La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°23/01571

France | France, Cour d'appel de Reims, Taxes, 16 mai 2024, 23/01571


ORDONNANCE N°

du : 16 mai 2024













N° RG 23/01571

N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMRR













SELAS ACG



C/



- E.A.R.L. GIRONDE

- M. [Y] [B]







































Formule exécutoire + CCC

le 16 mai 2024







COUR D'APPEL DE REIMS

CONTENTIEUX DES TAXES

Recours contre honor

aires avocat



ORDONNANCE DU 16 MAI 2024



A l'audience publique de la cour d'appel de Reims, où était présent et siégeait Mme Christel Magnard, conseiller à la cour, magistrat spécialement désigné par ordonnance de M. le premier président, assistée de Mme Balestre, greffier,



a été rendue l'ordonnance suivante :



Entre :



SELAS ...

ORDONNANCE N°

du : 16 mai 2024

N° RG 23/01571

N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMRR

SELAS ACG

C/

- E.A.R.L. GIRONDE

- M. [Y] [B]

Formule exécutoire + CCC

le 16 mai 2024

COUR D'APPEL DE REIMS

CONTENTIEUX DES TAXES

Recours contre honoraires avocat

ORDONNANCE DU 16 MAI 2024

A l'audience publique de la cour d'appel de Reims, où était présent et siégeait Mme Christel Magnard, conseiller à la cour, magistrat spécialement désigné par ordonnance de M. le premier président, assistée de Mme Balestre, greffier,

a été rendue l'ordonnance suivante :

Entre :

SELAS ACG

[Adresse 3]

[Localité 4]

Comparant par Me Aude GALLAND, membre de la SELAS ACG, avocat au barreau de REIMS

Demandeur au recours à l'encontre d'une ordonnance rendue le 14 septembre 2023 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de CHALONS-EN-CHAMPAGNE (RG T23076)

Et :

1/ E.A.R.L. GIRONDE

[Adresse 1]

[Localité 6],

2/ M. [Y] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Benjamin MADELENAT, avocat au barreau de l'AUBE

Défendeur

Régulièrement convoqués pour l'audience du 4 avril 2024 par lettres recommandées en date du 7 mars 2024, avec demande d'avis de réception,

A ladite audience, tenue publiquement, Mme Magnard, conseiller à la cour, magistrat délégué du premier président, assisté de Mme Balestre, greffier, a entendu les parties en leurs explications, puis l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024,

Et ce jour, 16 mai 2024, a été rendue l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signée par Mme Magnard, conseiller à la cour, déléguée du premier président, et par Mme Balestre, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par courrier reçu à l'ordre des avocats le 6 juin 2023, la SELAS ACG a saisi le bâtonnier du barreau de Châlons-en-Champagne d'une demande aux fins de voir fixer les honoraires dus par M. [B] à un montant de 257,38 euros TTC et par l'EARL Gironde à un montant de 1 235,25 euros TTC, dans le cadre d'une procédure de référé devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne.

Le bâtonnier a sollicité les observations de M. [B] (pli recommandé réceptionné le 15 juin 2023), et de l'EARL Gironde (plis avisé non réclamé).

Par ordonnance du 14 septembre 2023, le bâtonnier a arrêté les honoraires dus à la SELAS ACG par l'EARL Gironde et par M. [Y] [B] à la somme de 4 708,80 euros TTC, dont à déduire la provision versée à hauteur de 5 635,24 euros TTC, soit un trop-perçu de 926,44 euros TTC. Il a, par conséquent, débouté la SELAS ACG de l'ensemble de ses demandes.

