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21/01/2020 | FRANCE | N°18/021181

France | France, Cour d'appel de reims, 11, 21 janvier 2020, 18/021181


ARRET No
du 21 janvier 2020

R.G : No RG 18/02118 - No Portalis DBVQ-V-B7C-ERTB

SCI DU CHATEAU

c/

V...
K...
C...

CEL

Formule exécutoire le :
à :

Me Claire LEPITRE

SELAS BDB etamp; ASSOCIÉS
Me Eric RAFFIN COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 21 JANVIER 2020

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 30 août 2018 par le tribunal de grande instance de REIMS

SCI DU CHATEAU
[...]
[...]

Représentée par Me Claire LEPITRE, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsi

eur O... V...
[...]
[...]

Représenté par Me Lorraine DE BRUYN de la SELAS BDB etamp; ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

Madame N... K... épouse V...
[...]
[.....

ARRET No
du 21 janvier 2020

R.G : No RG 18/02118 - No Portalis DBVQ-V-B7C-ERTB

SCI DU CHATEAU

c/

V...
K...
C...

CEL

Formule exécutoire le :
à :

Me Claire LEPITRE

SELAS BDB etamp; ASSOCIÉS
Me Eric RAFFIN COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 21 JANVIER 2020

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 30 août 2018 par le tribunal de grande instance de REIMS

SCI DU CHATEAU
[...]
[...]

Représentée par Me Claire LEPITRE, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur O... V...
[...]
[...]

Représenté par Me Lorraine DE BRUYN de la SELAS BDB etamp; ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

Madame N... K... épouse V...
[...]
[...]

Représentée par Me Lorraine DE BRUYN de la SELAS BDB etamp; ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

Maître P... C...
[...]
[...]

Représenté par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, et la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Cédric LECLER, conseiller, rédacteur

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 19 novembre 2019, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 janvier 2020,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2020 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *
FAITS , PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte authentique en date du 21 avril 2006, la société civile immobilière du Château (la société) a acquis de Monsieur Q... V... un terrain à bâtir sis à [...], cadastré section [...] pour une contenance de 6 ares.

La société y a fait construire une maison individuelle à usage d'habitation.

Le 17 janvier 2014, la société a régularisé avec Monsieur O... V... et Madame N... K... épouse V... (les époux V...) un acte comportant vente conditionnelle de la parcelle et de la maison susvisée au prix de 249 500 euros toutes taxes comprises (ttc). Cet acte a été rédigé par Monsieur P... C..., notaire, (le notaire) et signé en l'étude de ce dernier.

Le même jour, les époux V... ont régularisé en l'étude du notaire un acte sous seing privé, comportant vente conditionnelle par Monsieur Q... V... de la parcelle nouvellement cadastrée [...] , d'une surface de 15 centiares, sur laquelle la construction de la maison à usage d'habitation a empiété, moyennant le prix de 500 euros.

Le premier de ces compromis de vente conclu entre la société et les époux V... a mentionné que le vendeur était "assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre de son activité économique et que le prix de vente était fixé à 249 500 E, comprenant le prix hors taxes, servant d'assiette à la taxe sur la valeur ajoutée, soit 207 916,67 euros, outre la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 % sur le prix hors taxes, soit 41 583,33 E. "

Le 28 février 2014, l'acte de vente entre la société et les époux V... a été réitéré en la forme authentique en l'étude du notaire.

Par la suite, la société a fait savoir au notaire qu'elle n'était finalement pas assujettie à la tva.

Par échanges de courriers entre le 10 mars et le 1er avril 2014, le notaire a demandé à la société de régulariser sa situation tant à l'égard de l'administration fiscale qu'à l'égard des acquéreurs, alors que la société refusait notamment toute restitution de la valeur de la tva à hauteur de 20 % du prix aux acquéreurs.

