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11/04/2023 | FRANCE | N°22/01804

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section jex, 11 avril 2023, 22/01804


ARRÊT N°

du 11 avril 2023







(B. P.)

















N° RG 22/01804

N° Portalis

DBVQ-V-B7G-FHTM







S.A. BANQUE CIC EST



C/



Mme [N]





































Formule exécutoire + CCC

le 11 avril 2023

à :

- la SELARL MCMB

- Me Jean-Etienne LHERBIER



COUR D'APPEL DE RE

IMS



CHAMBRE CIVILE



CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION



ARRÊT DU 11 AVRIL 2023





Appelant :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de CHALONS-EN-CHAMPAGNE le 04 octobre 2022



S.A. BANQUE CIC EST

[Adresse 3]

[Localité 5]



Comparant, concluant par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS



Intimé :



Mme [L] [N] veuve [G]

[A...

ARRÊT N°

du 11 avril 2023

(B. P.)

N° RG 22/01804

N° Portalis

DBVQ-V-B7G-FHTM

S.A. BANQUE CIC EST

C/

Mme [N]

Formule exécutoire + CCC

le 11 avril 2023

à :

- la SELARL MCMB

- Me Jean-Etienne LHERBIER

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION

ARRÊT DU 11 AVRIL 2023

Appelant :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de CHALONS-EN-CHAMPAGNE le 04 octobre 2022

S.A. BANQUE CIC EST

[Adresse 3]

[Localité 5]

Comparant, concluant par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS

Intimé :

Mme [L] [N] veuve [G]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Comparant, concluant par Me Jean-Etienne LHERBIER, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 avril 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, M. Benoît PETY, Président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît PETY, Président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, Conseiller

Madame Christel MAGNARD, Conseiller

GREFFIER lors des débats et du prononcé

Mme Sophie BALESTRE, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 11 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Benoît PETY, Président de chambre, et Mme Sophie BALESTRE, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Selon acte authentique dressé le 30 avril 2008 par Me [W] [M], notaire à [Adresse 4], la Banque CIC Est a consenti à Mme [Y] [G] un prêt de 182 800 euros destiné au financement de l'acquisition d'un fonds de commerce à [Localité 6], prêt amorti en 84 mensualités successives de 2 557,99 euros chacune au taux de 4,70 % l'an, la première échéance étant fixée au 31 mai 2008.

En garantie de ce concours financier, Mme [L] [N] veuve [G] s'est portée caution solidaire et indivisible de l'emprunteur dans la limite d'un montant de 50 000 euros incluant principal, intérêts, pénalités de retard pour la durée du prêt majorée de 24 mois.

Mme [Y] [G] a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Reims du 31 mars 2015. La Banque CIC a déclaré sa créance au passif de la procédure collective.

Le 6 avril 2017, la juridiction consulaire a prononcé la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 avril 2015, la Banque CIC Est a mis en demeure Mme [L] [G] ès qualité de caution de lui payer la somme de 50 000 euros.

Par acte du 25 février 2022, la Banque CIC Est a fait délivrer à Mme [L] [G] un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Le 10 mars 2022, un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Mitsubishi ASX immatriculé [Immatriculation 7] était également dénoncé à Mme [L] [G].

Par acte d'huissier du 15 mars 2022, Mme [G] a fait assigner la banque poursuivante devant le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne aux fins de nullité des actes d'exécution pour raison de forclusion de l'action de la banque, à titre subsidiaire pour extinction par novation ou par prescription. Elle soutenait encore que la banque devait être déchue du bénéfice du cautionnement compte tenu de la disproportion de l'engagement par rapport à sa situation financière.

