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01/07/2022 | FRANCE | N°21/01639

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre sect.famille, 01 juillet 2022, 21/01639


N° RG : 21/01639

N° Portalis :

DBVQ-V-B7F-FBR5



ARRÊT N°

du : 1er juillet 2022









B. P.

















M. [M] [I]



C/



Mme [Y]

[P]





















Formule exécutoire le :





à :

Me Didier Lemoult

Me Bruno Choffrut















COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE

- SECTION II



ARRÊT DU 1ER JUILLET 2022





APPELANT :

d'un jugement rendu le 7 juillet 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne (RG 14/02262)



M. [M] [I]

[Adresse 21]

[Localité 32]



Comparant et concluant par Me Didier Lemoult, membre de la SCP LR avocats & associés, avocat au barreau de ...

N° RG : 21/01639

N° Portalis :

DBVQ-V-B7F-FBR5

ARRÊT N°

du : 1er juillet 2022

B. P.

M. [M] [I]

C/

Mme [Y]

[P]

Formule exécutoire le :

à :

Me Didier Lemoult

Me Bruno Choffrut

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II

ARRÊT DU 1ER JUILLET 2022

APPELANT :

d'un jugement rendu le 7 juillet 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne (RG 14/02262)

M. [M] [I]

[Adresse 21]

[Localité 32]

Comparant et concluant par Me Didier Lemoult, membre de la SCP LR avocats & associés, avocat au barreau de l'Aube

INTIMÉE :

Mme [Y] [P]

[Adresse 13]

[Localité 24]

Comparant et concluant par Me Bruno Choffrut, membre de la SELARL Le CAB avocats, avocat au barreau de Reims

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pety, président de chambre

Mme Lefèvre, conseiller

Mme Magnard, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

À l'audience publique du 2 juin 2022, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er juillet 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

M. [M] [I] et Mme [Y] [P] ont contracté mariage le 4 septembre 1971 par devant l'officier d'état civil de [Localité 24] (51), sans contrat préalable. Trois enfants aujourd'hui majeurs sont issus de leur union.

- 2 -

Par jugement du 19 avril 2007, confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de cette cour en date du 16 octobre 2008, le juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a notamment :

- prononcé le divorce des époux [I]-[P] aux torts exclusifs de l'époux,

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,

- désigné le vice-président de la chambre interdépartementale des notaires près la cour de Reims ou son délégataire pour procéder à la liquidation des droits des ex-époux,

- dit qu'à titre de prestation compensatoire, M. [I] devrait payer à Mme [P] la somme de 100 000 euros sous forme de capital,

- condamné M. [I] à payer à Mme [P] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts (article 1382 du code civil),

- condamné M. [I] à verser à Mme [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] aux dépens, les frais d'expertise étant partagés par moitié.

Me [C] [F], notaire à [Localité 31], a été désigné pour procéder à la liquidation. Il a établi le 20 septembre 2013 un procès-verbal de difficultés.

Le juge-commissaire a constaté le 4 décembre 2014 l'absence de conciliation des parties et autorisé celles-ci à poursuivre l'instance liquidative en renvoyant la cause devant le juge de la mise en état.

Par ordonnance du 3 février 2016, le juge de la mise en état a notamment condamné M. [I] à verser à Mme [P] la somme de 36 125,33 euros à titre d'avance en capital sur ses droits en qualité d'indivisaire dans le partage à intervenir, au titre des bénéfices nets tirés des biens constituant l'indivision post-communautaire pour la période du 1er janvier 2000 au 31 août 2015, outre 1 128,92 euros par mois à compter du 1er septembre 2015 au titre de la répartition provisionnelle des bénéfices de cette indivision, et ce sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.

