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27/01/2023 | FRANCE | N°22/01146

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre sect.famille, 27 janvier 2023, 22/01146


N° RG : 22/01146

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FF5A



ARRÊT N°

du : 27 janvier 2023









B. P.

















M. [V] [P]



C/



Mme [W] [S]

épouse [P]





















Formule exécutoire le :



à :

Me Quentin Mayolet

Me Mélanie Caulier-Richard











COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE -

SECTION II



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023





APPELANT :

d'un jugement rendu le 14 avril 2022 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières (RG 16/01319)



M. [V] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Comparant, concluant et plaidant par Me Quentin Mayolet, membre de la SCP Ledoux - Ferri - Riou-J...

N° RG : 22/01146

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FF5A

ARRÊT N°

du : 27 janvier 2023

B. P.

M. [V] [P]

C/

Mme [W] [S]

épouse [P]

Formule exécutoire le :

à :

Me Quentin Mayolet

Me Mélanie Caulier-Richard

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

APPELANT :

d'un jugement rendu le 14 avril 2022 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières (RG 16/01319)

M. [V] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant, concluant et plaidant par Me Quentin Mayolet, membre de la SCP Ledoux - Ferri - Riou-Jacques - Touchon - Mayolet, avocat au barreau des Ardennes

INTIMÉE :

Mme [W] [S] épouse [P]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Comparant et concluant par Me Mélanie Caulier-Richard, membre de SCP Delvincourt - Caulier-Richard - Castello avocats associés, avocat postulant au barreau de Reims, et par Me Saïda Harir, membre de la SELARL Ahmed Harir, avocat au barreau des Ardennes

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pety, président de chambre

Mme Lefèvre, conseiller

Mme Magnard, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

En chambre du conseil du 8 décembre 2022, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Du mariage de Mme [W] [S] et de M. [V] [P] célébré le 24 juin 2000 par devant l'officier d'état civil de la commune d'[Localité 3] (Ardennes), sans contrat préalable, sont issus :

- 2 -

- [G], née le 9 octobre 2003 à [Localité 5] et

- [I], né le 21 avril 2007 à [Localité 5].

Mme [S] et M. [P] ont respectivement déposé une requête en divorce les 7 juin et 8 août 2016.

Par ordonnance de non-conciliation du 30 novembre 2016, le juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a notamment :

- ordonné la jonction des procédures,

- autorisé les parties à introduire l'instance en divorce,

- constaté que les époux étaient séparés depuis le 7 juillet 2016,

- attribué à l'époux la jouissance du logement familial (bien commun) et du mobilier du ménage, et ce à titre gratuit,

- dit que l'époux devrait s'acquitter de l'intégralité des mensualités du crédit immobilier contracté pour l'achat du bien abritant le domicile conjugal mais également des charges courantes relatives à cet immeuble à compter de l'ordonnance,

- attribué à l'épouse la jouissance du véhicule Peugeot 308,

- attribué à l'époux la jouissance du véhicule Partner,

- rejeté la demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours formée par Mme [S] épouse [P],

- constaté l'autorité parentale conjointe envers les enfants,

- débouté Mme [S] épouse [P] de sa demande de fixation de la résidence des enfants au domicile maternel,

- dit que la résidence des deux enfants serait fixée alternativement aux domiciles parentaux, les semaines paires chez le père, du vendredi à 18 heures au vendredi suivant à 18 heures, les semaines impaires chez la mère, durant la première moitié des vacances chez le père les années paires, la seconde moitié chez la mère, et inversement les années impaires, avec dérogation pour les fêtes parentales,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants en l'absence de demande des parties,

- rejeté tous les autres chefs de demande,

- réservé les dépens.

Par acte d'huissier du 11 mai 2017, M. [P] a fait assigner Mme [S] en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Par ordonnance du 11 octobre 2018, le juge de la mise en état au tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a notamment :

- transféré au domicile paternel la résidence de [I],

- organisé le droit d'accueil de la mère envers son fils,

- sursis à statuer sur la pension alimentaire pour l'entretien de [I],

- dit que les parties devraient communiquer leurs ressources et charges actualisées.