Les époux V... n'ont pas réglé à l'administration fiscale l'entier montant des droits de mutation, applicables au cas où le vendeur ne soit pas assujetti à la tva, de telle sorte que la vente n'a pas fait l'objet d'une publication au service des hypothèques.

Le 23 février 2016, les époux V... ont assigné la société et le notaire devant le tribunal de grande instance de Reims.

Dans le dernier état de leurs demandes, les époux V... ont demandé au tribunal de:
- dire et juger que la société et le notaire ont commis des fautes à l'origine de l'impossibilité de publication de l'acte de vente du 28 février 2014, engageant leur responsabilité à leur égard;
- dire et juger que la société a indûment perçu sur le prix de vente de l'immeuble la somme de 41 583,33 euros, correspondant à la tva stipulée comprise dans le prix de vente de l'immeuble, fixé dans l'acte du 28 février 2014;
En conséquence;
- condamner in solidum la société et le notaire à leur payer la somme de 41 583,33 euros à titre de dommages-intérêts, correspondant à la tva versée à tort sur le prix de vente de l'immeuble;
- ordonner au notaire, en sa qualité d'associé de la Scp [...]:
* de rédiger et faire régulariser par les parties un acte de vente rectifié, liquidant les droits
de mutation applicables eu égard à la situation fiscale de la société, partie venderesse;
* d'effectuer sans délai les formalités de publication au service de la publication foncière;
* de donner acte aux époux V... de ce qu'ils s'acquitteront des droits de mutation et d'enregistrement au taux normal sur la base du prix de vente de l'immeuble s'établissant à la somme nette de 207 916,67 euros;
* dire et juger que les pénalités et majorations qui seront à payer à l'administration fiscale pour la publication de la vente, seront supportés in solidum par le notaire et la société;
- les y condamner en tant que de besoin;
- condamner in solidum le notaire, membre de la Scp [...], et la société à leur payer une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral;
- condamner les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens avec distraction au profit de leur conseil, à leur payer la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la société a demandé au tribunal de:
- débouter les époux V... de l'ensemble de leurs demandes;
- reconventionnellement, condamner les époux V... à lui payer une somme de 2063 euros correspondant au paiement de taxes foncières dont elle a dû s'acquitter, outre les taxes ultérieures dont elle pourrait encore s'acquitter jusqu'à l'enregistrement de la vente;
- condamner in solidum les époux V... et le notaire aux dépens, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, le notaire a demandé de:
- dire et jugé qu'il n'a commis aucune faute;
- dire et juger que la société et les époux V... n'ont caractérisé ni leur préjudice, ni le lien de causalité entre une faute et les préjudices allégués;
- débouter la société et les époux V... de toutes leurs demandes;
- condamner la société à le relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre;
- condamner in solidum les époux V... et la société aux dépens avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 30 août 2018, le tribunal de grande instance de Reims a:
- condamné la société à payer aux époux V... la somme de 41 583,33 euros;
- condamné le notaire à garantir la société du paiement de la dite somme à hauteur de 12 475 euros;
- condamné in solidum le notaire et la société à verser aux époux V... une somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral;
- condamné in solidum le notaire et la société à payer à Monsieur V... l'intégralité des pénalités et majorations de retard réclamées par l'administration fiscale, du fait du retard pris dans la publication et le paiement des droits d'enregistrement de la vente reçue le 28 février 2014 par le notaire, sur présentation des justificatifs des titres et paiements effectifs;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes;
- condamné la société à verser aux époux V... la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles;
- condamné le notaire à verser aux époux V... la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles;
- condamné la société et le notaire aux dépens avec distraction au profit du conseil des époux V....

Le 2 octobre 2018, la société a relevé appel de ce jugement.

Le 29 octobre 2019, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées:
- le 27 novembre 2018 par la société, appelante;
- le 21 février 2019 par les époux V..., intimés;
- le 26 février 2019 par le notaire, intimé.

Par voie d'infirmation, la société demande le débouté de toutes les prétentions formées à son encore tant par les époux V... que par le notaire.

