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20/01/2023 | FRANCE | N°22/00568

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre sect.famille, 20 janvier 2023, 22/00568


N° RG : 22/00568

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FERD



ARRÊT N°

du : 20 janvier 2023









B. P.

















Mme [F] [T]

épouse [UJ]



Mme [S] [T]



C/



Mme [Z]

[T]





















Formule exécutoire le :



à :

Me Mélanie Caulier-Richard

Me Catherine Liégeois













COU

R D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II



ARRÊT DU 20 JANVIER 2023





APPELANTES :

d'un jugement rendu le 21 février 2022 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières (RG 19/01981)



1°] - Mme [F] [T] épouse [UJ]

[Adresse 16]

[Localité 2]



2°] - Madame [S] [T]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Comparant et concluant par Me M...

N° RG : 22/00568

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FERD

ARRÊT N°

du : 20 janvier 2023

B. P.

Mme [F] [T]

épouse [UJ]

Mme [S] [T]

C/

Mme [Z]

[T]

Formule exécutoire le :

à :

Me Mélanie Caulier-Richard

Me Catherine Liégeois

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

APPELANTES :

d'un jugement rendu le 21 février 2022 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières (RG 19/01981)

1°] - Mme [F] [T] épouse [UJ]

[Adresse 16]

[Localité 2]

2°] - Madame [S] [T]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Comparant et concluant par Me Mélanie Caulier-Richard, membre de la SCP Delvincourt - Caulier-Richard - Castello avocats associés, avocat postulant au barreau de Reims, et par Me Ahmed Harir, membre de la SELARL Ahmed Harir, avocat au barreau des Ardennes

INTIMÉE :

Mme [Z] [T]

[Adresse 7]

[Localité 24]

Comparant et concluant par Me Catherine Liégeois, membre de la SCP Liégeois, avocat au barreau des Ardennes

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pety, président de chambre

Mme Lefèvre, conseiller

Mme Magnard, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

À l'audience publique du 1er décembre 2022, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

- 2 -

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Mme [R] [EB] est décédée le 27 mars 1984. Son époux, M. [A] [T], est décédé le 11 janvier 2016.

Ils laissent pour leur succéder :

- Mme [F] [T] épouse [UJ],

- Mme [Z] [T] et

- Mme [S] [T].

Par acte d'huissier du 22 octobre 2019, Mmes [F] [UJ] et [S] [T] ont fait assigner Mme [Z] [T] devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières aux fins d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté [T]-[EB] ainsi que des successions de chaque parent. Elles sollicitaient également de la juridiction qu'elle :

- ordonne l'attribution préférentielle indivise à leur profit des biens suivants :

* commune de [Localité 29] :

1. Un ancien corps de ferme, sis au «[Localité 32]» comprenant une maison d'habitation, un ancien fournil en appentis avec four à pain, un garage et un atelier, d'anciennes écuries, un bâtiment de construction 1989, ensemble cadastré section AB lieudit «[Localité 32]», n° [Cadastre 13] pour 39 a 26 ca, n° [Cadastre 14] pour 2 a 42 ca, n°[Cadastre 19] pour 20 a 07 ca, n°[Cadastre 20] pour 37 a 71 ca et n°[Cadastre 15] pour 13 a 91 ca, d'une valeur de 95 000 euros,

2. Une parcelle située face à la maison, avec bassin en eau d'environ 5 ares, en nature de pré et verger, cadastrée section AB, lieudit «[Localité 32]» n°[Cadastre 8] pour 51 a 42 ca et n°[Cadastre 9] pour 49 et 69 ca, d'une valeur de 5 500 euros,

* commune [Localité 29] et commune de [Localité 30] :

3. Une parcelle agricole en nature de pâture et terre, d'une contenance totale de 20 ha 27 a 23 ca, attenante au lot n°1 et d'une valeur globale de 110 160 euros,

* commune de [Localité 29] :

