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06/06/2023 | FRANCE | N°23/00502

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section jex, 06 juin 2023, 23/00502


ARRÊT N°

du 6 juin 2023







(B. P.)

















N° RG 23/00502

N° Portalis

DBVQ-V-B7H-FJ5R







- M. [L] [Y]

- Mme [M] [G] épouse [Y]



C/



BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE





































Formule exécutoire + CCC

le 6 juin 2023

à :

- la SELARL CTB AVOCATS ET

ASSOCIES

- la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT



COUR D'APPEL DE REIMS



CHAMBRE CIVILE



CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION



ARRÊT DU 6 JUIN 2023



Appelants :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de TROYES le 28 février 2023



1 /Monsieur [L] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 1]



2/ Madame [M] [G] épouse [Y]

[...

ARRÊT N°

du 6 juin 2023

(B. P.)

N° RG 23/00502

N° Portalis

DBVQ-V-B7H-FJ5R

- M. [L] [Y]

- Mme [M] [G] épouse [Y]

C/

BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

Formule exécutoire + CCC

le 6 juin 2023

à :

- la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES

- la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION

ARRÊT DU 6 JUIN 2023

Appelants :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de TROYES le 28 février 2023

1 /Monsieur [L] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 1]

2/ Madame [M] [G] épouse [Y]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Comparant et concluant par Me Laurent THIEFFRY, membre de la SELARL CTB AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

Intimée :

BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Comparant et concluant par Me Xavier COLOMES, membre de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau de l'AUBE

DÉBATS :

A l'audience publique du 9 mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 6 juin 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, M. Benoît PETY, Président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît PETY, Président de chambre

Mme Anne LEFÈVRE, Conseiller

Madame Christel MAGNARD, Conseiller

GREFFIER lors des débats et du prononcé

Mme Sophie BALESTRE, greffier lors des débats et Mme Frédérique ROULLET, greffier lors du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 6 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Benoît PETY, Président de chambre, et Mme Frédérique ROULLET, Greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Suivant commandement de payer délivré le 27 août 2021, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après dénommée la BPALC) poursuit à l'encontre de M. [L] [Y] et de Mme [M] [G] épouse [Y] la saisie de leur maison d'habitation sise à [Localité 1] (10), [Adresse 6], cadastrée section AD n°[Cadastre 2] pour une contenance de 7 a 39 ca formant le lot n°7 du [Adresse 7] plus amplement désignée dans le cahier des conditions de vente comportant le procès-verbal descriptif du 19 octobre 2021 déposé au greffe du juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes. La banque poursuit le recouvrement forcé de sa créance de 141 386,62 euros, outre les intérêts postérieurs au 12 août 2021 au taux de 2,50 % l'an. Ce commandement de payer valant saisie immobilière a été publié le 22 octobre 2021.

Par actes d'huissier du 13 décembre 2021, la BPALC a fait assigner les époux [Y]-[G] à l'audience d'orientation.

En l'état de ses dernières écritures, elle demandait au juge de l'exécution de :

- dire les époux [Y]-[G] mal-fondés en leurs prétentions et les en débouter,

- dire que si des délais étaient consentis, ils seraient assortis d'une clause de déchéance du terme,

- ordonner la vente de l'immeuble saisi,

- statuer sur les contestations et demandes incidentes,

- fixer le montant de la créance actualisée à la somme de 138 134,40 euros, outre intérêts postérieurs,

- déterminer les modalités de la vente avec une mise à prix à 70 000 euros,

- fixer les modalités de visite,

- dire que les dépens seraient employés en frais privilégiés de vente.