Par ordonnance du 20 février 2020, le juge de la mise en état, saisi à la demande de Mme [S], a fixé à 100 euros par mois la contribution paternelle à l'entretien de [G], à compter du 9 septembre 2019, et ordonné le partage par moitié des frais dépassant la gestion quotidienne.

Par arrêt du 19 mars 2021, la cour d'appel de Reims, après avoir fait entendre les enfants, a :

- 3 -

- infirmé partiellement l'ordonnance déférée, uniquement en ce qu'elle a condamné M. [P] à verser à Mme [S] une pension de 100 euros par mois pour [G],

- supprimé cette contribution à compter du 1er décembre 2020,

- fixé la résidence de [G] au domicile paternel à compter du 1er décembre 2020,

- fixé à l'égard de cette enfant un droit de visite et d'hébergement libre au profit de Mme [S],

- suspendu le droit d'accueil de Mme [S] envers son fils [I],

- fixé à 140 euros par mois la contribution de Mme [S] à l'entretien de chacun des deux enfants,

- débouté M. [P] de sa demande tendant au partage par moitié entre les parents des frais extra-scolaires et de santé,

- confirmé pour le surplus l'ordonnance entreprise.

Sur le fond, M. [P] demandait au juge aux affaires familiales de Charleville-Mézières de :

- prononcer le divorce aux torts de l'épouse par application de l'article 242 du code civil,

- rejeter la demande reconventionnelle de l'épouse,

- rejeter la demande en dommages et intérêts de Mme [S],

- condamner Mme [S] à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement des dispositions de l'article 266 du code civil,

- prononcer, à titre subsidiaire, le divorce d'entre les époux [P]-[S] sur le fondement de l'article 237 du code civil,

- rejeter en tout état de cause la demande de prestation compensatoire de Mme [S],

- ordonner les opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial des époux et désigner le président de la chambre des notaires à cet effet,

- fixer la date des effets du divorce au 1er juillet 2016,

- reconduire les mesures issues de l'arrêt du 19 mars 2021, à l'exception de celles relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur [G], enfant désormais majeure,

- reconduire les pensions alimentaires au titre de la contribution maternelle à l'entretien et à l'éducation des deux enfants,

- condamner Mme [S] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [S] aux entiers dépens de l'instance.

Mme [S] pour sa part demandait au magistrat de :

- prononcer le divorce aux torts exclusifs de M. [P],

- renvoyer les parties vers le notaire de leur choix pour procéder à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre eux,

- dire que Mme [S] reprendra l'usage de son nom de naissance,

- condamner M. [P] à lui verser 3 000 euros de dommages et intérêts,

- condamner M. [P] à lui verser une prestation compensatoire en capital de 40 000 euros,

- dire, à titre subsidiaire, que M. [P] pourra s'acquitter du règlement de cette prestations compensatoire sous forme de versements mensuels d'un montant de 416,67 euros pendant huit années,

- dire que l'autorité parentale s'exercera conjointement par les parties,

- reconduire les dispositions de l'arrêt du 19 mars 2021 en ce qui concerne la résidence, le droit de visite et d'hébergement et la pension alimentaire pour les enfants,

- 4 -

- condamner M. [P] aux entiers dépens.

Par jugement du 14 avril 2022, le juge aux affaires familiales au tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a notamment :

- rejeté la demande en divorce de M. [P] et fait droit à celle de l'épouse,

- en conséquence, prononcé le divorce des époux [P]-[S] aux torts exclusifs du mari et ordonné mention du dispositif en marge des actes d'état civil,

- dit qu'en application de l'article 262-1 du code civil, le jugement prendrait effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date du 7 juillet 2016,

- donné acte aux parties de leurs propositions de règlement de leurs intérêts pécuniaires et patrimoniaux,

- renvoyé les parties en tant que de besoin à procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux, amiablement ou en en confiant l'exécution au notaire de leur choix,

- rappelé les termes de l'article 265 du code civil,

- dit que l'épouse ne conserverait pas l'usage du nom de son mari,

- condamné M. [P] à verser à Mme [S] une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 25 000 euros,

- condamné M. [P] à payer à Mme [S] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts au visa de l'article 1240 du code civil,

- débouté Mme [S] et M. [P] de leurs demandes indemnitaires au visa de l'article 266 du code civil,

- constaté que l'autorité parentale sur [I] est exercée conjointement par les parties,

- dit que la résidence de [I] est fixée au domicile de son père,

- dit que le droit de visite et d'hébergement de Mme [S] à l'égard de son fils s'exercera d'un commun accord entre les parents,

- fixé à la somme de 140 euros par mois la contribution maternelle à l'entretien de chacun des deux enfants, avec indexation et à compter de la décision,

- débouté M. [P] de sa demande indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] aux entiers dépens.

