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06/05/2022 | FRANCE | N°21/02182

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre sect.famille, 06 mai 2022, 21/02182


N° RG : 21/02182

N° Portalis :

DBVQ-V-B7F-FC4C



ARRÊT N°

du : 6 mai 2022









B. P.

















Mme [K] [G]

épouse [Z]



M. [W] [Z]



C/



Mme [P] [Z]





















Formule exécutoire le :



à :



SELAS cabinet juridique et judiciaire Jean-Loup Lefèvre

SCP LR avocats & associés







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COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II



ARRÊT DU 6 MAI 2022





APPELANTS :

d'un jugement rendu le 9 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes (RG 20/00469)



1°] - Mme [K] [G] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]



2°] - M. [W] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Comparant et concluant par ...

N° RG : 21/02182

N° Portalis :

DBVQ-V-B7F-FC4C

ARRÊT N°

du : 6 mai 2022

B. P.

Mme [K] [G]

épouse [Z]

M. [W] [Z]

C/

Mme [P] [Z]

Formule exécutoire le :

à :

SELAS cabinet juridique et judiciaire Jean-Loup Lefèvre

SCP LR avocats & associés

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION II

ARRÊT DU 6 MAI 2022

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 9 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Troyes (RG 20/00469)

1°] - Mme [K] [G] épouse [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

2°] - M. [W] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Comparant et concluant par Me Jean-Loup Lefèvre membre de la SELAS cabinet juridique et judiciaire Jean-Loup Lefèvre, avocat au barreau de l'Aube

INTIMÉE :

Mme [P] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant et concluant par Me Christophe Rocher membre de la SCP LR avocats & associés, avocat au barreau de l'Aube

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pety, président de chambre

Mme Lefèvre, conseiller

Mme Magnard, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

À l'audience publique du 24 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré à l'audience 6 mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

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Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Par actes des 29 septembre 1999 et 26 juin 2012, M. [W] [Z] et Mme [K] [G] épouse [Z] ont fait donation à leur fille unique [P] de la nue-propriété de divers biens immobiliers et de la pleine propriété de parts dans l'EARL du Comté de Bar.

Par acte d'huissier du 27 février 2020, les époux [Z]-[G] ont fait assigner leur fille [P] devant le tribunal judiciaire de Troyes aux fins notamment de voir prononcer la révocation des donations consenties en 1999 et 2012. Ils sollicitaient en outre la condamnation de leur fille à leur verser la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par son comportement, sans préjudice d'une indemnité de procédure de 5 000 euros et des entiers dépens.

Mme [P] [Z] a opposé à ses parents la prescription de leur action, requis subsidiairement leur débouté de toutes leurs demandes, reconventionnellement sollicité leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts, outre 5 000 euros d'indemnité de procédure ainsi que les entiers dépens.

Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Troyes a notamment :

- déclaré irrecevable la fin de non-recevoir opposée par la défenderesse,

- débouté M. et Mme [Z]-[G] de leur demande de révocation des donations consenties à leur fille en 1999 et 2012,

- débouté M. et Mme [Z]-[G] de leur demande de dommages et intérêts,

- condamné solidairement M. et Mme [Z]-[G] à verser à Mme [P] [Z] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts,

- condamné sous la même solidarité les époux [Z]-[G] à verser à Mme [P] [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

M. et Mme [Z]-[G] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 8 décembre 2021, leurs recours portant sur le rejet de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, leur condamnation à des dommages et intérêts en faveur de leur fille, les frais irrépétibles et les dépens.

Aux termes d'écritures signifiées par RPVA le 14 février 2022, les époux [Z]-[G] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts, condamnés au paiement de 10 000 euros de dommages et intérêts et condamnés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils demandent donc à la juridiction du second degré de condamner Mme [P] [Z] à leur payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour faute commise à l'encontre de ses parents et en réparation de leur préjudice moral, outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

* * * *

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Mme [P] [Z] pour sa part demande à la juridiction du second degré de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné ses parents à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle sollicite leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance. Elle sollicite une indemnité de procédure supplémentaire de 6 000 euros à hauteur de cour, procédure dont les appelants assumeront les entiers dépens.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 18 mars 2022.

