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28/02/2023 | FRANCE | N°22/01749

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section jex, 28 février 2023, 22/01749


ARRÊT N°

du 28 février 2023







(B. P.)

















N° RG : 22/01749

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FHPR







SCP [G] - Barault -

Maigrot



C/



SCI AS1





































Formule exécutoire + CCC

le 28 février 2023

à :

- Me Sandy Harant

- la SCP Le Nué - Leroy - Plagne<

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COUR D'APPEL DE REIMS



CHAMBRE CIVILE



CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2023





APPELANTE :

d'un jugement rendu par le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Reims le 3 octobre 2022 (RG 21/00105)



SCP [G] Barault Maigrot agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S...

ARRÊT N°

du 28 février 2023

(B. P.)

N° RG : 22/01749

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FHPR

SCP [G] - Barault -

Maigrot

C/

SCI AS1

Formule exécutoire + CCC

le 28 février 2023

à :

- Me Sandy Harant

- la SCP Le Nué - Leroy - Plagne

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu par le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Reims le 3 octobre 2022 (RG 21/00105)

SCP [G] Barault Maigrot agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SASU Le Bistronomique - prise en la personne de Me [S] [G] -

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparant et concluant par Me Sandy Harant, avocat au barreau de Reims

INTIMÉE :

SCI AS1

[Adresse 3]

[Localité 5]

Comparant par la SCP Le Nué - Leroy - Plagne, avocats au barreau de Chalons en Champagne

DÉBATS :

À l'audience publique du 10 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 février 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, M. Benoît Pety, président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît Pety, Président de chambre

Mme Anne Lefèvre, conseiller

Mme Christel Magnard, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Mme Sophie Balestre, greffier, lors des débats, et Mme Frédérique Roullet, greffier, lors du délibéré

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 28 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Benoît Pety, président de chambre, et Mme Frédérique Roullet, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

La SCI AS1 a donné à compter du mois d'octobre 2016 à bail commercial à la SASU Le Bistronomique des locaux situés à [Localité 4], [Adresse 2].

Le 6 juin 2016, la SCI AS1 faisait assigner la société Le Bistronomique devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne aux fins de résiliation judiciaire du bail commercial pour défaut de paiement des loyers et d'expulsion du preneur.

Par jugement du 5 juillet 2017, la juridiction saisie ordonnait cette expulsion de la SASU Le Bistronomique et la condamnait à payer à la SCI poursuivante notamment la somme de 48 940,29 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du jugement, ainsi qu'une indemnité d'occupation de 3 300 euros à compter de la décision jusqu'au départ effectif des lieux, enfin une indemnité de procédure de 2 000 euros. Cette décision était revêtue de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal.

La SASU Le Bistronomique a interjeté appel de cette décision le 11 juillet 2017.

La SCI AS1 faisait délivrer le 28 août 2017 à la SASU Le Bistronomique un commandement de quitter les lieux. Cette dernière en était expulsée le 4 septembre 2017.

Par jugement du 5 septembre 2017, le tribunal de commerce de Reims ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SASU Le Bistronomique, la SCP [G] - Barault - Maigrot étant désignée en qualité de mandataire judiciaire à cette procédure collective.

Par jugement du 17 octobre 2017, la juridiction consulaire ouvrait à l'égard de la SASU Le Bistronomique une procédure de liquidation judiciaire, la SCP [G] - Barault - Maigrot, prise en la personne de Me [S] [G], étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par arrêt du 15 septembre 2020, la cour d'appel de Reims a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne du 5 juillet 2017.

Par acte d'huissier du 23 octobre 2020, la SCP [G] - Barault - Maigrot, mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SASU Le Bistronomique, a fait assigner la SCI AS1 devant le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Reims aux fins de voir condamner la partie assignée à lui régler la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, outre 2 000 euros d'indemnité de procédure et les dépens.

Par ordonnance de référé du 3 novembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Reims désignait Me [Z] [B] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI AS1.

Par jugement du 3 octobre 2022, le juge de l'exécution de Reims a débouté la SCP [G] - Barault - Maigrot de toutes ses demandes, dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure et dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.

- 3 -

La SCP [G] - Barault - Maigrot a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 octobre 2022, son recours portant sur le rejet de l'intégralité de ses demandes.

Par des écritures signifiées le 16 décembre 2022, la SCP appelante demandait par voie d'infirmation à la cour de :

- condamner la SCI AS1 à lui régler la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de l'exécution forcée du jugement du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne du 5 juillet 2017, décision infirmée par arrêt de la cour de Reims du 15 septembre 2020, exécution qui a privé la liquidation judiciaire de la valeur du droit au bail exploité par la SASU Le Bistronomique, et donc de la chance de pouvoir le céder, comme de toute possibilité de poursuivre son activité et d'espérer présenter un plan de continuation,

- condamner à tout le moins la SCI AS1 à lui régler la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de vendre le droit au bail exploité par la SASU le Bistronomique,

- débouter la SCI AS1 de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la SCI AS1 à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 euros,

- condamner la SCI AS1 aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Au soutien de ses demandes, la SCP [G] - Barault - Maigrot prise ès qualités rappelle au sens de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution que l'exécution d'une décision est poursuivie aux risques du créancier.

Or, présentement, la SCI AS1 n'a tenu aucun compte des mises en garde et a choisi de poursuivre l'expulsion de sa locataire, en dépit de la procédure collective ouverte contre cette dernière et en violation de la règle de l'arrêt des poursuites induite par la procédure collective qui est d'ordre public et qui vise à assurer une égalité entre tous les créanciers. Elle l'a fait à ses risques et périls et doit en assumer toutes les conséquences. La faute du poursuivant n'est pas discutable et la SCI AS1 l'a du reste admise, comme le premier juge.