Par jugement du 17 mai 2017, le juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a notamment :

- renvoyé les parties devant Me [F] pour que soient achevées les opérations de comptes, liquidation et partage et dit que cet officier ministériel devrait apporter au projet d'acte liquidatif les modifications suivantes :

* supprimer du compte d'administration post-communautaire la somme de 29 339,71 euros déduite des sommes dues par M. [I] au titre des frais exposés pour l'immeuble de [Localité 30],

* supprimer du même compte d'administration la somme de 28 262 euros déduite des sommes dues par M. [I] au titre des dépenses exposées pour les travaux dans les locations,

* chiffrer à 396 784 euros le montant des revenus encaissés par M. [I] pour le compte de l'indivision post-communautaire pour la période de juillet 2001 au 31 décembre 2012,

* ajouter aux sommes dues par M. [I] dans le compte d'administration les intérêts au taux légal à calculer par année sur les loyers perçus par celui-ci sur les immeubles communs à partir du 5 juillet 2011,

- 3 -

* supprimer du compte d'administration post-communautaire la somme de 7 563,19 euros pour les dépenses déduites des sommes dues par M. [I] au titre des frais de la SCI JAMAF,

* attribuer à M. [I] le véhicule Mercedes et le camping-car,

- rejeté toutes les autres prétentions et contestations des parties, à l'exception de celles relatives à la valeur des biens immobiliers, la valeur de l'entreprise de maçonnerie et la somme due à M. [I] au titre de la gestion de l'entreprise, prétentions sur lesquelles il est sursis à statuer,

Avant dire droit,

- désigné en qualité d'expert Mme [X] [N]-[K], cabinet Canonne & Nebout à [Localité 35], avec pour mission de :

* donner son avis sur la valeur au 30 juin 2004 de l'entreprise de menuiserie-maçonnerie qu'exploitait M. [I] à [Localité 24] jusqu'à cette date,

* donner son avis sur la rémunération due à M. [I] en qualité de gérant de cette entreprise au titre du compte d'administration pour la période post-communautaire,

* exposer la méthode d'évaluation retenue,

- désigné par ailleurs en qualité d'expert M. [B] [W], avec notamment pour mission de :

* se faire remettre et prendre connaissance du rapport d'évaluation établi le 30 novembre 2015 par Me [E],

* se rendre sur place et visiter les biens immobiliers suivants :

+ immeuble situé au [Adresse 23] à [Localité 24] (51), cadastré section AE, n°[Cadastre 1], lieu-dit «[Localité 33]», pour une contenance de 55 ca,

+ terrain situé à [Localité 24], cadastré section AE, lieu-dit «[Localité 33]», n°[Cadastre 10] pour 29 a 60 ca et n°[Cadastre 2] pour 7 a 74 ca,

+ immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 28] (51), cadastré section AE, lieu-dit «[Localité 33]», n°[Cadastre 12] pour une contenance de 1 a 37 ca et n°[Cadastre 11] pour contenance de 17 ca,

+ terrain situé à [Localité 32] (51), cadastré section AB, n°[Cadastre 26], lieu-dit «[Localité 33]», pour une contenance de 3 a 55 ca,

+ immeuble situé aux [Adresse 5] à [Localité 29] (02), cadastré section AD, n°[Cadastre 22], lieu-dit «[Adresse 6]»,

+ studio et garage constituant les lots n°19 et 11 de la copropriété de l'ensemble immobilier dénommé «[Localité 34]», situés à [Localité 30] (74), cadastrés lieu-dit «[Localité 27]», section A, n°[Cadastre 16], [Cadastre 15], [Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 17], [Cadastre 18] et [Cadastre 19] pour une contenance d'un seul tenant de 37 a 23 ca,

+ immeuble situé au [Adresse 8] à [Localité 29] (02), appartenant à la SCI JAMAF,

* donner son avis sur la valeur de ces biens immobiliers et la valeur des parts de la SCI JAMAF, d'une part, en valeur libre d'occupation et, d'autre part, en valeur occupée, au jour le plus proche du partage,

* exposer la méthode d'évaluation retenue,

- réservé les dépens et les frais irrépétibles et renvoyé la cause à une audience ultérieure.