4. Un parcelle en nature de terre cadastrée section ZS n°[Cadastre 21] , «[Localité 42]», pour 1 ha 21 a 13 ca d'une valeur de 7 270 euros,

5. Une parcelle de pré, en bord de ruisseau cadastrée section ZS n°[Cadastre 10], «[Localité 35]», pour 64 a 38 ca d'une valeur de 1 600 euros,

6. Une parcelle de pré, cadastrée section ZW n°[Cadastre 6], «[Localité 37]» pour 8 ha 7 a 37 ca d'une valeur de 38 700 euros,

* commune de [Localité 29] :

7. La moitié indivise d'une parcelle cadastrée section ZP n°[Cadastre 18], «[Localité 33]», d'une contenance totale de 23 a 10 ca d'une valeur de 180 euros,

- 3 -

8. Une parcelle cadastrée section ZV n°[Cadastre 25], lieudit «[Localité 26]», d'une contenance de 17 a et d'une valeur de 260 euros

9. Une parcelle cadastrée section ZS n°[Cadastre 13], lieudit «[Localité 27]», pour 7 a 60 ca d'une valeur de 120 euros,

* commune de [Localité 30] :

10°. La moitié indivise d'une parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 23], lieudit «[Adresse 34]» pour 24 a 40 ca d'une valeur de 370 euros,

soit une valeur totale de 259 210 euros, à charge de soulte s'il y a lieu, compte tenu des liquidités successorales,

- commettre pour procéder à ces opérations Me [LV] [K] [X], notaire associé à [Adresse 41],

- condamner Mme [Z] [T] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en outre aux entiers dépens,

- débouter Mme [Z] [T] de toutes demandes plus amples ou contraires.

Mme [Z] [T] demandait à la juridiction de première instance de :

- dire que les demanderesses n'ont accompli aucune diligence pour parvenir à un partage amiable,

- en conséquence, déclarer irrecevable l'assignation qui lui a été délivrée,

- subsidiairement, si le tribunal considérait l'assignation recevable, ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté et des successions des époux [T]-[EB],

- désigner pour y procéder tel notaire avec mission d'évaluer les biens immeubles dépendant de la succession et d'établir les lots à part égale à partager entre les trois héritiers,

- dire qu'à défaut d'accord sur la répartition des lots, le notaire procédera au tirage au sort des lots,

- débouter Mmes [UJ] et [S] [T] de toutes autres demandes, notamment aux fins d'attribution préférentielle des immeubles indivis,

- condamner Mmes [UJ] et [S] [T] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour attitude abusive ainsi qu'une indemnité de procédure de 2 000 euros, sans préjudice des dépens.

Par jugement du 21 février 2022, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a notamment :

- déclaré recevable l'assignation délivrée le 22 octobre 2019 à Mme [Z] [T] à la requête de Mmes [F] [UJ] et [S] [T],

- ordonné le partage judiciaire de la communauté et des successions réunies de Mme [R] [EB] épouse [T] et de M. [A] [T],

- désigné pour y procéder Me [J], notaire à [Localité 40],

- commis le juge coordonnateur de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières pour suivre les opérations,

- débouté les parties de leurs demandes d'indemnités de procédure,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.

- 4 -

Mmes [F] [UJ] et [S] [T] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 mars 2022, leurs recours portant sur le rejet de leur demande d'indemnité de procédure et le rejet de leurs demandes plus amples ou contraires, notamment celle aux fins d'attribution préférentielle des biens immeubles dépendant des successions réunies de leurs parents pour une valeur globale de 259 210 euros.