Par courrier reçu au greffe le 25 septembre 2023, la SELAS ACG a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures, auxquelles elle se réfère expressement à l'audience, elle demande au conseiller délégué de :

- dire que M. [Y] [B] est redevable du solde d'honoraires à hauteur de la somme de 151,59 euros TTC, et le condamner au réglement de cette somme, outre intérêts de retard de droit à compter de la mise en demeure délivrée le 3 février 2023, conformément aux dispositions de l'article 1344-1 du code civil,

- dire que l'EARL Gironde, prise en la personne de sa gérante Mme [R] [B], est redevable du solde d'honoraires à hauteur de 1 073,66 euros TTC et la condamner au réglement de cette somme, outre intérêts de retard de droit à compter de la mise en demeure délivrée le 6 février 2023, conformément aux dispositions de l'article 1344-1 du code civil,

- condamner M. [Y] [B] et l'EARL Gironde, in solidum à lui régler la somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à ces écritures pour un plus ample exposé des moyens et prétentions.

M. [Y] [B] et l'EARL Gironde demandent au conseiller délégué de :

- les dire recevables et bien-fondés en leur appel incident,

- juger irrecevable en raison de la prescription toutes demandes dirigées contre M. [Y] [B],

- débouter la SELAS ACG de toutes ses demandes qui ne seraient pas irrecevables, comme étant mal-fondées,

- condamner la SELAS ACG au remboursement au profit de M. [Y] [B] du trop-perçu à hauteur de 2 366,44 euros,

- condamner la SELAS ACG à payer à M. [Y] [B] et à l'EARL Gironde, chacun, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Il est renvoyé à leurs écritures pour un plus ample exposé des moyens et prétentions.

Sur ce, le conseiller délégué,

I- Sur le moyen tiré de la prescrition

Par application de l'article 2225 du code civil 'l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par 5 ans à compter de la fin de leur mission'

L'article L 218-2 du code de la consommation prévoit que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

M. [B] fait valoir qu'il doit, en sa qualité de personne physique, bénéficier de la prescription la plus protectrice du code de la consommation, soit deux années, qu'en l'espèce la SELAS ACG a achevé sa mission le 16 octobre 2020 (date de la facture) et n'a adressé sa requête aux fins de taxation que le 6 juin 2023, au délà du délai de prescription biennale.

La SELAS ACG considère que la prescription est de 5 années dès lors que le client agissait dans le cadre de son activité professionelle, commerciale, industrielle ou artisanale. Elle conteste la fin de mission à la date de facture ou à celle du jugement.

Il est constant qu'est soumise à la prescription biennale la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale artisanale industrielle ou commerciale.

Tel est bien le cas en l'espèce s'agissant de M. [B], eu égard à la nature du litige (servitude de passage).

La prescription est donc de deux ans.

Le point de départ de ce délai de prescription biennale est le jour où le titulaire du droit - ici l'avocat - a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit, en principe, la date à laquelle le mandat de l'avocat prend fin c'est-à-dire la fin de sa mission, notion qui peut prêter à interprétation et qu'il revient à la présente juridiction d'apprécier.

La SELAS ACG fait valoir divers échanges qui se sont poursuivis après la décision judiciaire du 13 octobre 2020 et l'émission de la facture récapitultive du 16 ctobre 2020, soit :

- un mail du 11 mai 2021 par lequel le conseil transmet au client une proposition de rachat en vue d'une éventuelle résolution amiable des litige entre les parties, émanant du conseil de leur adversaire M. [P] [B],

- un mail du 17 juin 2021 par lequel le cabinet transmet une pièce manifestement réclamée le client,

- un mail du 6 juillet 2021 relatant un appel de Mme [R] [B] par lequel, entre autres sujets, était évoqué son souhait de 'faire annuler le jugement de 2020".

Il s'ensuit qu'à cette date (juillet 2021), les parties étaient toujours en relation dans le droit prolongement de l'ordonnance rendue, et qu'il ne peut donc être considéré que le mandat du conseil avait pris fin, des négociations étant toujours manifestement en cours.

Dans ces conditions, l'action aux fins de taxation soumise au bâtonnier par requête du 6 juin 2023 a bien été introduite dans le délai de prescription biennale.

Le moyen tiré de la prescription est par conséquent rejeté.

II- Sur le fond

Les parties font état d'une première convention d'honoraires éditée par la SELAS ACG le 10 juin 2020. Elles conviennent que celle-ci n'a jamais été signée.

