé par feu [P] [X] le 23 janvier 2014 et déposé au rang des minutes de Me [A], notaire à [Localité 26].
Sur conciliation du magistrat en charge du contrôle des opérations de «compte liquidation partage» les indivisaires ont accepté la vente de la parcelle de terre à M. [B] [V] au prix de 9 500 euros et ont donné leur accord pour que le notaire s'adjoigne deux professionnels de l'immobilier pour estimer l'immeuble occupé par M. [G] [X].
Les avis de valeurs de cet immeuble ont été réalisés par les agences [22] à [Localité 17] et [24] à [Localité 21] et ont estimé l'immeuble dans une fourchette de prix de 60.000 à 70.000 euros.
Me [F] a établi un projet d'état liquidatif de l'indivision sur ces bases. Seul M. [G] [X] a contesté le projet d'état liquidatif dressé par Me [F].
Un second procès-verbal de difficulté a été établi par le notaire le 25 novembre 2020 et a été audiencé devant le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne.
Par jugement du 19 avril 2023 le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne a :
Ordonné la vente de l'immeuble à usage d'habitation situé au [Adresse 12] par licitation ;
Fixé la mise à prix à la somme de 60 000 euros ;
Fixé l'indemnité d'occupation due par M. [G] [X] jusqu'au mois d'octobre 2020 inclus à la somme de 19.320 euros ;
Dit que l'indemnité d'occupation continuera de courir jusqu'à libération effective des lieux.
Ordonné la réduction de la masse active de la succession à proportion de la valeur de rachats des points retraite de M. [G] [X] dans la limite légale de 12 trimestres ;
Rejeté les autres demandes de M. [G] [X] ;
Rappelé que les parties devront remettre à Me [Z] [F], Notaire, toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;
Rappelé que Me [Z] [F] devra dresser un projet de l'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de la présente décision ;
Dit que le notaire devra établir la valeur du rachat des points retraite de M. [G] [X] dans la limite de 12 trimestres à inscrire au passif de la succession.
Laissé les dépens à la charge de chacune des parties et rejeté les demandes présentées au titre des frais irrépétibles de procédure.
M. [G] [X] a interjeté appel de cette décision le 29 juin 2023 en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées le 20 février 2024 et déposées à la cour M. [G] [X] sollicite l'infirmation de la décision déférée et, par voie d'infirmation de :
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Constater l'existence de recels successoraux.
Condamner solidairement Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X] au remboursement à la succession de la somme de 447,67 € au titre de la mauvaise gestion du fermage de la parcelle [Cadastre 28].
Condamner solidairement Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X], au remboursement à la succession de la somme de 1 798,23 € au titre de l'article 778 du code civil, pour le paiement de l'assurance de leurs parts respectives de la maison sur le compte de succession.
Condamner Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X], à accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net.
Condamner solidairement Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X] au versement de la somme 48 624,00€ à la succession en application de la créance testamentaire de Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X] envers M. [G] [X].
Condamner solidairement Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X] au remboursement à la succession de la somme de 3.975,05 € correspondant à la valeur des travaux imposés à M. [P] [X], lesquels sont une donation déguisée rapportable à la succession dont ils ont fait recel.
Fixer la valeur des travaux effectués par M. [G] [X] dans la succession, dont celle-ci profitera dans la vente de la maison, à la somme de 3 060,00 €.
Juger de la recevabilité du paiement des indemnités d'occupation, au regard du recel effectué sur la donation déguisée attenante à la propriété du bâti.
Le cas échéant,
Dire que les sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation seront compensées avec les fruits ou revenus des biens recélés.
Fixer la valeur du bien indivis situé au [Adresse 12] à 45 000 euros.
Confirmer l'attribution préférentielle à M. [G] [X], du bien indivis situé au [Adresse 12],
Condamner solidairement Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X] au versement de la somme de 25 000 € à M. [G] [X] à titre de dommages et intérêts,
Condamner solidairement Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X] au versement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner solidairement Mme [K] [X] épouse [M], M. [S] [X], M. [E] [X], et M. [J] [X], aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
Aux termes de leurs conclusions d'intimés signifiées et déposées à la cour le 22 décembre 2023 Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] sollicitent la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions et la condamnation de M. [G] [X] aux dépens ainsi qu'à payer les sommes de 3 000 € à titre de dommages-intérêts et 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
***
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Vu les conclusions récapitulatives de l'appelant signifiées le 20 février 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions récapitulatives des intimés signifiées le 22 décembre 2023 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure prononcée le 29 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur les prétentions relatives aux recels successoraux invoqués par M. [G] [X] (prétentions n° 1-2-3-4 et 6 des conclusions de l'appelant) :
L'article 778 du code civil dispose que :
«Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession».