Les époux [Y]-[G] pour leur part ont sollicité du magistrat qu'il :

- à titre principal, déboute la BPALC de sa demande de vente forcée en l'absence de qualité et d'intérêt à agir compte tenu de la prescription et de l'absence de créance,

- à titre subsidiaire, ordonne la mainlevée immédiate de la saisie,

- en tout état de cause, condamne la BPALC à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par la saisie abusive et les manquements constatés,

- leur accorde 24 mois de délais pour apurer la dette,

- déboute la BPALC de toute demande plus ample ou contraire,

- condamne la BPALC à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la BPALC aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement du 28 février 2023, le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes a notamment :

- débouté les époux [Y]-[G] de leurs contestations,

- constaté que le créancier poursuivant, titulaire d'une créance liquide et exigible, agissait sur le fondement d'un titre exécutoire,

- constaté que la saisie pratiquée portait sur des droits saisissables immobiliers,

- mentionné que la créance dont le recouvrement était poursuivi par la BPALC à l'encontre des époux [Y]-[G] était de 138 134,40 euros, outre les intérêts ultérieurs,

- déclaré irrecevables les époux [Y]-[G] en leur demande de dommages et intérêts compensant les manquements allégués contre la banque,

- débouté les époux [Y]-[G] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour abus de saisie,

- débouté les époux [Y]-[G] de leur demande en délais de paiement,

- ordonné la vente forcée du bien immobilier saisi consistant en un immeuble à usage d'habitation situé à [Localité 1] (10), [Adresse 6], cadastré section AD n°[Cadastre 2] pour une contenance de 7 a 39 ca, formant le lot n°7 du lotissement «Les quartiers Colle» sur une mise à prix de 70 000 euros,

- fixé la date à laquelle il serait procédé à la vente, sur la requête du créancier poursuivant, au mardi 13 juin 2023 à 10 heures, rappelant que la saisie rendait l'immeuble indisponible et que le débiteur ne pouvait le vendre ni accorder de sûretés sur ce bien, sauf autorisation judiciaire,

- autorisé les visites de l'immeuble,

- réservé les dépens de l'instance et dit qu'ils seraient compris dans la taxe des frais de poursuite.

M. et Mme [L] [Y]-[G] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 mars 2023, leur recours portant sur l'entier dispositif de la décision querellée.

Autorisés à cette fin par ordonnance du premier président du 30 mars 2023, les époux [Y]-[G], par acte de commissaire de justice du 9 avril 2023, ont fait assigner la BPALC devant la cour d'appel de Reims à l'audience du 9 mai 2023 à 10 heures, pour voir, par voie d'infirmation :

- ordonner la mainlevée immédiate aux frais avancés du créancier de la saisie immobilière pratiquée abusivement, en raison de la nullité de la déchéance du terme du contrat de prêt du 27 août 2015 intervenue le 10 septembre 2020 et en raison de la disproportion de la saisie envisagée compte tenu du montant de la créance,

- condamner la BPALC à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice causé par la saisie abusive et des manquements constatés,

- leur accorder des délais de paiement en cas de condamnation, à raison de 24 mois de délais pour apurer leur dette qui sera fixée par la juridiction avant toute vente judiciaire,

- débouter la BPALC de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner la BPALC à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la BPALC aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de leurs demandes, les appelants exposent que :

1. Leur maison d'habitation acquise courant août 2015 a été endommagée en janvier 2016, la cause du sinistre correspondant à une surtension de l'installation électrique, la responsabilité d'ERDF ayant été reconnue. Il leur a fallu se reloger temporairement puisqu'ils n'ont pu réintégrer leur bien qu'en septembre 2016. Ils ont sollicité et obtenu judiciairement la suspension pendant deux ans du versement des mensualités du prêt immobilier. La banque leur a notifié la clôture de leurs comptes bancaires, ce qui a été partiellement confirmé par les juridictions saisies. Elle leur a ensuite fait délivrer le commandement de payer litigieux aux fins de saisie immobilière,