M. [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er juin 2022, son recours portant sur le prononcé du divorce, ses effets dans les rapports pécuniaires des époux, la prestation compensatoire, les dommages et intérêts, les frais irrépétibles et les dépens.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 24 novembre 2022, M. [P] demande par voie d'infirmation à la cour de :

- à titre principal, prononcer le divorce des époux [P]-[S] aux torts exclusifs de l'épouse,

- condamner Mme [S] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil,

- subsidiairement, prononcer le divorce entre les époux sur le fondement de l'article 237 du code civil,

- en tout état de cause, rejeter la demande de divorce pour faute aux torts exclusifs du mari présentée par Mme [S],

- ordonner la transcription du dispositif sur les actes d'état civil,

- rejeter la demande en dommages et intérêts formée par Mme [S],

- rejeter sa demande de prestation compensatoire et, à titre subsidiaire, dire que son montant sera échelonné sur huit années,

- 5 -

- fixer la date des effets du divorce au 1er juillet 2016,

- condamner Mme [S] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qui concerne les mesures relatives aux enfants,

- y ajoutant, condamner Mme [S] à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros pour la procédure d'appel, sans préjudice des entiers dépens de première instance et d'appel.

* * * *

Par conclusions signifiées le 17 octobre 2022, Mme [S] sollicite de la juridiction du second degré qu'elle :

- confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamne M. [P] aux entiers dépens,

- le déclare mal-fondé en toutes ses autres demandes plus amples ou contraires et l'en déboute.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 2 décembre 2022.

* * * *

Motifs de la décision :

Sur le prononcé du divorce pour faute :

Attendu que M. [P] entend voir prononcer le divorce aux seuls torts de son épouse, laquelle sera déboutée de sa propre demande aux fins de divorce dans la mesure où les photographies qu'elle produit au soutien de sa demande sont sans aucune portée, les e-mails qu'elle communique étant manifestement de nature frauduleuse en ce qu'ils proviennent de la boîte e-mails personnelle de l'intéressé et alors que les époux étaient déjà séparés ;

Qu'au soutien de sa propre demande en divorce, il énonce qu'il faisait entièrement confiance à son épouse lorsqu'il s'est aperçu qu'elle avait planifié son départ du domicile conjugal avec les enfants, et ce sans aucune autorisation judiciaire, l'intéressée ayant par surcroît changé de fondement juridique de son action en divorce en abandonnant la procédure par consentement mutuel à laquelle les parties avaient initialement adhéré ;

Que Mme [S], pour sa part, entend rappeler que le changement de fondement juridique d'une action aux fins de divorce ne constitue pas en soi une faute comme l'a indiqué du reste le premier juge dans la décision dont appel, les éléments qu'elle produit établissant sans contestation possible la relation extra-conjugale que son mari a entretenue dès juillet 2016 avec une dénommée [U] [C] ;

Attendu qu'au soutien de sa demande en divorce, Mme [S] produit sous sa pièce n°3 deux photographies et sous sa pièce n°4 des e-mails échangés entre son mari et Mme [U] [C] en juillet et octobre 2016 ;

- 6 -

Que M. [P] soulève au sujet de ces messages électroniques leur caractère frauduleux puisque Mme [S] et lui étaient déjà séparés aux dates d'envoi de ces e-mails ;

Que si Mme [S] ne donne aucune explication dans ses écritures sur la manière dont elle a pu se trouver en possession de ces documents personnels de son mari, son audition le 10 février 2017 par les militaires de la brigade territoriale de gendarmerie de [Localité 6] (pièce n°24) révèle qu'elle a allumé l'ordinateur de sa fille et qu'elle est tombée directement sur la messagerie de son mari sans savoir comment, qu'elle a ainsi intercepté un e-mail de son mari avec sa maîtresse, ce qui a confirmé ses soupçons d'infidélité de son conjoint, ce dont elle se doutait car tout le monde le lui disait ;