M. [Y] [B] et l'EARL Gironde soutiennent que même si cette première convention n'a jamais été signée 'il est acquis que juridiquement il y a eu contrat par la rencontre des consentements sur les termes de ce document', sous l'empire duquel ont été acomplies l'ensemble des diligences facturables.

Ils considèrent que la seconde convention du 2 mai 2021 n'avait pour seul objet que de répondre à la demande de répartition du coût de la procédure qu'ils avaient sollicité. Ils estiment que le contenu de cette seconde convention leur est moins favorable, raison pour laquelle la SELAS ACG refuserait de communiquer la première, et demandent à la présente juridiction d'en tirer toutes les conséquences.

Pour autant, seule une convention signée des parties est susceptible de les lier.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que ce premier projet de convention n'a jamais été régularisé.

Seule la convention en date du 2 mai 2021 fait la loi des parties au sens de l'article 1103 du code civil.

Cette convention prévoit que 'les parties conviennent de faire rétroagir l'entrée en vigueur de la présente convention d'honoraires à compter du premier contact entre les parties', de sorte qu'elle couvre l'ensemble des diligences accomplies par la SELAS ACG dans l'intérêt des clients.

Elle prévoit, pour l'essentiel, un honoraire au temps passé et au taux horaire de 200 euros HT pour l'intervention de l'avocat associé, 140 euros HT pour l'intervention d'un avocat collaborateur ou juriste, 62 euros HT pour le temps passé par le secrétariat.

La SELAS ACG critique la décision du bâtonnier :

en ce qu'elle a estimé le temps passé par le secrétariat à 4 heures au lieu de 16 h 50 comme sollicité dans la facture,

en ce qu'elle a rejeté sa demande au titre des temps de déplacement.

Par leur appel incident les intimés contestent la décision du bâtonnier en son appréciation relative au temps passé à la rédaction d'acte qu'ils estiment à 5 heures au lieu des 10 heures facturées.

Chacun de ces points sera examiné ci-après.

Sur les temps de secrétariat

Le bâtonnier a estimé que 'les durées de prestation invoquées par la SELAS ACG ne semblent compatibles avec les prestations effectuées (16 h 50 de secrétariat ... ) uniquement en considération des nombreuses relances factures qui ne correspondent pas aux prestations taxables'.

Pour autant, la SELAS ACG produit aux débats de nombreux échanges avec le secrétariat et souligne le caractère polyvalent de la secrétaire juridique (noter les appels, relancer pour les pièces, travail de frappe, de facturation et de relance, gestion des échanges RPVA, préparation du dossier de plaidoirie, répondre aux appels, etc).

Dans cette mesure, et eu égard aux nombreux mails communiqués, le temps de secrétariat -hors temps de relance- apparaît avoir été sous-évalué par le bâtonnier et sera plus justement retenu pour 10 heures, soit pour un montant de 620 euros HT soit 744 euros TTC.

Sur les temps de déplacement

L'ordonnance du bâtonnier n'a pas retenu d'honoraire au titre des temps de déplacement que la SELAS ACG estimait à 3 h 30 pour deux aller-retours entre [Localité 7] et [Localité 4].

Or, le temps passé sur la route par l'avocat doit être rétribué à son taux horaire, qui est en l'espèce de 200 euros HT. Il ne s'agit pas ici de frais de déplacement à proprement parler.

Il est donc dû au conseil au titre du temps de déplacement la somme de 700 euros HT, soit 840 euros TTC.

Sur le temps de rédaction d'acte

La bâtonnier a fait droit à la demande de la SELAS ACG au titre du temps de rédaction d'acte, soit 10 heures, tout en minorant le taux horaire à 140 euros HT, sans expliquer cette réduction du taux horaire.

Les intimés souhaitent voir réduire cette durée à 5 heures, au taux horaire conventionnel de 200 euros HT.

Ils s'étonnent d'une durée de 10 heures pour un unique jeu de conclusions de 10 pages en ce compris page de garde, 'par ces motifs' et bordereaux de communication de pièces inclus.

