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24/11/2020 | FRANCE | N°18/014111

France | France, Cour d'appel de reims, 11, 24 novembre 2020, 18/014111


ARRET No
du 24 novembre 2020

R.G : No RG 18/01411 - No Portalis DBVQ-V-B7C-EP5M

F... V...

c/

M...
C...
Société [...]

Formule exécutoire le :
à :

la AARPI PASCAL GUILLAUME et JEAN-PIERRE

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2020

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 28 mai 2018 par le tribunal de grande instance de CHARLEVILLE-MEZIERES

Madame Q... F... V...
[...]
[...]

Représentée par Me Pascal GUILLAUME de l'AARPI PASCAL GUI

LLAUME et JEAN-PIERRE, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître TIROUFLET de BUHREN avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Maîtr...

ARRET No
du 24 novembre 2020

R.G : No RG 18/01411 - No Portalis DBVQ-V-B7C-EP5M

F... V...

c/

M...
C...
Société [...]

Formule exécutoire le :
à :

la AARPI PASCAL GUILLAUME et JEAN-PIERRE

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2020

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 28 mai 2018 par le tribunal de grande instance de CHARLEVILLE-MEZIERES

Madame Q... F... V...
[...]
[...]

Représentée par Me Pascal GUILLAUME de l'AARPI PASCAL GUILLAUME et JEAN-PIERRE, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître TIROUFLET de BUHREN avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Maître J... Z... U... X... M...
Domiciliée et exerçant son office [...]
[...]

Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître DUPUIS avocat au barreau des ARDENNES

Maître A... H... C...
Domicilié et exerçant son Office [...]
[...]

Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître DUPUIS avocat au barreau des ARDENNES

Société [...] prise en la personne de son Gérant domicilié de droit audit siège [...]
[...]

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître DUPUIS avocat au barreau des ARDENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre rédacteur
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Cédric LECLER, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 8 septembre 2020, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 novembre 2020 prorogé au 24 novembre 2020.

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le24 novembre 2020 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme Q... F... V... a été nommée notaire associée de la SCP Maître J... M... et A... C... et Q... F...-V... - Notaires Associés », titulaire d'un Office Notarial à Charleville-Mézières par arrêté du ministre de la Justice en date du 16 octobre 1996.

A l'occasion d'un litige entre associés né à l'occasion d'opérations douteuses menées par Mme F... V... et sanctionnées par la chambre de discipline des notaires, les associés ont signé une première convention le 13 juillet 2010 dans le cadre de laquelle elle :
- a accepté à compter du 1er juillet 2020,
* de se voir interdire de pénétrer dans les locaux,
* de renoncer à ses fonctions de notaire associée et à sa part de bénéfice à compter du 1er juillet 2010,
* de démissionner de ses fonctions de gérante,
- s'est engagé à céder ses parts dans les meilleurs délais.

Dans ce cadre le 21 juillet 2010 Maître Q... F... V... a informé ses associés d'un projet de cession de ses parts à Maître W... pour la somme de 750 000 euros.

Par courrier du 4 octobre 2010 Maître E... M... et Maître A... C... lui ont refusé leur agrément et se sont engagés à lui faire connaître par un prochain courrier leur position consistant soit à racheter eux mêmes ses parts soit à présenter d'autres candidats.

Ils ont ensuite proposé deux noms de candidats à Mme Q... F... V... mais les parties ne sont pas parvenues à un accord sur le nom d'un candidat à la reprise.

Une première procédure a opposé les parties concernant la validité de la convention du 13 juillet 2010 introduite par Mme Q... F... V... par une assignation en référé du 14 janvier 2011 devant le tribunal de grande instance de Charleville Mézières puis par une assignation au fond devant celui-ci dans le cadre de laquelle Mme Q... F... V... entendait voir prononcer la caducité de la convention du 13 juillet 2010 du fait de la prohibition des engagements perpétuels alors que la validité de la convention ne comptait pas de durée, voir prononcer sa caducité ou son inopposabilité du fait de sa propre parfaite exécution des obligations mises à sa charge et des agissements fautifs de Maître E... M... et Maître A... C... quant à son exécution en ce qu'ils ont refusé l'agrément du candidat qu'elle leur a présenté, enfin voir prononcer sa nullité pour violation de la législation relative au statut des notaires et pour vice du consentement donné sous l'empire de la violence morale.

Cette procédure qui visait à permettre au requérant de retourner exercer librement et sans contrainte ses fonctions de notaire associée au sein de l'étude s'est achevée par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 22 mai 2012.

Par arrêt de la cour d'appel de Reims du 22 mai 2012 statuant sur appel du jugement au fond du 24 février 2012 du tribunal de grande instance de Charleville Mézières, Mme F... V... a été déboutée de toutes ses demandes tendant à la caducité et à la nullité de l'accord transactionnel du 13 juillet 2010 et celui-ci a été déclaré en conséquence régulier et opposable aux parties.
S'agissant des demandes réciproques visant à déterminer la partie qui a failli à ses obligations contractuelles résultant de cette convention la cour a dit que Mme Q... F... V... n'a pas exécuté ses engagements au titre de la convention du 13 juillet 2010, que le défaut d'agrément ne résultait pas de la volonté unilatérale et non fondée de ses associés lesquels n'ont pas fait obstacle à la réalisation de la convention mais du fait de Maître Q... F... V... qui n'a plus présenté depuis septembre 2010 aucune personne à l'agrément de ses associations en violation avec les termes du protocole qui lui commandaient de présenter son cessionnaire à l'agrément de ses associés dans les meilleurs délais.

Maître Q... F...-V... formé un pourvoi contre l'arrêt du 22 mai 2012 qui a été déclaré irrecevable par la cour de cassation par arrêt du 19 mars 2015 au motif que celle-ci a acquiescé à l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 22 mai 2012, au sens de l'article 410 du code de procédure civile, ayant déclaré valable la convention signée entre les parties les 13 juillet 2010 en prenant sur ce fondement des accords fermes, définitifs et irrévocables par convention du 29 octobre 2012 dont celui de se désister de toutes actions judiciaires de tout recours contre les décisions rendues antérieurement et à renoncer à toutes réclamations de quelque nature que ce soient.

Une seconde procédure a été introduite le 12 juillet 2012 par Maître E... M... et Maître A... C... qui ont fait assigner Maître Q... F... V... aux fins de voir régulariser la cession de parts à leur profit qui s'est achevé par leur désistement constaté par jugement du 16 novembre 2012 du tribunal de grande instance de Charleville Mézières en exécution de la convention sus évoquée du 29 octobre 2012 conclue entre les parties en cours de procédure.

Par la convention du 29 octobre 2012 visée ci dessus les parties ont convenu :
- d'une cession des 800 parts de Maître Q... F... V... à Maître E... M... et Maître A... C... au prix de 700.000 euros, sous conditions suspensives de l'obtention de prêts par M. C... et Mme M... et de l'approbation du retrait de Mme F... V... par arrêté du ministre de la Justice.
- de leur désistement de tous recours contre les décisions rendues antérieurement et renonciation à toutes réclamations de quelques natures que ce soient et de la rémunération du capital correspondant aux parts sociales de Mme F... V... à hauteur d'une somme forfaitaire définitive de 60.000 euros, payable le jour de la signature de l'acte authentique de réitération de la cession de parts sociales.