Par conclusions n°2 signifiées le 26 octobre 2022, Mmes [F] [UJ] et [S] [T] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté [T]-[EB] et des successions réunies de leurs parents, et désigné Me [J] pour y parvenir. Elles sollicitent l'infirmation pour le surplus et donc de :

- ordonner l'attribution préférentielle à leur profit, par application de l'article 832-3 du code civil, des biens sis à [Localité 29] et à [Localité 30] (1. ancien corps de ferme, 2. parcelle en face de la maison, 3. Parcelle agricole, 4. parcelle en nature de terre, 5. parcelle de pré en bord de ruisseau, 6. parcelle de [Adresse 39], 7. la moitié indivise de la parcelle de bois [Localité 33], 8. parcelle de [Localité 26], 9. la parcelle de [Localité 27], 10. la moitié indivise de la parcelle de bois [Adresse 34], le tout pour une valeur de 259 210 euros,

- commettre Me [U] [J], notaire à [Localité 40],

- condamner Mme [Z] [T] à leur verser une indemnité de procédure de 3 000 euros en première instance, et une autre indemnité du même montant au titre de leurs frais irrépétibles exposés à hauteur de cour,

- condamner Mme [Z] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- débouter Mme [Z] [T] de toutes demandes plus amples ou contraires.

* * * *

Par des écritures signifiées le 17 août 2022, Mme [Z] [T] demande à la juridiction du second degré de :

- débouter Mmes [F] [UJ] et [S] [T] de leur demande d'attribution préférentielle,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- condamner solidairement Mmes [UJ] et [S] [T] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 10 novembre 2022.

Motifs de la décision :

- Sur l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage et la désignation de Me [J] en qualité de notaire-liquidateur :

Attendu que Mmes [F] [UJ] et [S] [T] demandent à la cour de confirmer de ces deux chefs la décision déférée, étant observé que Mme [Z] [T] n'est pas appelante incidente ;

- 5 -

Que la déclaration d'appel régularisée le 4 mars 2022 par Mmes [F] [UJ] et [S] [T] ne portant pas sur les dispositions du jugement querellé ordonnant l'ouverture des opérations en question et la désignation du notaire, la cour n'a pas à se prononcer à ces égards puisqu'elle n'en est pas saisie, faute d'effet dévolutif ;

- Sur la demande d'attribution préférentielle présentée par les appelantes :

Attendu que l'article 831 du code civil dispose en son premier alinéa que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants ;

Que l'article 832-3 du même code précise que l'attribution préférentielle peut être demandée conjointement par plusieurs successibles afin de conserver ensemble le bien indivis.

À défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence.

[---] ;

Attendu qu'il s'évince de ces dispositions que plusieurs conditions doivent être remplies pour qu'il soit fait droit à la demande d'attribution préférentielle facultative de l'article 831 du code civil, à savoir que :

- les biens considérés à attribuer doivent relever d'une entreprise agricole ou partie de celle-ci,

- les demandeurs à l'attribution préférentielle doivent avoir la qualité de copartageants,

- le candidat attributaire doit être copropriétaire en pleine propriété ou en nue-propriété du bien objet de la demande d'attribution préférentielle, et ce au jour de l'ouverture de la succession,

- celui qui demande l'attribution préférentielle d'une entreprise agricole doit participer ou avoir participé effectivement à son exploitation ;

Qu'il n'est en l'espèce aucunement discuté par les parties de ce que les biens dont l'attribution préférentielle est sollicitée relèvent de l'exploitation agricole familiale que leurs parents ont exercée ensemble jusqu'au décès de Mme [R] [EB] le 27 mars 1984, cette exploitation ayant perduré sous l'autorité de M. [A] [T] jusqu'à son départ en retraite, les biens de l'entreprise ayant été donnés à bail à des tiers à compter du 1er mai 1994 ;

Qu'il n'est pas davantage discutable que Mmes [F] [UJ] et [S] [T] ont la qualité de copartageants, en ce qu'elles viennent au partage des successions parentales confondues en qualité d'héritières, leur qualité de copropriétaires indivis au jour de l'ouverture des successions parentales n'étant pas contestable ni contestée ;