2. La déchéance du terme du prêt immobilier doit être annulée. Les appelants rappellent qu'une première déchéance du terme est survenue le 20 avril 2018, c'est-à-dire avant l'ordonnance de suspension des mensualités du prêt immobilier. Or, la banque a prononcé une nouvelle déchéance du terme le 10 septembre 2020. A cette date, aucune somme n'était due par les époux [Y]-[G] de telle sorte que cette déchéance ne pouvait être prononcée à cette date. La banque comptabilise par exemple 475,98 euros d'intérêts mais l'ordonnance du juge d'instance du 28 mai 2018 mentionnait que les mensualités rapportées ne produiraient pas d'intérêts. L'établissement prêteur a fini par le reconnaître. La créance de la banque ne pouvait donc excéder 1 715,91 euros. Mais la banque a omis aussi de comptabiliser plusieurs versements des emprunteurs d'avril à juin 2018 pour une somme totale de 2 548 euros. La banque a d'abord soutenu qu'elle n'avait pas reçu les 1 000 euros le 18 juin 2018 pour reconnaître ensuite qu'elle avait bien reçu au total 2 448 euros entre avril et juin 2018.

3. Pour autant, selon la BPALC, cette somme de 2 448 euros n'a pas été affectée au prêt immobilier mais elle a été versée au crédit d'un compte débiteur n°[XXXXXXXXXX04] dont Mme [G] est titulaire, compte dont le solde est de 431,15 euros au 5 mai 2022. Or, devant la cour [qui a rendu un arrêt le 17 juillet 2020 relativement aux comptes des consorts [Y]-[G], à l'époque non encore mariés], la banque n'avait pas fait état des mêmes soldes de comptes, ce qui leur fait dire que la BPALC a modifié présentement ses comptes pour justifier sa procédure de saisie immobilière. Soit la banque a trompé la cour en 2020, soit elle a trompé le juge de l'exécution de Troyes, ce qui apparaît l'occurrence la plus réaliste,

4. Les versements opérés par leurs soins auraient dû être imputés sur le prêt immobilier et nullement sur leurs comptes courants respectifs et compte joint, aucune compensation ne pouvant s'opérer si elle fait perdre au client des avantages qui ne sont pas proportionnés aux frais ou pénalités qu'elle lui évite. Il est évident selon eux que la priorité devait être donnée au prêt immobilier, pour leur garantir la conservation de leur maison d'habitation. Or, l'ensemble des versements opérés, dont le versement de l'assurance, excède la créance alléguée au titre du prêt immobilier de sorte qu'aucune créance n'est démontrée par la banque,

5. En tout état de cause, si la cour considère qu'une créance est démontrée par la banque au titre du prêt, son montant ne peut excéder 1 715,91 euros, ce qui ne pouvait justifier le prononcé de la déchéance du terme, lequel est abusif et n'a pas été prononcé de bonne foi par le prêteur dans le contexte du sinistre sus-rappelé et du retard mis par la Banque Populaire pour leur verser l'indemnité d'assurance. C'est donc sur la seule base de la créance fixée par l'arrêt du 17 juillet 2020, soit 4 912,69 euros, que la voie d'exécution forcée a été engagée. Cette créance doit être ramenée à 4 171,25 euros compte tenu de la somme de 641,44 euros due par la BPALC. C'est donc pour une créance de moins de 5 000 euros que la banque sollicite la vente judiciaire de leur maison, ce qui est excessif. Ils ont repris le paiement des mensualités à l'issue de la suspension. La mensualité de juillet 2020 a bien été réglée contrairement à ce que soutient la banque. Il en va de même de l'échéance d'août 2020. La mainlevée de la saisie immobilière s'impose. Le comportement de la banque leur est très dommageable, ce qu'ils entendent voir sanctionner par des dommages et intérêts,

6. Ils sollicitent le bénéfice de délais de paiement car s'ils n'ont pas pu apurer les sommes dues au titre de l'échéancier mis en place suite à l'arrêt du 17 juillet 2020, c'est qu'ils ne connaissaient pas le montant des sommes versées

au titre de l'assurance et ils ne savaient pas combien ils restaient devoir au prêteur. Ils justifient de leurs ressources.