Pour autant, le temps de rédaction ne se mesure pas au nombre de pages et résulte assurément de réflexion et recherches qui se doivent d'être comptabilisées. Lesdites conclusions, bien qu'en référé, ont nécessité des développements sur le contexte familial, l'historique, et une défense en divers points s'agissant d'un litige relativement complexe à thématique de servitude et droit de passage.

Il y a lieu de faire droit partiellement à l'appel de la SELAS ACG sur cet honoraire pour l'estimer à une durée de 8 heures (peu ou prou conforme à sa demande), le surplus allégué au titre d'un temps de secrétariat en rédaction d'acte de 2 h 03 n'étant pas explicité en ce qu'il est susceptible de faire double emploi avec les frais de sécrétariat déjà examinés ci-dessus.

L'honoraire dû au titre de la rédaction d'acte est donc de 1 600 euros HT soit 1 920 euros TTC.

Les temps d'audience (2 h 15 soit 450 euros HT et 540 euros TTC) et de rendez-vous (4 h 20 à 200 euros de l'heure et 1 heure à 140 euros l'heure, soit 979,68 euros HT et 1 175,62 euros TTC), et d'étude de dossier (3 h 50 à 200 euros de l'heure soit 766 euros HT et 919,20 euros TTC) ne sont pas remis en cause.

L'honoraire total dû s'élève donc à la somme totale de 6 138,82 euros TTC.

Il ressort des éléments communiqués que des réglements sont intervenus à hauteur de 4 696,03 euros HT, soit 5 635,24 euros TTC. M. [Y] [B], à qui incombe la charge de la preuve de s'être libéré de sa dette, ne démontre pas le paiement de la somme de 900 euros au 15 février 2022 allégué, le relevé de compte produit en pièce n°10 ne permettant pas de dire que cette somme a été versée à la SELAS ACG.

Dans ces conditions, il reste à devoir par les clients la somme de 503,58 euros TTC.

Si la SELAS ACG a accepté d'émettre des factures distinctes pour chacun, à leur demande, cela n'est pas opposable à présente juridiction dès lors qu'elle est saisie en application d'une convention d'honoraire au nom de l'ensemble des clients tenus 'solidairement', comme mentionné en page 1 de ladite convention.

M. [Y] [B] et l'EARL sont donc condamnés, solidairement, au paiement de la somme de 503,58 euros au titre du solde des honoraires dus à la SELAS ACG.

La SELAS ACG demande de faire courir les intérêts au taux légal à compter des 3 et 6 février 2023, date de réception des courriers adressés à M. [Y] [B] et à l'EARL. Toutefois la lecture de ces courriers fait apparaître qu'il s'agit de relances ordinaires qui ne valent pas 'sommation ou acte portant interpellation suffisante' au sens de l'article 1344 du code civile.

La demande est rejetée.

III- Sur les demandes accessoires

Chacun succombant pour partie en ses prétentions, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes en frais irrépétibles.

Il sera par ailleurs rapellé que la présente procédure est sans dépens.

PAR CES MOTIFS,

Infirmons l'ordonnance rendue le 14 septembre 2023 par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Châlons-en-Champagne,

Statuant à nouveau,

Rejetons le moyen tiré de la prescription et disons recevable la demande formée par la SELAS ACG à l'égard de M. [Y] [B],

Fixons le solde des honoraires dus à la SELAS ACG par M. [Y] [B] et l'EARL Gironde à la somme de 503,58 euros,

Condamnons solidairement, en tant que de besoin, M. [Y] [B] et l'EARL Gironde à payer à la SELAS ACG la somme de 503,58 euros,

Rejetons la demande de la SELAS ACG tendant à faire courir les intérêts à compter du 3 février 2023 ou du 6 février 2023,

Rejetons les demandes en frais irrépétibles,

Rappelons que la présente procédure est sans dépens.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Taxes
Numéro d'arrêt : 23/01571
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.01571 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award