Sur le fondement de la convention du 29 octobre 2012 un dossier de cession a été déposé à la chambre interdépartementale des notaires qui en a accusé réception et a indiqué que le traité ne suscitait aucune observation si ce n'est la clause de garantie de passif qui semblait un peu succincte.

En janvier 2013 le conseil de Maître Q... F... V... écrivait que les conventions de cessions de parts étaient devenues caduques.
L'accord définitif de la caisse de dépôts et consignation sollicité le 22 novembre 2012 a été obtenu le 8 février 2013 pour les montants sollicités sous condition suspensive de :
- la caution de l'ANC
-l'assurance (accord obtenu le 28 mars 2013)
-l'agrément de la chancellerie sur le projet de cessionnaire.

La cession des parts de Maître Q... F... V... au bénéfice de Maître E... M... et Maître A... C... convenu le 29 octobre 2012 a été réitéré par acte authentique du 30 septembre 2013 devant Maître L... notaire à Nouzonville aux fins de respecter les demandes de madame l'avocat général et mettre en place le dossier type de cession préconisé par la chancellerie, sous conditions suspensives :
- du dépôt du dossier de demande de prorogation du prêt (la caisse de dépôt et consignation a accepté cette demande et prorogé son accord jusqu'au 11 novembre 2013 pour les deux cessionnaires- par lettre du 9 janvier 2014 la caisse a informé Maître E... M... et Maître A... C... de l'accord du prêt sous conditions suspensives de l'accord de l'assurance qui a été obtenu le 13 mai 2014 et de l'agrément de la chancellerie sur le projet de cession)
– de l'approbation du retrait de Mme F... V... par le garde des sceaux.

Le dossier visant au retrait de Mme Q... F... V... a été transmis le 30 octobre 2013 soit dans la suite de la conclusion de l'acte authentique du 30 septembre 2013 au ministère de la justice.

Le 23 avril 2015, le ministre de la Justice a refusé d'agréer l'opération développant que la société de notaires était arrivée à son terme d'existence légale et qu'elle ne pouvait donc opérer la fusion absorption des parts de Maître Q... F... V..., que par ailleurs le statut des notaires leur interdit d'être membres de deux SCP et que donc il convenait de scinder l'opération projetée en deux :
- d'abord agréer la cession de parts sociales et le retrait de Maître Q... F...-V...;
- puis agréer le retrait de Maître J... M... et Maître A... C... de la SCP et constater la dissolution de la SCP et constater la dissolution de la société ;
- dans un arrêté concomitant, nommer la nouvelle société en qualité de titulaire de l'office et Maître E... M... et Maître A... C... en qualité d'associés.

Une circulaire du 8 juillet 2015 émanant du conseil supérieur du notariat a indiqué aux notaires qu'afin d'éviter tous risques de retard ou de refus de la part de la chancellerie une baisse forfaitaire des coefficients bruts était fortement préconisée à savoir un maximum de 0,8 % sur les produits bruts.
Dans le même temps un courrier du 13 juillet 2015 de l'association notariale de caution (ANC) a demandé que tous les dossiers en sursis soient revisités pour répondre aux conditions arrêtées par la circulaire avec réduction du prix permettant d'atteindre une valeur correspondant à 0,8 % du chiffre d'affaires brut moyen des 5 dernières années.

Dans ce contexte Maître E... M... et Maître A... C... ont le 18 novembre 2015 présenté à Maître Q... F... V... une proposition d'avenant au contrat de cession ramenant le prix à 492.000 euros.
Une réunion entre les parties a été organisée le 17 décembre 2015 par la chambre interdépartementale des notaires pour en discuter.

M. C... et Mme M... ont monté leur offre d'achat à 550.000 euros par courrier du 24 février 2016.

Aucun accord sur le prix n'a été trouvé.

Par acte d'huissier du 19 juillet 2016, Me F... V... a engagé la présente procédure en faisant assigner M. C... et Mme M... ainsi que la SCP notariale devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières aux fins de voir constater le caractère définitif et parfait de la cession de parts sociales du 30 septembre 2013 au prix de 700.000 euros, aux fins de paiement du prix de cession, de paiement de la rémunération du capital social, soit 60.000 euros par an, pour l'année 2012 et pour chaque année suivante selon convention du 29 octobre 2012, et de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices économique et moral.

Elle a développé que la condition suspensive de l'obtention du prêt était levée et que celle de l'approbation de son retrait n'était pas réalisable du fait de Maître E... M... et Maître A... C... qu'il convenait donc d'ordonner à ceux-ci sous astreinte de compléter le dossier de manière conforme aux exigences du CSN et de la chancellerie. Elle a souligné que le comportement de Maître E... M... et Maître A... C... a eu pour conséquence de la priver de tout revenu du travail, du capital et des bénéfices de la société depuis le 1er juillet 2010.

Les défendeurs ont invoqué l'irrecevabilité de l'action de Maître Q... F... V... au motif de la violation de ses engagements pris dans le cadre de la convention du 29 octobre 2012, l'absence de bien fondé de celle-ci en ce que la requérante ne justifie pas à ce jour avoir régulièrement cédé ses parts, subsidiairement au débouté de celle-ci en toutes ses demandes et ont demandé reconventionnellement que la cession intervienne sous astreinte au prix de 550.000 euros.

Par jugement du 28 mai 2018, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a :

- débouté Mme F... V... de l'ensemble de ses prétentions,
- débouté Mme M... et M. C... de leur demande tendant à la condamnation de Mme F... V... à céder ses parts dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement au prix de 550.000 euros,
- débouté Mme M... et M. C... de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- dit que chaque partie conserverait la charge des dépens qu'elle a exposés,
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Sur la cession de parts, le tribunal a jugé que la demande en paiement du prix de cession sur le fondement de l'article 1583 du code civil supposait de déterminer au préalable si les conditions suspensives avaient été réalisées ; que la défaillance de l'événement devait être fautive ou résulter d'une négligence fautive ou d'un défaut de diligence pour justifier de sa réalisation ; qu'en l'espèce, les parties n'avaient pas précisé le délai dans lequel les conditions devaient être réalisées ; que Mme F... V... n'établissait donc pas de manière certaine que la condition suspensive devait être considérée comme défaillie ; que M. C... et Mme M... avaient accompli des démarches afin d'obtenir le prêt leur permettant de payer le prix des parts cédées ; que l'accord de prêt obtenu était lui-même conditionné à l'agrément du retrait de Mme F... V... par le garde des sceaux ; qu'il appartenait à Mme F... V... seule d'accomplir les démarches en vue de l'obtention de cet agrément ; que dans sa demande de retrait adressée au garde des sceaux, elle a érigé unilatéralement en condition suspensive de son retrait l'exécution de l'acte de cession alors que la convention de cession était au contraire conditionnée par le retrait du cédant ; qu'ainsi, il n'était pas démontré que c'était par négligence des cessionnaires que la condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt n'avait pas été réalisée, et que la seconde condition suspensive n'était pas réalisée au jour des débats ; qu'en conséquence, aucune des conditions suspensives n'avaient été réalisées, de sorte que Mme F... V... ne pouvait demander la condamnation des cessionnaires à lui payer le prix de cession, ni à compléter le dossier de manière conforme aux exigences du Conseil supérieur du notariat et de la Chancellerie. Il a également jugé que M. C... et Mme M... n'expliquaient pas en quoi la convention de 2013 ne serait plus valable, de sorte qu'ils ne pouvaient obtenir la condamnation de Mme F... V... à leur céder ses parts au prix de 550.000 euros.