- 4 -

Par arrêt du 14 septembre 2018, la cour de Reims a réformé le précédent jugement sur les seules dispositions suivantes :

- dit que le prix de vente des titres CAECL et OAT sera retenu pour 8 720,54 euros générant au profit de M. [I] une récompense à due concurrence,

- fait injonction à M. [I] de produire devant le notaire la déclaration de revenus fonciers au titre de l'année 2004,

- dit que M. [I] est tenu envers Mme [P] d'une somme de 580 euros correspondant à un dégrèvement de taxe foncière 2004 encaissé par lui et relatif à un immeuble propre à celle-ci,

- rejeté toute autre demande,

- confirmé le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

- dit que les dépens de la procédure d'appel seraient employés en frais de liquidation-partage.

Par ordonnance du 29 mai 2017, le magistrat chargé du contrôle des expertises à désigné M. [T] [A] aux lieu et place de Mme [N]-[K].

Par ordonnance du 14 mars 2019, le juge de la mise en état a débouté Mme [P] de ses demandes tendant à être autorisée à vendre seule les immeubles situés à [Localité 30], [Localité 28] et [Localité 24].

M. [A] a déposé son rapport d'expertise le 17 février 2020.

À l'issue de ce dépôt, Mme [P] a demandé au juge aux affaires familiales de :

- renvoyer les parties devant Me [F] pour que soient achevées les opérations de comptes, liquidation et partage,

- fixer la valeur des biens immobiliers à la valeur actualisée d'un coefficient de 1,3 par rapport à l'estimation faite par Me [E],

- attribuer l'entreprise de menuiserie-maçonnerie à M. [I] pour la valeur de 80 000 euros,

- débouter M. [I] de sa demande de rémunération pour la gestion de l'entreprise,

- l'autoriser à procéder seule à la vente des trois immeubles de [Localité 30], [Localité 28] et [Localité 24] aux prix respectifs de 110 000, 130 000 et 50 000 euros,

- condamner M. [I] à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

M. [I] n'a pas conclu à nouveau suite au dépôt du rapport d'expertise de M. [A].

Mme [J] [dont on présume qu'elle a succédé à M. [W]] a déposé son rapport en l'état le 4 janvier 2021.

Par jugement du 7 juillet 2021, le juge aux affaires familiales au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a notamment :

- renvoyé les parties devant Me [F], notaire à [Localité 31], pour que soient achevées les opérations de comptes, liquidation et partage,

- déclaré irrecevable la demande de Mme [P] aux fins de déterminer la valeur de l'entreprise commune à la date du 6 juillet 2001,

- 5 -

- rappelé que la date retenue en vue de la détermination de la valeur de cette entreprise a été fixée au 30 juin 2004, date de la cessation d'activité de l'entreprise,

- débouté Mme [P] de sa demande tendant à fixer la valeur de cette entreprise à la somme de 80 000 euros,

- fixé la valeur de ladite entreprise dépendant de l'actif commun à la somme de 20 152 euros,

- dit que M. [I] n'aura droit à aucune rémunération au titre de la gestion de cette entreprise,

- fixé la valeur des biens immobiliers comme suit :

* immeuble du [Adresse 7] à [Localité 24], cadastré section AE n°[Cadastre 1], lieu-dit «[Localité 33]», pour une contenance de 1 a 55 ca : 59 455,50 euros,

* terrain de [Localité 24], cadastré section AE, lieu-dit «[Localité 33]», n°[Cadastre 10] pour 29 a 60 ca et n°[Cadastre 2] pour 7 a 74 ca : 11 099,40 euros,

* immeuble de [Localité 28], cadastré section AE, lieu-dit «[Localité 33]», n° [Cadastre 25] pour une contenance de 1 a 37 ca et n°[Cadastre 11] pour une contenance de 17 ca : 148 638 euros,

* terrain de [Localité 32], cadastré section AB n°[Cadastre 26], lieudit «[Localité 33]», pour une contenance de 3 a 55 ca : 7 035,50 euros,

* immeuble de [Localité 29], [Adresse 4], cadastré section AD, n°[Cadastre 22], lieu-dit «[Adresse 6]», et immeuble du [Adresse 8], appartenant à la SCI JAMAF : 351 000 euros,

* studio et garage n°19 et 11 à [Localité 30], cadastrés lieu-dit «[Localité 27]», section A, sous les numéros [Cadastre 16], [Cadastre 15], [Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 17], [Cadastre 18] et [Cadastre 19] pour une contenance totale d'un seul tenant de 37 a 23 ca : 84 500 euros,

