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17/06/2022 | FRANCE | N°21/01399

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre sect.famille, 17 juin 2022, 21/01399


N° RG : 21/01399

N° Portalis :

DBVQ-V-B7F-FA7R



ARRÊT N°

du : 17 juin 2022









B. P.

















Mme [E] [V]



C/



Mme [I] [V]

épouse [P]



Mme [L] [V]

épouse [C]



M. [N] [V]



Mme [W] [V]



M. [S] [V] - mineur représenté par sa mère Mme [K] [T] représentante légale -



















Formule exécuto

ire le :



à :



Me Olivier Leroy

Me Chéryl Fossier Vogt













COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II



ARRÊT DU 17 JUIN 2022





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 30 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes (RG 20/00043)



Mme [E] [V] épouse [A]

[Adresse 3]

[Localité 9]



C...

N° RG : 21/01399

N° Portalis :

DBVQ-V-B7F-FA7R

ARRÊT N°

du : 17 juin 2022

B. P.

Mme [E] [V]

C/

Mme [I] [V]

épouse [P]

Mme [L] [V]

épouse [C]

M. [N] [V]

Mme [W] [V]

M. [S] [V] - mineur représenté par sa mère Mme [K] [T] représentante légale -

Formule exécutoire le :

à :

Me Olivier Leroy

Me Chéryl Fossier Vogt

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II

ARRÊT DU 17 JUIN 2022

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 30 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes (RG 20/00043)

Mme [E] [V] épouse [A]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Comparant et concluant par Me Olivier Leroy, avocat au barreau de l'Aube

INTIMÉS :

1°] - Mme [I] [V] épouse [P]

[Adresse 4]

[Localité 9]

2°] - Mme [L] [V] épouse [C]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Comparant et concluant par Me Chéryl Fossier Vogt, membre de la SELARL Fossier Nourdin, avocat postulant au barreau de Reims, et plaidant par Me Elyane Polèse-Person, avocat au barreau de Nancy

M. [N] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N'ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné le 25 août 2021 à personne

Mme [W] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N'ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assignée le 25 août 2021 à personne

M. [S] [V] - représenté par sa mère Mme [K] [T] représentante légale de l'enfant mineur -

[Adresse 2]

[Localité 1]

N'ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné le 25 août 2021 à domicile

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pety, président de chambre

Mme Lefèvre, conseiller

Mme Magnard, conseiller

- 2 -

GREFFIER D'AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

À l'audience publique du 19 mai 2022, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 juin 2022

ARRÊT :

Par défaut, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

M. [F] [V] est décédé le 30 août 2017 à [Localité 10], laissant pour lui succéder :

- ses deux filles, Mmes [E] [V] épouse [A] et [I] [V] épouse [P],

- sa petite fille, Mme [L] [V] épouse [C], venant par représentation de son père, M. [U] [V], décédé le 4 avril 2010,

- ses petits enfants, venant par représentation de leur père, M. [X] [V], décédé le 27 janvier 2008, à savoir M. [N] [V], Mme [W] [V] et M. [S] [V] (mineur).

Le règlement de la succession de M. [F] [V] a été confié à Me [D] [B], notaire à [Localité 9].

Par actes d'huissier des 29 octobre et 17 décembre 2019, Mme [E] [V] épouse [A] a fait assigner Mme [I] [V] épouse [P], Mme [L] [V] épouse [C], M. [N] [V], Mme [W] [V] et M. [S] [V] devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins d'obtenir l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession du défunt.

En l'état de ses dernières écritures, elle demandait notamment à la juridiction de :

- ordonner qu'il sera procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre les consorts [V], concernant les biens dépendant de la succession de M. [F] [V],

- commettre Me [M] [J], notaire à [Localité 10], pour y procéder,

- dire que Mme [I] [V] épouse [P] ne pourrait prétendre à aucune part dans la succession de son père correspondant aux biens sur lesquels elle avait commis un recel successoral, soit sur une somme totale de 52 028,87 euros,

- dire que Mme [V] épouse [P] devrait rapporter à la succession de son père la somme de 62 417,32 euros,