Par jugement du 4 octobre 2022, le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a notamment :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [G] tirée de l'extinction de son obligation,

- déclaré la Banque CIC Est recevable en son action,

- déclaré disproportionné l'engagement de caution souscrit par Mme [L] [G] selon acte notarié du 30 avril 2008,

- déclaré l'acte de cautionnement en date du 30 avril 2008 inopposable à Mme [L] [G],

- annulé le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 25 février 2022 à Mme [L] [G] à la demande de la Banque CIC Est pour la somme de 50 000 euros et en a ordonné mainlevée,

- annulé le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Mitsubishi type ASX immatriculé [Immatriculation 7] signifié le 7 mars 2022 à la préfecture de la Marne et en a ordonné mainlevée,

- condamné la Banque CIC Est à verser à Mme [L] [G] une indemnité de procédure de 800 euros,

- condamné la banque poursuivante aux dépens de l'instance.

La Banque CIC Est a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 octobre 2022, son recours portant sur la disproportion retenue de l'engagement de caution de Mme [G], l'inopposabilité du cautionnement à cette dernière, l'annulation du commandement aux fins de saisie-vente, l'annulation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule de la caution, sa condamnation à une indemnité de procédure, enfin sa condamnation aux dépens.

Par des écritures signifiées le 22 décembre 2002, la Banque CIC Est demande par voie d'infirmation à la cour de :

- Dire que l'engagement de Mme [L] [G] souscrit le 30 avril 2008 n'est pas disproportionné,

- Dire, en tout état de cause, que Mme [G] dispose d'un patrimoine lui permettant de faire face à son obligation,

- En conséquence, dire que le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 25 février 2022 à Mme [G] à la requête de la banque poursuivante et pour la somme de 50 000 euros est valable,

- Dire que le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Mitsubishi type ASX immatriculé [Immatriculation 7] signifié le 7 mars 2022 à la préfecture de la Marne est valable,

- Condamner Mme [G] à payer à la Banque CIC Est la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter Mme [G] de ses demandes plus amples ou contraires,

- La condamner aux entiers dépens d'appel.

* * * *

Par conclusions signifiées le 8 décembre 2022, Mme [N] veuve [G] sollicite de la juridiction du second degré qu'elle :

- Déclare la banque recevable mais mal-fondée en son appel, et l'en déboute,

- Dise que son engagement de caution est manifestement disproportionné à son patrimoine et ses revenus,

- Dise que son patrimoine et ses revenus ne lui permettent pas de faire face à son obligation de caution,

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- Condamne la Banque CIC Est à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui cause le présent appel abusif,

- Condamne la Banque CIC Est, au titre de la procédure d'appel, à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la Banque CIC Est aux entiers dépens de première instance et d'appel.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 21 février 2022.

* * * *

Motifs de la décision :

- Sur la disproportion du cautionnement opposée par Mme [G] :

Attendu que selon l'article L.341-4 du code de la consommation, disposition applicable à l'engagement de la caution souscrit le 30 avril 2008, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Attendu que, sur ce fondement juridique, Mme [G] soutient qu'elle ne disposait que d'un revenu annuel de 6 582 euros lors de l'engagement contesté, ce qui résulte du document de l'administration fiscale qu'elle produit, son patrimoine actuel étant constitué de sa maison d'habitation qu'elle détient depuis le décès de son époux en indivision avec ses trois enfants, elle-même à concurrence de la moitié en pleine propriété et d'un quart en usufruit, bien pour lequel elle a remboursé un emprunt jusqu'en décembre 2014 ;

Que la Banque CIC Est considère pour sa part que l'avis d'imposition sur le revenu 2017 de Mme [G] n'est pas suffisant pour justifier une déchéance du prêteur du droit de se prévaloir du cautionnement souscrit par l'intéressée ;

Que, par ailleurs, les renseignements pris auprès des services de la publicité foncière démontrent que la caution est propriétaire d'un immeuble depuis 1996, ce qui suffit à démontrer qu'elle dispose d'un patrimoine lui permettant de faire face à son engagement ;

Attendu que, pour justifier de ses revenus réguliers lors de la souscription de son engagement de caution, soit le 30 avril 2008, Mme [G] communique aux débats sous sa pièce n°6 un document obtenu du service des impôts des particuliers de [Localité 9], pièce qui s'apparente à une capture d'écran et faisant apparaître au titre des revenus 2007 de l'intéressée la somme de 6 582 euros ;