Le recel suppose que soient réunis un élément matériel constitué par tout procédé frauduleux destiné à s'approprier exclusivement un bien successoral, ainsi qu'un élément intentionnel résidant dans l'intention frauduleuse de rompre l'égalité du partage à son profit par le biais du recel.
À ce titre M. [G] [X] reproche aux autres héritiers indivisaires :
De ne pas avoir exigé le paiement des fermages de la parcelle sis à [Localité 25]- cadastrée [Cadastre 27] (vendue en 02/2020) pour les années 2016 à 2020 (préjudice estimé à 477,67 €). (conclusions appelant : page 6)
D'avoir fait supporter en charge de succession une assurance (propriétaire-occupant) pour l'immeuble de famille occupé par M. [G] [X] ([Adresse 12]) alors que ce dernier s'acquittait déjà d'une assurance couvrant les risques de son occupation et de sa propriété (préjudice estimé 1798,38 €). (conclusions appelant page 7)
Donation déguisée au profit de Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J], consistant à faire financer par leur père de son vivant l'installation d'une cabine de douche neuve dans l'immeuble sis [Adresse 12]. (Préjudice estimé au montant des travaux : 3 975,05 €) (conclusions appelant page 9).
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De manière liminaire la cour n'entend pas rentrer dans l'argumentation des parties tenant aux rapports ayant existé entre feu M. [P] [X] de son vivant avec Mme [K] [X]-[M] et messieurs [S], [E] et [J] [X], ou aux rapports entre M. [G] [X] et ses frères et soeur.
Ainsi que l'a justement établi le premier juge, le défaut d'encaissement de loyers devant bénéficier à l'indivision peut être qualifié de faute de gestion mais aucunement de recel successoral dès lors qu'il est établi que cet acte n'a pas servi à enrichir un des indivisaires héritiers.
En l'espèce il n'est pas contesté que le fermier à qui les fermages n'ont pas été réclamés était tiers par rapport à la succession [X] de sorte que cette négligence de gestion ne peut être considérée comme constitutive de l'élément matériel ou moral du recel successoral.
S'agissant de l'assurance de la maison occupée par M. [G] [X], Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] soutiennent qu'ils étaient dans l'ignorance du fait que M. [G] [X] ait souscrit une assurance personnelle, ce qui est contesté par ce dernier.
Pour autant, la cour considère qu'au regard des relations tendues existantes entre M. [G] [X] d'une part et l'ensemble des autres cohéritiers d'autre part et, même à supposer pour les seuls besoins du raisonnement, que Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] aient eu connaissance du fait que M. [G] [X] se soit assuré pour l'immeuble, la souscription d'une seconde assurance du même immeuble n'était pas déraisonnable dans la mesure où M. [G] [X] pouvait résilier à tout moment et sans en avertir les autres coindivisaires, la police souscrite par lui seul, l'immeuble étant dans cette hypothèse dépourvu de toute couverture d'assurance.
En tout état de cause cette double assurance n'est pas de nature à créer un déséquilibre conscient des règles du partage successoral au profit des intimés.
Ce fait ne constitue donc pas un recel successoral au sens de l'article 778 du code civil.
Enfin, M. [G] [X] qualifie de «donation déguisée» au profit des intimés, le fait que, de son vivant (2013) M. [P] [X] a fait procéder au remplacement de la douche suite à un dégât des eaux.
Cette facture de 4 543,19 € en date du 31/05/2013 a été prise en charge partiellement (568,14 €) par l'assurance.
La cour constate que M. [P] [X], décédé le [Date décès 8] 2015, a bénéficié de son vivant de la nouvelle cabine de douche adaptée pour personne âgée ou handicapée comme l'indique la facture (pièce appelant n° 7).
Sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la volonté ou l'absence de volonté de feu M. [P] [X] sur ces travaux, il ne peut donc être sérieusement soutenu que cette amélioration de l'immeuble ait été constitutive d'une donation déguisée au profit de Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] et ce d'autant que, si ces travaux apportent une plus-value à l'immeuble, M. [G] [X] en bénéficiera également en sa qualité d'héritier.
La décision déférée sera donc confirmée sur ces trois points.