- fixé la valeur des parts sociales de la SCI JAMAF à la somme de 98 000 euros,

- autorisé Mme [P] à vendre seule les biens immobiliers suivants :

* immeuble du [Adresse 7] à [Localité 24] : prix minimum de 50 000 euros,

* immeuble du [Adresse 3] à [Localité 28] : prix minimum de 130 000 euros,

* studio et garage de [Localité 30] : prix minimum de 84 500 euros,

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes respectives formées au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

- condamné Mme [P] au paiement des frais d'expertise comptable confiée à M. [A],

- condamné M. [I] au paiement des frais d'expertise immobilière confiée à Mme [J].

M. [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 août 2021, son recours portant sur les dispositions de la décision entreprise fixant la valeur de l'entreprise de menuiserie-maçonnerie dépendant de l'actif commun à la somme de 20 152 euros, disant qu'il n'aurait droit à aucune rémunération au titre de la gestion de l'entreprise en question, enfin fixant à 11 099,40 euros la valeur du terrain situé à [Localité 24], cadastré section AE, lieu-dit «[Localité 33]», n°[Cadastre 10] pour 29 a 60 ca et n°[Cadastre 2] pour 7 a 74 ca.

- 6 -

En l'état de ses écritures signifiées le 17 novembre 2021, M. [I] demande par voie d'infirmation à la cour de :

- fixer la valeur de son entreprise de menuiserie-maçonnerie à la somme de 16 230 euros,

- fixer sa rémunération au titre de la gestion de cette entreprise à 60 000 euros,

- fixer la valeur du bien immobilier, terrain situé à [Localité 24], cadastré section AE, lieu-dit «[Localité 33]», n°[Cadastre 9] pour 29 a 60 ca, et n°[Cadastre 2] pour 7 a 74 ca à la somme de 63 000 euros,

- dire n'y a voir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les parties supporteront chacune leurs propres dépens d'appel.

Au soutien de ses demandes, l'appelant fait valoir que :

1. L'entreprise de menuiserie-maçonnerie qu'il a exploitée a cessé son activité en juin 2004 avec un résultat négatif de 21 664 euros. La date du 30 juin 2004 reprise pour la valorisation de cette entreprise a été fixée par jugement du 17 mai 2017, confirmé par la cour en son arrêt du 14 septembre 2018. Il ne peut donc être question de revenir sur cette date. C'est la valeur déterminée par Me [E] qui doit ici être reprise, soit 16 230 euros.

2. L'expert ne dit pas dans son rapport que M. [I] n'a droit à aucune rémunération, ce que ce dernier conteste en toute hypothèse. Certes, son état de santé l'a conduit à cesser son activité mais il ne peut être négligé qu'il a assuré pendant un an la bonne fin des chantiers, le licenciement du personnel, la vente du matériel et des matériaux, outre le travail nécessaire pour son déménagement. L'expert [E] et les experts-comptables retiennent le principe d'une rémunération pour cette gestion, sur la base de 2 000 euros par mois, pour la période du 5 juillet 2001 au 31 décembre 2003.

3. Pour l'évaluation du terrain de [Localité 24], un principe s'impose au sens de l'article 829 du code civil, à savoir que les biens doivent être évalués au jour le plus proche du partage. La parcelle en question est bien constructible. Aucune ambiguïté ne peut être admise et il eût été aisé pour l'expert de vérifier ce seul point de désaccord. Une réévaluation à 63 000 euros s'impose pour ce bien.

* * * *

Par des conclusions signifiées le 9 février 2022, Mme [P] sollicite de la juridiction du second degré qu'elle confirme le jugement déféré en ses dispositions :

* disant que M. [I] n'aura droit à aucune rémunération au titre de la gestion de l'entreprise de menuiserie-maçonnerie,

* fixant la valeur du terrain de [Localité 24], section AE n°[Cadastre 10] et [Cadastre 2], à 11099,40 euros,

* fixant la valeur de l'entreprise de menuiserie-maçonnerie dépendant de l'actif commun à la somme de 20 152 euros.