Que la cour rappelle à ce propos qu'il appartient à la partie qui allègue la fraude de l'établir, étant ajouté que si le fait de profiter de l'opportunité d'accéder à la messagerie électronique de son conjoint après un départ du domicile conjugal caractérise à l'évidence un manque de délicatesse, cela ne constitue pas en soi une fraude, M. [P] ne démontrant pas que sa femme aurait obtenu son mot de passe ou utilisé un stratagème afin d'accéder à ses messages personnels, le «piratage» par son épouse de sa messagerie électronique n'étant nullement établi ;

Que le contenu de ces messages électroniques est pour le moins explicite et présume entre des interlocuteurs qui s'écrivent «Mon amour» et concluent leurs propos par un «Je t'aime» une intimité certaine peu compatible avec l'engagement dans les liens du mariage ;

Qu'en outre, à titre surabondant, si la photographie de groupe prise devant le «Manneken Pis» à [Localité 4] le 4 juin 2016 ne permet aucunement d'apercevoir entre M. [P] et la personne debout devant lui une attitude suggestive, la photographie également de groupe prise dans une salle de sport à la même date ne laisse place à aucun doute sur la nature de la relation intime que M. [P] entretient sur ce cliché avec la personne debout devant lui, qui lui tourne le dos mais qu'il tient par la taille en faisant reposer ses mains sur son abdomen ;

Qu'en l'état de ces éléments, c'est à raison que le premier juge a considéré que la demande en divorce de Mme [S] était fondée, la relation adultère de son mari entretenue avec Mme [C] constituant une violation grave par le mari des devoirs et obligations du mariage au sens de l'article 242 du code civil, violation rendant intolérable le maintien de la vie commune ;

Attendu que M. [P] reproche à son épouse d'avoir trompé sa confiance alors qu'ils envisageaient un divorce par consentement mutuel, Mme [S] ayant courant juillet 2016 déménagé à [Localité 6], déposé une requête en divorce, inscrit les enfants à l'école de [Localité 6] et envisagé de fixer la résidence de ces derniers chez elle avec, pour le père, un modeste droit de visite, tout ceci évoquant un véritable abandon du domicile conjugal sans aucun motif légitime ;

Que s'il n'est pas contesté par les parties qu'elles avaient pu envisager une procédure de divorce selon un mode amiable, il n'est pas douteux que la confirmation des soupçons de Mme [S] sur l'infidélité de son mari l'a amenée à revoir la nature de l'action en divorce à exercer, ce qui en soi relève de la stratégie juridictionnelle sans que le mari puisse utilement

- 7 -

s'en émouvoir, le changement de fondement juridique d'une action étant une opportunité pour le moins courante sans que cela caractérise contre la partie qui s'en saisit la moindre faute répréhensible, ce qu'a justement retenu le juge aux affaires familiales ;

Que, par ailleurs, s'il apparaît que Mme [S] n'a pas attendu l'autorisation judiciaire donnée par l'ordonnance de non-conciliation pour quitter le domicile conjugal et s'installer dans un logement à [Localité 6], il n'apparaît pas que cela ait alors surpris le mari, le contexte de la préparation d'une procédure de divorce certes initialement perçue sur un mode amiable ayant légitimement suggéré pour l'épouse des démarches en vue d'une séparation et d'une domiciliation séparée, Mme [S] ayant déposé sa requête dès le 7 juin 2016, soit plus de deux mois avant son mari ;

Que le climat soupçonneux dans lequel Mme [S] a vécu jusqu'au dépôt de cette requête, climat qui s'est avéré effectif, de même que l'approbation par les deux époux de l'engagement d'une procédure de divorce sur un mode amiable, tendent à enlever toute gravité à la méconnaissance par l'épouse du devoir de cohabitation entre époux, la faute ainsi reprochée par M. [P] à sa femme ne revêtant pas le niveau d'importance suffisant pour retenir contre cette dernière une violation des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;

Qu'en d'autres termes, M. [P] est débouté de sa demande en divorce, celui-ci étant prononcé contre le mari et la décision entreprise confirmée de ce chef comme de celui ayant trait à sa publication à l'état civil ;

- Sur les effets du divorce dans les rapports pécuniaires des époux :