- 3 -

- dire que M. [O] [A] et Mme [E] [V] épouse [A] disposeraient d'une place dans la concession n°952 dans le cimetière de [Localité 8],

- condamner Mme [V] épouse [P] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter Mme [V] épouse [P] de toutes ses demandes contraires,

- débouter Mmes [V] épouse [P] et [V] épouse [C] de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 1500 ['] du code de procédure civile,

- condamner Mmes [P] et [A] à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Mmes [P] et [C] demandaient pour leur part à la juridiction du premier degré de :

- ouvrir les opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté [Y]/[V], de la succession de Mme [H] [Y] et de la succession de M. [F] [V],

- commettre pour ce faire tout notaire à l'exception de Me [B] et de Me [J],

- débouter Mme [A] de toute demande plus ample ou contraire,

- la condamner à leur verser la somme de 2 000 euros chacune au visa de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [N] et [S] [V] ainsi que Mme [W] [V], bien que régulièrement assignés, n'ont pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 30 avril 2021, le tribunal judiciaire de Troyes a notamment :

- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [Y]-[V] et des successions confondues de M. [F] [V] et de Mme [H] [Y],

- désigné pour ce faire le président de la chambre interdépartementale des notaires de l'Aube, avec faculté de délégation,

- débouté Mme [E] [V] épouse [A] de sa demande de constat de recel à l'encontre de Mme [V] épouse [P],

- débouté Mme [V] épouse [A] de sa demande de rapport à succession dirigée contre Mme [V] épouse [P],

- débouté Mme [V] épouse [A] de sa demande de disposition d'une place de concession au cimetière de [Localité 8] en faveur des époux [A]-[V],

- débouté Mme [V] épouse [A] de sa demande de dommages et intérêts,

- renvoyé les parties devant le notaire-liquidateur,

- condamné Mme [V] épouse [A] à verser à Mmes [V] épouse [P] et [V] épouse [C] la somme de 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Mme [V] épouse [A] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 5 juillet 2021, son recours portant sur le rejet de ses demandes au titre du recel de succession, du rapport des donations à la succession, de la place de concession funéraire et des dommages et intérêts, sans omettre les

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frais irrépétibles auxquels elle a été condamnée et le débouté des plus amples demandes des parties.

En l'état de ses conclusions n°2 signifiées le 10 février 2022, Mme [V] épouse [A] demande par voie d'infirmation à la cour de :

- dire que Mme [I] [P] née [V] ne pourra prétendre à aucun droit dans la succession de son père, feu [F] [V], correspondant aux biens sur lesquels elle a commis un recel successoral, soit sur une somme totale de 52 599,52 euros,

- constater l'inexistence juridique, et en tant que de besoin, prononcer la nullité de la procuration bancaire du 10 mai 2012 donnée par feu [F] [V] à Mme [I] [P], comme dépourvue de signature du mandant avec tous ses effets de droit attachés à l'inexistence juridique ou à la nullité de ladite procuration bancaire,

- dire que Mme [I] [P] devra rapporter à la succession de feu [F] [V] la somme totale de 62 417,32 euros,

- dire que l'appelante et M. [O] [A] sont bénéficiaires d'une place dans la concession n°952 au cimetière de [Localité 8],

- condamner Mme [I] [P] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamner Mme [I] [P] à lui verser une indemnité de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté [V]-[Y] et des successions confondues, au renvoi des parties devant le notaire commis et au sort des dépens.

1. Mme [A] maintient que sa soeur, [I] [P], a commis un recel de succession en déménageant les 20 et 21 septembre 2017 divers biens meubles du logement occupé (location) jusqu'à son décès par leur père. M. [R] l'atteste et le propre notaire de Mme [P] vise dans un courrier adressé au notaire de Mme [A] le fait que sa cliente s'est rendue sur place le 21 septembre pour y emmener des factures, papiers administratifs, des photos de famille et deux tableaux peints par M. [F] [V]. N'étant pas sur place et prise de cours par le comportement de sa soeur, il ne lui a pas été possible de faire établir un inventaire au domicile paternel, un tel acte n'étant pas une condition prévue à l'article 778 du code civil. Après les 20 et 21 septembre 2017, plus aucun inventaire n'eût été utile. Mme [A] rappelle qu'elle a adressé à sa soeur des courriers pour lui notifier de ne pas reproduire les mêmes errements qu'près le décès de leur mère en 2012. Mme [P] n'y a pas répondu.