Elle réitère sa demande reconventionnelle initiale à l'encontre des époux V... et du notaire, correspondant au paiement des taxes foncières dont elle a dû s'acquitter, sauf à porter sa demande à la somme de 4189 euros, arrêtée au 31 décembre 2018, outre les taxes ultérieures dont elle pourrait encore s'acquitter jusqu'à l'enregistrement de la vente.

Elle demande la condamnation du notaire à lui payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances, outre condamnation aux dépens des deux instances avec distraction au profit de son conseil.

* * * * *

Les époux V... demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a:
- condamné la société à leur payer une somme de 41 583,33 euros à titre de dommages-intérêts;
- condamné in solidum le notaire et la société aux pénalités et majorations de retard résultant du retard de publication de l'acte et pour le paiement des droits d'enregistrement de la vente;
- condamné la société et le notaire à leur payer chacun pour qui le concerne une somme au titre des frais irrépétibles.

Ils réclament l'infirmation du jugement pour le surplus, et réitèrent leur demande initiale tendant à obtenir condamnation in solidum du notaire et de la société aux entiers dépens avec distraction au profit de leur conseil, et à leur payer l'indemnité susdite à hauteur de 41 583,33 euros, mais encore la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, et enfin une somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

* * * * *

Le notaire demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné:
- à garantir la société à hauteur de 12 475 euros du paiement d'une somme de 41 583,33 euros;
- in solidum avec la société, à payer aux époux V... une somme de 2000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice moral;
- in solidum avec la société, à verser à Monsieur V... l'intégralité des pénalités et majorations de retard, et le paiement des droits d'enregistrement de la vente;
- à payer aux époux V... une somme au titre des frais irrépétibles;
- in solidum avec la société, aux entiers dépens de première instance avec distraction au profit du conseil des époux V....

Le notaire demande le débouté de toute condamnation formée à son encontre tant par la société que par les époux V....

Il demande la condamnation de la société à le relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

Il réclame la condamnation in solidum des époux V... et de la société aux dépens des deux instances, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

MOTIVATION:

Sur la demande de condamnation à la somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée du bien, constituant le préjudice financier des demandeurs:

Selon la promesse de vente et sa réitération par acte notarié litigieux, les époux V... s'étaient engagés à payer pour acquérir le bien la somme totale de 249 500 euros.

Sur cette somme globale, ces actes ont distingué le montant hors taxes (207 916,67 euros) et celui correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée.

Les époux V... réclament le paiement de la somme de 41 583,33 euros, représentant le montant de la tva stipulé aux actes de vente susdits, somme qu'ils estiment avoir indûment payé, dans la mesure où finalement, la société n'a pas eu à payer la tva.

Cependant, il conviendra d'observer que le prix global de vente, stipulé aux actes litigieux, est en tout point conforme à la proposition d'achat faite par les époux V... le 19 décembre 2013, pour un prix de 250 000 euros nets vendeur, la dite proposition ayant été acceptée le lendemain par la société.

Il sera rappelé en effet que la vente porte non seulement sur la parcelle sur laquelle la maison a été construite (pour un prix de 249 500 euros), objet des actes de vente présentement litigieux, mais encore sur la parcelle sur laquelle la construction de la maison a empiété, et vendue aux prix de 500 euros, par actes distincts non touchés par le présent litige.

Il en résulte que les époux V... auraient eu à payer en tout état de cause la somme totale de 249 500 euros, correspondant à leur offre acceptée par le vendeur, et ce peu important la ventilation de cette somme globale entre prix net et taxes sur la valeur ajoutée, cette circonstance n'intéressant que la société venderesse dans ses rapports avec l'administration fiscale.

Il sera en effet observé qu'en tant que simples particuliers, les époux V... ne pouvaient pas récupérer la tva.

