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09/02/2023 | FRANCE | N°22/02034

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section jex, 09 février 2023, 22/02034


ARRÊT N°

du 9 février 2023







(B. P.)

















N° RG 22/02034

N° Portalis

DBVQ-V-B7G-FIGQ







- M. [M]

- Mme [R] épouse [M]



C/



CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 6]





































Formule exécutoire + CCC

le 9 février 2023

à :

- la SELAS ACG & ASSOCIES>
- la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES



COUR D'APPEL DE REIMS



CHAMBRE CIVILE



CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION



ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2023



Appelant :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de TROYES le 8 novembre 2022



1/ Monsieur [E] [M]

[Adresse 4]

[Localité 2]



2/ Madame [V] [R] épouse [M]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Comp...

ARRÊT N°

du 9 février 2023

(B. P.)

N° RG 22/02034

N° Portalis

DBVQ-V-B7G-FIGQ

- M. [M]

- Mme [R] épouse [M]

C/

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 6]

Formule exécutoire + CCC

le 9 février 2023

à :

- la SELAS ACG & ASSOCIES

- la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

CONTENTIEUX DE L'EXÉCUTION

ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2023

Appelant :

d'un jugement rendu par le Juge de l'exécution de TROYES le 8 novembre 2022

1/ Monsieur [E] [M]

[Adresse 4]

[Localité 2]

2/ Madame [V] [R] épouse [M]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Comparant, concluant et plaidant par Me Gilles COLLIN substituant Me Gérard CHEMLA, membre de la SELAS ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Intimé :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Comparant, concluant et plaidant par Me Florence SIX, membre de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 février 2023, régulièrement prorogé au 9 février 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, M. Benoît PETY, Président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît PETY, Président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, Conseiller

Madame Christel MAGNARD, Conseiller

GREFFIER lors des débats et du prononcé

Mme Sophie BALESTRE, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 9 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Benoît PETY, Président de chambre, et Mme Sophie BALESTRE, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 25 novembre 2021 à M. [E] [M] et à Mme [V] [R] épouse [M], dûment publié au service de la publicité foncière de [Localité 7], la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] (ci-après désignée le Crédit Mutuel) poursuit la vente des biens et droits immobiliers de ces derniers portant sur un immeuble d'habitation sis à [Adresse 3], cadastré section A n°[Cadastre 1] aux fins de recouvrement d'une créance de 105 632,67 euros arrêtée au 15 octobre 2021. Le cahier des conditions de la vente comportant description du bien a été déposé au greffe du tribunal judiciaire de Troyes.

Par actes d'huissier du 3 mars 2022, le Crédit Mutuel a fait assigner M. et Mme [M]-[R] devant le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes aux fins de voir examiner la validité de la saisie immobilière, statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes, déterminer les modalités de la procédure à suivre, fixer le montant de sa créance, en cas de vente forcée fixer la date de l'audience de vente et déterminer les modalités de visite du bien saisi, enfin ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.

A l'audience du 27 septembre 2022, se référant à ses écritures, la banque sollicitait la poursuite de la procédure en s'opposant aux arguments développés en défense, notamment quant à la demande aux fins de nullité de la saisie.

M. et Mme [M]-[R] pour leur part demandaient au juge de l'exécution de :

- Constater que le Crédit Mutuel ne peut justifier d'un retard de paiement des mensualités des prêts contractés par leurs soins,

- En conséquence, constater que la procédure telle qu'engagée par la banque sera déclarée nulle et non-avenue,

- Condamner le Crédit Mutuel à leur verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- Condamner la banque poursuivante à leur verser la somme de 3 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement du 8 novembre 2022, le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes a notamment :

- constaté que le créancier poursuivant, titulaire d'une créance liquide et exigible, agissait sur le fondement d'un titre exécutoire,

- constaté que la saisie pratiquée portait sur des droits saisissables immobiliers,

- mentionné que la créance dont le recouvrement était poursuivi par le Crédit Mutuel à l'encontre de M. et Mme [M]-[R] était retenue pour la somme totale de 105 632,67 euros, outre intérêts postérieurs,

- débouté M. [M] et Mme [R] épouse [M] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure de saisie immobilière,

- débouté M. [M] et Mme [R] épouse [M] de leur demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour abus de saisie,

- ordonné la vente forcée des biens et droits saisis des époux [M]-[R] portant sur l'immeuble à usage d'habitation situé au [Adresse 4], cadastré section A n°[Cadastre 1] pour une contenance de 11 a 97 ca, sur une mise à prix de 20 000 euros,

- fixé la date de la vente des lots sur la requête du créancier poursuivant au 28 février 2023 à 10 heures 30 au tribunal judiciaire de Troyes,

- autorisé l'huissier territorialement compétent à procéder à la visite des lieux,

- dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure,

- réservé les dépens de l'instance et dit qu'il seraient compris dans la taxe des frais de poursuite.