Pour ce qui est des avoirs bancaires, Mme [A] expose qu'elle n'avait pas accès au logement de son père où se rendait régulièrement sa soeur [I]. Cette dernière ouvrait les courriers de leur père et disposait ainsi de ses relevés bancaires. Mme [A] a pu, depuis le décès de son père, mettre en évidence divers avoirs à la Caisse d'Epargne pour un montant total de 46 351,65 euros, outre 1 247,87 euros à la Banque Postale. Ces avoirs n'ont pas été portés à la connaissance de Me [B] qui a établi la déclaration de succession en n'évoquant que des avoirs au Crédit Agricole, sur un compte où M. [F] [V] versait ses petites retraites et au titre duquel Mme [P] disposait d'une procuration.

Mme [P] a donc commis un recel mobilier qui doit être évalué à 5 000 euros et un recel sur divers avoirs bancaires pour 47 559,52 euros, soit un total de 52 599,52 euros détournés par l'intéressée.

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2. Sur la procuration bancaire dont a disposé Mme [P] sur le compte Crédit Agricole de leur père, Mme [A] énonce qu'elle a déposé une plainte en octobre 2018. Cette procuration ne mentionne pas le nom ni le prénom du préposé de la banque, pas plus que du mandant. Le document est mal renseigné et la signature portée sur la procuration à la rubrique du mandant n'est pas celle de M. [F] [V]. De nombreux prélèvements apparaissant sur les relevés bancaires sont suspects. Pourtant, son père n'avait pas de besoins particuliers, notamment de santé. Mme [P] a domicilié les relevés bancaires chez elle. Elle n'a jamais cru devoir rendre compte de sa gestion au titre de la procuration bancaire. Celle-ci est juridiquement inexistante.

3. Sur la question de la concession au cimetière de [Localité 8], Mme [A] expose que c'est par un acte de substitution du 16 décembre 2014 que les époux [A] ont été retirés de la liste des ayants droit à la demande de M. [F] [V] suite à un courrier du 19 avril 2013. Pour la partie appelante, la volonté de son père a clairement été instrumentalisée et abusée par Mme [I] [P] dont l'intention, depuis le décès de leur mère, est d'évincer sa soeur, et partant son mari.

4. Les dommages et intérêts : Mme [A] entend voir sanctionner le comportement de sa soeur [I], comportement dommageable à l'origine d'un préjudice moral pour la partie appelante.

5. Le sursis à statuer évoqué dans les développements des conclusions de Mme [A] n'est pas repris dans le dispositif des écritures. La cour n'en est donc pas saisie.

* * * *

Par des écritures signifiées le 17 mars 2022, Mmes [I] [P] et [L] [C] sollicitent de la juridiction du second degré qu'elle confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, déboute Mme [A] de toutes ses demandes et la condamne à leur verser une indemnité de procédure de 2 500 euros, sans préjudice des entiers dépens d'appel.

1. Relativement au prétendu recel successoral : Mme [P] rappelle en premier lieu que la règle du forfait pour évaluer des meubles meublants ne concerne que des droits fiscaux le cas échéant dus. Il n'est donc pas question de procéder de même pour déterminer les droits de cohéritiers dans la masse active d'une succession.

Mme [P] maintient qu'elle a répondu aux courriers de sa soeur. À la mort de leur mère, seuls les vêtements de la défunte ont été donnés au Secours Populaire. Les meubles du logement sont restés à la disposition de M. [F] [V]. Au décès de ce dernier, il était convenu avec les autres héritiers de libérer le logement au cours du week-end des 4 et 5 mai 2018. La lettre de Mme [A] a contrarié ce projet. Comprenant sa méprise, Mme [A] se ravisait dans un courrier du 14 mai 2018 pour donner son accord au déménagement. Le propriétaire des lieux souligne dans son attestation que le logement a été libéré le 31 août 2018 après une année d'occupation inutile et alors que Mme [P] s'était engagée à libérer la maison avant le 30 septembre 2017. Mme [P] précise que l'attitude de sa soeur explique ce retard. Elle ajoute que sa soeur [E] n'a jamais demandé

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à participer au déménagement. Un devis d'enlèvement du mobilier par une association pour 840 euros a été accepté par tous les cohéritiers, ce qui suffit à démontrer le peu de valeur des biens détenus par leur père. Mme [A] ne s'est pas davantage enquise du nettoyage du logement, ce qui a pris deux jours. Aucune dissimulation n'est donc établie contre Mme [P].