* * * *

Par des écritures signifiées le 4 mai 2023, la BPALC demande à la cour de :

- dire M. et Mme [Y]-[G] mal-fondés en leur appel et les en débouter,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- dire les appelants mal-fondés en leurs prétentions et les en débouter,

- au cas où, par impossible, des délais seraient consentis aux défendeurs [à la saisie], dire que ceux-ci seraient assortis de la déchéance du terme,

- les condamner à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les dépens seront supportés par les appelants, subsidiairement passés en frais privilégiés de vente.

La banque intimée énonce en effet que :

1. Elle ne s'est jamais prêtée à la moindre man'uvre frauduleuse pour éviter d'avoir à enregistrer les versements opérés par les époux emprunteurs. Les choses sont très claires en ce qu'elle a expliqué qu'elle avait reçu trois versements des époux [Y]-[G], celui de 1 000 euros du 18 juin 2018 ne lui étant jamais parvenu. Ces trois versements pour un total de 1 548 euros ont été affectés au solde débiteur du compte de Mme [G] et de M. [Y]. Par ailleurs, si ces derniers ont contesté le décompte de créance arrêté au 19 août 2020 et joint au courrier leur notifiant la déchéance du terme du prêt immobilier, leur contestation portant sur les intérêts de 475,98 euros, ils se reconnaissent expressément débiteurs de 1 715,91 euros. En outre, le décompte de créance de la BPALC au titre du prêt immobilier, actualisé au 3 mai 2022, ne comprend plus aucun intérêt débiteur. La déchéance du terme a été prononcée en septembre 2020 au vu d'une créance de 8 099,89 euros. C'est donc à raison que le premier juge a retenu un décompte des sommes dues au titre du prêt immobilier au 3 mai 2022 de 135 868,10 euros au total,

2. Pour ce qui a trait aux trois règlements pour 1 548 euros imputés au solde débiteur de compte des époux [Y]-[G], le fait que cette somme n'apparaisse pas dans l'arrêt du 17 juillet 2020 n'est dû qu'au fait que les débiteurs n'en ont pas parlé dans leurs écritures. Nonobstant cette somme, la dette de solde reste de 431,15 euros au 5 mai 2022,

3. Les époux [Y]-[G] ne sont pas fondés à critiquer l'imputation de ces trois règlements sur le solde débiteur de compte, ces virements n'ayant aucune mention d'affectation. Suite à la notification de la clôture de ce compte en avril 2018, la banque a ouvert un compte contentieux pour recevoir tous versements des débiteurs. L'imputation des règlements sur le compte de Mme [G] résulte des indications de leur auteur et non de la banque. Cela s'est fait en outre dans la logique de l'ordonnance de délais de grâce qui avait exclu la question des soldes débiteurs de comptes de dépôt. Il s'ensuit que les accusations de tromperies de la part des époux [Y]-[G] sont totalement déplacées. Cette affectation au compte de dépôt est conforme du reste à l'article 13 des conditions générales. Il en a été de même de l'affectation du solde du LDD clôturé et l'indemnité d'assurance de 6 265,10 euros a bien été affectée au prêt immobilier. En définitive, la décision du juge de l'exécution n'est pas critiquable,

4. Sur la remise en cause de sa bonne foi, la BPALC réfute tout manquement ou faute. La somme exigible lors du prononcé de la déchéance du terme est bien de 1 715,91 euros, malgré la suspension des versements et le délai de grâce de deux ans. A réception des mises en demeure d'août 2020 et du prononcé de la déchéance du terme, les époux [Y]-[G] n'ont émis aucune réserve ou contestation. En 2018, ils n'ont pas davantage contesté la déchéance du terme et ont sollicité des délais de grâce. Suite à cela, la banque a accepté de revenir sur la déchéance du terme prononcée en 2018, d'où les mises en demeure de payer du 19 août 2020, la mensualité d'août n'y étant pas incluse. Aucune disproportion n'est démontrée dans l'emploi par la banque de la saisie immobilière, ce qu'elle n'a fait que le 27 août 2021 alors que la déchéance du terme du prêt avait été prononcée le 10 septembre 2020. Le règlement des sommes mises à leur charge par l'arrêt du 17 juillet 2020 n'a pas davantage été effectué, nonobstant 24 mois de délais,