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2/ Sur la créance testamentaire sollicitée à hauteur de 48.624 euros. (Prétention n° 5 des conclusions de l'appelant) :
Le jugement rendu le 19 avril 2023 ordonne la réduction de la masse active de la succession à proportion de la valeur de rachats des points retraite de M. [G] [X] dans la limite légale de 12 trimestres en exécution des dispositions testamentaires de feu M. [P] [X] qui stipulaient que : «pour la période du 1er juillet 2005 au 31 janvier 2012 son fils ([G] [X]) s'est occupé de lui et qu'en contrepartie il lui réserve une indemnité égale au rachat de ses points retraite pour la période considérée».
La décision querellée, acceptée sur ce point par les intimés, a donc dit que le notaire devra établir la valeur du rachat des points retraite de M. [G] [X] dans la limite de 12 trimestres à inscrire au passif de la succession, et ce en appliquant le taux correspondant à l'âge de M. [G] [X] au jour de l'ouverture de la succession.
M. [G] [X] conteste cette dernière disposition en indiquant que le taux de rachat est fixé chaque année par arrêté ministériel de sorte qu'il soutient que le montant de l'indemnité successorale doit être calculé en fonction de son âge et non figée au taux existant au jour de l'ouverture de la succession, soit 48 624,00 € (taux de rachat d'un trimestre (4 052 €) x 12 trimestres (maximum rachetable) - conclusions appelant page 10).
Les intimés considèrent que le calcul de M. [G] [X] est erroné et que les douze trimestres doivent être rachetés sur la base de 2 247 €/trimestre. Ils proposent une indemnité de 26 964 €.
En premier lieu il sera constaté que le testament de feu [P] [X] est muet sur le mode de calcul de l'indemnité.
Le rachat de trimestres est possible pour les salariés du privé dans la limite de douze trimestres, sur la base d'une valeur de rachat fixé par arrêté ministériel en fonction de l'âge et des revenus de la personne.
Il est constant que les biens à partager doivent être estimés à la date la plus proche du partage. Cette règle doit également s'appliquer en l'espèce au calcul de l'indemnité de rapport à succession.
Ainsi l'évaluation de l'indemnité à rapporter sera estimée en fonction du barème actuel (2024) de rachat des trimestres et non en fonction du barème en vigueur au jour de l'ouverture de la succession.
M. [G] [X] était âgé de 51 ans à l'ouverture de la procédure judiciaire et ses revenus fiscaux ont été évalués à 0 € par la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Reims du 26 juin 2023 lui accordant une aide juridictionnelle totale.
La valeur de rachat d'un trimestre est donc égale dans ce cas, à 2 734 € (valeur barème 2024 CNAV).
L'indemnité rapportable à la succession en fonction du testament de [P] [X] devra donc être calculée sur 12 trimestres maximum multipliés par 2 734 euros soit 32 808 €.
La décision déférée sera donc infirmée sur cette disposition et, statuant de nouveau, il sera ordonné au notaire instrumentaire de réduire la masse successorale au profit de M. [G] [X] pour tenir compte du testament du de cujus à hauteur de la somme de 32 808 euros.
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3/ Sur le bien indivis sis [Adresse 12] (Prétentions n° 7 à 11 des conclusions de l'appelant) :
Il sera relevé que les intimés ne contestent pas l'attribution préférentielle à M. [G] [X] de cet immeuble.
A) Indemnité d'occupation privative :
Cette indemnité a été fixée à 280 €/jour par le jugement du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne du 10 janvier 2018 et liquidée à 19 320 € par la décision déférée à la cour sur une période d'occupation effective courue à partir du [Date décès 8] 2015.
A défaut d'élément de fait permettant de revenir sur ce calcul dans les conclusions des parties, ce montant sera confirmé sauf à être actualisé au jour du partage et compensé avec les sommes retenues au bénéfice de l'appelant pour les travaux d'amélioration effectués dans l'immeuble.
B) Travaux effectués :
M. [G] [X] rappelle que l'indemnité d'occupation a été fixée à 280 € mensuels par décision définitive du 10 janvier 2018, mais précise que le montant de cette indemnité d'occupation devra être compensé avec les fruits et les revenus des biens qu'il estime recelés et avec les travaux d'amélioration qu'il a engagés dans l'immeuble pour une valeur revendiquée de 3 060,87 € TTC (pièces appelant n° 36 et 37).
La demande de compensation avec les «fruits et revenus» des biens recelés sera écartée, la cour ayant confirmé la décision qui n'a pas retenu de recel successoral.
Il ressort de l'article 815-13 alinéa 1er du code civil que : «Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation des dits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés».