M. et Mme [M]-[R] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 5 décembre 2022, leur recours portant sur l'entier dispositif de la décision querellée.

Autorisés à cette fin par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Reims en date du 19 décembre 2022, M. et Mme [M]-[R] ont, par acte d'huissier du 23 décembre 2022, fait assigner le Crédit Mutuel devant la juridiction du second degré à l'audience du 10 janvier 2023 à 10 heures.

En l'état de leurs écritures n°2 signifiées le 9 janvier 2023, les époux [M]-[R] demandent à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- Déclarer leur appel recevable,

- Débouter le Crédit Mutuel de sa demande visant à écarter des débats leurs pièces n°16 à 22,

Statuant à nouveau,

- Juger que la déchéance du terme n'a pas valablement été prononcée par la banque,

- Juge cette déchéance nulle et non avenue,

- Juger par conséquent que les sommes réclamées par le Crédit Mutuel sont inexigibles,

- En conséquence, déclarer nul le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 25 novembre 2021,

- Ordonner la mainlevée du commandement auprès des services de la publicité foncière et aux frais et à la diligence de la banque,

- Déclarer nul le commandement de payer en raison de l'irrégularité du décompte,

- Ordonner sa mainlevée du service de la publicité foncière aux frais et diligences du créancier poursuivant,

A titre subsidiaire,

- Dire que l'indemnité conventionnelle est une clause pénale susceptible de modération par le juge,

- En conséquence, dire que les sommes réclamées à ce titre seront réduites à un euro symbolique,

- Ordonner au Crédit Mutuel de verser un décompte actualisé et à jour des versements effectués par leurs soins,

- Les autoriser à vendre amiablement leur bien et fixer la créance de la banque en conséquence,

- Juger que la mise à prix fixée par la banque est manifestement insuffisante,

- La fixer à la somme de 80 000 euros

En tout état de cause,

- Condamner le Crédit Mutuel à leur verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Ordonner au Crédit Mutuel de verser l'ensemble des relevés de compte qu'elle détient au titre de l'année 2022,

- Condamner le Crédit Mutuel à leur verser une indemnité de procédure de 5 000 euros,

- Condamner la banque poursuivante aux dépens.

Au soutien de leurs demandes, ils exposent que :

1. Les dispositions de l'article 918 du code de procédure civile ont été respectées en ce qu'à leur requête aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe étaient joints le projet d'assignation valant conclusion et les pièces dûment visées dans la requête. L'appel est donc bien recevable,

2. Leurs contestations le sont aussi en ce qu'il ne s'agit pas de prétentions nouvelles. En effet, les époux [M]-[R] rappellent qu'ils ont sollicité la nullité de la procédure de saisie immobilière en première instance. Ils contestaient déjà le décompte des sommes dues, réclamaient des dommages et intérêts et reprochaient à la banque poursuivante le fait de n'avoir pas délivré les relevés de compte pourtant demandés à plusieurs reprises. Il est aussi rappelé que des moyens nouveaux ne sont pas des demandes nouvelles. Aucune irrecevabilité ne sera à ces titres retenue,

3. La déchéance du terme du prêt prononcée le 11 mars 2014 par la banque est intervenue selon un procédé irrégulier. En effet, cette déchéance a fait suite à une mise en demeure qui leur a été adressée le 30 juillet 2013. Or, les époux [M]-[R] ont déposé un dossier de surendettement le 12 juillet 2013 que la commission a déclaré recevable le 24 septembre 2013. Il est possible pour le créancier d'obtenir un titre exécutoire mais plus aucune mesure d'exécution forcée n'est envisageable à compter de la recevabilité de la demande adressée à la commission de surendettement. Agissant au vu d'un acte notarié, la banque n'avait du reste aucunement besoin d'obtenir un autre titre exécutoire. En toute hypothèse, la déchéance du terme est bien postérieure à la recevabilité du dossier de surendettement. Le fait que le Crédit mutuel vise une autre déchéance du terme acquise le 26 janvier 2021 démontre que celle du 11 mars 2014 n'est pas valable.