Cette dernière conteste de plus fort le prétendu recel des avoirs bancaires. Elle ne détenait de procuration de son père que sur son compte ouvert au Crédit Agricole. Mme [P] ignorait l'existence des autres comptes ou produits financiers et tout notaire pouvait en apprendre l'existence par le fichier FICOBA. Mme [A] ne démontre pas le moindre détournement à ce titre.

2. Pour ce qui a trait à la question du prétendu rapport à la succession de sommes perçues à concurrence de 62 417,32 euros, Mme [P] maintient qu'elle a répondu à la mise en demeure de sa soeur en date du 27 avril 2018. Cette réponse n'a eu aucune suite. Sauf à la reprendre dans son assignation un an et demi plus tard.

Mme [P] énonce que la règle du rapport successoral est inapplicable en l'occurrence, faute pour Mme [A] de démontrer la volonté libérale de leur père et son appauvrissement. Si Mme [A] parle d'un montant de 62 417,32 euros, elle tente d'étayer cette somme par trois retraits au distributeur automatique de billets, soit 1 700 euros au total. Or, ces fonds étaient réclamés par M. [F] [V] pour exposer diverses dépenses à sa sortie d'hôpital. Aucune preuve n'est donc rapportée par Mme [A].

De même, la procuration du 10 mai 2012 est parfaitement valable. Elle porte la signature du mandant, de la mandataire mais aussi celle du conseiller de la banque. Le document du 20 juin 2012 n'est donc qu'un projet de procuration préparé par la banque mais qui s'est avéré inutile.

3. Sur la concession funéraire, Mme [P] réfute tout agissement relatif au déplacement d'une plaque posée sur la tombe de leurs parents. L'authenticité de la signature de M. [F] [V] sur l'acte de substitution du 16 décembre 2014 n'a jamais été remise en cause par Mme [A] par le biais d'une demande d'expertise graphologique. Seul le titulaire de la concession avait le pouvoir de décision sur qui peut y être inhumé. C'est le propre comportement vindicatif et agressif de Mme [A] qui a plongé leur père dans un grand désarroi au point de refuser toute sépulture à sa fille [E] et à son mari dans la concession familiale.

* * * *

La déclaration d'appel a été signifiée le 25 août 2021 à M. [N] [V] à sa personne et à Mme [W] et M. [S] [V] par actes remis à domicile à Mme [K] [T], leur mère.

Aucun de ces trois intimés n'ayant constitué avocat, il importera de statuer en la cause par décision prononcée par défaut.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2022.

* * * *

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Motifs de la décision :

- Sur le recel successoral allégué par Mme [A] à concurrence de 52 599,52 euros :

Attendu que l'article 778 du code civil énonce que sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. [---].

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession ;

Qu'il est en cela constant que le recel vise toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage, soit qu'il divertisse des effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu'il les recèle en dissimulant sa possession dans les circonstances où il serait tenu d'après la loi de la déclarer ;

Que le recel suppose la démonstration d'un élément matériel, soit tout procédé tendant à frustrer les cohéritiers d'un bien de la succession, et d'un élément intentionnel, en l'occurrence une intention frauduleuse, ces éléments étant souverainement appréciés par les juge du fond ;

Attendu que Mme [A] expose à ce titre que sa soeur, Mme [P], a procédé au déménagement les 20 et 21 septembre 2017 de biens mobiliers du logement de leur père, à savoir des factures et papiers administratifs, des photos de famille et deux tableaux peints par leur père, alors qu'elle avait écrit à sa soeur pour lui signifier qu'elle s'opposait à tout enlèvement en son absence et sans inventaire ;