5. Le sinistre que les époux [Y]-[G] ont subi en 2016 ne les autorise pas à vouloir à tout prix rendre la banque responsable de tous leurs maux, le juge de l'exécution n'étant au demeurant compétent que pour connaître des difficultés d'exécution, pas des difficultés que les débiteurs ont pu rencontrer lors de l'indemnisation de leur sinistre,

6. Leur nouvelle demande de délais de paiement ne peut être satisfaire car la créance de la BPALC est aujourd'hui de 138 134,40 euros et leur situation personnelle ne leur permet pas de régler cette somme en 24 mois, en dehors de la vente de leur bien.

* * * *

Motifs de la décision :

- Sur la nullité alléguée de la déchéance du terme du prêt habitat :

Attendu que l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution énonce que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier ;

Attendu que le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 27 août 2021 aux époux [Y]-[G] vise deux titres exécutoires distincts, à savoir l'acte notarié de prêt du 27 août 2015 ainsi que l'arrêt de cette cour du 17 juillet 2020 qui s'est prononcé sur les soldes débiteurs de comptes bancaires des intéressés ;

Que ce commandement mentionne une somme de 141 386,62 euros au titre du prêt notarié et la somme totale de 4 912,69 euros au titre des deux comptes de dépôt des époux appelants ;

Que ces derniers énumèrent un certain nombre de griefs contre la banque pour voir établir qu'ils n'étaient débiteurs d'aucune somme au jour où la déchéance du terme du prêt a été prononcée, soit le 10 septembre 2020, ces griefs étant les suivants :

' la banque avait certes prononcé cette déchéance du terme en avril 2018 mais, compte tenu de l'ordonnance du 28 mai 2018 par laquelle le juge d'instance leur a accordé 24 mois de suspension des mensualités, elle a consenti

à revenir sur cette première déchéance du terme, ce que le premier juge ne pouvait ignorer, cette déchéance du terme d'avril 2018 étant nulle et non avenue,

' c'est donc bien au 10 septembre 2020 qu'il importe d'examiner leur situation au titre du prêt habitat. Or, à cette date, aucune déchéance ne pouvait être prononcée puisqu'ils n'étaient redevables selon eux d'aucun arriéré. Le décompte de la banque est erroné puisqu'il contient des intérêts pour la période de suspension nonobstant l'ordonnance qui l'écarte explicitement. La BPALC a en outre négligé d'imputer sur sa prétendue créance la somme de 2 548 euros correspondant à quatre virements d'avril, mai et juin 2018, ce qu'elle a affecté au solde débiteur de trois comptes bancaires, soldes qui au demeurant ne correspondent pas à ceux arrêtés par la cour en son arrêt du 17 juillet 2020. L'indemnité d'assurance n'apparaît pas à la même date entre les mises en demeure et les courriers prononçant la déchéance du terme du prêt ;

Que la banque intimée réfute catégoriquement toutes ces contestations des appelants, leur rappelant que sont aussi visées dans le commandement de saisie-immobilière leurs dettes du chef des soldes débiteurs de comptes ;

Attendu qu'il importe, en premier lieu, de dissiper toute ambiguïté quant au prononcé par la BPALC de deux déchéances du terme pour un même prêt, l'une étant intervenue en avril 2018, l'autre en septembre 2020 ;