En toute hypothèse, la lettre de mise en demeure du 26 janvier 2021 ne peut justifier une déchéance du terme prononcée plusieurs années après alors que les débiteurs ont régularisé les échéances dues dans le cadre du plan de surendettement. Ainsi, la créance alléguée n'est pas exigible et le commandement de payer valant saisie immobilière comme tous les actes subséquents sont nuls et de nul effet,

4. De surcroît, ce commandement est nul à un second titre en ce qu'il ne comprend aucun décompte visant les sommes qu'ils ont versées, les débiteurs étant ainsi dans l'incapacité de s'assurer de la bonne imputation de ces versements ni de leurs montants, ce qui leur est préjudiciable,

5. En tout état de cause, la banque doit revoir le montant de sa créance puisque les époux [M]-[R] justifient de paiements opérés depuis décembre 2020 jusqu'à décembre 2022 à raison de 900 euros par mois,

6. L'indemnité conventionnelle appliquée au prêt Modulimmo, d'un montant de 6 539 euros, ne s'explique pas en son quantum et demeure inéquitable au vu des versements qu'ils ont opérés,

7. Le bien saisi est récent et en bon état, idéal pour une maison familiale, de plus doté d'une piscine. Il a été évalué en 2021 à 130 000/140 000 euros. Une vente amiable devrait autoriser la banque à recouvrer sa créance en totalité. Une vente à la barre du tribunal entraînera une cession à bas prix et un risque de recouvrement partiel pour le prêteur. Aucun compromis ne peut être exigé d'eux au soutien de leur demande subsidiaire,

8. Le montant de la mise à prix est nettement insuffisant (90 %),

9. Le comportement de la banque qui relève de la mauvaise foi leur a été très préjudiciable. En effet, l'établissement prêteur refuse de leur remettre leurs relevés de compte bancaire, ce qui leur aurait permis de négocier avec d'autres établissements un concours pour 'racheter ' les prêts litigieux, qui plus est à des taux plus favorables que celui pratiqué. Or, le Crédit Mutuel n'a jamais répondu à leurs demandes en ce sens,

10. Les pièces n°16 à 22 ne font que répondre à la banque et il ne saurait être question de les rejeter des débats.

* * * *

Par des écritures n°2 signifiées le 9 janvier 2023, le Crédit Mutuel sollicite de la juridiction du second degré qu'elle :

- Juge l'appel des époux [M]-[R] irrecevable,

- Subsidiairement, juge irrecevables l'ensemble des contestations et demandes des époux [M] sur le fondement de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution et confirme le jugement,

- Très subsidiairement, sur le fond, ordonne le rejet des débats des pièces n°16 à 22 communiquées par les époux [M]-[R] le 6 janvier 2023, soit postérieurement au dépôt de leur requête à jour fixe, les déboute des fins de leur appel, mal-fondé, et confirme le jugement,

- En toute hypothèse, condamne in solidum M. et Mme [M]-[R] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamne in solidum aux entiers dépens.

Le Crédit Mutuel maintient que :

1. L'appel est irrecevable car, contrairement à l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'assignation à jour fixe rédigée par les époux [M]-[R] ne contient pas de conclusions sur le fond. Leurs moyens ne figurent pas dans cette requête mais dans l'assignation,

2. Les contestations des époux [M]-[R] devant la cour ne sont pas recevables dès lors qu'elle reposent sur des moyens différents de ceux développés en première instance, au cours de l'audience d'orientation. Or, le débiteur ne peut pas invoquer devant la cour des moyens de fait et de droit qu'elle n'aurait pas explicités devant le juge de l'exécution,

3. La déchéance du terme des prêts n'a pas été prononcée par la banque de mauvaise foi. Cette déchéance peut intervenir même après dépôt d'une demande de surendettement quand bien même celle-ci aurait été déclarée recevable. Du reste, le plan n'a pas été respecté entre août et décembre 2020 alors que les débiteurs ont bénéficié d'une assurance-vie de 60 000 euros en 2018 sans pour autant désintéresser leurs créanciers, d'où une nouvelle mise en demeure de payer du 26 juillet 2021,