Qu'elle évalue à 5 000 euros les biens ainsi déplacés par Mme [P], montant auquel s'ajoute celui de 46 351,65 euros correspondant à des avoirs détenus de son vivant par son père à la Caisse d'Epargne et à la Banque Postale, éléments dont Me [B], notaire chargé d'établir la déclaration de succession, n'avait manifestement pas connaissance ;

Qu'à ce sujet, Mme [A] rappelle les circonstances dans lesquelles les documents administratifs de son père ont été enlevés par Mme [P] du domicile paternel ;

Attendu que Mmes [P] et [C] contestent catégoriquement les dires de leur soeur et tante [E], la décrivant comme systématiquement querelleuse ;

Qu'elles précisent qu'il avait été envisagé de libérer le logement de leur père et grand-père au plus vite afin de permettre au bailleur de le reprendre et d'éviter à la succession de devoir prendre en charge loyers et autres charges inhérentes à cette location ;

- 8 -

Que l'attitude de Mme [A] a donc retardé la libération des lieux lorsque le devis d'enlèvement du mobilier fut accepté par toute la fratrie, dont Mme [A] ;

Que deux tableaux ont en effet été récupérés mais le notaire le reprend explicitement dans un courrier, ce qui de fait écarte toute tentative effective de dissimulation de ces biens dont l'évaluation ne peut en toute hypothèse aucunement être arrêtée de façon forfaitaire comme en matière fiscale ;

Qu'au titre des prétendus avoirs bancaires dissimulés, Mme [P] énonce qu'elle n'a jamais disposé de procuration autre que celle portant sur le compte de son père ouvert dans les seuls livres du Crédit Agricole, l'intéressée exposant qu'elle ignorait l'existence d'avoirs de son père à la Caisse d'Epargne ;

Attendu, sur la question des meubles meublants déplacés du domicile de M. [F] [V], que Mme [A] produit aux débats les différents courriers que son conseil a adressés à Mme [P] pour notifier à cette dernière son refus de voir déménager tout bien de la maison paternelle en son absence ;

Qu'elle verse à ce titre l'attestation établie le 5 octobre 2017 par M. [G] [R], lequel certifie en termes dactylographiés qu'il a vu Mme [I] [P] née [V] déménager le domicile de M. [F] [V], [Adresse 6] à [Localité 8] le mercredi 20 septembre 2017 à 18 heures ;

Qu'elle transmet sous sa pièce n°22 une liste de biens mobiliers du [Adresse 6] pour une valeur totale de 4 750 euros arrondie à 5 000 euros ;

Que Mme [P] conteste l'attestation de M. [R] (pièce n°5), laquelle correspond à un document pré-imprimé que ce dernier s'est contenté de signer, l'examen du document en question établissant que le rédacteur s'est contenté de compléter de manière manuscrite les éléments de personnalité ainsi que la date et la signature, le reste étant dactylographié, ce qui ne respecte par le formalisme de l'article 202 alinéa 4 du code de procédure civile qui exige que l'attestation soit écrite de la main de son auteur de telle sorte que cette pièce ne présente pas de valeur probatoire suffisante pour étayer l'assertion de la partie appelante sur un détournement des biens meublants de l'actif de la succession au profit de Mme [P] et, partant, au préjudice des autres cohéritiers ;

Que la circonstance que Mme [A] produise devant la cour sous sa pièce n°42 une nouvelle attestation de M. [R] cette fois conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile mais datée aussi du 5 octobre 2017 laisse présumer une rectification de pièce pour les seuls besoins de la cause ;

Que, de plus, la liste des biens (pièce n°22) objet du recel allégué par Mme [A] prenant la forme d'un simple document manuscrit non signé si daté, et manifestement établi par l'intéressée pour les besoins de la procédure, elle ne présente pas davantage de force probante s'agissant d'un document que l'intéressée a établi par ses propres soins ;

- 9 -

Qu'il sera encore précisé qu'il est difficilement concevable que tous les objets mobiliers repris sur cette pièce n°22 produite par Mme [A] aient effectivement disparu du logement du défunt alors qu'il a fallu convoquer une association pour faire enlever les biens s'y trouvant avant de restituer les lieux au bailleur, opération qui a engendré des frais pour la somme de 896 euros, pas moins de cinq bennes ayant été nécessaires pour ce faire ;