Qu'à ce sujet, il convient de reprendre les termes de la lettre recommandée avec accusé de réception que la BPALC a envoyée à M. [Y], document par lequel elle lui rappelle le prononcé de la déchéance du terme le 20 avril 2018 pour lui notifier ensuite qu'il est mis en demeure de régler sous huitaine la somme de 2 191,89 euros outre les intérêts, ce montant ne pouvant que confirmer que la banque a bien entendu à ce moment-là renoncer aux effets de la déchéance du terme, prenant acte de ce que le juge d'instance en mai 2020 avait ordonné la suspension des mensualités du prêt pendant deux ans, décision qui n'aurait par essence aucun sens s'il fallait considérer que le capital restant dû avait été rendu immédiatement exigible ;

Qu'en réitérant la déchéance du terme du prêt par lettres recommandées avec accusés de réception le 10 septembre 2020, la BPALC confirme forcément le fait qu'elle a entendu revenir sur la déchéance précédemment prononcée en avril 2018 si bien que la cour entend se placer au 10 septembre 2020 pour examiner si les époux [Y]-[G] étaient oui ou non débiteurs envers l'établissement prêteur ;

Attendu, sur cette question, que les époux [Y]-[G] retiennent comme point de départ de leur raisonnement une créance de la banque de 2 191,89 euros là où la BPALC mentionne une créance de 8 768,28 euros, la différence tenant manifestement à la date à laquelle l'on se situe pour imputer l'indemnité d'assurance perçue par les appelants, le principe même de cette imputation par la banque dans sa créance actualisée n'étant en toute hypothèse aucunement discutable contrairement à ce que soutiennent les époux [Y]-[G] ;

Qu'il est encore acquis que la BPALC a admis qu'elle avait commis une erreur en intégrant dans son décompte un calcul d'intérêts pendant les 24 mois de suspension des mensualités, l'ordonnance du juge d'instance de Troyes du 28 mai 2018 ne l'autorisant nullement («les échéances ainsi reportées ne produiront pas d'intérêts») ;

Que les parties s'opposent ensuite sur la question des quatre virements opérés par les époux [Y]-[G] pour un montant total de 2 548 euros, ces derniers faisant le reproche à la banque de l'avoir affecté au remboursement du solde débiteur du compte de dépôt de Mme [G] là où ils avaient tout intérêt à voir imputer cette somme au remboursement de leur prêt ;

Qu'une autre difficulté oppose les parties en ce sens que la BPALC reconnaît qu'elle a bien reçu trois virements pour un total de 1 548 euros, le virement de 1 000 euros du 18 juin 2018 ne lui étant jamais parvenu ;

Que les messages SMS que les époux [Y]-[G] transmettent à la cour sous leur pièce n°8 font état de quatre ordres de virements SEPA respectivement de 448, 1 000, 100 et 1 000 euros les 20 avril, 18 mai, 16 et 18 juin 2018 sur initiative de la Caisse d'Epargne Lorraine Champagne-Ardenne ;

Que si la BPALC reconnaît la réception de trois virements, la cour, en l'état de ces documents, considère que s'agissant de messages non nominatifs et sans mention de numéros de compte, la valeur probante du message relatif au virement de 1 000 euros du 18 juin 2018 est insuffisante pour pouvoir en tenir compte, aucun autre élément produit par les appelants ne corroborant ledit message ;

Que c'est toutefois une somme totale de 1 548 euros que les époux [Y]-[G] estiment non prise en considération dans le décompte de la banque au titre de leur prêt immobilier, ce qu'ils ne peuvent admettre au vu de ce qui se joue pour l'avenir de leur immeuble d'habitation ;

Que, de fait, l'imputation d'une somme de 1 548 euros sur un décompte ramené à 1 715,91 euros conforte la contestation des appelants au sujet du bien-fondé du prononcé dans ce contexte de la déchéance du terme du prêt immobilier ;