4. Le commandement de payer contient bien un décompte détaillé des sommes réclamées pour chaque prêt. Le décompte du commandement est parfaitement valable. Si les époux [M]-[R] font état de versements, ils n'en justifient pas. Les pièces n°16 à 22 des débiteurs seront écartées des débats car c'est bien la requête au premier président qui doit contenir l'ensemble des termes du débat, dont les éléments de preuve. Il leur est interdit d'en produire d'autres,

5. L'indemnité conventionnelle, à supposer qu'elle soit une clause pénale, ne doit pas être réduite, surtout compte tenu du contrat d'assurance-vie dont les débiteurs ont pu bénéficier,

6. Aucune pièce de nature à dire fondée la demande de vente amiable n'est présente aux débats,

7. Les rachats de crédit doivent avoir donné lieu à la transmission par les époux [M]-[R] des relevés de compte mais rien n'établit que les époux [M]-[R] en aient fait la demande.

Motifs de la décision :

- Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que le Crédit Mutuel soutient que la requête aux fins d'être autorisés à assigner à jour fixe déposée par les époux [M]-[R] ne répond pas aux exigences de l'article 918 du code de procédure civile en ce qu'elle ne comprend pas un exposé des moyens de fait et de droit au soutien de leur action, ce que l'article en question mentionne sous les termes 'conclusions sur le fond' ;

Que les époux [M]-[R] le contestent, faisant état du projet d'assignation joint à leur requête déposée par RPVA le 12 novembre 2022 au greffe de la cour ;

Attendu que l'examen de ladite requête enseigne que l'acte comprend un exposé de la procédure antérieure à l'exercice de la voie de recours mais vise explicitement le projet d'assignation joint, lequel comprend leurs conclusions ;

Que si la banque s'offusque de cette façon de faire, il est constant qu'aucune forme 'sacramentelle' n'est imposée et que la pratique largement répandue consistant à annexer à la requête le projet d'acte d'assignation contenant un exposé complet de tous les éléments de fait et de droit du litige est approuvée par un large courant jurisprudentiel se montrant sur ce point libéral ;

Qu'il est admis que la requête se limite à renvoyer comme en l'espèce au projet d'assignation dès lors que lui-même développe les moyens de fait et de droit repris par la partie appelante ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de remettre en cause la déclaration d'appel, laquelle est recevable ;

- Sur le rejet des pièces n°16 à 22 communiquées le 6 janvier 2023 par les époux [M]-[R] :

Attendu que le même article 918 du code de procédure civile pose le principe que la requête aux fins d'autorisation à assigner à jour fixe vise les pièces justificatives, une copie de celles-ci et de la requête étant remise au premier président pour être versée au dossier de la cour ;

Qu'il est en outre admis que de nouvelles pièces peuvent être produites par la partie appelante si elles visent à répondre à des arguments nouveaux présentés en appel par l'intimé ;

Qu'en l'occurrence, les époux [M]-[R] ont produit en cours d'instance devant la cour, en plus des 11 pièces visées dans la requête initiale, et mises à part les pièces n°12 à 15 qui ont trait à la procédure proprement dite, 7 nouvelles pièces (n°16 à 22) relatives à la question du défaut de communication par la banque des relevés de compte bancaire et à la difficulté qui est la leur de négocier un crédit de rachat de leurs prêts alors qu'une telle perspective serait selon eux possible, sans négliger la question du décompte de créance du Crédit Mutuel que les appelants contestent ;

Qu'il sera constaté que, devant le juge de l'exécution, les intéressés avaient déjà soulevé la nullité de la procédure, contestant être débiteurs de la moindre somme envers le Crédit Mutuel et proposant de le solder en recourant à un autre emprunt à des conditions plus favorables, démarche différée faute de remise de leurs relevés de compte par la banque poursuivante ;

Que ces nouvelles pièces seront en conséquence déclarées recevables ;

- Sur les contestations des débiteurs portant sur la vente forcée de leur immeuble :

Attendu que l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution énonce qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte ;

Qu'il est à ce sujet constant qu'aucun moyen de fait ou de droit ne peut être formulé pour la première fois devant la cour d'appel à l'appui d'une contestation des poursuites ;