Que Mme [Z] [T] conteste à ses soeurs leur qualité de participantes effectives à l'exploitation de l'entreprise agricole, considérant que les attestations communiquées par ces dernières devant la cour ont été établies pour les besoins de la cause, le doute sur la participation de sa soeur [S] au travail de la ferme étant selon elle largement permis compte tenu de son âge ;

- 6 -

Que s'il est exact que toutes les attestations transmises par les parties appelantes (pièces n°18 à 26) ont été établies au cours du mois de mars 2022, soit postérieurement au prononcé du jugement déféré, leur nombre et leur contenu permettent de tenir pour acquise la réalité d'une participation effective d'[F] [UJ] et de [S] [T] aux travaux de l'exploitation agricole familiale, les témoins se prononçant par écrit dans les termes qui suivent :

- M. [A] [I] (clerc de notaire retraité) : «Après le décès de Mme [T], en 1984, [S] et [F] [T], ses filles, ont effectué les différentes tâches agricoles, à côté de leur père [A] [T] à [Localité 32], pendant leurs moments libres, entre les études et l'activité salariale. Traite des vaches matin et soir, fourrage aux bêtes et moisson. Et ça, jusqu'au départ en retraite de leur père en 1994. Elles ont aussi participé et assisté aux différentes tâches administratives»,

- Mme [NM] [V] (collègue au Carrefour et amie) : «J'atteste sur l'honneur que Mme [T] [F] ([UJ]) s'est couvent rendue disponible pour aider son père, [T] [A]. Elle arrangeait ses horaires en conséquence pour l'aider aux champs et pour la traite dans la mesure du possible et malgré la distance»,

- Mme [N] [L] (secrétaire de direction à la retraite) : «En août 1991, j'ai rendu visite à mon cousin germain, [A] [T], à la ferme de [Localité 32], ainsi qu'à ses parents âgés (oncle [G] et tante [P]). J'ai constaté avec surprise et beaucoup de plaisir que mes petites cousines [F] et [S] étaient très impliquées dans la ferme : participer à la moisson, emmener le bétail dans les prairies, la traite des vaches, s'occuper des animaux de basse-cour, cochons, etc. En mai 1994, après le décès de mon oncle, j'y suis retournée. Mon cousin [A] m'annonçait qu'il allait prendre sa retraite»,

- M. [H] [O] (retraité de l'agriculture) : «Dans les années 1980, j'ai vu [F] et [S] [T] travailler sur la ferme familiale au [Localité 32]. Après le décès de leur mère en mars 1984, elles ont participé aux travaux de la ferme pour aider leur père jusqu'à sa retraite»,

- M. [C] [H] (retraité) : «Je soussigné, [C] [H], atteste avoir vu [F] et [S] [T] faire les différentes tâches de la ferme pendant les fenaisons, la moisson et la traite après le décès de leur mère en 1984 jusqu'en 1994»,

-M. [W] [M] (VRP) : «J'ai assisté à plusieurs reprises, [F] et [S] à faire différentes tâches dans la ferme de leur père [A] [T] de [Localité 32] jusqu'à la retraite de celui-ci. Vu à chaque visite sur les lieux dans la maison familiale de [Localité 36], en tant que voisin»,

- Mme [VK] [B] (conseillère administrative et comptable) : "Mme [F] [T] épouse [UJ] travaillait avec moi au service comptabilité à Carrefour [Localité 28]. [F] retournait chaque fin de semaine à [Localité 32] chez son père à la ferme pour l'aider. Entre l'année fin 1989 et début 1994, je me suis rendue plusieurs fois chez son père à [Localité 32]. J'ai pu voir [F] soigner les vaches, les traire. De même qu'elle posait des vacances d'été pour aider à faire les foins»,

- 7 -

- Mme [E] [Y] (retraitée agricole) : «Habitante du même village et voisine de ces parcelles, je reconnais avoir vu personnellement les enfants de