Sur la demande en rémunération du capital, le tribunal a retenu que selon la convention du 29 octobre 2012, les parties avaient convenu d'évaluer forfaitairement et définitivement la rémunération des apports de Mme F... V... à la somme de 60.000 euros payable au jour de la confirmation de la cession par acte authentique ; que Mme F... V... ne pouvait donc pas obtenir d'autres sommes que celle fixée d'un commun accord entre les parties, qu'elle ne se trouvait pas privé de toute rémunération de ses apports en capital, et qu'elle n'était pas fondée à obtenir la condamnation immédiate des défendeurs au paiement de cette somme puisque son exigibilité avait été fixée par les parties à la date de réitération de l'acte de cession par acte authentique.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour préjudices économique et moral de Maître Q... F... V..., le tribunal a jugé que les effets de la convention de cession demeuraient suspendus faute de réalisation des deux conditions suspensives, que ce défaut de réalisation trouvait sa cause dans l'absence d'agrément du retrait du cédant, laquelle lui était aussi imputable.

Par déclaration du 29 juin 2018, Mme F... V... a fait appel de ce jugement, sur les dispositions l'ayant déboutée de l'ensemble de ses demandes, et ayant rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Mme Q... F... V... a conclu le 5 février 2020 et Maîtres E... M... et A... C... le 31 janvier 2020.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 février 2020 et l'affaire appelée à l'audience du 18 février 2020 et a été renvoyée à l'audience du 30 juin 2020 pour cause de grève des avocats. Une proposition de médiation a été faite aux parties.

Dans ce délai constatant l'accord des parties aux fins de voir nommer un médiateur pour parvenir à un accord sur l'issue du litige la cour a par arrêt du 21 février 2020 ordonné une médiation.

La médiation n'a pas abouti.

Par ordonnance du 2 septembre 2020 la cour a ordonné la révocation de la clôture du 12 février 2020, a renvoyé l'affaire à l'audience du 8 septembre 2020 et clôturé l'affaire le même jour.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives Mme F... V... demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté les cessionnaires de leur demande reconventionnelle et, statuant à nouveau,
- La dire et juger recevable en ses demandes et l'y déclarant bien fondée :
1/ En ce qui concerne le paiement du prix de cession :
- Dire et juger que la cession des parts sociales de Madame F... no 1 à 600 et no 1801 à 2000, détenues au sein de la SCP [...] , telle que résultant de la convention par acte authentique du 30 septembre 2013 au prix principal de 700.000 euros a un caractère définitif et parfait au regard de l'accord sur la chose et le prix,
- Dire et juge à titre principal que les cessionnaires ont renoncé à se prévaloir des conditions suspensives contractuelles,
- Dire et juger à titre subsidiaire d'une part que la condition suspensive de l'obtention du prêt est réputée accomplie, et que d'autre part la condition suspensive de l'approbation du retrait de Maître F..., laquelle n'étant pas réalisée compte tenu des défaillances réitérées de Maître E... M... et de Maître A... C..., est réputée accomplie,
Par conséquent,
- Condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... à payer à Maître Q... F... la somme de 700.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2013 et capitalisation pour une année entière et à défaut les condamner chacun d'entre eux à lui payer la somme de 350.000 euros avec intérêts au taux d'intérêt légal à compter du 11 novembre 2013 et capitalisation pour une année entière,
- Les condamner solidairement à une somme en principal de 70.000 euros au titre de la clause pénale subséquente,
- Ordonner à Maître E... M... et à Maître A... C... de compléter le dossier de manière conforme aux exigences du CSN et de la Chancellerie, sous une astreinte définitive de 1.000 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, jusqu'à ce qu'il soit justifié que le dossier complet ait été remis et déclaré conforme par le Parquet Général près de la Cour d'appel de Reims, la Chambre interdépartementale des Notaires de Reims et la Chancellerie,
2/ En ce qui concerne la convention de rémunération du capital :
-Dire et juger que la convention de rémunération du capital en date du 29 octobre 2012 doit être exécutée pour les années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 et 2018 et le cas échéant les années suivantes, compte tenu de sa qualité subsistante d'associé et ce jusqu'à parfait paiement de ses parts sociales et acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates devant être retenue,
Par conséquent, condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... au paiement chaque année, à compter de l'année 2011, de la somme en principal de 60.000 euros, et à défaut la somme de 30.000 euros chacun,
- Condamner d'ores et déjà solidairement Maître E... M... et Maître A... C... au paiement de la somme de 480.000 euros, et à défaut la somme de 240.000 euros chacun, pour les années 2011 à 2018 incluse avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2010 et capitalisation pour chaque année entière,
3/ En ce qui concerne la répartition des bénéfices :
- Condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... au paiement de la somme due à Maître F... au titre de la répartition annuelle des bénéfices, compte tenu de sa qualité subsistante d'associé, soit 1.463.467,67euros, calculée sur la base du tiers des revenus BNC dont la SCP a bénéficié de juillet 2010 au 31 décembre 2019 soit 1.219.998 euros, outre une somme mensuelle de 13.284,53 euros depuis le 1er janvier 2020, soit 92 991,71 euros arrêtée au 31 juillet 2020 inclus et ce jusqu'à parfait paiement de ses parts sociales et acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates devant être retenue,
- Dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2010 et capitalisation pour chaque année entière et ce jusqu'au parfait paiement des parts sociales et l'acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates étant à retenir,
4/ En ce qui concerne le préjudice :
A titre principal et en tout état de cause :
-Dire et juger que Maître F... a subi un préjudice moral très grave du fait des agissements de Maître E... M... et Maître A... C...,
- Par conséquent, condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... au paiement au bénéfice de Maître F..., de la somme de 20.000 euros au titre de son préjudice moral,
- DIRE ET JUGER que Maître F... a subi également un préjudice économique, constitué par le paiement indu des charges sociales qu'elle a acquittées à hauteur de 220 050,73 euros, sans contrepartie de revenus, et du fait de la diminution importante de ses droits à retraite,
-Dire et juger par conséquent Maître F... recevable et bien fondée à obtenir l'indemnisation de son préjudice et condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... au paiement à son bénéfice de la somme de 220 050,73 euros, au titre de son préjudice économique,
- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2010 et capitalisation pour chaque année entière et ce jusqu'au parfait paiement des parts sociales et l'acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates étant à retenir,
A titre subsidiaire, outre la condamnation de son préjudice moral pour un montant de 50.000 euros qui ne peut que continuer de se justifier à ce stade, mais dans l'hypothèse seulement où la demande principale tendant à la répartition des bénéfices ne serait pas accueillie,
- Condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... au paiement de la somme due à Maître F... au titre de l'ensemble de son préjudice économique au paiement de la somme de 1.463.467,67 euros, calculée sur la base du tiers des revenus BNC dont la SCP a bénéficié de juillet 2010 au 31 décembre 2019 soit une somme mensuelle de 13.284,53 euros depuis le 1er janvier 2020, soit 92 991,n71euros arrêtée au 31 juillet 2020 inclus et ce jusqu'à parfait paiement de ses parts sociales et acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates devant être retenue,
- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2010 et capitalisation pour chaque année entière et ce jusqu'au parfait paiement des parts sociales et l'acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates étant à retenir,