Elle forme contre M. [I] une demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles à concurrence de 6 000 euros, sans préjudice des entiers dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par l'appelant.

- 7 -

1. Sur la question de la valorisation du terrain de [Localité 24], Mme [P] rappelle que Mme [J] avait été désignée pour visiter les immeubles de la communauté mais M. [I] n'a pas versé la consignation et la mesure d'instruction n'a donc pas eu lieu. Le terrain de [Localité 24] dont M. [I] demande la revalorisation est toutefois grevé de nombreuses servitudes créées par M. [I] en 1985. Sa viabilisation serait prohibitive, ne serait-ce qu'au titre de sa dépollution. Ce bien ne peut raisonnablement être évalué à plus de 11 099,40 euros. Mme [P] ne le revendique aucunement. Il sera attribué à M. [I] ou vendu.

2. Relativement à la valeur de l'entreprise, Mme [P] entend rappeler que, durant l'expertise de M. [A], M. [I] n'a apporté aucun élément de contestation de la valeur proposée. Il se contente présentement de se référer à la valeur retenue par l'expert antérieur, Me [E]. Cette valeur a toutefois été démentie par M. [A] dans son rapport.

3. Sur la question de la rémunération de M. [I] au titre de la gestion des biens communs, Mme [P] énonce qu'il a été établi que sa gestion avait conduit à l'arrêt pur et simple de l'entreprise en question, laquelle n'a, selon l'intéressée, aucune valeur. Pendant tout ce temps, M. [I] était à l'arrêt et percevait des indemnités journalières. L'entreprise était en sommeil et ne faisait aucuns bénéfices. Mme [P] ne voit pas sur quel fondement M. [I] pourrait percevoir une quelconque rémunération, ce que M. [A] n'a du reste pas retenu.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 20 mai 2022.

* * * *

Motifs de la décision :

- Sur la valorisation de l'entreprise de menuiserie-maçonnerie gérée par M. [I] :

Attendu, dans un premier temps, que les parties ne discutent plus de la date à laquelle il importe de procéder à l'estimation de cette entreprise, soit le 30 juin 2004, date retenue par le jugement du 17 mai 2017 confirmé par arrêt de cette cour du 14 septembre 2018 ;

Que, pour ce qui a trait à la valorisation proprement dite, il est acquis que celle-ci porte sur deux postes, celui de l'actif corporel immobilisé et celui du stock des marchandises à la date visée ci-dessus ;

Que, sur le poste de l'actif corporel immobilisé présent au bilan, la cour fait ce constat que MM. [T] [A] et [D] [E], experts, reprennent strictement le même montant de 13 130 euros, valeur qui ne peut utilement nourrir ce jour aucune discussion entre les parties ;

Que les parties divergent donc sur la question de la valorisation du stock de marchandises, M. [I] s'en remettant à l'évaluation de l'expert [E] telle que reprise par Me [F] dans son projet d'acte liquidatif à la somme de 16 230 euros là où Mme [P] préconise la valeur chiffrée par M. [A] à 20 152 euros, la différence entre ces deux valeurs tenant à ce que M. [A] ne retient pas la dépréciation du stock

- 8 -

à concurrence de 4 120 euros, dépréciation qui selon lui ne se justifie d'aucune façon de sorte que le stock doit être évalué à la somme de 7 022 euros ;

Que la cour fait cependant cette observation que M. [E] ne donne aucune explication en page 17 de son rapport (dernier paragraphe) sur la dépréciation du stock qu'il retient à concurrence de 4 120 euros, étant ajouté que si M. [I] maintient que les matériels visés par l'expert doivent être considérés comme totalement obsolètes et ne répondant plus à aucune norme en vigueur de telle sorte qu'ils sont destinés à la décharge avec au surplus un coût d'enlèvement à financer, force est d'observer que la partie appelante ne décrit pas précisément les matériels en question ni n'en justifie encore moins l'état ;