* * * *

Motifs de la décision :

- Sur la demande de dommages et intérêts des époux [Z]-[G] en réparation de leur préjudice moral :

Attendu que, pour voir engager la responsabilité civile délictuelle de leur fille, M. et Mme [Z]-[G] reprochent à cette dernière la délivrance d'une mise en demeure aux fins de les voir accepter la cession du solde des parts qu'ils détiennent encore dans l'EARL du Comté de Bar ;

Qu'ils entendent aussi dénoncer la baisse de leurs bénéfices dans cette personne morale provoquée par de nouvelles charges décidées par la gérante qui se verse désormais une rémunération de 70 000 euros par an sans qu'aucune assemblée générale l'ait voté ;

Qu'ils dénoncent enfin la plainte pour harcèlement moral déposée à leur encontre par leur fille, ce qui n'a pas manqué de les heurter et mine leur moral, sans omettre les démarches accomplies par son conseil auprès du procureur de la République pour parvenir à tout prix à une condamnation pénale de Mme [K] [Z] ;

Attendu que Mme [P] [Z] déclare vivre la procédure engagée par ses parents de façon particulièrement douloureuse et humiliante, rappelant que le classement sans suite de sa plainte ne met pas fin à d'éventuelles poursuites et qu'il ne pourrait être utilement fait état d'une dénonciation calomnieuse à son endroit que si la procédure pénale conduisait à la relaxe, ce qui n'est pas le cas de l'espèce ;

Qu'elle ajoute que tous les témoignages qu'elle produit décrivent sa mère comme une personne de fort caractère et autoritaire, l'intéressée précisant qu'elle n'a pas accepté la façon dont ses parents ont traité son compagnon, qui plus est devant leur petite-fille ;

Attendu qu'il doit être rappelé que la responsabilité de la défenderesse recherchée par les appelants nécessite de leur part la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ces deux premiers éléments ;

Que, pour ce qui a trait à la demande de cession du solde des parts détenues dans l'EARL du Comté de Bar, la simple délivrance d'une mise en demeure à la requête de leur fille n'est pas de nature à caractériser de la part de cette dernière le moindre comportement fautif, les démarches ayant à ce

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titre été réalisées par un professionnel du droit et la seule circonstance que M. et Mme [Z]-[G] n'y aient donné la moindre suite ne caractérise pas en soi une faute de leur fille ;

Qu'il en ira de même des décisions de gérance prises par Mme [P] [Z] au sein de l'EARL du Comté de Bar, le fait que cette dernière ait négligé de convoquer l'assemblée générale ne privant en rien les associés minoritaires d'engager les actions utiles permettant de faire censurer d'éventuelles irrégularités, la cour ne pouvant apprécier si le principe d'une rémunération de la gérante constitue en l'état un acte contraire aux intérêts de la personne morale, et par voie de conséquence aux intérêts des associés ;

Que, pour ce qui relève de la plainte pour harcèlement déposée par Mme [P] [Z], le comportement de cette dernière ne saurait être qualifié de fautif qu'à la condition pour les appelants d'établir que leur fille aurait agi avec témérité ou avec une certaine légèreté blâmable ;

Que l'unique circonstance que la plainte ait été l'objet d'un classement sans suite au motif que les faits dénoncés n'ont pu être suffisamment établis par l'enquête ne permet pas de caractériser l'une ou l'autre des deux occurrences visées ci-dessus ;

Que le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [Z]-[G] à l'encontre de leur fille [P] ;

- Sur les dommages et intérêts sollicités par Mme [P] [Z] contre ses parents :

Attendu que M. et Mme [Z]-[G] contestent le principe même de toute dette indemnitaire envers leur fille ;

Attendu que le principe indemnitaire mis ici en oeuvre par Mme [P] [Z] obéit aux règles de responsabilité précédemment rappelées, à savoir un fait fautif, un préjudice, et un lien de causalité entre ces deux premiers éléments ;