A titre subsidiaire :
- Ordonner s'agissant de la cession des parts sociales la consignation auprès de la Caisse des Dépôts et Consignation en qualité de séquestre de la somme de 700.000 euros et ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
-Dire et juger Maître E... M... et Maître A... C... mal fondés en leurs demandes reconventionnelles tant en ce qui concerne la demande de régularisation d'un acte de cession sous astreinte qu'en ce qui concerne la reprise des pourparlers pour parvenir à un acte de cession conforme et à la fixation d'un prix de cession, et à celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- Condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit du Cabinet AARPI Pascal GUILLAUME et Jean-Pierre SIX, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,
-Dire et juger que la décision à intervenir sera opposable à la SCP J... M... - A... C... et Q... F... V....

Par conclusions récapitulatives no2 en date du 31 janvier 2020 et dernier bordereau de pièces du 7 septembre 2020 M. C..., Mme M... et la SCP [...] demandent à la cour d'appel de :
- déclarer Mme F... V... mal fondée en son appel et l'en débouter,
Faisant droit en revanche à leur appel incident,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il n'a pas déclaré irrecevable Maître F... V... en ses demandes, en ce qu'il a débouté Maître M... et Maître C... de leurs demandes reconventionnelles et de condamnation à paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 CPC et dépens,
-Dire et juger irrecevables l'action en justice et l'ensemble des demandes formulées par Mme F... V...,
- déclarer Maître M... et Maître C... bien fondés en leurs demandes reconventionnelles,
-Dire et juger que Madame F... V... n'a pas à ce jour régulièrement cédé les parts qu'elle détient dans la SCP [...] conformément à l'acte du 13 juillet 2010,
-Dire et juger que Mme F... V... devra régulariser l'acte de cession de ses parts dans un délai de 3 mois à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau statué, en exécution de l'acte signé du protocole du 13 juillet 2010 et dans le respect de la circulaire de la Chancellerie,
Subsidiairement,
- Déclarer Maître M... et Maître C... bien fondés à voir Ordonner à Maître F... V... de reprendre les pourparlers pour parvenir à un acte de cession conforme à la convention du 13 juillet 2010, sous l'égide de Maître R... I..., ou son successeur en qualité de Président de la Chambre interdépartementale des Notaires qui sera désigné » en mai 2020, afin de fixer notamment le prix de cession conformément au prix du marché et dans le respect des préconisations et directives de la Chancellerie,
En tout état de cause,
- Déclarer Madame F... V... irrecevable en ses demandes nouvelles en appel tendant à voir :
«Dire et juger à titre principal que les cessionnaires ont renoncé à se prévaloir des conditions suspensives contractuelles,
-Dire et juger à titre subsidiaire d'une part que la condition suspensive de l'obtention du prêt est réputée accomplie, et que d'autre part la condition suspensive de l'approbation du retrait de Maître F..., laquelle n'étant pas réalisée compte tenu des défaillances réitérées de Maître M... et de Maître C..., est réputée accomplie,
- les condamner solidairement à une somme en principal de 70.000 euros au titre de la clause pénale subséquente,
- dire et juger que Maître F... a subi également un préjudice économique, constitué par le paiement indu des charges sociales qu'elle a acquittées à hauteur de 200.889,30 euros »
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée mal fondée en l'ensemble de ses demandes et notamment celles en paiement de ses cotes parts de résultats et de rémunération du capital, et en réparation de préjudices économique et moral,
- condamner Madame F... V... au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- débouter purement et simplement Mme F... V... de l'ensemble de ses fins, demandes et prétentions plus amples ou contraires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande de Mme Q... F... V...

Au terme d'une convention du 29 octobre 2012 les parties ont convenu des conditions de cession par Mme Q... F... V... à Maîtres E... M... et A... C... de ses parts sociales au prix de 700000 € sous les conditions suspensives d'obtention du financement par les cessionnaires et d'agrément du retrait de Mme Q... F... V... par le Ministre de la Justice.

Elles se sont par ailleurs engagées réciproquement à se désister de toute action judiciaire, de tout recours contre les décisions rendues antérieurement, à renoncer à toutes les réclamations de quelque nature qu'elles soient.

Il faut constater que les engagements des parties à se désister de toute action judiciaire et de tout recours contre les décisions antérieures ont été respectés.

D'une part par l'effet du désistement de Maîtres E... M... et A... C... de l'action judiciaire qu'ils avaient introduite antérieurement, soit le 12 juillet 2012 devant le tribunal de grande instance de Charleville, aux fins de régulariser à leur profit la cession de parts convenues dans le protocole d'accord du 13 juillet 2010.

D'autre part par l'effet de l'arrêt de la cour de cassation du 19 mars 2015 qui a déclaré Mme Q... F... V... irrecevable en son pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 22 mai 2012 statuant définitivement sur la validité de la convention du 13 juillet 2010.

Maîtres J... M... et A... C... soutiennent que cette convention du 29 octobre 2012 interdit à Mme Q... F... V... toute action et que donc elle est irrecevable en toutes ses demandes présentées dans le cadre de la présente procédure introduite par assignation du 19 juillet 2016.

Mais la convention ne contraint Mme Q... F... V... qu'à renoncer «à toutes les réclamations de quelque nature qu'elles soient» ce qui constitue un périmètre assez indéfini qui ne vise pas spécifiquement les actions judiciaires qui ne se confondent pas avec des «réclamations» et qui ont à ce titre expressément été nommées dans la convention s'agissant de «se désister de toutes actions judiciaires».

Si donc la convention du 29 octobre 2012 a eu pour effet de contraindre les parties à renoncer à toutes leurs actions passées et en cours à cette date, elle ne pouvait leur interdire définitivement la possibilité de se prévaloir de l'absence de respect des droits qu'elle contient et encore à naître au moment de la conclusion de la convention et tenant notamment à voir constater son exécution ou son absence d'exécution au regard de la levée des conditions suspensives contractuellement mises en place à cette date.

Ainsi «la renonciation à toutes réclamations de quelque nature que ce soit « prévue dans la convention du 29 octobre 2012 ne peut s'analyser en une fin de non recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile pouvant être opposée à Mme Q... F... V... qui entend voir dire à titre principal que la cession des parts sociales telles que résultant de la convention par acte authentique du 30 septembre 2013 réitérant la convention du 29 octobre 2012, a un caractère définitif et parfait et à condamner Maîtres E... M... et A... C... à lui en payer les montants convenus et toutes sommes y afférentes.

Ajoutant dès lors au jugement du tribunal de grande instance qui n'a pas statué sur ce point le cour déclare les demandes de Mme Q... F... V... recevables.