Pour ce qui a trait au préjudice, la société mandataire judiciaire à la liquidation de la société Le Bistronomique maintient qu'il est impossible de rétablir le locataire dans ses droits et de lui restituer le local que lui louait la SCI AS1. Cette dernière a régularisé un nouveau bail commercial le 14 novembre 2017 avec une société SBE pour un loyer fixé à 45 600 euros hors charges. Elle percevait à cette occasion un pas de porte de 250 000 euros.

Il s'ensuit que la SASU Le Bistronomique [et non la SCI AS1 comme indiqué dans les conclusions du mandataire judiciaire] a été privée de la possibilité d'exploiter le fonds de commerce qui lui était loué, ce qui a provoqué sa mise en liquidation judiciaire puisqu'elle n'avait plus de local pour exploiter son activité. Elle n'a même pas pu présenter un plan de continuation pour tenter de désintéresser ses créanciers. Le passif a atteint 409 300,53 euros. Cette seule approche justifie une indemnisation. La perte de chance est réelle puisque le liquidateur judiciaire a été privé de toute possibilité de céder le seul actif d'une certaine valeur, à savoir le droit au bail. Or, le montant du pas de porte obtenu par la SCI AS1 du successeur de la SASU Le Bistronomique donne une proportion du droit au bail que le liquidateur aurait pu exiger dans

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le cadre d'une cession. Il lui eût été loisible de trouver des candidats pour le rachat du droit au bail au prix à minima de 80 000 euros.

* * * *

Par ordonnance du 29 décembre 2022, les conclusions signifiées le 6 décembre 2022 par l'intimée ont été déclarées irrecevables comme tardives au visa de l'article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 27 décembre 2022.

* * * *

Motifs de la décision :

Attendu que l'article L.111-10 du code des procédures civiles d'exécution énonce que, sous réserve des dispositions de l'article L.311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié ;

Attendu que telle est l'occurrence présente dans la mesure où la SCI AS1 a pris l'initiative de faire délivrer le 28 août 2017 à la SASU Le Bistronomique un commandement de quitter les lieux et ainsi de mettre à exécution le jugement du 5 juillet 2017 prononcé par le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne et revêtu de l'exécution provisoire, décision toutefois objet d'un recours régularisé dès le 11 juillet 2017 par la partie condamnée ;

Que, de fait, par arrêt du 15 septembre 2020, la cour d'appel de Reims a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne et, statuant à nouveau, déclaré la SCI AS1 irrecevable en son action en paiement formée à l'encontre de la SASU Le Bistronomique, compte tenu de la procédure collective dont cette dernière était l'objet ;

Qu'il est en cela non discutable que la SCI AS1, indépendamment de toute référence à une quelconque faute, est tenue d'indemniser le préjudice causé par l'exécution forcée d'un titre frappé d'appel et finalement infirmé ;

Que le mandataire judiciaire à la liquidation de la SASU Le Bistronomique explicite ce préjudice à la mesure de la perte de chance pour la personne morale en procédure collective de céder à tout repreneur dans le contexte d'un plan de continuation le droit au bail, lequel droit doit être évalué en proportion du pas de porte que le bailleur a obtenu du preneur successeur de la société Le Bistronomique, soit 250 000 euros ;

Qu'à ce titre, la SCP [G] - Barault - Maigrot communique sous sa pièce n°12 une attestation de M. [U] [P], gérant de la société CBIE, datée du 24 octobre 2022, établissant que, compte tenu de la situation des locaux considérés ([Adresse 2] à [Localité 4]), dans l'hypothèse où la situation juridique des dits locaux autorise une activité de restauration, et dans l'hypothèse où ces locaux seraient aménagés en vue de l'exercice de ladite activité, le niveau de prix auquel le bail commercial portant sur ces locaux aurait pu être cédé peut être fixé à 80 000 euros (+/- 10 %) ;

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Qu'ainsi, sous réserve d'avoir été dûment mandaté, M. [P] dit qu'il aurait été susceptible d'avoir des candidats à un tel niveau de prix pour présenter une offre de rachat du droit au bail au liquidateur judiciaire ;

Qu'en l'état de ces données, et rappelant qu'une indemnisation en termes de perte de chance ne peut jamais donner lieu à l'octroi de 100 % de la somme indemnitaire arrêtée, cette indemnisation se calculant «à la chance perdue», il importe d'arrêter le montant des dommages et intérêts revenant à ce titre à la personne morale appelante à la somme de 48 000 euros, c'est-à-dire ' de la fourchette basse (72 000 euros) de l'estimation donnée par l'attestant ;

Que la SCI AS1 sera en conséquence condamnée à verser cette somme à titre de dommages et intérêts à la SCP [G] - Barault - Maigrot, ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SASU Le Bistronomique, le jugement déféré étant en cela infirmé ;

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à mettre les entiers dépens d'appel à la charge de la SCI AS1, la cour n'ayant pas à statuer sur la charge des dépens de première instance puisque la déclaration d'appel ne vise pas explicitement la disposition relative à cette question ;

Que l'équité commande d'arrêter à hauteur de cour au profit de la SCP appelante la somme de 1 000 euros ;

* * * *

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il déboute la SCP [G] - Barault - Maigrot, mandataire judiciaire à la liquidation de la SASU Le Bistronomique, de ses demandes ;

Prononçant à nouveau,

- Condamne la SCI AS1 à payer à titre de dommages et intérêts à la SCP [G] - Barault - Maigrot, ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SASU Le Bistronomique, la somme de 48 000 euros ;

- Condamne la SCI AS1 aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à hauteur de cour à la SCP [G] - Barault - Maigrot, ès qualités, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section jex
Numéro d'arrêt : 22/01749
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;22.01749 ?
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