Attendu que l'article 262-1 du code civil énonce en son 5e alinéa qu'à la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. [---] ;

Que, retenant que le magistrat-conciliateur avait constaté que les époux étaient séparés depuis le 7 juillet 2016, le premier juge a retenu cette date pour fixer les effets du divorce entre les époux quant à leurs biens ;

Que M. [P], qui demande à la cour de fixer cette date au 1er juillet 2016, n'explicite cependant dans ses écritures aucun développement à l'appui de sa prétention ni ne produit le moindre justificatif en ce sens ;

Qu'il importe dans ce contexte de retenir la date du 7 juillet 2016 et de confirmer purement et simplement la décision dont appel ;

- Sur le règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux :

Attendu que M. [P] n'est pas appelant des dispositions du jugement querellé relatives aux propositions de règlement des époux quant à leurs intérêts pécuniaires et patrimoniaux ni de leur renvoi aux opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux, au besoin avec l'aide d'un notaire, Mme [S] n'étant pas appelante incidente ;

Que la cour n'a donc pas à confirmer ces dispositions dont elle n'est pas saisie, faute d'effet dévolutif de l'appel ;

- 8 -

- Sur les dommages et intérêts :

Attendu que M. [P] conteste la créance indemnitaire de 1 500 euros arrêtée par le premier juge en faveur de Mme [S] ;

Que M. [P] remet en effet en cause le lien que le premier juge établit entre la dépression dont a souffert Mme [S] et son propre comportement fautif, son épouse ayant toujours présenté une instabilité psychologique, laquelle inquiétait du reste les enfants qui craignaient ses réactions imprévisibles ;

Qu'il est toutefois établi par les pièces transmises par Mme [S] qu'elle a souffert d'une grave dépression justifiant une hospitalisation suite à une tentative de suicide, l'intéressée justifiant d'un arrêt de travail dès le 8 août 2016, arrêt qui a pris fin le 9 avril 2017 ;

Que la concomitance de cette dépression et de la révélation de l'adultère du mari justifie que le premier juge ait entendu indemniser le préjudice moral souffert par Mme [S] à concurrence d'une indemnité de 1 500 euros, ce que la cour qualifie de réparation juste ;

Que la décision déférée sera donc aussi confirmée en ce qu'elle condamne M. [P] à verser cette somme à Mme [S] et le déboute de sa propre prétention indemnitaire puisque sa demande en divorce est rejetée ;

- Sur la prestations compensatoire :

Attendu que l'article 270 alinéa 2 du code civil énonce que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ;

Que l'article suivant dispose que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération notamment :

- la durée du mariage,

- l'âge et l'état de santé des époux,

- leur qualification et leur situation professionnelles,

- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,

- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,

- leurs droits existants et prévisibles,

- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa ;

- 9 -

Attendu qu'il est constant que M. [P] et Mme [S] sont respectivement âgés, au prononcé du divorce, de 52 et 47 ans, que le mariage a duré 22 ans pour une vie commune effective de 16 années, deux enfants aujourd'hui âgés de 19 et 15 ans étant nés de cette union ;

Que M. [P] ne fait pas état de problème de santé, contrairement à Mme [S] qui présente une fragilité psychologique certaine ;

Attendu que M. [P] est agriculteur et a déclaré les revenus agricoles et fonciers suivants :

* revenus déclarés en 2017 (avis d'impôt 2018) : 11 459 euros de revenus agricoles et 946 euros de revenus fonciers et capitaux mobiliers, soit 1 033,75 nets imposables par mois,

* revenus déclarés en 2018 (avis d'impôt 2019) : 27 541 euros de revenus agricoles et 999 euros de revenus fonciers et capitaux mobiliers, soit 2 378,33 euros nets imposables par mois,

* revenus déclarés en 2019 (avis d'impôt 2020) : 38 509 euros de revenus agricoles et 863 euros de revenus fonciers, soit 3 281 euros nets imposables par mois,

* revenus déclarés en 2020 (avis d'impôt 2021) : 13 351 euros de revenus agricoles et 849 euros de revenus fonciers et capitaux mobiliers, soit 1 183,33 euros nets imposables par mois,