Attendu qu'il sera rappelé que, devant le premier juge, M. et Mme [M]-[R] demandaient au juge de l'exécution de constater que la banque poursuivante ne pouvait justifier d'un retard de paiement des mensualités des prêts contractés par eux, les emprunteurs sollicitant le constat d'une procédure nulle et non avenue ;

Qu'au soutien de leurs demandes, ils contestaient être débiteurs de la moindre somme envers le créancier poursuivant en indiquant avoir respecté les échéances de remboursement prévues par le plan de surendettement dont ils avaient bénéficié depuis le 22 mai 2015, à l'exception d'une période d'août à décembre 2020 pendant laquelle ils avaient accumulé un retard mais qu'ils avaient ensuite apuré le 25 février 2021 ;

Que, devant la cour, les époux [M]-[R] soulèvent la nullité du commandement à un double titre, en ce que la déchéance du terme prononcée par la banque le 11 mars 2014 l'a été de mauvaise foi et en méconnaissance de la procédure de surendettement, celle du 26 janvier 2021 n'en étant pas une, celle-ci étant en toute hypothèse irrégulière ;

Qu'ils ajoutent que le commandement de payer valant saisie immobilière est nul faute de décompte fiable, la créance de la banque ne tenant pas compte des nombreux versements qu'ils ont opérés entre décembre 2020 et décembre 2022 ;

Qu'ils contestent encore l'indemnité conventionnelle du prêt Modulimmo, sollicitent l'autorisation de vendre amiablement leur bien immobilier et qualifient la mise à prix arrêtée par le jugement querellé à 20 000 euros de manifestement insuffisante, cette mise à prix devant être portée à 80 000 euros ;

Que la cour observe que, depuis l'instance devant le juge de l'exécution, les époux [M]-[R] ont considérablement élargi leur demandes et modifié les moyens au soutien de leurs prétentions initiales ;

Qu'en effet, leurs prétentions relatives à la mise à prix insuffisante, à l'organisation d'une vente amiable ou encore aux fins de réduction de l'indemnité conventionnelle au titre du prêt Modulimmo sont radicalement irrecevables comme n'ayant jamais été présentées au cours de l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution de Troyes, ces demandes ne se rattachant à aucun acte de la procédure postérieur à l'audience d'orientation ;

Que, par ailleurs, la question de la nullité de la déchéance du terme prononcée de mauvaise foi le 11 mars 2014 par la banque suite à une mise en demeure du 30 juillet 2013 n'a nullement été posée en ces termes devant le premier juge, seule la question de l'articulation entre cette déchéance et l'exécution du plan de surendettement étant évoquée dans les motifs de la décision déférée ;

Qu'au surplus, la nullité de la déchéance du terme du 28 janvier 2021 pour non-indication d'un délai de régularisation dans la mise en demeure n'a davantage été développée par les époux [M]-[R] devant le juge de l'exécution de sorte que leurs contestations à ces sujets sont toutes irrecevables ;

Que, pour ce qui a trait à la question de l'exigibilité de la créance de la banque au titre de chacun des deux prêts, compte tenu du plan de surendettement mis en oeuvre en 2013 jusqu'à sa clôture en 2020, que le premier juge rappelle bien que la recevabilité d'une demande de mesure de surendettement n'interdit aucunement à tout créancier d'obtenir un titre exécutoire, ce dont le Crédit Mutuel n'avait en l'espèce pas besoin puisqu'il détient un titre notarié du chef des deux prêts souscrits par les époux [M]-[R], la recevabilité d'une telle demande interdisant certes la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée ;

Que les appelants ont reconnu qu'ils n'avaient pas exécuté entre août et décembre 2020 le plan de surendettement dont ils bénéficiaient, ce qui conduisait à sa clôture, la banque étant alors libre de reprendre les poursuites sur la base de la déchéance du terme prononcée valablement dès le mois de mars 2014, ce que l'ouverture de la procédure de surendettement ne pouvait empêcher, comme il a déjà été dit ;

Que c'est donc par des motifs pertinents et que la cour approuve que le premier juge a retenu pour chaque prêt une créance exigible du Crédit Mutuel envers les époux [M]-[R], les décomptes de créance produits par la banque sous sa pièce n°9 mentionnant et imputant explicitement les versements opérés par les débiteurs, soit 45 951,35 euros au titre du prêt Modulimmo et 7 005,45 euros au titre du prêt à taux 0% ;