D'ailleurs, les époux V... ne font pas valoir avoir eu connaissance des déclarations de la société sur son régime fiscal faussement prétendu pendant les phases de négociation du prix, et donc d'avoir été ainsi privés d'avoir pu intégrer cette donnée aux négociations entreprises avec la société venderesse, et d'avoir ainsi pu tenter d'obtenir un meilleur prix, en faisant alors valoir qu'ils auraient, en sus de la vente, à s'acquitter des droits de mutation au taux de droit commun.

Dès lors, il ne résulte pour les époux V... aucun préjudice résultant du paiement intégral de la somme exacte qu'ils ont proposée aux acquéreurs, que ceux-ci ont agréée, et qui a été stipulée aux actes de vente.

Il conviendra donc de débouter les époux V... de leur demande de paiement de la part correspondant à la tva stipulée aux actes de vente, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Subséquemment, il sera aussi infirmé en ce qu'il a porté condamnation du notaire à garantir le paiement de cette somme, pour une fraction représentant 30 % de celle-ci.

Sur la demande de condamnation au paiement des droits d'enregistrement de l'acte de vente et au paiement des pénalités et majorations de retard réclamées par l'administration fiscale du fait du retard dans la publication de la vente:

Outre le prix de la vente de 249 500 euros ttc, les époux V... ont versé en l'étude du notaire les sommes de:
- 1486 euros, correspondant à une taxe de publicité foncière avec des droits réduits au taux de 0,75 %, correspondant au régime fiscal d'assujettissement à la tva, telle que déclarée par la société venderesse;
- 249 euros au titre de la contribution de sécurité immobilière.

A compte de l'acte authentique, les époux V... sont entrés en jouissance du bien, devenu par-là même leur propriété.

A compter du 11 mars 2014, les époux V... ont été avisés par le notaire, averti lui-même par les vendeurs, de ce que la société venderesse n'était pas assujettie à la tva,

Il résulte des courriers émanant des offices notariaux, non contestés sur ce point, que le supplément de droits à acquitter par les acheteurs, résultant du non-assujettissement des vendeurs à la tva, au taux de droit commun de 4,89 %, est de 10 916 euros.

Le 20 mars 2019, le notaire des époux V... a fait savoir au notaire de la société que les vendeurs n'entendaient pas supporter les conséquences d'une erreur du vendeur sur son propre régime fiscal.

Cependant, l'administration fiscale a fait savoir au notaire le 27 mars 2014 que la vente ne pouvait pas être publiée, faute du défaut de paiement de l'intégralité des droits.

Depuis, il n'a pas été procédé à la publication de l'acte, qui n'est dès lors pas opposable au tiers.

En outre, alors que le notaire à l'obligation de publier les actes portant transmission de propriété ou d'usufruit immobilier, dans le mois de leur passation par application des articles 635 et 347 du code général des impôts, le défaut d'acquittement des droits fiscaux y afférent donne lieu à un intérêt de retard de 0,40 %, et à une majoration de retard par application des articles 1727 et 1728 du même code.

Il conviendra de subdiviser les préjudices au titre de cette prétention comme suit:
- préjudice résultant du surplus de droits à acquitter pour publier l'acte, compte tenu du régime fiscal du vendeur non assujetti à la tva;
- préjudice résultant des intérêts et majorations de retard dus à l'administration fiscale, par suite du défaut de publication de l'acte.

* * * * *

Les époux V... sont mal fondés à invoquer l'existence d'un quelconque préjudice résultant du surplus de droits à acquitter pour publier l'acte, compte tenu du régime fiscal du vendeur non assujetti à la tva.

En effet, le paiement d'une taxe qu'un acquéreur aurait eu de toute façon à acquitter, compte tenu du régime fiscal réel du vendeur, ne constitue pas un préjudice du chef de l'acquéreur.