L'indemnité due à un indivisaire qui a amélioré à ses frais l'immeuble indivis dont il jouit privativement se compense avec l'indemnité d'occupation dont il est redevable en vertu de l'article 815-9 du code civil.
Si l'indemnité de l'article 815-13 du code civil se prescrit par cinq années à compter du jour de son exigibilité, c'est à dire à partir du jour où les travaux sont payés par l'indivisaire, le mécanisme de la compensation légale avec l'indemnité d'occupation prévue par l'article 815-9 du code civil, entraîne l'extinction progressive des créances réciproques à leurs dates respectives d'exigibilité.
En l'espèce M. [G] [X] justifie en cause d'appel avoir fait réaliser par l'entreprise «[23]» des travaux d'isolation des combles et du plancher de l'immeuble, travaux facturés pour 3 060,87 € selon facture n° FA0027 du 12/12/2018 (pièce 36) et avoir réglé cette facture par anticipation le [Date naissance 1]/20108 (extrait de CCP mentionnant un débit de 3 060,87 € par chèque n° 5124206 : pièce 37).
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Mme [K] [X]-[M], MM. [S], [E] et [J] [X] estiment que ces travaux sont inopposables à l'indivision qui ne les avait pas acceptés.
La créance de M. [G] [X], même née le [Date naissance 1]/2018 n'est donc pas prescrite puisque qu'elle doit être considérée comme s'étant compensée avec l'indemnité d'occupation fixée à la charge de M. [G] [X] par le jugement du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne du 10 janvier 2018.
Les travaux d'isolation constituent une amélioration de l'immeuble au sens de l'article 815-13 du code civil de sorte que, par infirmation de la décision déférée sur ce point, la somme payée pour ces travaux par M. [G] [X] (3 060,87 €) devra être déduite de la valeur de l'indemnité d'occupation qui sera calculée par le notaire instrumentaire pour la période d'occupation privative de l'immeuble par M. [G] [X].
B) Valeur d'estimation de l'immeuble :
L'article 829 du code civil énonce : «qu'en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité».
Il s'ensuit que le principe de la fixation de la jouissance divise à la date la plus proche possible du partage s'impose, sauf à la partie qui sollicite cette fixation à une date plus ancienne de démontrer que ce choix apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité.
(Cour d'appel de Reims, 1ère chambre civile, section, 2 avril 2021, RG n° 20/00645).
M. [G] [X] souhaite que la valeur de l'immeuble soit fixée à la somme de 45 000 €, notamment au regard de la présence d'amiante dans l'immeuble.
Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] sollicitent la fixation de la valeur de l'immeuble à hauteur de 60 000 € comme proposé par le projet d'acte notarié.
Pour retenir une valeur de 60 000 € le premier juge a retenu les motifs suivants :
«... deux estimations de professionnels ont été produites au notaire, que ces estimations tiennent compte de l'ensemble des travaux à réaliser (toiture, électricité, VMC ...) Et fixent une valeur comprise entre 60 000 et 70 000 €, M. [G] [X] sollicite une estimation à la baisse en considérant que des éléments supplémentaires compromettant le bâti pourraient être découverts, alors qu'il ne produit aucune pièce en ce sens et que ces éléments susceptibles d'induire une baisse de valeur ne sont dès lors qu'hypothétiques».
En cause d'appel M. [G] [X] invoque des devis effectués en 2021 et 2022 (pièces appelant n° 25 à 27) mais pour autant ne produit aucune attestation de valeur établie par un professionnel de l'immobilier susceptible de remettre en cause les estimations du notaire et des deux agences immobilières mandatées par ce dernier. ([22] et [24]).
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Il sera rappelé que la valeur de l'immeuble est certes variable en fonction de l'état du bâti mais également largement influencée par sa localisation.
En tout état de cause, la cour ne pourra infirmer la décision déférée sur la seule production par l'appelant de devis de travaux qui ne permettent pas à la juridiction d'appel de déterminer si les travaux objets de ces devis sont de nature à donner une plus-value à l'immeuble par rapport à la valeur estimée par le notaire ou, au contraire, à induire une moins-value en cas de non-réalisation.
En conséquence la décision déférée sera confirmée sur ce point.
4/ Sur la demande de dommages-intérêts formulée par M. [G] [X] (prétention n° 12 des conclusions de l'appelant) et sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par les intimés :
M. [G] [X] sollicite la condamnation in solidum de Mme [K] [X]-[M], MM. [S], [E] et [J] [X] à lui payer 25 000 € au via de l'article 1240 du code civil invoquant le fait que ses coindivisaires (page 15/17 de ses conclusions) :
L'ont laissé seul pour s'occuper de ses parents âgés pendant 10 ans ne le défrayant qu'à hauteur de 6.550 euros par an.