Qu'en définitive, la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions organisant la vente de l'immeuble saisi des époux [M]-[R] à la barre du tribunal judiciaire de Troyes, procédure à laquelle les parties sont renvoyées ;

- Sur la demande de condamnation de la banque à la production de relevés bancaires :

Attendu que cette demande exprimée pour la première fois à hauteur de cour par les époux [M]-[R] n'est pas recevable pour les motifs déjà développés au visa de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

- Sur les dommages et intérêts :

Attendu que les époux [M]-[R] forment en cause d'appel une demande d'indemnisation de leur préjudice engendré selon eux par l'inertie du crédit Mutuel qui leur a fait perdre toute chance d'obtenir un financement en vue du rachat des prêts litigieux, la banque poursuivante ayant négligé de répondre à leurs multiples courriers afin d'obtenir communication de leurs relevés bancaires et ainsi de justifier auprès d'autres prêteurs institutionnels des versements opérés par leurs soins ;

Que le Crédit Mutuel se contente sur cette question de conclure au débouté des appelants, rappelant qu'en toute hypothèse il ne pouvait s'agir que de l'indemnisation d'une perte de chance ;

Qu'au soutien de leur demande en dommages et intérêts, les époux [M]-[R] versent de nombreux messages électroniques échangés en 2020 et 2021 avec le Crédit Mutuel, notamment avec leur conseiller, aux fins d'avoir de nouveau accès à leur compte bancaire et afin de connaître avec précision le montant des sommes restant dues ;

Qu'ils produisent encore de nombreux documents relatant leurs démarches auprès d'organismes de courtage en matière de rachat de crédit, documents faisant état de la faisabilité d'un refinancement mais sous condition notamment de la production des relevés bancaires des trois derniers mois ;

Que la cour considère en l'état de ces éléments que la banque a fait preuve de négligence dans la gestion du dossier de leurs clients en omettant de répondre à leurs messages et courriers et en les privant des données nécessaires à la négociation de solutions de refinancement de nature à satisfaire et le créancier et les débiteurs ;

Que, sans certitude toutefois sur l'obtention d'un tel refinancement, les époux [M]-[R] ne peuvent prétendre à obtenir l'indemnisation de leur préjudice financier autrement qu'à la mesure d'une perte de chance, celle de voir financer leur dossier à un taux plus favorable que celui pratiqué par le Crédit Mutuel ;

Qu'une somme de 3 500 euros leur sera ainsi versée par le Crédit Mutuel à titre de dommages et intérêts, la décision déférée étant infirmée de ce seul chef ;

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser aux époux [M]-[R] la charge des entiers dépens d'appel et de confirmer à ce titre la décision entreprise ;

Qu'aucune considération d'équité ne commande d'arrêter en faveur de la banque une quelconque indemnité de procédure, sa demande en ce sens étant rejetée, au même titre que celle des époux [M]-[R] ;

* * * *

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Dit recevable l'appel relevé par M. et Mme [E] [M]-[R] du jugement du juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Troyes daté du 8 novembre 2022 ;

- Déclare recevables les pièces n°16 à 22 communiquées par les époux [M]-[R] postérieurement à leur requête aux fins d'assignation à jour fixe ;

- Déclare M. [E] [M] et Mme [V] [R] épouse [M] irrecevables en leurs demandes d'autorisation de vente amiable, de fixation d'un nouveau montant de mise à prix de leur immeuble dans le cadre de la vente forcée, de réduction à 1 euro de l'indemnité conventionnelle du prêt Modulimmo, de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière pour irrégularité du décompte, de nullité de la déchéance du terme des deux prêts litigieux, enfin de communication de relevés bancaires ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle déboutant M. et Mme [E] [M]-[R] de leur demande en dommages et intérêts ;

Infirmant et prononçant à nouveau de ce seul chef,

- Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 6] à verser à M. et Mme [E] [M]-[R] la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Laisse les entiers dépens d'appel à la charge de M. et Mme [M]-[R] ;

- Déboute chaque partie à l'instance de sa demande indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier. Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section jex
Numéro d'arrêt : 22/02034
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;22.02034 ?
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