M. [A] [T] aider aux travaux des champs et soins aux animaux sur son exploitation. Notamment après le décès de son épouse où il se trouvait seul à les élever. Ce cas était le même dans toutes les petites exploitations agricoles car il n'était pas possible de prendre de la main d'oeuvre. La famille c'est le pilier de soutien, d'éducation où l'on grandit humblement et dignement»,

- M. [D] [EB] (oncle) : «Jusqu'en 2012, j'ai toujours habité au [Localité 31] commune de [Localité 29] 08 à 2 km du [Localité 32]. Etant facteur à la Poste de [Localité 3], je desservais le [Localité 32] où habitaient mes nièces. C'est là que j'ai constaté que mes nièces [F] et [S] [T] aidaient leur père M. [A] [T] aux travaux agricoles jusqu'à sa retraite» ;

Que les propos de ces témoins sont pour le moins concordants sur l'aide régulière que les appelantes ont apportée à leur père dans l'exploitation de l'entreprise agricole après le décès de leur mère et jusqu'à la retraite de M. [T] ;

Que Mme [F] [T] épouse [UJ] était âgée de 19 ans au décès de sa mère et Mme [S] [T] de 7 ans, ce qui est effectivement très jeune pour participer aux travaux de la ferme ;

Que la cour observe cependant que les propos tenus par les témoins désignés ci-dessus n'imposent pas de considérer que [S] [T] ait forcément apporté une aide décisive à son père dès le décès de Mme [EB] épouse [T], la période au cours de laquelle elle a pu être observée à la ferme parentale par des tiers s'étendant sur dix ans de sorte qu'il n'est pas inconcevable qu'elle ait participé de façon effective à ladite exploitation agricole de son père lorsqu'elle avait pris de l'âge, ayant 17 ans lorsque son père a fait valoir ses droits à la retraite, le travail des mineurs dans une exploitation agricole familiale n'étant pas une chose à ce point rare qu'il faille obligatoirement mettre en doute les propos des témoins ;

Qu'il est donc utilement démontré que les parties appelantes ont participé activement aux tâches de l'exploitation agricole de leur père de sorte que la condition de l'article 831 du code civil doit à ce sujet être tenue pour remplie ;

Qu'en définitive, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, il sera fait droit à la demande d'attribution préférentielle indivise présentée par Mmes [F] [UJ] et [S] [T], moyennant le versement d'une soulte au profit de Mme [Z] [T], les liquidités présentes à l'actif des successions à partager, soit 93 547,92 euros au Crédit Agricole, montant non contesté par la partie intimée, garantissant le versement de cette soulte, les biens immobiliers bâtis et non bâtis étant évalués à la somme totale de 259 210 euros selon l'estimation la plus haute ;

Qu'il sera précisé que la circonstance que ces biens soient à ce jour l'objet de baux ruraux au profit de tiers n'est pas en soi un obstacle à l'attribution préférentielle décidée par la cour, laquelle constitue une modalité particulière du partage ;

Que la décision dont appel sera en cela infirmée ;

- 8 -

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à la charge exclusive de Mme [Z] [T] les entiers dépens d'appel comme ceux de première instance, la décision déférée étant à ce titre réformée ;

Que l'équité commande d'arrêter en faveur de Mmes [F] [UJ] et [S] [T] une indemnité de procédure de 1 500 euros à hauteur de cour ainsi qu'une indemnité de 1 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en première instance, le jugement déféré étant aussi réformé de ce chef ;

Que Mme [Z] [T], débitrice de ces sommes, sera déboutée de toutes ses prétentions indemnitaires exprimées au visa de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement dont appel étant sur cette question confirmé ;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans la limite de l'appel,

- Infirme le jugement déféré en ses dispositions ayant rejeté la demande d'attribution préférentielle de Mmes [F] [T] épouse [UJ] et [S] [T], leur demande d'indemnité de procédure et ayant statué sur les dépens ;