Que, pour s'affranchir de toute critique, la BPALC entend rappeler que les époux [Y]-[G] n'avaient donné aucune précision sur l'affectation de ces virements désormais litigieux, la partie intimée rappelant en toute hypothèse que l'affectation de ces virements n'a donné lieu à aucune discussion devant la cour en 2020 (débat sur les comptes bancaires des consorts [Y]-[G]), la banque ajoutant qu'elle n'a fait qu'appliquer les conditions générales des comptes bancaires, lesquelles sont parfaitement opposables à ses clients dès qu'ils ont reconnu en avoir reçu un exemplaire en agence ;

Que, sans qu'il soit opportun de commenter les conditions de remise de ce document, la lecture de l'article 13-3 de ces conditions sur la compensation ne peut conduire à considérer que la banque serait hors de toute critique ;

Qu'il est ainsi mentionné à cet article que, par la présente clause, et dans l'hypothèse où il ne rembourserait pas le solde débiteur exigible de son compte de dépôt, en euro ou en devise, suite à une mise en demeure de la banque, le client autorise expressément celle-ci à effectuer une compensation entre les soldes de ses différents comptes, individuels, en euro ou en devise, quelle que soit la somme concernée, en raison de l'étroite connexité unissant ces différents comptes entre eux. Le solde du compte de dépôt concerné sera compensé en priorité avec les soldes des comptes suivants : un autre compte de dépôt en euro ou en devise, un compte à terme, un livret B, un livret A, un livret Jeune, un livret de développement durable, un livret d'épargne populaire, un compte support numéraire du compte d'instruments financiers. La compensation peut être totale ou partielle. [---] ;

Qu'il ne résulte pas de ce qui précède que la banque était autorisée à affecter les virements litigieux au règlement du solde débiteur du compte de Mme [G], et ce prioritairement au remboursement du prêt immobilier, l'alinéa 5 de ce même article qui réserve à la banque d'apprécier l'opportunité d'une compensation précisant explicitement que cela se fait «au regard notamment de la comparaison des frais et sanctions évités avec les conséquences du ou des prélèvements opérant compensation» ;

Qu'il est encore indiqué dans cet alinéa que «la compensation ne pourra toutefois être opérée si elle est interdite par la loi ou un règlement ou si elle fait perdre au client des avantages qui ne sont pas proportionnés par rapport aux frais ou aux pénalités qu'elle lui évite» ;

Qu'à l'évidence, la comparaison entre le remboursement du prêt immobilier et le paiement de frais pour solde débiteur de compte bancaire ne pouvait que conduire la BPALC à affecter les sommes virées au remboursement du prêt immobilier, la conservation d'un immeuble d'habitation constituant pour les clients de la banque un avantage sans proportion avec le règlement de frais bancaires ;

Qu'en définitive, il est suffisamment démontré qu'au jour du prononcé de la déchéance du terme du prêt, la créance de la BPALC à l'encontre des époux [Y]-[G] n'aurait été que de 167,91 euros si les virements d'avril, mai et juin 2018 avaient été affectés au remboursement du prêt habitat, créance que les débiteurs auraient manifestement été en mesure de régler sous huitaine ;

Que le prononcé de la déchéance du terme dans ce contexte relève d'une attitude à la fois fautive et excessive de la banque qui n'a pas agi de bonne foi envers ses clients ;

Qu'il sera en cela fait droit à leur demande d'annulation de la déchéance du terme du prêt immobilier, le décompte du prêt transmis par la banque sous sa pièce n°24 établissant par surcroît que le prêt est régulièrement remboursé par les époux emprunteurs depuis septembre 2020 ;

Que la décision déférée sera ainsi infirmée en ce qu'elle a débouté les époux [Y]-[G] de leur contestation à ce titre ;

- Sur le sort de la saisie immobilière :