Que, sauf à ce que Mme [G] n'ait pas déclaré tous ses revenus de l'année 2007, ce que la Banque CIC Est ne va pas jusqu'à soutenir, force est de relever qu'au jour de son engagement comme caution, l'intéressée disposait bien d'un revenu mensuel de 548,50 euros, ce qui est particulièrement modeste et sans rapport avec le montant du cautionnement souscrit, soit 50 000 euros ;

Qu'en outre, s'il est acquis que Mme [G] dispose dans son patrimoine actuel d'un bien immobilier depuis le décès de son mari survenu le [Date décès 1] 1996, l'intéressée a dû pour le conserver continuer à en rembourser le prêt à raison de 405,38 euros par mois jusqu'en décembre 2014, étant ajouté que la caution détient ce bien de manière indivise avec les autres héritiers de son mari, c'est-à-dire ses trois enfants, Mme [G] détenant la moitié en pleine propriété du bien et un quart en usufruit ;

Qu'il apparaît en outre que Mme [G] a son lieu d'habitation dans cet immeuble sis à [Localité 8] et qu'elle ne peut le mettre en vente sans l'aval de ses enfants ;

Que la réalisation de ce bien, à supposer qu'elle reçoive l'accord de tous les coïndivisaires, constituerait une mesure excessive en ce qu'elle priverait la caution de son logement ;

Qu'en d'autres termes, le cautionnement souscrit le 30 avril 2008 est bien disproportionné à ses revenus et à son patrimoine au moment où il a été souscrit, cet engagement conservant son caractère manifestement disproportionné lorsque la banque entend actionner la caution de sorte que l'engagement contesté n'est pas opposable à Mme [G] et la banque prêteuse ne peut utilement s'en prévaloir à son encontre ;

Que la décision dont appel sera en cela confirmée en ce qu'elle annule les deux mesures d'exécution forcée pratiquées courant 2022 à l'initiative de la banque poursuivante et en ordonne la mainlevée, soit le commandement aux fins de saisie-vente du 25 février 2022 et le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de véhicule du 7 mars 2022 ;

- Sur la demande de dommages et intérêts :

Attendu que Mme [G] sollicite la condamnation de la banque à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui cause l'appel abusif relevé par l'établissement financier du jugement du juge de l'exécution du 4 octobre 2022 ;

Qu'il sera rappelé que l'exercice d'une voie de recours constitue par essence un droit et la seule circonstance que la partie appelante n'obtienne pas le gain de son recours est insuffisante pour engendrer une créance en dommages et intérêts au profit de la partie intimée ;

Qu'en effet, Mme [G] n'explicite pas en quoi l'exercice de l'appel par la banque caractérise de sa part la mauvaise foi, l'intention de nuire ou encore une erreur grossière équipollente au dol ;

Que Mme [G] sera ainsi déboutée de sa demande indemnitaire connexe ;

- Sur les dépens et les frais non répétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à la charge exclusive de la Banque CIC Est les entiers dépens d'appel, la décision déférée étant confirmée en ce qu'elle condamne cet établissement financier aux dépens de première instance ;

Que l'équité commande d'arrêter à hauteur de cour au profit de Mme [G] une indemnité pour frais irrépétibles de 1 500 euros, la décision entreprise étant confirmée en ce qu'elle fixe au profit de cette même partie une indemnité de procédure d'un montant de 800 euros ;

Que la banque débitrice de ces sommes sera elle-même déboutée de sa propre prétention indemnitaire exprimée au vis de l'article 700 du code de procédure civile ;

* * * *

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- Déboute Mme [L] [N] veuve [G] de sa demande en dommages et intérêts ;

- Condamne la Banque CIC Est aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à hauteur de cour à Mme [L] [N] veuve [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute la Banque CIC Est de sa propre demande indemnitaire exprimée sur ce fondement juridique.

Le Greffier. Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section jex
Numéro d'arrêt : 22/01804
Date de la décision : 11/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-11;22.01804 ?
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