Pour justifier d'un préjudice résultant du surplus de droits à acquitter, il faudrait que les époux V... démontrent avoir été avisés par les vendeurs de leur régime fiscal prétendu aux cours des négociations, d'avoir formulé l'offre acceptée par la société venderesse en ayant eu connaissance de son régime fiscal alors inexactement déclaré, et subséquemment, de ce qu'ils ne s'attendaient qu'à avoir à payer des droits de mutation réduits dès la formulation de leur offre.

Or, non seulement les époux V... sont défaillants dans cette démonstration, mais encore ne s'en prévalent même pas dans leurs écritures.

Il en résulte donc que jusqu'au jour de la promesse de vente, les époux V... devaient s'attendre au paiement de droits de mutation à un taux de droit commun, c'est à dire non réduit.

En revanche, compte tenu de la teneur de la promesse de vente et de l'acte authentique faisant état de l'assujettissement de la société venderesse à la tva, conformément aux déclarations de cette dernière, les époux V... ont pu avoir alors l'impression que l'économie de la vente se serait trouvée modifiée, mais cependant de manière marginale au vu du montant global de la vente, en leur faveur, en ce qu'ils n'auraient plus alors eu à payer que des droits de mutations réduits.

Ce n'est qu'après l'acte authentique que les époux V... ont été avisés du régime fiscal applicable à la société venderesse, et subséquemment de leur propre obligation, pour publier la vente, d'avoir à s'acquitter de droits de mutation au taux de droit commun, non réduit.

Cependant, les époux V... ne démontrent pas suffisamment le préjudice résultant de ce que, pendant la période relativement courte séparant la promesse de l'acte authentique (en y ajoutant la période courant jusqu'a la date à laquelle ils ont avisé du régime fiscal réel du vendeur et de l'obligation d'avoir à acquitter des droits de mutation au taux de droit commun), ils ont été entretenus dans la croyance de n'avoir à payer que des droits de mutation réduits, alors qu'ils s'attendaient auparavant à verser ces droits au taux de droit commun.

Ce préjudice este d'autant moins établi que si l'acte sous seing privé avait indiqué que la provision sur frais et droits de l'acte de vente, à parfaire ou à diminuer, serait d'environ 6400 euros, l'acte authentique avait évalué les droits de mutation qu'à 1486 euros, outre 249 euros de contribution de sécurité immobilière.

Il est d'ailleurs topique que les époux V... ne fassent aucunement état de leur situation financière au moment de la négociation et de la vente, ni se prévalent de leur impossibilité quelconque d'avoir à régler les droits de mutation au taux de droit commun, et ce à quelque moment que ce soit.

En tout état de cause, un tel préjudice ne pourra s'analyser que comme une perte de chance d'avoir cru pouvoir payer des droits de mutation réduits: cette perte de chance n'est pas en l'espèce non soulevée par les intéressés.

Les époux V... n'ont donc subi aucun préjudice afférent au surplus de droits de mutation à payer.

* * * * *

S'agissant des majorations et pénalités de retard résultant du défaut de publication de la vente, il conviendra d'observer que leur paiement incombe aux seuls acquéreurs, et que le retard de paiement incombe aussi aux seuls acquéreurs, tandis qu'il vient d'être retenu que les époux V... ne pouvaient pas se prévaloir du moindre préjudice résultant du surplus des droits à mutation à payer.

Dès lors, le retard de paiement procède du seul comportement des acquéreurs, exclusif de tout lien de causalité avec les agissements éventuels de la société venderesse ou du notaire, de telle sorte que les époux V... ne peuvent là encore se prévaloir d'aucun préjudice de ce chef imputable à ces tiers.

Il conviendra d'observer que seul le notaire avait demandé l'infirmation du jugement l'ayant condamné in avec la société au paiement des droits d'enregistrement de l'acte de vente, et au paiement des pénalités et majorations de retard réclamées par l'administration fiscale du fait du retard dans la publication de la vente.

La société, appelante, avait limité son appel en en excluant la disposition portant condamnation sur ces points.