Attendu que la partie intimée produit aux débats nombre d'attestations mettant en exergue le caractère fort et la personnalité ombrageuse de Mme [K] [G] épouse [Z], ce qui ne permettait pas au seul enfant du couple [Z]-[G] de s'épanouir de façon expansive, [P] étant décrite comme effacée, timide, ce que les attestations produites par les appelants ne contredisent pas utilement puisqu'il est ici manifestement fait référence à une période où l'enfant résidait toujours chez ses parents, ce qui donnait l'image d'une relation mère-fille que d'aucuns qualifient de fusionnelle ;

Que si l'action en révocation de donations ne peut en soi justifier un quelconque principe indemnitaire sauf à établir que les époux [Z]-[G] auraient à cet effet eu pour visée d'agir de mauvaise foi et dans l'intention de nuire à leur fille, ce qui n'est pas soutenu, eux-mêmes disant avoir agi de la sorte dans la suite de la plainte déposée à leur encontre par leur fille [P], de nombreux témoignages produits par l'intimée établissent que Mme [K] [Z] s'est autorisée à des commentaires particulièrement

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malveillants à son endroit et vis-à-vis de son compagnon, allant jusqu'à souhaiter que le couple se sépare et prétendant que M. [J] [T] n'était pas un bon choix de la part de sa fille ;

Que le témoignage de M. [L] [I], prêtre ami de la famille [Z], montre à cet égard de manière assez explicite le refus de Mme [Z] mère de voir sa fille prendre son indépendance et fonder une famille, les propos de M. [R] [U], responsable des travaux viticoles pour le compte de l'EARL du Comté de Bar, confirmant que Mme [K] [G] épouse [Z] pouvait aussi se comporter comme la gérante de fait de cette personne morale au point de déclarer devant les ouvriers saisonniers que «c'était elle qui commandait» ;

Que Mme [B] décrit de manière précise comment [P] [Z] est passée d'un état de jeune femme très réservée à celui d'une conjointe et mère de famille métamorphosée lorsqu'elle a présenté son compagnon et lorsqu'elle attendait sa fille [M], le témoin ajoutant que le comportement des parents est pour le couple [Z]-[T] et l'enfant une épreuve traumatisante à laquelle il leur faut faire face ;

Qu'à l'évidence, M. et Mme [Z]-[G] n'admettent pas l'état de vie présent de leur fille et le lui font sentir par leurs réflexions désobligeantes, leurs dénigrements et critiques, ce qui constitue une attitude fautive comme les premiers juges l'ont exactement retenu ;

Que le certificat médical établi le 11 juin 2019 par le docteur [Y] [A] décrivait déjà un état anxio-dépressif de Mme [P] [Z] en lien avec le conflit familial, état nécessitant des prises de médicaments ;

Que, dans ce contexte, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la responsabilité de M. et Mme [Z]-[G] était engagée envers leur fille [P], la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts arrêtée par le tribunal judiciaire de Troyes constituant une réparation à sa juste mesure du préjudice éprouvé par la partie intimée de sorte que la décision déférée sera aussi confirmée de ce chef ;

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à la charge de M. et Mme [Z]-[G] les entiers dépens tant d'appel que de première instance, la confirmation de la décision entreprise étant aussi encourue à ce titre ;

Que l'équité justifie la somme de 2 500 euros fixée en faveur de Mme [P] [Z] au visa de l'article 700 du code de procédure par le tribunal judiciaire de Troyes dont le jugement sera également confirmé de ce chef, cette même considération commandant à hauteur de cour d'arrêter à la même somme l'indemnité de procédure due à cette partie, les débiteurs de ces sommes étant déboutés de leurs propres prétentions à cette fin ;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et dans les limites des appels,

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- Confirme en toutes ses dispositions querellées le jugement déféré ;

- Condamne in solidum M. [W] [Z] et Mme [K] [G] épouse [Z] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à hauteur de cour à Mme [P] [Z] une indemnité pour frais irrépétibles de 2 500 euros ;

- Déboute M. et Mme [Z]-[G] de leur propre prétention indemnitaire exprimée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que la SCP LR Avocats, conseils de Mme [P] [Z], pourra recouvrer directement contre la partie adverse ceux des dépens d'appel dont elle aura fait l'avance sans avoir préalablement reçu de provision, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre sect.famille
Numéro d'arrêt : 21/02182
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;21.02182 ?
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