* revenus déclarés en 2021 (avis d'impôt 2022) : 14 646 euros de revenus agricoles et 853 euros revenus fonciers, soit 1 291,58 euros nets imposables par mois, outre une prime mensuelle d'activité de 45,41 euros ;

Qu'il est encore acquis que M. [P] est associé à 50 % au sein du GAEC [P] et si le premier juge a entendu, dans la motivation de sa décision, exposer de manière particulièrement convaincante le régime du partage des résultats au sein de cette structure, force est d'observer, au vu de l'annexe à la déclaration 2042, que les bénéfices agricoles à reporter pour la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021 correspondent exactement à ce qui est repris sur l'avis d'imposition de l'intéressé, soit 14 646 euros ;

Que M. [P] ne discute pas vraiment la motivation du premier juge à ce sujet, sauf à indiquer que le prélèvement constitue sa rémunération réelle, le bénéfice imposable n'étant que virtuel, seul un revenu de 1 700 euros par mois devant ainsi être retenu ;

Qu'il sera rappelé que les allocations familiales n'ont pas à être prises en considération dans l'appréciation de la prestation compensatoire, s'agissant de sommes qui n'ont pas d'autre vocation que d'être affectées au seuls besoins des enfants ;

Qu'au titre de ses charges mensuelles, M. [P] évoque le loyer de sa fille [G], étudiante à [Localité 5], pour un montant de 160 euros, des frais de transport et de restauration de son fils [I] pour les montants respectifs de 57 et 7,80 euros, des taxes foncières pour un total de 87,50 euros, le règlement des factures énergétiques (eau, électricité) pour un total de 137,03 euros, la taxe d'assainissement (2 euros), la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (20,25 euros), les frais de véhicule de [G] ainsi que l'argent de poche des deux enfants, le coût de leur loisirs, les abonnements de téléphonie/internet pour 61 euros, les assurances (habitation, véhicules, accident, santé) pour 213 euros, enfin un cotisation bancaire de 8 euros et une cotisation retraite de 20 euros ;

- 10 -

Que si Mme [S] soulève le fait que M. [P] ne justifie pas des revenus de sa compagne alors qu'un partage des charges courantes devrait être retenu, rien dans le dossier dont dispose la cour ne permet de retenir un concubinage entre le mari et Mme [C], une relation même intime entre ces personnes ne caractérisant pas forcément une cohabitation au domicile du mari, ce que Mme [S] doit démontrer mais qu'elle n'établit pas, aucun partage des charges de M. [P] n'étant de la sorte justifié ;

Que Mme [S] a exposé devant le premier juge, sans être contredite sur ce point, qu'elle travaillait dans la grande distribution et a démissionné pour suivre son époux à [Localité 3] lorsqu'il a repris l'exploitation agricole de ses parents ;

Que l'intéressé est pourtant salariée du magasin Champion de [Localité 6] depuis le 15 mai 2000, son revenu professionnel étant de 1 561,83 euros par mois d'après sa déclaration sur l'honneur du 28 avril 2021, outre une prime d'activité de 152,37 euros ;

Que ses charges mensuelles correspondent au loyer de 458,91 euros (pour le règlement duquel elle bénéficie d'une APL de 52 euros par mois), au règlement des assurances habitation et véhicule (12,47 + 53,39 euros), aux pensions alimentaires qu'elle verse au père de ses enfants pour leur entretien (260 euros), au règlement des factures énergétiques (eau, électricité pour un montant total de 59,94 euros), à la complémentaire santé de 67,42 euros, aux abonnements de téléphonie/internet (34,99 euros), enfin à une cotisation bancaire de 7,62 euros, la taxe d'habitation qui ne correspond de fait qu'à la redevance audiovisuelle n'ayant par définition plus court ;

Que le patrimoine commun des époux [P]-[S] correspond à l'immeuble ayant servi de domicile conjugal et que M. [P] occupe, bien évalué selon l'attestation sur l'honneur de ce dernier à 160 000 euros, outre les terres agricoles estimées à 44 200 euros, ainsi qu'un véhicule Peugeot 308 évalué à 6 800 euros, bien relevant aussi de l'actif de communauté comme les 656 parts sociales sur 5 736 détenues par M. [P] dans le GAEC, l'intéressé en détenant selon son attestation sur l'honneur 2 212 autres mais alors à titre de propres ;