Que, dans ces conditions, il importe de confirmer le jugement déféré en ce qu'il retient la somme de 20 152 euros au titre de la valorisation de l'entreprise de menuiserie-maçonnerie dépendant de l'actif commun ;

- Sur la rémunération de M. [I] au titre de la gestion de l'entreprise de menuiserie-maçonnerie dépendant de l'actif commun :

Attendu que, contrairement à ce que développe M. [A] en son rapport, M. [I] maintient, comme l'a observé en son temps l'expert [E], qu'il a bien déployé une activité au titre de la gestion de l'entreprise entre juillet 2001 et décembre 2003 pour laquelle il n'a perçu aucune rémunération, sa gestion ayant porté sur son travail au sein de l'entreprise pendant son activité puis pendant un an en assurant la bonne fin des divers chantiers, le licenciement du personnel, la vente du matériel et des matériaux, sans omettre le travail nécessaire au déménagement des locaux de l'entreprise ;

Qu'il sollicite ainsi une rémunération de 60 000 euros, c'est-à-dire : [6 + (12 x 2) mois] x 2 000 euros ;

Que Mme [P] s'oppose catégoriquement à la fixation d'une quelconque rémunération à ce titre en faveur de M. [I], lequel était en arrêt-maladie, bénéficiaire des indemnités journalières servies par la sécurité sociale, l'entreprise ayant été maintenue artificiellement en activité uniquement pour garantir à l'intéressé la perception des indemnités journalières, l'activité étant déjà en sommeil avant de cesser définitivement ;

Que, pour étayer son propos, la partie intimée vise la note n°2 établie le 27 septembre 2012 par Me [V], alors conseil de M. [I], et adressée au notaire-liquidateur ;

Que l'examen de cette note révèle effectivement que M. [I] a été hospitalisé en juillet 2002 compte tenu de son état physique et psychologique, qu'il s'est ensuite contenté de terminer seul les chantiers en cours, étant débiteur d'une garantie de bonne fin envers ses clients ;

Qu'il est encore précisé dans cette note que la détérioration de l'état physique et psychique de M. [I] a été très importante, l'intéressé ayant été déclaré en incapacité de travail dès 2002 puis en invalidité en 2008, ce qui ne l'a pas totalement empêché de maintenir tant bien que mal et en fonction de ses capacités physiques l'entreprise jusqu'au règlement des dettes en décembre 2008, la radiation auprès de la chambre des métiers ayant été enregistrée le 29 décembre 2008 ;

- 9 -

Que M. [I], qui soutient qu'il a maintenu une activité réelle au sein de son entreprise au-delà de ses ennuis de santé, ne contredit pas explicitement son ex-épouse qui énonce qu'il a perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale, étant relevé qu'il serait contradictoire, pour ne pas dire incompatible, de reconnaître à la fois à M. [I] sa qualité de créancier de l'indivision post-communautaire pour la gestion d'un bien indivis et la perception d'indemnités de la part de la caisse primaire d'assurance maladie, étant ajouté sur cette question précise que l'appelant n'apporte aucune donnée sur la période au cours de laquelle il a pu bénéficier d'une prise en charge au titre de son arrêt-maladie ;

Qu'il est toutefois établi qu'entre juillet 2001 et juillet 2002, l'intéressé était bien à la tête de son entreprise, le dernier salarié ayant été licencié en juin 2002, aucune dépense de rémunération du gérant n'étant reprise par les experts [E] et [A] durant cette période ;

Que le principe d'une créance au titre de la rémunération de l'indivisaire est ainsi acquis durant ces douze mois (de juillet 2001 à juin 2002 compris), la proportion d'un salaire mensuel de 2 000 euros pour un cadre telle que suggérée par M. [E] dans son rapport du 10 février 2006 constituant une donnée objective que la cour entend retenir ;

Qu'il s'ensuit que M. [I] est fondé, au sens des dispositions de l'article 815-12 du code civil, à voir arrêter sa rémunération au titre de la gestion de son entreprise de menuiserie-maçonnerie, bien indivis, à la somme de : 12 mois x 2 000 euros = 24 000 euros, la décision déférée étant à ce titre infirmée ;