Que Mme [A] échoue à établir contre Mme [P] la réalité de l'élément matériel du recel allégué ;

Que si Mme [P] convient qu'elle a récupéré deux tableaux chez son père, cette circonstance est reprise dans un courrier de son propre notaire au notaire liquidateur, ce qui anéantit toute intention frauduleuse de la part de l'intéressée ;

Que l'élément matériel du recel du chef d'un prétendu détournement de fonds est également manquant dans la mesure où la simple circonstance que le notaire chargé de l'établissement de la déclaration de succession ne mentionne pas des comptes ouverts au nom de M. [F] [V] à la Caisse d'Epargne ou à la Banque Postale ;

Qu'en effet, les fonds présents sur un compte ouvert à la Banque postale n'ont pu être l'objet d'un quelconque détournement de la part de Mme [P] puisque ces fonds ont été transférés à la Caisse des dépôts et consignations suite à la clôture pour compte inactif pendant au moins dix ans ;

Qu'il n'est pas discutable que Mme [P] ne disposait d'aucune procuration sur les comptes ouverts au nom de M. [F] [V] dans les livres de la Caisse d'Epargne, le seul fait que le notaire chargé d'établir la déclaration de succession ne fasse pas apparaître les fonds présents sur ces comptes ne permettant aucunement de tenir Mme [P] pour responsable de ce manquement, aucune démonstration de la part de Mme [A] sur un prétendu détournement de fonds de ces comptes vers ceux de Mme [P] n'étant en cela rapportée, rien dans les pièces transmises par l'appelante n'établissant que l'intimée avait connaissance de ces comptes ouverts à la Caisse d'Epargne ;

Qu'en définitive, c'est à raison que les premiers juges ont estimé que Mme [A] ne rapportait pas la preuve des détournements de biens mobiliers et d'avoirs bancaires qu'elle entendait dénoncer à l'encontre de sa soeur [I], la cour confirmant de ce chef le débouté des prétentions de la demanderesse ;

Qu'enfin, l'analogie que Mme [A] entend établir entre le comportement de sa soeur [I] au décès de leur père avec son attitude au décès de leur mère en 2012 est sans portée utile dès lors que Mme [P] conteste en toute hypothèse tout acte répréhensible de sa part en 2012, l'intéressée ayant simplement fait remettre à une association caritative les effets vestimentaires de sa mère, avec l'assentiment de son père, lequel continuait de bénéficier de l'usufruit sur l'intégralité des biens de la défunte ;

- 10 -

- Sur le rapport à succession sollicité contre Mme [P] à concurrence d'une somme totale de 62 417,32 euros :

Attendu que l'article 843 du code civil énonce en son premier alinéa que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ;

Qu'il revient en cela au demandeur au rapport d'établir à la fois l'appauvrissement du patrimoine du défunt et la volonté libérale de ce dernier en faveur du bénéficiaire des fonds ;

Attendu que Mme [A] énonce à ce titre que la procuration dont sa soeur [I] bénéficiait sur le compte de leur père est juridiquement inexistante voire nulle, de telle sorte que tous les prélèvements ou retraits d'argent opérés par Mme [P] au moyen de la carte bancaire de leur père sont suspects, un retrait d'argent de 300 euros étant ainsi réalisé le 16 juillet 2013 alors que M. [F] [V] était hospitalisé, les débits repris sur les relevés bancaires étant ainsi suspects à concurrence d'une somme totale de 62 417,32 euros, Mme [P] n'ayant pas cru devoir rendre compte de l'utilisation de cette procuration ;

Que Mme [P] pour sa part maintient que la procuration dont elle a été bénéficiaire de la part de son père sur son compte du Crédit Agricole était parfaitement régulière et valable, que toutes les sommes débitées ont été utilisées dans l'intérêt de M. [F] [V], qu'enfin l'intention libérale de leur père à son égard n'est au demeurant aucunement démontrée par la partie appelante ;