Que M. [P] fait encore état de ce que le terrain de 2 500 m² sur lequel l'immeuble d'habitation familiale a été élevé relève aussi de l'actif de communauté en ce que ce bien a certes été l'objet d'une donation en 2002 de ses parents mais avec précision dans l'acte notarié de ce que le terrain ferait partie de la communauté existant entre Mme [W] [S] et M. [V] [P], ce que ce dernier, donataire, a expressément accepté et que la cour considère comme une disposition favorable à l'épouse qui au demeurant n'en fait aucun commentaire dans ses conclusions ;

Que M. [P] fait aussi état comme biens propres d'un véhicule Clio 2 estimé à 500 euros et des avoirs bancaires suivants :

* LDD : 302 euros,

* Livret A : 891 euros,

* Livret d'épargne populaire : 7 700 euros,

* compte courant : 1 173 euros,

* Prédissime 9 : 948 euros,

* PER (retraite) : 5 281,50 euros (par définition, ces fonds ne seront disponibles en capital ou rente qu'au jour où l'intéressé prendra sa retraite) ;

- 11 -

Que M. [P] ne développe aucune précision sur des droits futurs à la retraite, Mme [S] précisant seulement qu'elle a mis entre parenthèses sa carrière professionnelle pour s'occuper des enfants en 2003 et en 2007, ce qui ne signifie pas, sans autre donnée justificative, que cet état de fait lui aurait été imposé ou que les époux n'en auraient pas décidé ainsi de concert ;

Que M. [P] réfute catégoriquement, attestation de son frère à l'appui, toute participation de Mme [S] aux travaux de l'exploitation agricole, ce que deux simples photographies la montrant assise sur un tracteur manifestement à l'arrêt ou à proximité de veaux ne permettent nullement de contredire ;

Que la disparité dans les conditions respectives de vie des époux que le premier juge a retenue au détriment de Mme [S] ne peut résulter de la comparaison des situations pécuniaires actuelles des parties telles que développées ci-dessus, aucune disparité ne ressortant du partage à venir de la communauté qui réunit l'essentiel des biens du couple, la disparité au titre des patrimoines propres, mise en évidence du chef des quelques liquidités et avoirs financiers détenus par le mari pour un montant approximatif de 16 000 euros et des 2 212 parts sociales du GAEC par le biais duquel M. [P] exploite avec son frère l'entreprise agricole reçue de leurs parents, devant être tenue comme compensée par l'apport en communauté du terrain sur lequel a été édifié l'immeuble commun ayant servi de résidence au couple, les parts en question n'étant pas estimées, précision étant encore ajoutée qu'il n'est pas démontré que cette seule disparité soit une conséquence directe de la rupture du mariage ;

Qu'en conclusion, le principe de la prestation compensatoire ne se justifie pas en l'occurrence et Mme [S] sera déboutée de sa demande à ce titre, la décision querellée étant sur ce point infirmée ;

- Sur les mesures relatives aux enfants :

Attendu que M. [P] n'est pas appelant des dispositions relatives aux mesures prises par le premier juge dans l'intérêt des deux enfants [G] et [I], Mme [S] n'étant pas appelante incidente ;

Qu'il s'ensuit que la cour n'a pas à confirmer de ces chefs le jugement entrepris puisqu'elle n'en est pas saisie, faute d'effet dévolutif ;

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel, le jugement déféré étant sur cette question confirmé en ce qu'il met à la charge de M. [P] les entiers dépens de première instance, le divorce à ses torts exclusifs étant confirmé aux termes du présent arrêt ;

Qu'aucune considération d'équité ne justifie le principe d'une indemnité de procédure au profit de M. [P], que ce soit devant la cour ou en première instance, la décision dont appel étant aussi confirmée à ce titre et l'appelant débouté de sa prétention indemnitaire connexe à hauteur de cour ;

- 12 -

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle condamnant M. [V] [P] à verser à Mme [W] [S] une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 25 000 euros .

Prononçant à nouveau de ce seul chef,

- Déboute Mme [W] [S] de sa demande de prestation compensatoire ;

- Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel ;

- Déboute M. [V] [P] de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur de cour ;

- Dit n'y avoir lieu à application en la cause des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre sect.famille
Numéro d'arrêt : 22/01146
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;22.01146 ?
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