Statuant à nouveau de ces trois chefs,

- Prononce l'attribution préférentielle indivise au profit de Mmes [F] [T] épouse [UJ] et [S] [T], moyennant le versement d'une soulte à Mme [Z] [T], des biens suivants :

* commune de [Localité 29] :

1. Un ancien corps de ferme, sis au [Localité 32] comprenant une maison d'habitation, un ancien fournil en appentis avec four à pain, un garage et un atelier, d'anciennes écuries, un bâtiment de construction 1989, ensemble cadastré section AB lieudit «[Localité 32]», n° [Cadastre 13] pour 39 a 26 ca, n° [Cadastre 14] pour 2 a 42 ca, n°[Cadastre 19] pour 20 a 07 ca, n°[Cadastre 20] pour 37 a 71 ca et n°[Cadastre 15] pour 13 a 91 ca, d'une valeur de 95000 euros,

2. Une parcelle située face à la maison, avec bassin en eau d'environ 5 ares, en nature de pré et verger, cadastrée section AB, lieudit «[Localité 32]» n°[Cadastre 8] pour 51 a 42 ca et n°[Cadastre 9] pour 49 et 69 ca, d'une valeur de 5 500 euros,

* commune de [Localité 29] et commune de [Localité 30] :

3. Une parcelle agricole en nature de pâture et terre, d'une contenance totale de 20 ha 27 a 23 ca, attenante au lot n°1 et d'une valeur globale de 110 160 euros, ainsi cadastrée :

- sur [Localité 29] :

. section AB n°[Cadastre 11] «[Localité 32]» pour 56 a 38 ca,

- 9 -

. section AB n° [Cadastre 12] «[Localité 38]» pour 49 a 35 ca,

. section AB n° [Cadastre 17] «[Localité 32]» pour 35 a 61 ca,

. section ZW n° [Cadastre 1] «[Localité 38]» pour 6 ha 81 a 06 ca,

. section ZW n° [Cadastre 13] «[Localité 38]» pour 9 ha 89 a 27 ca,

- sur [Localité 30] :

. section C n°[Cadastre 22] «Le différend» pour 2 ha 15 a 56 ca,

* commune de [Localité 29] :

4. Un parcelle en nature de terre cadastrée section ZS n°[Cadastre 21] , «[Localité 42]», pour 1 ha 21 a 13 ca d'une valeur de 7 270 euros,

5. Une parcelle de pré, en bord de ruisseau cadastrée section ZS n°[Cadastre 10], «[Localité 35]», pour 64 a 38 ca d'une valeur de 1 600 euros,

6. Une parcelle de pré, cadastrée section ZW n°[Cadastre 6], «[Localité 37]» pour 8 ha 7 a 37 ca d'une valeur de 38 700 euros,

* commune de [Localité 29] :

7. La moitié indivise d'une parcelle cadastrée section ZP n°[Cadastre 18], «[Localité 33]», d'une contenance totale de 23 a 10 ca d'une valeur de 180 euros,

8. Une parcelle cadastrée section ZV n°[Cadastre 25], lieudit «[Localité 26]», d'une contenance de 17 a et d'une valeur de 260 euros

9. Une parcelle cadastrée section ZS n°[Cadastre 13], lieudit «[Localité 27]», pour 7 a 60 ca d'une valeur de 120 euros,

* commune de [Localité 30] :

10. La moitié indivise d'une parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 23], lieudit «[Adresse 34]» pour 24 a 40 ca d'une valeur de 370 euros ;

- Condamne Mme [Z] [T] aux entiers dépens d'appel comme de première instance, ainsi qu'à verser à Mmes [F] [T] épouse [UJ] et [S] [T] une indemnité de procédure globale de 1 000 euros en première instance ainsi qu'une indemnité pour frais irrépétibles globale à hauteur de cour de 1 500 euros ;

- Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [Z] [T] de sa demande indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute également de sa prétention indemnitaire sur ce même fondement juridique en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre sect.famille
Numéro d'arrêt : 22/00568
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;22.00568 ?
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