Attendu, sur la question de la régularité de la procuration, que Mme [P] commente la copie de la procuration établie à son profit le 10 mai 2012, document qu'elle intègre à ses écritures devant la cour et qui fait apparaître la signature du représentant du Crédit Agricole Champagne-Bourgogne, la signature de Mme [P] pour acceptation et celle du mandant, M. [F] [V] ;

Qu'il s'ensuit que toute procuration datée du 12 juin suivant (pièce n°70 de l'appelante), uniquement signée du représentant de l'établissement bancaire, doit se concevoir comme correspondant à un «projet» de procuration (expression reprise par Mme [A] dans son propre bordereau de pièces), document qui n'est nullement de nature à contredire la procuration datée du 10 mai 2012 établie en bonne et due forme ;

Qu'il s'ensuit que ladite procuration remise à Mme [P] est bien régulière et parfaitement valable ;

Que le propos de Mme [A] consistant à soutenir que tous les débits et retraits enregistrés sur le compte de son père au titre de l'utilisation de cette procuration par Mme [P] doivent être rapportés à la succession par cette dernière eu égard à leur caractère suspect ne peut aucunement justifier sa demande à concurrence de la somme de 62 417,32 euros ;

Qu'en effet, le retrait du distributeur d'une somme de 300 euros allégué par Mme [A] à la date du 16 juillet 2013, soit pendant l'hospitalisation de M. [F] [V] (du 6 au 23 juillet), n'est nullement

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visible sur le relevé du mois de juillet 2013, relevé qui n'enregistre d'opérations bancaires qu'entre les 25 et 30 juillet, le retrait contesté remontant de fait au 16 juin à 17 heures 36, soit avant l'hospitalisation en question ;

Que Mme [A] ne peut pas davantage se contenter d'expliquer que son père, certes très âgé, n'exposait que de faibles dépenses pour caractériser contre sa soeur [I] des détournements de fonds au préjudice

du titulaire du compte au Crédit Agricole, un tel comportement de cette dernière relevant le cas échéant d'une qualification pénale, ce qui apparaît difficilement conciliable avec une qualification de libéralité indispensable au mécanisme du rapport à la succession ;

Qu'il est par ailleurs acquis que la plainte pour abus de faiblesse déposée par Mme [A] auprès du procureur de la République de Troyes a donné lieu à un classement sans suite dont il n'a pas été explicité par la plaignante qu'elle en avait contesté le bien-fondé ;

Que l'ampleur de la somme dont le rapport à la succession est sollicité par Mme [A] exige qu'elle en établisse le bénéfice effectif et personnel par sa soeur [I], dans le contexte d'une volonté de M. [F] [V] d'en faire profiter cette dernière, ce qui n'est pas caractérisé en l'état à la seule lecture de relevés bancaires, la question d'une absence de reddition par Mme [P] de l'usage de la procuration demeurant à cet égard sans portée ;

Qu'à ce sujet, le témoignage de Mme [Z], fille de Mme [I] [P], selon lequel sa mère lui a caché des documents notariés spécifiant le versement d'une soulte suite à la succession de son père décédé lé 9 août 1992 et l'ayant contrainte d'avoir recours à la justice à sa majorité pour récupérer cette somme est indifférent en ce qu'il n'a pas trait au comportement de Mme [P] dans la gestion des affaires de son père, qu'il se rapporte à un autre rapport de droit dont la cour ne connaît pas tous les contours, et qui surtout relève d'un raisonnement analogique par définition sans efficience réelle sur le terrain probatoire ;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [A] de sa demande de rapport à la succession dirigée contre Mme [P], la décision dont appel étant aussi confirmée à cet égard ;

- Sur le retrait de la concession funéraire :

Attendu que, par acte de substitution du 16 décembre 2014 (pièce n°2) versé aux débats par Mme [A], il est justifié de ce que M. [F] [V] a demandé aux instances municipales de retirer de la concession au cimetière de [Localité 8] créée avec son épouse le 19 août 2008 le droit à inhumation dans la concession n°952 de M. et Mme [O] [A]-[V] ;

Que la partie appelante, qui maintient n'avoir jamais en rien démérité envers son père, y voit la manifestation de volonté non pas de M. [F] [V] mais bien celle abusive de sa soeur, Mme [I] [P], bien des témoins l'attestant en décrivant le déplacement systématique à chaque visite de cette dernière sur la tombe parentale d'une plaque offerte par les époux [A]-[V], ce qui n'a pas simplement une dimension purement anecdotique ;