Sur validité des actes de cession de parts des 29 octobre et 30 septembre 2013.

Les parties ont convenu par une convention du 29 octobre 2012 réitérée par acte authentique du 30 septembre 2013 la cession des parts sociales de Madame F... no 1 à 600 et no 1801 à 2000, détenues au sein de la SCP [...] à ses deux associés au prix principal ferme définitif et non révisable à la hausse ou à la baisse de 700.000 euros.

Cette cession de parts a été conclue sous deux conditions suspensives tenant la première à l'approbation du retrait de Mme Q... F... V... par le ministre de la justice et la seconde à l'obtention d'un prêt de 350 000 euros par chacun des cessionnaires au taux de 3,5% d'une durée de 7 ans.

Ces actes précisent que la cession ne sera définitive qu'à compter de la réalisation des conditions suspensives ci dessus stipulées, qu'en cas de non réalisation des conditions suspensives stipulées aux présentes à la date prévue, les conventions seront nulles et de nul effet de plein droit par un écoulement du délai sans qu'il soit besoin de notification ou autre formalité sauf si la non réalisation des conditions suspensives ressortait du fait volontaire du cessionnaire, obligé à la condition, auquel cas les dispositions de l'article 1178 du Code civil, s'appliqueront, le cessionnaire étant alors réputé défaillant.

Or il est constant que la condition suspensive d'approbation du retrait de Mme Q... F... V... par le Ministre de la Justice n'a pas été levée.

Dans la mesure où les actes de cessions du 29 octobre 2012 et 30 septembre 2013 ne prévoient pas de délai dans lequel cette condition suspensive devait être réalisée et estimant que les parties ne justifiaient pas d'une part de l'existence d'une faute du débiteur obligé sous cette condition et d'autre part que celle-ci pourrait être accomplie à l'avenir, les premiers juges ont dit que la condition ne pouvait être considérée comme d'ores et déjà failli, que donc les effets de la convention du 30 septembre 2013 demeuraient suspendus.

Mais certes l'engagement affecté d'une condition suspensive sans terme fixe subsiste aussi longtemps que la condition n'est pas défaillie.

Néanmoins la stipulation d'une condition suspensive sans terme fixe ne peut pas conférer à l'obligation un caractère perpétuel pour chacune des parties.

Or en l'espèce il faut relever que dans le protocole d'accord du 13 juillet 2010 Mme Q... F... V... s'est engagée à céder ses parts dans les «meilleurs délais» de sorte que nécessairement les parties ont entendu inscrire la réalisation des conditions suspensives prévues aux accords d'octobre 2012 et 30 septembre 2013 dans les «meilleurs délais».

Ces meilleurs délais sont d'autant plus justifiés que les parties ont pris le soin de préciser que le prix de vente des parts est déterminé en fonctions du chiffre d'affaires des 3 dernières années et qu'un retard trop important pris dans la réalisation des conditions risquait rapidement de déconnecter le prix de cette assiette résultant du choix des parties au contrat.

En outre ces meilleurs délais ont été décidés dans l'intérêt bien compris de la poursuite de l'activité de l'étude par les cessionnaires qui entendaient se débarrasser de leur associé à qui ils reprochaient des malversations qui ont été sanctionnées par la chambre de discipline des notaires confirmée par arrêt de la cour d'appel de Reims du 27 juin 2011 mais également dans l'intérêt bien compris de Mme Q... F... V... en ce que la cession lui en assurait le prix alors qu'elle venait, en exécution du protocole du 13 juillet 2010, de démissionner de ses fonctions de gérante à effet au 1er juillet 2020, de renoncer à sa quote part dans les bénéfices de la SCP et donc se trouvait privée des revenus de son capital et de son travail.

Et d'ailleurs dans les meilleurs délais Mme Q... F... V... a proposé un candidat repreneur de ses parts qui a dans un premier temps été accepté par ses associés avant que ceux-ci, sans faute au regard de faits transmis par la commission d'accès à la profession qui s'est tenue le 22 septembre 2010 et qui a décidé d'ajourner l'étude de ce premier dossier de cession des parts, ne retirent leur agrément.

Maîtres J... M... et A... C... ont informé la chambre interdépartementale des notaires et Mme Q... F... V... de leur refus d'agréer ce candidat comme nouvel associé par lettre du 4 octobre 2010 ainsi qu'ils le développent dans un courrier du 15 décembre 2010 adressé au procureur de la République.

Rapidement Maîtres E... M... et A... C... ont reçu deux candidats à la reprise les 17 novembre et 4 décembre 2010 et l'un d'eux a fait une proposition de rachat de 650 000 euros plusieurs fois renouvelées ( 23 décembre 2010, 27 janvier 2011 et 2 mars 2011) qu'il qualifie de «haute» compte tenu de la valeur des parts pouvant être retenue eu égard aux rations applicables dans la profession .

Or par courrier du 11 mars 2011 Mme Q... F... V... a catégoriquement refusé cette offre expliquant que le prix était très inférieur à celui proposé par un autre candidat.

Un second candidat a fait une proposition de reprise des parts par courrier du 7 avril 2011 invitant Mme Q... F... V... à lui communiquer le prix de cession souhaité ainsi que les données financières (chiffres d'affaire, bénéfice notamment des 5 dernières années) qui n'a pas été suivie d'effet.

De fait il ressort clairement des pièces du dossier que dès la fin de l'année 2010 Mme Q... F... V... s'est battue pour voir reconnaître la nullité ou la caducité du protocole du 13 juillet 2020 décidant de son éviction de l'étude, au motif exposé dès un courrier du 30 novembre 2010 adressé au procureur de la république par son avocat que «ce document avait été signé à l'époque afin d'apaiser les esprits, en raison de graves soupçons de malversation pesant sur elle au détriment d'un plaignant qui venait de se désister de sa plainte», au motif également qu'elle avait été victime d'un vice du consentement, menacée de poursuite pénale tel que développé dans l'arrêt de la cour d'appel de Reims statuant le 15 avril 2011 en appel de l'ordonnance de référé rendue le 15 février 2011 en suite de l'assignation en référé par Mme Q... F... V... le 14 janvier 2011 de Maîtres E... M... et A... C... afin que leur soit enjoint de lui laisser la libre exercice de ses fonctions de notaires associés, le libre accès à l'office notarial, la restitution des clés et une quote part des bénéfices.

Pendant le cours de cette première procédure introduite par Mme Q... F... V... et qui a opposé les parties sur la validité de la convention du 13 juillet 2010 d'abord en référé puis au fond devant le tribunal de grande instance de Charleville Mézières, aucune proposition de cession de parts n'a été faite par l'une ou l'autre des parties.

Le but même de cette procédure qui visait à permettre au requérant de retourner exercer librement et sans contrainte ses fonctions de notaire associé au sein de l'étude et les deux refus opposés aux candidats présentés, démontrent que le retard pris dans la conclusion de la cession des parts qui devait se faire «dans les meilleurs délais», ne résulte d'aucun comportement fautif de Maîtres E... M... et A... C... .

Elle s'est achevée par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 22 mai 2012.

Par cet arrêt la cour d'appel de Reims statuant sur appel du jugement au fond du 24 février 2012 du tribunal de grande instance de Charleville Mézières, adébouté Mme F... V... de ses demandes tendant à la caducité et à la nullité de l'accord transactionnel du 13 juillet 2010 et a déclaré en conséquence valide l'accord transactionnel du 13 juillet 2010. Et s'agissant des demandes réciproques visant à déterminer la partie qui a failli à ses obligations contractuelles résultant de cette convention la cour a justement dit que le défaut d'agrément ne résultait pas de la volonté unilatérale et non fondée de ses associés comme le prétendait Mme Q... F... V... lesquels n'ont pas fait obstacle à la réalisation de la convention mais du fait de Maître Q... F... V... qui persistait à remettre en cause la validité de la convention du 13 juillet 2010 l'obligeant à céder ses parts.

Montrant leur volonté d'exécuter la convention du 13 juillet 2010 dans les meilleurs délais, Maître E... M... et Maître A... C... ont immédiatement à la suite de l'arrêt de la cour d'appel du 22 mai 2012 précité, introduit une procédure, par une assignation de Mme Q... F... V... du 12 juillet 2012, aux fins de régulariser la cession de parts à leur profit.

Finalement les parties ont trouvé un accord 3 mois plus tard qui a été formalisé dans une convention du 29 octobre 2012 dans laquelle les parties ont convenu :
- d'une cession des 800 parts de Maître Q... F... V... à Maître E... M... et Maître A... C... au prix de 700.000 euros, sous conditions suspensives de l'obtention de prêts par M. C... et Mme M... et de l'approbation du retrait de Mme F... V... par arrêté du ministre de la Justice.
- de leur désistement de tous recours contre les décisions rendues antérieurement et renonciation à toutes réclamations de quelques natures que ce soit et de la rémunération du capital correspondant aux parts sociales de Mme F... V... à hauteur d'une somme forfaitaire définitive de 60.000 euros, payable le jour de la signature de l'acte authentique de réitération de la cession de parts sociales.

Et la marche à suivre par les parties posée dans la convention 29 octobre 2012 selon laquelle, conformément aux dispositions des articles 28 et 29 du décret du 2 octobre 1967 la présente cession de parts sera portée à la connaissance de madame la Garde des Sceaux ministre de la justice en même temps que sera présentée la demande de retrait du cédant, a été respectée puisque le dossier visant au retrait de Mme Q... F... V... a été transmis le 30 octobre 2013 au ministère de la justice.

Mais Mme Q... F... V... a encore démontré son absence de volonté de respecter les termes de la convention et de céder ses parts au contraire de ses associés puisque alors qu'en application de cette convention ceux ci se désistaient de la procédure sus visée introduite le 12 juillet 2012 telle que constatée dans un jugement du 16 novembre 2012 du tribunal de grande instance de Charleville Mézières, Mme Q... F... V... au contraire ne s'est pas désistée du pourvoi qu'elle avait introduit contre l'arrêt du 22 mai 2012 qui l'avait déboutée de ses demandes d'annulation et de caducité de la convention du 13 juillet 2010.

Elle a répété dans un courrier de son avocat en janvier 2013 qu'elle considérait la convention de cession de parts caduque et alors même que les parties réitéraient par authentique du 30 septembre 2013 leur volonté de cession des parts pour un prix de 700 000 euros sous conditions suspensive d'obtention du prêt et de l'agrément du Ministre de la Justice, Mme Q... F... V... n'a pas renoncé à son pourvoi visant à contester la validité de son obligation à céder ses parts.

Elle s'est encore par courrier du 3 décembre 2014 prévalue de la caducité des compromis de cession au motif que Maîtres E... M... et A... C... n'avaient pas justifié de l'obtention du prêt alors que le défaut de régularisation de l'acte de cession contraignait régulièrement les candidats cessionnaires à renouveler ou proroger les offres de prêt et qu'ils justifient du respect de leurs obligations à ce titre jusqu'à l'échéance du délai de validité de l'offre acceptée par la caisse de consignation le 9 janvier 2014 et que la réalisation de cette condition suspensive n'était pas sérieusement contestable au regard de leur situation financière ainsi qu'ils le signalaient déjà dans le compromis du 29 octobre 2012.

Finalement Mme Q... F... V... a été déclarée irrecevable en son pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 22 mai 2012, par arrêt de la cour de cassation du 19 mars 2015 précité au motif qu'elle avait acquiescé à cet arrêt du 22 mai 2012, au sens de l'article 410 du code de procédure civile, en déclarant valable la convention signée entre les parties les 13 juillet 2010 en prenant sur ce fondement des accords fermes, définitifs et irrévocables par convention du 29 octobre 2012 dont celui de se désister de toutes actions judiciaires de tout recours contre les décisions rendues antérieurement et à renoncer à toutes réclamations de quelque nature que ce soient.

Il en résulte que du fait du comportement de Mme Q... F... V... la cession des parts qui aurait dû avoir lieu dans les meilleurs délais à compter de 2010 n'était pas réalisée 5 ans plus tard et alors même qu'un accord de volonté des parties sur tous les éléments de la vente était intervenu dès 2012 et que Maîtres E... M... et A... C... ont régulièrement justifié jusqu'à fin 2014 du respect de l'une des deux conditions tenant à l'obtention d'un prêt.

Ne restait en 2015 qu'à obtenir l'agrément de la chancellerie pour lever la seconde condition suspensive de la cession de parts.

A ce titre et dès le 25 mars 2015 soit dans les jours suivants l'arrêt précité de la cour de cassation Maîtres J... M... et A... C... ont sollicité l'avocat général de la cour d'appel de Reims pour connaître la position de la chancellerie dans le cadre du rachat par eux mêmes des parts de Mme Q... F... V... en lui demandant de relancer les services démontrant encore la volonté de respecter leur obligation.

Si l'agrément a été refusé le 29 avril 2015 sans faute constatée de l'une des parties dans ses obligations, ce n'est que parce que le ministre de la Justice a considéré que le projet de fusion -absorption paraissait irrégulier en ce que la société de notaires était arrivée à son terme d'existence légale et qu'elle ne pouvait donc opérer la fusion absorption des parts de Maître Q... F... V..., que par ailleurs le statut des notaires leur interdit d'être membre de deux SCP.

Il a dit qu'il convenait pour régulariser la situation de scinder l'opération projetée en deux :
- d'abord agréer la cession de parts sociales et le retrait de Maître Q... F...-V...
- puis agréer le retrait de Maître J... M... et Maître A... C... de la SCP et constater la dissolution de la SCP et constater la dissolution de la société
- dans un arrêté concomitament, nommer la nouvelle société en qualité de titulaire de l'office et Maître E... M... et Maître A... C... en qualité d'associés.
Et il suffisait donc de scinder l'opération globale en 3 la première étape intéressant seule Mme Q... F... V....

Néanmoins dans un courrier du 23 avril 2015 du procureur général de la cour d'appel de Reims Mme Q... F... V... était avertie que si la chancellerie avait précisé que le projet de fusion absorption envisagé était irrégulier elle avait aussi confirmé la possibilité qu'elle se retire de la SCP avant même que la situation juridique ne soit régularisée et qu'il lui apparaissait ainsi que son retrait de la SCP ne devait plus être différée.

Or Mme Q... F... V... qui reproche leur inaction à ses confrères à ce titre n'a pas tenté de résoudre le problème à cette époque alors qu'il lui était loisible de s'y intéresser comme elle l'avait déjà fait en déposant une demande d'agrément le 14 octobre 2013 et qu'elle le fera par le dépôt d'une autre demande le 21 août 2018 et elle ne justifie pas qu'elle avait transmis à ses confrères les pièces utiles à la constitution du dossier ainsi que le lui demandait le parquet général dans le courrier précité

En tout état de cause en mai 2015 la condition d'obtention du prêt n'était plus remplie.

En effet dans un courrier du 18 mai 2015 la caisse de dépôt et consignation précise à Maîtres E... M... et A... C... que le délai de validité de l'offre du 9 janvier 2014 est expiré et réclame de nouveaux documents incluant les déclarations d'activité professionnelle 2013 et 2014.

Dès un courrier du 19 mai 2015 adressé à l'avocat général près la cour d'appel de Reims suivant le dossier, Maîtres E... M... et A... C... ont déclaré qu'ils avaient pris toutes dispositions avec leur expert comptable en vue de la constitution du dossier mais sollicitaient des délais jusqu'en septembre 2015 en soulignant la difficulté qui se présentait au plan financier dans la mesure où les chiffres actuels de l'étude ne permettaient plus le rachat des parts de Mme Q... F... V... à hauteur de la somme de 700 000 euros arrêtée 4 ans plus tôt alors que les prêts sollicités étaient devenus caducs et que de nouveaux dossiers sur les mêmes bases seraient à l'évidence refusés compte tenu de la conjoncture économique.

A cette période une circulaire du 8 juillet 2015 émanant du conseil supérieur du notariat a indiqué aux notaires qu'afin d'éviter tous risques de retard ou de refus de la part de la chancellerie une baisse forfaitaire des coefficients bruts était fortement préconisée à savoir un maximum de 0,8 % sur les produits bruts.

Dans le même temps un courrier du 13 juillet 2015 de l'association notariale de caution (ANC) a notamment dit que pour obtenir son cautionnement pour répondre aux conditions arrêtées par la circulaire« tous les dossiers en sursis doivent être revisités (si cédants et cessionnaires sont toujours d'accord pour faire aboutir leur dossier) avec réduction de prix permettant d'atteindre une valeur correspondant à 0,8 % du chiffre d'affaires brut moyen des 5 dernières années..».

Il ne peut être reproché dans ce contexte à Maître E... M... et Maître A... C... et alors que la condition suspensive de l'obtention d'un agrément sur des bases fixées en 2012 et bouleversées, était compromise, d'avoir présenté, le 18 novembre 2015 à Maître Q... F...-V... proposition d'avenant au contrat de cession ramenant le prix à 492.000 euros puis d'en avoir discuté lors d'une réunion entre les parties organisée le 17 décembre 2015 par la chambre interdépartementale des notaires avant de monter leur offre d'achat à 550.000 euros par courrier du 24 février 2016.

L'absence de volonté des parties d'exécuter la convention du 29 octobre 2012 réitérée le 30 septembre 2013 est manifestée par toutes les parties soit dans un courrier de l'avocat de Maîtres J... M... et A... C... du 21 septembre 2015 et dans deux courriers recommandés des 3 et 20 décembre 2014 de Mme Q... F... V... envoyés avant le prononcé de l'arrêt de la cour de cassation du mars 2015, dans lesquels les parties se sont prévalues de la caducité du protocole de cession.

Il apparaît ainsi que fin 2015 soit dans un délai d'exécution raisonnablement estimé, les conditions suspensives posées par les parties en octobre 2012 et réitérées en septembre 2013 en exécution d'un engagement pris en juillet 2010, n'étaient pas levées sans qu'aucune faute ne puisse être reprochée aux intimés et que la situation était définitivement bloquée ainsi que le constate le représentant de la chambre des notaires dans un courrier du 12 mai 2016 qui note l'impossibilité de concilier les parties pour trouver une issue au conflit qui les oppose depuis de trop nombreuses années et ainsi que le démontre la situation à ce jour qui ne démontre d'aucune évolution dans la poursuite du processus de cession depuis cette date malgré encore en dernier lieu la décision du tribunal de grande instance querellée 28 mai 2018 estimant que les conditions n'étaient pas défaillies et invitant les parties à poursuivre leur processus et malgré la tentative de médiation entrepris en ce sens à hauteur de cour d'appel.

Or une exécution de bonne foi de la conventions d'octobre 2012 réitérée par acte authentique du 30 septembre 2013 pris sur le fondement du protocole du 16 juillet 2010 pouvait largement permettre de lever les conditions suspensives dans les meilleurs délais contractuellement convenus et en tout cas avant les bouleversements intervenus au cours de l'année 2015 et le retard pris jusqu'à cette date est imputable à Mme Q... F... V... qui jusqu'à l'arrêt de la cour de cassation et alors qu'elle s'était engagée à ne pas faire de recours, a continué à contester judiciairement son obligation de céder ses parts et à se prévaloir de la caducité de la convention de cession de parts à ses associés.

Il en résulte que dans la mesure où la stipulation d'une condition suspensive sans terme fixe ne peut pas conférer à l'obligation un caractère perpétuel pour chacune des parties, ni laisser à l'une des parties la possibilité de la remplir à une date déterminée qui lui scierait, qu'elles n'étaient toujours pas levées en l'espèce début 2016 soit dans un délai raisonnablement long et que la situation était bloquée à cette date sans aucune faute démontrée des obligés, celles-ci doivent être considérées comme définitivement défaillies à ce moment.

En conséquence Mme Q... F... V... doit être déboutée de ses demandes visant à voir dire que les cessionnaires ont renoncé à se prévaloir des conditions suspensives contractuelles ou que la condition suspensive de l'approbation du retrait n'est pas réalisée compte tenu des défaillances réitérées de Maîtres E... M... et A... C... et doit être réputée accomplie, déboutée en conséquence de sa demande visant à voir dire qu'elle a cédé régulièrement les parts qu'elle détient dans la SCP à Maîtres E... M... et A... C... et ceux-ci ne peuvent pas plus lui imposer une cession des parts au prix qu'ils ont déterminée, aucune des parties ne pouvant se prévaloir de l'exécution des conditions suspensives ni reprocher à l'autre l'inexécution de celle-ci

En revanche dans la mesure où la validité du protocole du 13 juillet 2010 a été définitivement jugée par arrêt de la cour d'appel de Reims du 12 mai 2012 et qu'il est faux de soutenir que celui-ci n'a plus vocation à s'appliquer parce que serait venu s'y substituer l'acte du 30 septembre 2013 qui n'en constitue que le prolongement, il en résulte que Mme Q... F... V... reste contrainte à céder ses parts et il est fait droit à la demande de Maîtres E... M... et A... C... visant à inviter les parties à reprendre les pourparlers pour parvenir à un acte de cession conforme à la convention du 13 juillet 2010 et à un prix conforme au prix du marché et dans le respect des préconisations et directives de la Chancellerie, sous l'égide de Maître R... I... ou son successeur en qualité de président de la chambre départementale des notaires, le cas échéant de toute personne ayant la confiance des deux parties.

Sur la demande au titre de la rémunération du capitalisation

Mme Q... F... V... soutient que sur le fondement de la convention du 29 octobre 2012 le capital doit être rémunéré pour les années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 et 2018 et le cas échéant pour les années suivantes, compte tenu de sa qualité subsistante d'associé et ce jusqu'à parfait paiement de ses parts sociales et acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates devant être retenue,

Elle soutient qu'il est d'ordre publicqu'un associé retrayant à droit tant qu'il est titulaire de ses parts à la rétribution de ses apports en capital et ce quelques soient les termes de l'accord qui a pu intervenir entre les cédants de sorte qu'elle est fondée à exiger l'exécution de la convention prévoyant le règlement du capital.

Mais Madame F... V... fonde ses prétentions au paiement annuel d'une somme annuelle de 60 000 euros en rémunération du capital à compter de 2012, sur les termes de la convention du 29 octobre 2012.

Or cette convention a été conclue sous conditions suspensives qui n'ont pas été réalisées de sorte qu'elle ne peut produire d'effet.

En conséquence le jugement est confirmé en qu'il l'a déboute de ses prétentions à ce titre.

Sur la distribution de la quote part des bénéfices dégagés.

Mme Q... F... V... réclame le tiers des bénéfices acquis entre juillet 2010 et décembre 2019 soit la somme de 1 463 467,67 euros développant que la renonciation à cet avantage qu'elle a concédée dans la convention du 13 juillet 200 ne lui est pas opposable, une telle renonciation n'ayant aucune valeur dans la mesure où elle est sans contrepartie et donc nulle d'ordre public pour défaut de cause.

Mais la validité de la convention du 13 juillet 2010 a été définitivement jugée par arrêt de la cour d'appel de Reims du 12 mai 2012 de sorte que les clauses qui y sont contenues sont opposables à Mme Q... F... V... et notamment celle par la quelle elle a renoncé à compter du 1er juillet 2010 à sa quote part dans les bénéfices de la SCP.

Il est intéressant de constater que ce point n'a pas été discuté dans le cadre des conventions de cession de parts ultérieurs des 29 octobre 2012 et 30 septembre 2013 qui n'envisagent que la rémunération du capital et précisent tout au contraire dans une clause particulière «répartition du résultat» qu'il ne sera effectué aucune répartition du résultat postérieurement au 13 juillet 2010 conformément à la convention du 13 juillet 2010.

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu'il déboute Mme Q... F... V... de sa demande à ce titre.

Sur la demande d'indemnité au titre de la clause pénale.

Sur le fondement de l'acte authentique du 30 septembre 2013, Mme Q... F... V... réclame une indemnité de 70 000 euros en application de la clause pénale mais si cette demande nouvelle est recevable en cause d'appel sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile elle n'est pas fondée en ce que les conditions suspensives de cet acte n'ont pas été levées et qu'il ne produit dès lors pas d'effet entre les parties.

Sur la demande de dommages et intérêts.

S'agissant de sa demande en dommages et intérêts pour le préjudice économique et moral Mme Q... F... V... reproche à ses associés d'avoir entretenu le litige et paralysé volontairement le processus de cession depuis 2010 et de l'avoir ainsi privée de tout revenu de son travail et de son capital.

Mais la privation de capital et de revenus est la conséquence directe des effets du protocole du 13 juillet 2010 qui lui même a pour origine la perte de confiance de ses associés au regard des manquements aux obligations et devoirs inhérents à sa fonction qui ont été constatés en 2010.

Et il a été développé précédemment l'absence de faute des associés dans le processus de cession et au contraire les freins mis par Mme Q... F... V... elle même à celui-ci en refusant pendant près de 6 ans d'exécuter de bonne foi ses engagements et en ne permettant pas ensuite de faire évoluer la situation parce qu'elle s'est arc-bouté à l'exécution d'un acte qui n'était pas définitif parce que les conditions suspensives n'avaient pas pu être levées sans faute des candidats cessionnaires et dont elle avait préalablement à plusieurs reprises et au mieux de ses intérêts réclamé la caducité.

Il est observé que si Mme Q... F... V... n'a pas perçu de rémunération de l'étude elle ne s'est pas trouvée sans revenu puisqu'elle a touché d'importantes indemnités au titre des contrats de santé obligatoires, mutuelles et prévoyance dont notamment en 3 ans par une assurance privée en conséquences de l'accident du travail du 23 juin 2010 résultant de l'état causé par son éviction de l'étude, quelque 350 000 euros.

Aussi la décision du tribunal de grande instance est confirmée en ce qu'il a débouté les parties de toutes leurs demandes mais infirmé en ce qu'il a dit que les conditions posées dans les conventions de cession de parts des 29 octobre 2012 et 30 septembre 2013 n'étaient pas définitivement défaillies.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire par mise à disposition

Déclare recevable l'action en justice de Mme Q... F... V...

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Charleville Mézières du 28 mai 2018 :

- en ce qu'il a dit que Madame F... V... n'a pas à ce jour régulièrement cédé les parts qu'elle détient dans la SCP [...] conformément à l'acte du 13 juillet 2010 et l'a déboutée en conséquence de sa demande visant à voir condamner solidairement Maître E... M... et Maître A... C... à lui payer la somme de 700.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2013 et capitalisation pour une année,
- en ce qu'il a débouté Madame F... V... de sa demande en rémunération du capital pour les années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 et 2018 et le cas échéant les années suivantes, compte tenu de sa qualité subsistante d'associé et ce jusqu'à parfait paiement de ses parts sociales et acceptation de son retrait par le Garde des Sceaux, la plus lointaine des dates devant être retenue,
- en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de répartition des bénéfices compte tenu de sa qualité subsistante d'associé
- en ce qu'il a débouté Madame F... V... de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral et économique et indemnité au titre de la clause pénale incluse aux actes de cession
- en ce qu'il a débouté Maître M... et Maître C... de leur demande reconventionnelle visant à contraindre Mme F... V... à régulariser l'acte de cession de ses parts pour un prix de 550 000 euros, dans un délai de 3 mois à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau statué, en exécution de l'acte signé du protocole du 13 juillet 2010 et dans le respect de la circulaire de la Chancellerie,

Infirme le jugement en ce qu'il a considéré que les parties pouvaient réclamer l'exécution des conditions posées dans les conventions des 29 octobre 2012 et 30 septembre 2013 ;

Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,

Constate que les conditions incluses aux conventions des 29 octobre 2012 et 30 septembre 2013 sont définitivement défaillies sans faute des parties,

Déclare Maître M... et Maître C... bien fondés à voir ordonner à Maître F... V... de reprendre les pourparlers pour parvenir à un acte de cession conforme à la convention du 13 juillet 2010, sous l'égide de Maître R... I..., ou son successeur en qualité de Président de la Chambre interdépartementale des Notaires qui sera désigné en mai 2020, afin de fixer notamment le prix de cession conformément au prix du marché et dans le respect des préconisations et directives de la Chancellerie,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme Q... F... V... aux dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : 11
Numéro d'arrêt : 18/014111
Date de la décision : 24/11/2020
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2020-11-24;18.014111 ?
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