Attendu que le commandement de payer valant saisie immobilière du 27 août 2021 ne vise pas que la créance de la BPALC relative au prêt habitat et à l'acte notarié afférent mais également la créance née des soldes débiteurs des divers comptes bancaires aujourd'hui clôturés des époux (deux comptes de dépôts personnels), créance arrêtée par la cour de Reims aux termes de son arrêt du 17 juillet 2020 et reprise dans le commandement pour la somme totale de 4 912,69 euros, montant qui ne peut être qualifié de dérisoire et caractériser un quelconque abus de saisie de la part de la banque poursuivante ;

Que la saisie immobilière sera donc poursuivie par la BPALC au titre du recouvrement de cette seule créance qui sera mentionnée à ce montant, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 août 2021 jusqu'à parfait règlement, aucune mainlevée de saisie n'étant en cela justifiée ;

Que le jugement entrepris sera ainsi réformé pour ce qui a trait au montant de la créance à mentionner dans la décision d'orientation, les plus amples dispositions relatives à l'organisation de la vente forcée étant confirmées ;

- Sur les délais de paiement :

Attendu que les feuilles de paie de juin et juillet 2022 respectivement communiquées par M. et Mme [Y]-[G] établissent que les intéressés bénéficient de gains mensuels d'un montant moyen de 4 305 euros, le couple ayant encore un enfant à charge ;

Que la capacité réelle de remboursement des époux [Y]-[G], dont il importe certes de déduire la mensualité du prêt habitat (791,23 euros), justifie qu'il leur soit accordé des délais de paiement sur deux années conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil, à raison de 200 euros par mois à régler au plus tard le 10 du mois, à compter du mois suivant la signification du présent arrêt ;

Qu'il sera précisé qu'à défaut de règlement à son échéance d'une seule mensualité, la créance de la BPALC au titre des soldes de comptes bancaires redeviendra sans nouveau formalisme immédiatement exigible pour la totalité du montant restant dû ;

Que le jugement dont appel sera aussi infirmé à ce titre ;

- Sur les dommages et intérêts :

Attendu que le maintien du principe de la saisie immobilière suffit à ôter à cette voie d'exécution forcée son caractère prétendument abusif, la décision déférée étant confirmée en ce qu'elle déboute les époux [Y]-[G] de leur demande indemnitaire à cette fin ;

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à chaque partie la charge de ses dépens d'appel, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il dit que les dépens seront compris dans les frais soumis à la taxe ;

Qu'aucune considération d'équité ne commande d'arrêter au bénéfice de l'une ou l'autre des parties une quelconque indemnité pour frais irrépétibles, chacune étant ainsi déboutée de sa prétention indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Infirme le jugement déféré en ses dispositions déboutant les époux [Y]-[G] de leurs contestations, mentionnant la créance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à leur encontre, et rejetant leur demande de délais de paiement ;

Prononçant à nouveau,

- Dit n'y avoir lieu à mainlevée de la saisie immobilière ;

- Mentionne que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à l'encontre de M. [L] [Y] et de Mme [M] [G] épouse [Y] est de 4 912,69 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2021 ;

- Accorde à M. [L] [Y] et à Mme [M] [G] épouse [Y] des délais de paiement sur 24 mois et dit que ces derniers seront tenus de verser chaque mois, au plus tard le 10 du mois, la somme de 200 euros, la 24ème mensualité apurant définitivement la dette ;

- Dit que ces délais prendront effet dès le mois suivant celui de la signification du présent arrêt ;

- Précise que tout défaut de paiement à son échéance d'une seule mensualité rendra immédiatement et sans nouveau formalisme exigible la créance restant due à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ;

- Rappelle que le respect de ces délais de paiement par les débiteurs suspend les effets du commandement de payer du 27 août 2021 ;

Pour le surplus,

- Confirme la décision entreprise en ses plus amples dispositions querellées ;

- Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel ;

- Déboute chaque partie de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur de cour ;

- Dit que les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile n'ont pas vocation à s'appliquer en la cause.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section jex
Numéro d'arrêt : 23/00502
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;23.00502 ?
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