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Que Mme [P] réfute catégoriquement toute responsabilité dans ce déplacement de plaque et entend rappeler que les rapports entre son père et sa soeur [E] s'étaient dégradés au point que cette dernière s'était autorisée à adresser le 2 janvier 2012 à M. [F] [V] un message libellé en ces termes : «Comme promis je te joins ma photo comme tu ne me verra plus avant de mourir» ;

Que si Mme [A] énonce qu'il faut comprendre ce message dans le contexte d'isolement total de son père par la faute de sa soeur [I], le contenu de la formulation laisse cependant perplexe sur les intentions réelles de son auteur ;

Qu'en toute hypothèse, la demande manuscrite de substitution datée du 19 avril 2013 et jointe à l'acte de substitution est bien signée et cette signature ne diffère en rien de celle visible sur la procuration établie le 10 mai 2012 par M. [F] [V] au profit de Mme [P] ;

Qu'il est par ailleurs constant que le titulaire d'une concession funéraire demeure le seul régulateur du droit à inhumation dans la concession de sorte qu'il peut refuser ce droit à tout membre de sa famille ou belle-famille, sauf à ce qu'un tel refus ne dégénère en abus ;

Que force est de constater que Mme [A] se contente d'évoquer des attitudes suspectes à l'endroit de sa soeur sans les établir avec certitude, ce qui est en toute hypothèse sans rapport direct avec une quelconque manifestation de volonté de la part du titulaire de la concession, manifestation de volonté dont il lui faudrait par surcroît révéler la dimension en soi abusive, ce qui n'est nullement explicité en l'état ;

Que le jugement querellé sera aussi confirmé en ce qu'il déboute Mme [A] de sa prétention aux fins de disposer d'une place dans la concession en question ;

- Sur les dommages et intérêts sollicités par Mme [A] :

Attendu que l'issue de la procédure à hauteur de cour au terme de laquelle Mme [A] succombe en toutes ses prétentions principales suffit à ôter à la défense de Mme [I] [P] comme à celle de Mme [C] toute connotation abusive ;

Que la décision dont appel sera aussi confirmée en ce qu'elle déboute Mme [A] de sa demande indemnitaire connexe, l'isolement de leur ascendant reproché à l'intimée étant décrite dans la seule plainte de Mme [A], laquelle a été classée sans suite, aucun autre élément probatoire utile ne permettant d'établir la réalité des assertions de l'appelante à ce sujet, assertions déniées par Mme [P] ;

- Sur les autres dispositions du jugement relatives aux opérations de comptes, liquidation et partage :

Attendu que ces dispositions ne sont pas l'objet du recours de Mme [A], les intimées n'ayant pas formé d'appel incident ;

Que n'étant pas saisie de ces dispositions, la cour n'a pas à les confirmer ;

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- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à la charge de Mme [A] les entiers dépens d'appel comme ceux de première instance, le jugement entrepris étant également confirmé de ce chef ;

Que l'équité justifie les indemnités de procédure arrêtées à concurrence de 500 euros au bénéfice de chaque partie défenderesse utilement représentée, cette considération commandant en cause d'appel de fixer au profit de ces mêmes parties une indemnité pour frais irrépétibles d'un montant global de 2 000 euros ;

Que Mme [A], débitrice de cette somme, sera elle-même déboutée de sa propre prétention indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par décision prononcée par défaut et dans les limites de l'appel,

- Dit régulière et valable la procuration bancaire établie le 10 mai 2012 par M. [F] [V] au profit de sa fille [I] ;

- Confirme en toutes ses dispositions querellées le jugement entrepris ;

- Condamne Mme [E] [V] épouse [A] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à hauteur de cour à Mmes [I] [V] épouse [P] et [L] [V] épouse [C] une indemnité de procédure globale de 2 000 euros ;

- Déboute Mme [E] [V] épouse [A] de sa propre demande indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre sect.famille
Numéro d'arrêt : 21/01399
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;21.01399 ?
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