Ont retardé sciemment le règlement de la succession pour compenser la créance testamentaire avec l'indemnité d'occupation de l'immeuble.
Ont déposé à son encontre deux plaintes pour abus de faiblesse vis à vis de ses parents, plaintes classées sans suite.
L'ont accusé de maltraitance vis à vis de son père, ont contacté ses employeurs et ont violé sa vie privée lui occasionnant un état anxio-dépressif.
Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] soutiennent que M. [G] [X] ne justifie d'aucune faute à leur encontre, d'aucun préjudice et d'aucun lien de causalité.
Pour rejeter cette demande le premier juge a retenu que :
«En l'espèce, M. [G] [X] invoque le retard dans le règlement de la succession alors qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'il ne peut être imputé aux seuls demandeurs les obstacles existant au partage de la succession. En outre, M. [G] [X] revendique l'existence de préjudices moral et financier sans produire le moindre élément de preuve à l'appui de ces préjudices».
En cause d'appel M. [G] [X] ne produit aucune autre pièce probante que celles soumises au premier juge.
La cour confirmera en conséquence la décision déférée sur ce point par adoption de motifs au visa de l'article 955 du code de procédure civile en ajoutant toutefois que :
Les prétentions soutenues par M. [G] [X] tant en première instance qu'en cause d'appel et tenant au recel successoral qu'il invoque ou à la minoration de la valeur de l'immeuble, sont pour une grande partie, la cause de l'allongement du traitement de la succession.
S'il a certes eu le courage et l'honneur de s'occuper seul de ses parents âgés pendant de nombreuses années, il ne saurait pour autant invoquer ce dévouement moral pour solliciter sur le fondement d'une faute de ses frères
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et soeur, des dommages-intérêts sans démontrer en quoi l'attitude de ses frères et soeur a été fautive à son égard et sans justifier d'un préjudice lié à cette éventuelle faute.
M. [G] [X], qui succombe une nouvelle fois à cette démonstration en cause d'appel, alors que le premier juge avait très clairement et très complètement motivé ce point, adopte un comportement excessif que la cour mettra au compte de la mésentente familiale, mais qui, pour autant, ne peut être impunément traduite en prétention judiciaire.
Toutefois, il n'est pas établi que ce «comportement excessif» dénature en faute le droit de M. [G] [X] d'agir en appel et ce d'autant que certaines de ses prétentions ont été accueillies.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle déboute M. [G] [X] de sa demande de dommages-intérêts et complétée en ce qu'elle rejette la demande incidente de dommages-intérêts pour appel abusif soutenue par Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X].
5/ Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure :
Il ressort des articles 696 et 700 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens et que, sauf considération d'équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l'autre partie.
En l'espèce chacune des parties appelante et intimée voit une partie de ses prétentions accueillie en cause d'appel.
Dés lors il conviendra de prévoir que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel et que les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire :
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne le 19 avril 2023 sauf en ses dispositions relatives à :
La fixation de la créance testamentaire au profit de M. [G] [X].
La fixation de l'indemnité d'occupation de l'immeuble sis [Adresse 12] due par M. [G] [X].
Statuant de nouveau sur les seules dispositions infirmées :
Dit que Me [Z] [F], notaire à [Localité 16], en charge des opérations de «compte liquidation partage», devra procéder à la réduction de la masse active de la succession au profit de M. [G] [X] à proportion de la valeur de rachats des points retraite de ce dernier dans la limite légale de 12 trimestres à hauteur de la somme de 32.808 euros.
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Dit que Me [Z] [F], notaire à [Localité 16], en charge des opérations de «compte liquidation partage», devra compenser l'indemnité due par M. [G] [X] pour l'occupation privative de l'immeuble sis [Adresse 12] avec les travaux d'amélioration de l'immeuble exécuté par ce dernier à hauteur de 3 060,87 € TTC.
Y ajoutant :
Déboute Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif.
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
Déboute M. [G] [X] de sa demande de frais irrépétibles de procédure d'appel.
Déboute Mme [K] [X]-[M], messieurs [S], [E] et [J] [X] de leur demande de frais irrépétibles de procédure d'appel.
Dit que Me [Z] [F], notaire à Avize, devra achever les opérations de «compte liquidation partage» en fonction des seules dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Châlons en Champagne confirmées en appel et, pour le surplus, en fonction des dispositions infirmatives du présent arrêt.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT