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06/06/2023 | FRANCE | N°23/00500

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section jex, 06 juin 2023, 23/00500


ARRÊT N°

du 6 juin 2023







(B. P.)

















N° RG 23/00500

N° Portalis

DBVQ-V-B7H-FJ5N







- M. [U]

- Mme [K] épouse [U]



C/



BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE





































Formule exécutoire + CCC

le 6 juin 2023

à :

- Me Pascal GUILLAUME

- la

SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT



COUR D'APPEL DE REIMS



CHAMBRE CIVILE



CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION



ARRÊT DU 6 JUIN 2023



Appelant :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de TROYES le 28 février 2023



1/ M. [X] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]



2/ Mme [R] [K] épouse [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Com...

ARRÊT N°

du 6 juin 2023

(B. P.)

N° RG 23/00500

N° Portalis

DBVQ-V-B7H-FJ5N

- M. [U]

- Mme [K] épouse [U]

C/

BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

Formule exécutoire + CCC

le 6 juin 2023

à :

- Me Pascal GUILLAUME

- la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION

ARRÊT DU 6 JUIN 2023

Appelant :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de TROYES le 28 février 2023

1/ M. [X] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

2/ Mme [R] [K] épouse [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant et concluant par Me Pascal GUILLAUME, avocat postulant au barreau de REIMS, et par Me David SCRIBE, avocat au barreau de l'AUBE

Intimée :

BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

[Adresse 6]

[Localité 7]

Comparant et concluant par Me Charlotte THIBAULT, membre de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau de l'AUBE

DÉBATS :

A l'audience publique du 9 mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 6 juin 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, M. Benoît PETY, Président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît PETY, Président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, Conseiller

Madame Christel MAGNARD, Conseiller

GREFFIERS

Mme Sophie BALESTRE, greffier lors des débats, et Mme Frédérique ROULLET, greffier lors du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 6 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Benoît PETY, Président de chambre, et Mme Frédérique ROULLET, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière du 6 avril 2022, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après dénommée la BPALC) poursuit à l'encontre de M. [X] [U] et de Mme [R] [K] épouse [U] le recouvrement forcé de sa créance de 134 470,78 euros, outre intérêts au taux de 2,02 % l'an à compter du 3 novembre 2021 et des frais jusqu'à parfait paiement, sur des parcelles situées à Nogent-en-Othe (10), lieudit " Les grands carrons " pour le lot n°1 et " [Localité 8] " pour les deux parcelles constituant le lot n°2, plus amplement désignées dans le cahier des conditions de vente comportant le procès-verbal descriptif du 28 juin 2022 déposé le 12 juillet suivant au greffe du juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes. Ce commandement a été publié le 19 mai 2022 au service de la publicité foncière de Troyes.

Par acte d'huissier du 8 juillet 2022, la BPALC a fait assigner les époux [U]-[K] devant le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes à l'audience d'orientation.

L'affaire a été examinée à l'audience du 10 janvier 2023, la BPALC demandant au magistrat de :

- Déclarer les époux [U]-[K] mal-fondés en leurs contestations et les en débouter,

- Les déclarer irrecevables en leur demande de mise en 'uvre de la responsabilité de la banque,

- Constater qu'elle ne s'oppose pas à la demande de vente amiable du bien formulée par les débiteurs saisis, sous réserve qu'ils produisent un mandat de vente,

- Fixer le prix plancher dans le cadre d'une vente amiable à la somme de 10 000 euros pour le lot n°1 (parcelle cadastrée ZC n°[Cadastre 2]) et de 45 000 euros pour le lot n°2 (parcelles cadastrées ZE n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5]),

-Dans l'hypothèse où la vente amiable n'aboutirait pas, ordonner la vente sur saisie immobilière des biens qui suivent :

lot n°1 : [Localité 9], parcelle en nature de terre - bois taillis cadastrée section ZC n°[Cadastre 2], lieudit " Les grands carrons " pour une contenance totale de 5 ha 13 a 20 ca,

lot n°2 : [Localité 9], deux parcelles en nature de terre-bois :

o parcelle cadastrée ZE n°[Cadastre 4], lieudit " [Localité 8] " pour une contenance totale de 15 ha 24 40 ca,

o parcelle cadastrée ZE n°[Cadastre 5], lieudit " [Localité 8] " pour une contenance totale de 4 ha 76 a 60 ca,

- Fixer le montant de sa créance en principal, frais et intérêts échus à la somme au 2 novembre 2021 de 134 470,78 euros, outre intérêts au taux de 2,02 % l'an à compter du 3 novembre 2021 jusqu'à parfait paiement,

- Déterminer les modalités de la vente avec notamment la mise à prix fixée à la somme de 10 000 euros pour le lot n°1 et 45 000 euros pour le lot n°2,

- Fixer les modalités de visite de l'immeuble saisi dans le cas où la vente forcée de celui-ci serait ordonnée, en autorisant l'intervention de la SCP Groupe 3e acte, huissiers de justice à Troyes,

- Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.

En l'état de leurs dernières écritures, les époux [U]-[K] demandaient pour leur part au juge de l'exécution de :

- Les déclarer recevables et bien-fondés en leurs demandes,

- Ordonner un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance qu'ils ont initiée à l'encontre de la BPALC devant le tribunal judiciaire de Troyes (RG n°21/01103),

- Ordonner la suspension des opérations de saisie,

- Déclarer prescrite l'action en paiement engagée par la BPALC à leur encontre sur le fondement de l'acte notarié contenant un prêt conclu le 26 novembre 2015,

- Annuler le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 6 avril 2022,

- Annuler la procédure de saisie subséquente,

A titre subsidiaire,

- Débouter la BPALC de l'ensemble de ses demandes,

- Déclarer que la banque leur a accordé un prêt manifestement disproportionné à leur situation financière,

- Déclarer que la BPALC a manqué à ses devoirs d'information, de prudence, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de ses clients non avertis,

- Déclarer que la banque est responsable de leur situation de surendettement,

- En conséquence, condamner la BPALC à leur verser des dommages et intérêts d'un montant égal aux sommes restant dues au titre du prêt n°05816455 et prononcer la compensation de ces sommes,

A titre infiniment subsidiaire,

- Déclarer irrégulière la déchéance du terme et déclarer par conséquent inexigible la créance dont la banque prétend être titulaire,

- Prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-vente ['] signifié le 6 avril 2022 et en ordonner la mainlevée,

- Relever que le montant de la créance invoquée par la BPALC, et subséquemment son exigibilité, ne sont pas justifiées,

- Déclarer qu'à défaut de produire un décompte détaillé, faisant apparaître les échéances impayées, les règlements effectués, les éventuels intérêts et pénalités, la créance invoquée par la banque n'est pas certaine, liquide ni exigible et la débouter par voie de conséquence de toutes ses demandes,

A titre très infiniment subsidiaire,

- Autoriser la vente amiable du bien objet de la saisie au prix de 200 000 euros,

- Fixer à six mois la date d'audience à laquelle l'affaire sera rappelée,

- Déclarer que la procédure de saisie immobilière engagée par la BPALC à leur encontre se trouve suspendue pendant ledit délai,

En tout état de cause,

- Condamner la BPALC à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens.

Par jugement du 28 février 2023, le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes a notamment :

- débouté les époux [U]-[K] de leur demande de sursis à statuer,

- déclaré les époux [U]-[K] irrecevables en leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts contre la BPALC,

- débouté M. et Mme [U]-[K] de toutes leurs contestations,

- constaté que la BPALC, créancier poursuivant, agit sur le fondement d'un titre exécutoire et est titulaire d'une créance liquide et exigible,

- constaté que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables immobiliers,

- mentionné que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la BPALC à l'encontre des époux [U]-[K] doit être retenue pour la somme de 134 470,78 euros au taux de 2,02 % l'an à compter du 3 novembre 2021 et frais jusqu'à parfait paiement,

- taxé les frais exposés par le créancier poursuivant à la somme de 1 634,73 euros,

- autorisé M. et Mme [U]-[K] à poursuivre la vente amiable des biens saisis à [Localité 9], à savoir :

lot n°1 : parcelle en nature de terre - bois taillis cadastré section ZC n°[Cadastre 2], lieudit " Les grands carrons ", pour une contenance de 5 ha 13 a 20 ca,

lot n°2 : parcelles en nature de terre - bois cadastrée ZE n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5], lieudit " [Localité 8] ", pour les contenances respectives de 15 ha 24 a 40 Ca et 4 ha 75 a 60 ca,

- dit que le prix de vente de l'ensemble ne pourrait être inférieur à 150 000 euros,

- dit que les frais taxés seraient payés par l'acquéreur en sus du prix de vente,

- dit que le notaire chargé de formaliser la vente n'établirait l'acte de vente qu'après la consignation du prix à la Caisse des dépôts et consignations, des frais de la vente et justification du paiement des frais taxés,

- dit que la réalisation de la vente serait examinée à l'audience du mardi 13 juin 2023 à 10 heures au tribunal judiciaire de Troyes,

- rappelé qu'aucun délai supplémentaire ne pourrait être accordé, sauf compromis écrit de vente et pour que la vente soit réitérée en la forme authentique,

- rappelé que la décision suspendait le cours de la procédure de saisie,

- rappelé aux débiteurs qu'ils devaient accomplir toutes les diligences pour parvenir à la vente et informer le créancier poursuivant à sa demande de ces diligences,

- dit qu'à défaut de diligences, la procédure pourrait être reprise sur l'assignation du créancier poursuivant,

- dit que toute somme versée par l'acquéreur serait consignée et acquise aux parties à la distribution du prix de vente sauf rétractation légale de l'acquéreur,

- dit que les dépens de l'instance seraient compris dans les frais de vente soumis à la taxe.

M. et Mme [U]-[K] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 mars 2023, leur recours portant sur l'entier dispositif de la décision querellée.

Autorisés en cela par ordonnance du premier président du 30 mars 2023, les époux [U]-[K] ont, par acte de commissaire de justice du 18 avril 2023, fait assigner la BPALC devant la cour à l'audience du 9 mai 2023 à 10 heures.

Ils demandent ainsi par voie d'infirmation à la juridiction du second degré de :

A titre principal,

- Ordonner un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance initiée par leurs soins contre la BPALC devant le tribunal judiciaire de Troyes (RG n°21/01103),

- Ordonner la suspension des opérations de saisie,

A titre subsidiaire,

- Débouter la BPALC de l'ensemble de ses demandes,

- Juger que la banque leur a accordé un contrat de prêt n°05816455 manifestement disproportionné à leur situation financière,

- Juger que la banque a manqué à ses devoirs d'information, de prudence, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de ses clients non avertis,

- Juger que la BPALC est responsable de leur situation de surendettement,

En conséquence,

- Juger que la BPALC est déchue en totalité du droit aux intérêts au titre de ce prêt souscrit le 26 novembre 2015,

- Condamner la BPALC à leur verser des dommages et intérêts d'un montant égal aux sommes restant dues au titre du prêt n°05816455 et prononcer la compensation de ces sommes,

A titre infiniment subsidiaire,

- Juger irrégulière la déchéance du terme et déclarer par conséquent inexigible la créance dont la banque prétend être titulaire à leur encontre,

- Prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 6 avril 2022 à la requête de la banque,

- Juger que le montant de la créance invoquée par la BPALC, et subséquemment son exigibilité, ne sont pas justifiés,

- Juger qu'à défaut de produire un décompte détaillé, faisant apparaître les échéances impayées, les règlements effectués, les éventuels intérêts et pénalités, la créance invoquée par la BPALC n'est pas certaine, liquide ni exigible et la débouter par voie de conséquence de toutes ses demandes,

A titre très infiniment subsidiaire,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il les a autorisés à poursuivre la vente amiable de leurs biens immobiliers saisis et dit que le prix de vente de l'ensemble ne pourrait être inférieur à 150 000 euros,

En tout état de cause,

- Condamner la BPALC à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la banque aux entiers dépens.

Au soutien de leurs demandes, les époux [U]-[K] exposent que :

1. La BPALC leur a consenti, antérieurement au prêt litigieux, trois concours financiers. L'octroi du prêt de restructuration de 70 000 euros en juin 2014 leur a fait franchir le plafond d'endettement excessif. Il ne fallait donc plus que la banque leur accorde de nouveau du crédit. Ils ont ainsi assigné la banque en responsabilité aux fins de la voir condamner à leur verser des dommages et intérêts. En mesure de rétorsion, la banque a procédé à la clôture des comptes et les a mis en demeure de lui régler toutes les sommes dues au titre des soldes débiteurs de comptes mais aussi du chef des prêts. La banque a manifestement manqué à tous ses devoirs professionnels. Il importe de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure au fond dont il est attendu une condamnation de la banque à des dommages et intérêts conséquents, ce qui diminuera d'autant les créances de la banque à leur égard,

2. Subsidiairement, le prêt litigieux est ruineux pour eux. Il revenait au juge de l'exécution de se prononcer sur leur demande en dommages et intérêts, ce prêt étant totalement disproportionné à leur situation financière à l'époque. La banque a par ailleurs manqué à toutes ses obligations comme dispensateur de crédit. Elle n'a respecté aucune des obligations mises à sa charge par le code de la consommation,

3. L'exigibilité de la créance principale alléguée par la banque n'est nullement acquise. La clôture des comptes a rendu impossible toute mobilisation de fonds pour satisfaire aux demandes de régularisation de la banque. La déchéance du terme prononcée par la BPALC dans ce contexte l'a donc été de mauvaise foi,

4. Le montant de la créance de la banque est invérifiable en l'état des éléments transmis par l'établissement prêteur, sauf à ce qu'il communique un décompte détaillé permettant de retracer les sommes sollicitées et celles qui ont été dûment réglées par leurs soins depuis l'origine du prêt,

5. A titre subsidiaire, ils seront autorisés à poursuivre la vente amiable de leurs immeubles pour un prix qui ne pourra être inférieur à 150 000 euros.

* * * *

En l'état de ses écritures signifiées le 2 mai 2023, la BPALC sollicite de la juridiction du second degré qu'elle :

- Déclare les époux [U]-[K] recevables mais mal-fondés en leur appel,

- Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,

- Condamne M. et Mme [U]-[K] à lui verser la somme de 3 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamne aux entiers dépens d'appel.

La banque énonce que :

1. L'article R. 221-56 visé par les époux [U]-[K] n'est pas applicable à la cause puisqu'il s'agit d'une disposition relative à la saisie-vente. Par ailleurs, il n'est pas dans la compétence du juge de l'exécution de suspendre l'exécution d'un titre exécutoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur une autre instance devant une autre juridiction. Cela reviendrait en effet à modifier le titre exécutoire qui sert de fondement aux poursuites. Aucun sursis à statuer ne peut donc être prononcé,

2. La question de sa responsabilité pour manquement à ses devoirs professionnels ne relève pas des pouvoirs du juge de l'exécution puisque les dommages et intérêts ainsi demandés ne sont pas en lien avec la question de l'exécution dommageable de la mesure. La prétention des époux [U]-[K] n'est donc pas recevable comme l'a justement décidé le premier juge,

3. Sa créance est parfaitement exigible et liquide, les mises en demeure notifiées aux emprunteurs étant régulières. Les époux [U]-[K] ne démontrent pas du reste qu'ils auraient pris attache avec elle pour régulariser leur situation. Leur argumentation relative à la clôture du compte est selon elle de pure mauvaise foi. Aucune impossibilité de payer n'est démontrée,

4. Sa créance est également justifiée par le décompte repris dans le commandement de payer comme dans l'assignation à l'audience d'orientation. La date de premier incident de payer non régularisé est parfaitement déterminée. Il est produit aussi l'historique du compte support du prêt depuis son déblocage,

5. La vente amiable des parcelles saisies n'est pas discutée en son principe par la BPALC.

* * * *

Motifs de la décision :

- Sur les demandes de sursis à statuer et de suspension des opérations de saisie :

Attendu que M. et Mme [U]-[K] sollicitent, au visa des articles 378 du code de procédure civile et R. 221-56 du code des procédures civiles d'exécution, le prononcé du sursis à statuer ainsi que la suspension des opérations de saisie, les appelants précisant qu'ils ont engagé une procédure contre la BPALC devant le tribunal judiciaire de Troyes aux fins de voir sanctionner ses manquements à ses obligations professionnelles et voir indemniser leur préjudice, la créance de dommages et intérêts devant se compenser avec les créances de la banque du chef des sommes dues au titre des crédits et prêts qu'elle leur a accordés ;

Que c'est dire que les créances de la banque pourraient être anéanties par voie de compensation, ce qui annulerait les voies d'exécution poursuivies par la BPALC à leur encontre ;

Que la banque intimée s'y oppose rappelant que l'article R. 221-56 du code des procédures civiles d'exécution relève de l'organisation de la saisie-vente et non de la saisie immobilière, les poursuites qu'elle a engagées reposant sur un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, en l'espèce un acte authentique dressé par le ministère d'un notaire ;

Attendu que la cour observe dans un premier temps que l'article R. 221-56 du code des procédures civiles d'exécution est mentionné dans la partie réglementaire de ce code qui traite sous le chapitre 1er de la saisie-vente, ce texte ne relevant donc pas de l'organisation de la saisie immobilière et ne pouvant être utilement visé par les époux appelants ;

Que, par ailleurs, si la BPALC ne remet pas en cause le fait que les époux [U]-[K] ont engagé à son endroit devant le tribunal judiciaire de Troyes une procédure en responsabilité, action mise en 'uvre par acte introductif d'instance du 6 mai 2021, aucune décision n'a à ce jour été rendue par cette juridiction et il est très plausible que les demandeurs saisissent la juridiction du second degré si le premier juge ne devait pas leur donner satisfaction de sorte que l'obtention d'une décision définitive prendrait encore du temps ;

Qu'il faut donc en conclure que la condamnation de la BPALC à leur verser des dommages et intérêts est présentement une circonstance hypothétique qui, s'il fallait suivre les appelants, ne pourrait que provoquer la suspension de fait du titre exécutoire, ce que l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution n'autorise en son alinéa 2 qu'après signification du commandement et pour l'octroi d'un délai de paiement, ce qui n'est pas l'occurrence présente ;

Qu'enfin, il sera rappelé, au sens de l'article L. 111-10 alinéa 2 du même code, que l'exécution est poursuivie aux risques du créancier, lequel rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié ;

Qu'en définitive, le sursis à statuer sollicité par les époux [U]-[K] ne peut être prononcé, question que le premier juge a justement appréciée, la décision entreprise étant à cet égard confirmée, y étant ajouté que leur demande de suspension des opérations de saisie, dans la suite de leur demande de sursis à statuer, doit aussi être écartée ;

- Sur les manquements allégués de la banque à ses obligations professionnelles, sa déchéance totale du droit aux intérêts et les dommages et intérêts sollicités par les emprunteurs :

Attendu que les époux [U]-[K] exposent que la BPALC leur a consenti un prêt de 159 500 euros dans des conditions ruineuses, après l'octroi de quatre autres concours financiers toujours en cours, en manquant à ses obligations d'information, de prudence et de conseil ainsi qu'à son devoir de mise en garde, ce qu'ils entendent voir sanctionner par l'octroi de dommages et intérêts d'un montant égal à celui de la créance principale de la banque aux fins de voir compenser des créances réciproques, mais aussi par le prononcé de la déchéance totale du prêteur du droit aux intérêts, plusieurs dispositions impératives du code de la consommation ayant à cet égard été complètement ignorées par la banque ;

Que cette dernière rappelle que les seuls dommages et intérêts auxquels la cour pourrait condamner le cas échéant la banque sont ceux en lien avec l'exécution ou l'inexécution dommageable de la mesure d'exécution forcée ;

Attendu qu'il est constant qu'il n'entre pas dans les attributions du juge de l'exécution, dans le contexte de l'audience d'orientation d'une saisie immobilière, et partant à la cour d'appel saisie d'un recours contre la décision de ce magistrat, de se prononcer sur une demande de condamnation à des dommages et intérêts contre le créancier saisissant qui ne serait pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de la mesure ;

Qu'il s'ensuit que la demande en dommages et intérêts des époux [U]-[K] qui tend à sanctionner l'inexécution par la BPALC de ses devoirs professionnels lors de l'octroi d'un concours financier est par essence distincte de la mesure de saisie immobilière et tend à critiquer le comportement de la banque lors de l'octroi du crédit et non lors du recouvrement par cette dernière des sommes qui lui restent dues après défaillance des emprunteurs ;

Que c'est donc à bon droit que le premier juge a en cela déclaré les époux [U]-[K] irrecevables en leurs demande de dommages et intérêts ;

Attendu, sur la sanction de la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, que la lecture de l'offre de crédit enseigne que le prêt de 159 500 euros accordé tend à financer l'acquisition de 25 hectares de terres agricoles à [Localité 9], précision étant ajoutée en page 2 de l'acte notarié du 26 novembre 2015 que 'ce prêt n'est pas concerné par les dispositions des articles L. 312-2 et suivants du code de la consommation', ce qui permet d'écarter en l'occurrence le corpus du code de la consommation relatif au crédit immobilier ;

Qu'il doit encore être précisé que la référence que les époux [U]-[K] font aux articles L. 312-11 et suivants du code de la consommation (manifestement pris en ses dispositions actuelles) n'est pas davantage pertinente ne serait-ce qu'en considération du montant du prêt largement supérieur au seuil de 75 000 euros pour les crédits

à la consommation, l'objet même de ce concours bancaire, à savoir l'acquisition de biens immobiliers agricoles (donc à usage professionnel) conduisant à écarter le prêt litigieux du champ d'application des dispositions ainsi visées par les appelants ;

Que le manquement de la banque à ses obligations et devoirs professionnels tel qu'allégué par les époux [U]-[K] ne peut justifier la sanction de la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, prétention dont les intéressés seront déboutés ;

- Sur la créance principale de la banque :

Attendu que les époux [U]-[K] contestent toute exigibilité et liquidité de la créance de la BPALC en ce que la déchéance du terme n'a pas été prononcée par l'établissement financier selon des modalités régulières, c'est-à-dire précédée d'une mise en demeure de régulariser l'impayé ;

Qu'ils entendent à ce sujet rappeler que la déchéance du terme a été prononcée par la banque comme mesure de rétorsion suite à leur action au fond contre cette dernière aux fins de mettre en jeu sa responsabilité et d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts ;

Que la banque a en cela clôturé leur compte sans aucun préavis et sans respect des dispositions de l'article L. 312-1-16 du code monétaire et financier de sorte qu'ils n'ont pu recevoir de nouvelles rentrées d'argent et poursuivre le paiement mensuel des échéances du prêt ;

Que la BPALC répond aux emprunteurs que leur argumentation est de mauvaise foi puisqu'ils n'ont aucunement cherché à entrer en contact avec elle pour procéder à un quelconque règlement suite à l'envoi de la mise en demeure, aucune impossibilité de payer n'étant démontrée ;

Attendu qu'il doit en premier lieu être observé que le fait que la banque ait adressé aux époux [U]-[K] une lettre de mise en demeure, soit le 20 mai 2021, puis prononcé la déchéance du terme du prêt discuté par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2021, soit postérieurement à leur action en responsabilité contre la banque, est sans portée sur la validité de cette déchéance dès lors que c'est à l'évidence la forme de celle-ci qui détermine si l'exigibilité de la créance du prêteur est ou non acquise ;

Qu'à ce titre, la BPALC produit sous ses pièces n°4 à 7 les mises en demeure de payer les sommes dues au titre du solde débiteur de leur compte à raison de 3 650,17 euros, compte clôturé par le biais de ce pli, et l'arriéré des prêts à concurrence de 5 407,82 euros, somme à régler sous huitaine, sauf à soumettre à la banque des propositions sérieuses de règlement du solde débiteur de compte susceptibles de rencontrer l'agrément du prêteur ;

Que la banque prenait aussi le soin d'avertir les emprunteurs du prononcé de la déchéance du terme de leurs prêts à défaut de paiement dans le délai imparti ;

Que si les époux [U]-[K] établissent un lien causal entre la clôture de leur compte et l'impossibilité qui fut la leur selon eux de régulariser l'arriéré des prêts, force est de constater que la banque s'est

montrée ouverte sur d'éventuelles propositions de paiement du solde débiteur de compte, suggérant qu'elle attendait de ses interlocuteurs un minimum de démarches en vue de propositions sérieuses de règlement ;

Que l'examen des pièces des époux [U]-[K] ne permet pas de retrouver d'échanges de correspondances entre eux et la banque ni la justification de démarches de leur part entre ces mises en demeure et les lettres recommandées avec accusés de réception du 6 juillet 2021 par lesquelles la banque les mettait en demeure de lui régler sous huitaine la somme totale de 194 635,13 euros, aucun paiement n'étant survenu depuis les précédentes mises en demeure ;

Que la déchéance du terme du prêt en cause a bien été prononcée selon les conditions d'exigibilité en cas de défaillance des emprunteurs telles que mentionnées en page 9/20 de l'offre de prêt annexée à l'acte notarié de sorte que la créance de la BPALC envers les époux [U]-[K] est assurément exigible ;

Attendu, sur le montant de cette créance de la banque, qu'il est communiqué le décompte repris dans le commandement de payer valant saisie immobilière du 6 avril 2022, le décompte arrêté au 20 mai 2021 et joint aux courriers recommandés de notification de la déchéance du terme du 6 juillet 2021, outre un décompte arrêté au 2 novembre 2021, sans négliger l'historique du compte support qui permet d'arrêter les montants qui suivent :

- mensualités échues impayées : 2 642,40 euros,

- capital restant dû : 121 174,02 euros,

- intérêts courus du 20 décembre 2020 au 2 novembre 2021 : 2 172,18 euros,

- indemnité légale de 7 % (sur capital restant dû) : 8 482,18 euros,

soit une créance totale de 134 470,78 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 2,02 % l'an sur la somme de 125 988,60 euros et des intérêts au taux légal sur le surplus, le tout à compter du 3 novembre 2021 jusqu'à parfait paiement, les intérêts produits par l'indemnité de 7 % ne pouvant être calculés qu'au seul taux légal ;

Que la créance de la banque poursuivante sera ainsi mentionnée à ce montant, la décision entreprise étant à cet égard réformée ;

- Sur les modalités de la vente immobilière :

Attendu qu'aucune des parties ne remettant subsidiairement en cause les modalités de vente des parcelles saisies, le premier juge ayant autorisé la vente amiable pour un prix qui ne saurait être inférieur à 150 000 euros et renvoyé les parties et le dossier à l'audience du tribunal judiciaire de Troyes du 13 juin 2023 à 10 heures pour examiner la réalisation de la vente, il y a lieu de confirmer en toutes ses plus amples dispositions querellées le jugement déféré ;

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il ordonne l'emploi des dépens en frais de vente soumis à la taxe, les époux [U]-[K] qui succombent à titre principal devant être condamnés à supporter ceux d'appel ;

Que l'équité commande d'arrêter en faveur de la banque une indemnité de procédure de 1 200 euros, les débiteurs de cette somme étant eux-mêmes déboutés de leur propre prétention indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

* * * *

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Déboute M. [X] [U] et Mme [R] [K] épouse [U] de leur demande de suspension des opérations de saisie immobilière ainsi que de leur demande de déchéance du prêteur du droit aux intérêts ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de la mention de la créance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à l'encontre de M. et Mme [X] [U]-[K] ;

Prononçant à nouveau de ce seul chef,

- Mentionne que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à l'encontre de M. [X] [U] et de Mme [R] [K] épouse [U] doit être retenue pour la somme de 134 470,78 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 2,02 % l'an sur la somme de 125 988,60 euros et des intérêts au taux légal sur le surplus, le tout à compter du 3 novembre 2021 jusqu'à parfait paiement ;

- Condamne in solidum M. et Mme [X] [U]-[K] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à hauteur de cour à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne une indemnité pour frais irrépétibles de 1200 euros ;

- Déboute M. et Mme [X] [U]-[K] de leur propre demande d'indemnité de procédure ;

- Dit que la SCP d'avocats Colomes-Mathieu-Zanchi-Thibault, conseils de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, pourra recouvrer directement contre les parties adverses les dépens dont elle aura fait l'avance sans avoir préalablement reçu de provision, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Renvoie les parties devant le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes en charge des ventes sur saisies immobilières.

Le Greffier. Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section jex
Numéro d'arrêt : 23/00500
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;23.00500 ?
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