ORDONNANCE N° 11
du : 6 avril 2023
N° RG 22/01822
N° Portalis DBVQ-V-B7G-FHVJ
Me [B] [G] [D]
C/
- M. [J] [P]
- M. [H] [P]
Formule exécutoire + CCC
le 6 avril 2023
COUR D'APPEL DE REIMS
CONTENTIEUX DES TAXES
Recours contre honoraires avocat
ORDONNANCE DU 6 AVRIL 2023
A l'audience publique de la cour d'appel de Reims, où était présent et siégeait Madame Christel Magnard, conseiller à la cour, magistrat spécialement désigné par ordonnance de Monsieur le premier président, assistée de Madame Balestre, greffier,
a été rendue l'ordonnance suivante :
Entre :
Me [B] [G] [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Eric RAFFIN, avocat au barreau de REIMS
Demandeur au recours à l'encontre d'une décision rendue le 16 septembre 2022 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de REIMS (RG T90726)
Et :
1/ M. [J] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3],
2/ M. [H] [P]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentés par Me Catherine DESGRIPPES, avocat au barreau de REIMS
Défendeurs
Régulièrement convoqués pour l'audience du 2 mars 2023 par lettres recommandées en date du 13 janvier 2023, avec demande d'avis de réception,
A ladite audience, tenue publiquement, Madame Magnard, conseiller à la cour, magistrat délégué du premier président, assisté de Madame Balestre, greffier, a entendu les parties en leurs explications, puis l'affaire a été mise en délibéré au 6 avril 2023,
Et ce jour, 6 avril 2023, a été rendue l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signée par Madame Magnard, conseiller à la cour, déléguée du premier président, et par Madame Balestre, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 9 mai 2022, MM. [J] et [H] [P] ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Reims en contestation d'une demande d'honoraires de M. [D], avocat, d'un montant de 2 070 euros pour chacun, ce dernier étant intervenu dans leur intérêt à la suite du décès de leur frère [F] [P] des suites d'un accident de la circulation, pour poursuivre leur indemnisation.
Par décision du 16 septembre 2022, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Reims les a déclarés recevables en leur contestation d'honoraires, et partiellement fondés, en fixant les honoraires dus à Maître [D] à la somme de 240 euros TTC chacun, au titre de son intervention, et les a condamnés, en tant que de besoin, au paiement de cette somme.
Estimant que le bâtonnier avait sous-évalué le travail fourni, M. [D] a contesté la décision, par courrier déposé au greffe le 19 octobre 2022.
Il demande au premier président ou à son délégué de le déclarer recevable et bien-fondé en son recours, d'infirmer la décision du bâtonnier, de fixer ses honoraires à la somme de 2 070 euros pour chacun au titre de son intervention, de les condamner au paiement de cette somme, outre à une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
MM. [J] et [H] [P] demandent au délégué du premier président :
- de déclarer M. [D] irrecevable et mal-fondé en son recours,
- de les dire recevables en leurs demandes,
- de condamner M. [D] à leur régler, à chacun, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice moral, outre 800 euros à chacun au titre des frais irrépétibles.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 janvier 2023, puis renvoyée à celle du 2 mars 2023.
Sur ce, le conseiller délégué,
I- Sur le moyen tiré de la recevabilité du recours
Par application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois.
En l'espèce, la décision du bâtonnier a été rendue le 16 septembre 2022, puis notifiée à M. [D] le 19 septembre 2022 (accusé de réception). Le recours de M. [D] a été réceptionné le19 octobre 2022, de sorte qu'il est recevable.
II- Sur la demande au titre des honoraires
Par application de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 :
Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l'avocat sont fixés sur la base d'un tarif déterminé selon des modalités prévues au titre IV bis du livre IV du code de commerce.
Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.
Il est constant que le défaut de signature d'une convention ne prive pas l'avocat du droit de percevoir, pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte des critères énoncés par ce texte.
En outre, et à défaut de toute convention le stipulant, le résultat ne peut être pris en compte dans la fixation des honoraires.
En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable qu'aucune convention d'honoraire n'a été régularisée entre MM. [H] et [J] [P] et M. [D], de sorte qu'aucun honoraire de résultat ne peut être réclamé.
Or, les factures réclamées par le conseil et adressées par mail du 6 mai 2022 sont libellées comme suit :
'- rendez-vous, consultations, conseils stratégiques, téléphoniques, rédaction assignation, négociation, signature de l'accord ...) : 600 euros
- honoraire de résultat 15 % 1 350 euros
Total TTC 2 070 euros.'
En application des principes posés ci-dessus, seul le poste de 600 euros doit être examiné au regard des dispositions de l'article10 susvisé, comme correspondant à une facturation horaire.
Le bâtonnier a relevé que la seule diligence du conseil dont il était justifié était un projet d'assignation en janvier 2022 mais, qu'en revanche, les échanges avec la compagnie d'assurance n'étaient pas documentés, de même que les rendez-vous au cabinet du conseil n'étaient pas justifiés par un relevé précis.
Ces diligences ne sont pas plus documentées dans le cadre du recours diligenté par M. [D], alors même qu'elles sont vivement contestées par MM. [H] et [J] [P] qui affirment n'avoir jamais rencontré M. [D] ni bénéficié d'une consultation ou de 'conseils stratégiques'. S'il apparaît que M. [D] a pu rencontrer certains membres de la famille, cela n'est pas établi concernant MM. [J] et [H] [P]. Il n'est pas plus justifié de quelconques consultations, négociations ou conseils. M. [D] n'a pas apporté plus d'éléments à l'appui de son recours, alors même que le bâtonnier pointait déjà une certaine carence probatoire, et que le conseil des consorts [P] lui a fait délivrer une itérative sommation de communiquer les pièces venant au soutien de son recours.
Dans ces conditions, le conseiller délégué ne peut que confirmer le bâtonnier en son appréciation consistant à estimer les diligences accomplies à une durée de 2 heures au taux horaire de 200 euros HT, soit 480 euros TTC, soit 240 euros TTC par client.
La décision est donc confirmée.
III- Sur la demande en dommages et intérêts
MM. [J] et [H] [P] rappellent avoir perdu leur frère brutalement dans un accident de la circulation, et soulignent qu'ils souhaitent pouvoir faire leur deuil et 'avancer', que l'indemnisation devant leur revenir est toujours bloquée par M. [D] sur son compte Carpa depuis le mois de mars 2022 dans l'attente d'une décision définitive sur le montant des honoraires, et réclament à ce titre, chacun, une indemnité de 500 euros.
Ils produisent aux débats diverses attestations témoignant du sentiment d'injustice qu'ils vivent.
Pour autant, l'exercice d'une action en justice et d'une voie de recours est un droit et l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas constitutive d'un abus, de sorte que la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [D] est rejetée.
IV- Sur les frais irrépétibles
L'équité commande, au regard du cas d'espèce, de faire droit à la demande en frais irrépétibles formée par MM [H] et [J] [P], et de leur allouer la somme globale de 800 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
Déclare recevable le recours de M. [S] [B] [G] [D],
Confirme la décision rendue le 26 septembre 2022 par le bâtonnier du barreau de Reims en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [H] [P] et M. [J] [P] de leurs demandes en dommages et intérêts,
Condamne M. [S] [B] [G] à payer à M. [H] [P] et M. [J] [P] la somme globale de 800 euros au titre des frais irrépétibles,
Rappelle que la procédure est sans dépens.
Le greffier Le conseiller délégué