- Sur l'estimation du terrain sis à [Localité 24], cadastré AE, lieudit «[Localité 33]», n°[Cadastre 10] et [Cadastre 2] :

Attendu que M. [I], pour ce qui relève des estimations immobilières, entend uniquement contester l'évaluation de ce terrain que ni l'expert [E] ni le notaire-liquidateur n'a retenu comme terrain à bâtir alors que cette qualification est indiscutable, le premier juge ne l'ayant pas davantage retenue, à tort selon l'appelant ;

Que Mme [P] ne contredit pas M. [I] sur cette qualification de terrain à bâtir mais signale que ce bien est grevé de nombreuses servitudes non enregistrées et créées en 1985 par son ex-mari pour desservir les six riverains, ce qui en limite les possibilités d'utilisation, sans compter que le terrain, enclavé avec un couloir d'accès de 80 mètres, n'est pas viabilisé sur cette distance, les travaux à cette fin engendrant forcément un coût qui sera prohibitif ;

Qu'elle ajoute que M. [I] a transformé ce terrain en «dépotoir» et qu'il faudra obligatoirement le faire dépolluer par une entreprise spécialisée, notamment dans le traitement des matériaux contenant de l'amiante, l'intimée précisant qu'elle ne souhaite pas se voir attribuer ce bien même pour une valeur de 11 099,40 euros, le terrain devant revenir à M. [I] ou être vendu ;

Que la cour observe que M. [I] se contente d'opposer le caractère constructible du terrain en question sans répondre précisément à la description qu'en fait la partie adverse en des termes pour le moins péjoratifs, Mme [P] n'étant de ce point de vue aucunement contredite par l'appelant ;

- 10 -

Qu'il importe donc d'évaluer le bien litigieux sur la base d'un terrain certes constructible mais en retenant simultanément que la configuration spécifique notamment de la parcelle n°[Cadastre 2], les multiples servitudes qui la grèvent, l'ampleur des aménagements qui seront rendus nécessaires pour la viabiliser sans omettre les travaux antérieurs de dépollution en limitent de fait l'estimation, laquelle ne peut être entérinée comme le requiert M. [I] sur la base de 17 euros le m² ;

Que la cour retient donc pour ce bien un prix du m² de moitié, soit une estimation de 31 500 euros sur la base d'une superficie non discutée de 3 734 m² ;

Que la décision dont appel sera en conséquence également infirmée de ce chef ;

- Sur les dépens et les frais non répétibles :

Attendu que l'issue de l'instance devant la cour conduit à laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel, la décision entreprise étant par ailleurs confirmée en ce qu'elle retient ces mêmes proportions du chef des dépens de première instance ;

Qu'aucune considération d'équité ne commande d'arrêter au profit de Mme [P] une quelconque indemnité de procédure, cette partie étant déboutée de sa prétention exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et dans la limite des appels,

- Infirme le jugement déféré en ses dispositions rejetant toute rémunération de M. [M] [I] au titre de la gestion de son entreprise et arrêtant à la somme de 11 099,40 euros l'estimation du terrain sis à [Localité 24], section AE, lieu-dit «[Localité 33]», n°[Cadastre 9] et [Cadastre 2] ;

Prononçant à nouveau de ces deux chefs,

- Dit que M. [M] [I] a droit à une rémunération au titre de la gestion de son entreprise de menuiserie-maçonnerie dépendant de l'indivision post-communautaire et fixe cette rémunération à la somme de 24 000 euros ;

- Fixe à la somme de 31 500 euros la valeur du terrain sis à [Localité 24] (51), cadastré section AE, lieu-dit «[Localité 33]», numéros [Cadastre 10] pour 29 a 60 ca et [Cadastre 2] pour 7 a 74 ca ;

Pour le surplus,

- Confirme en ses plus amples dispositions querellées la décision entreprise ;

- 11 -

- Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel ;

- Déboute Mme [Y] [P] de sa demande d'indemnité formulée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Renvoie les parties devant le notaire-liquidateur aux fins d'établissement de l'acte de partage définitif.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre sect.famille
Numéro d'arrêt : 21/01639
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;21.01639 ?
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