* * * * *

Les époux V... seront donc déboutés de leur demande de condamnation in solidum du notaire et de la société au paiement des droits d'enregistrement de l'acte de vente, et au paiement des pénalités et majorations de retard réclamées par l'administration fiscale du fait du retard dans la publication de la vente, et le jugement sera infirmé de ces chefs.

Il conviendra donc de condamner la seule société au paiement des droits d'enregistrement de l'acte de vente et au paiement des pénalités et majorations de retard réclamées par l'administration fiscale du fait du retard dans la publication de la vente.

Sur le préjudice moral des époux V...:

Les époux V... ont fait valoir subir un préjudice moral du fait de l'absence de publication de leur titre, lequel n'est pas opposable aux tiers.

Le premier juge a retenu que le préjudice exposé par époux V... consistait dans l'incertitude des acquéreurs quant aux inscriptions prises du chef du vendeur, et quant à d'éventuelles poursuites sur le bien dont ils pourraient faire l'objet.

Il a néanmoins observé que l'incertitude en résultant pouvait être aisément dissipée par la levée d'un état hypothécaire, et que les époux V... n'avait nullement établi la preuve d'un tracas de ce chef, depuis l'acquisition du bien en février 2014.

Il conviendra sur ce point d'approuver le premier juge, en ce que les époux V... n'ont pas plus fourni cette preuve à hauteur de cour.

Le premier juge a retenu l'existence d'un désagrément lié à l'absence d'opposabilité aux tiers, dès lors que les acquéreurs n'apparaissaient pas propriétaires de leurs biens dans les registres de la publicité foncière, tout en relevant que disposant d'une copie de leur acte notarié, ils pouvaient en justifier auprès de qui de droit.

Ce faisant, le premier juge n'a pas suffisamment caractérisé l'existence d'un préjudice moral, résultant de l'absence d'opposabilité aux tiers, effectivement subi par les acquéreurs.

A hauteur de cour, les époux V... n'ont pas comblé leur défaillance probatoire de ce chef.

Mais surtout, il sera rappelé que le défaut de publication ne procède que du seul fait des époux V..., sans pouvoir lui-même être en lien de causalité avec un préjudice imputable à un tiers aux acquéreurs.

Les époux V... seront donc déboutés de leur demande en réparation de leur préjudice moral, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société:

La société a réclamé la condamnation solidaire des acquéreurs et du notaire à lui payer une somme de 4189 euros, arrêtée au 31 décembre 2018, au titre du paiement des taxes foncières pour les années 2015 à 2018, qu'elle justifie avoir continué à verser à l'administration fiscale, alors qu'elle n'est plus propriétaire du bien depuis la vente litigieuse.

En l'absence de toute autre précision des parties sur le fondement applicable à cette demande, il conviendra pour la cour de rechercher le fait générateur du paiement de cette imposition, ainsi que l'identité du contribuable qui est y tenu, parmi les règles de la fiscalité immobilière y afférentes, que la société a par sa seule demande nécessairement mis par là même dans le débat.

Il résulte des l'article 1400 et 1415 du code général des impôts que toute propriété bâtie ou non bâtie doit être imposée au nom de son propriétaire légal à la date du 1er janvier de l'année d'imposition considérée.

L'article 1402 du même code dispose que dans les communes à cadastre rénové, aucune modification de la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation cadastrale, si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été préalablement publiée au fichier immobilier.

L'article 1403 du même code dispose que lorsque la mutation cadastrale n'a pas été opérée, l'ancien propriétaire continue à être imposé au rôle, et peut être contraint au paiement de la taxe foncière, sauf recours contre le nouveau propriétaire.

A défaut de publication, antérieurement au 1er janvier de l'année d'imposition considérée, au fichier immobilier détenu à la conservation des hypothèques, l'imposition est donc maintenue au nom de l'ancien propriétaire.

En cas de changement de propriétaire antérieur au 1er janvier de l'année d'imposition, et non pris en compte par l'administration, le transfert sur le successeur de l'imposition indue ne peut être effectué que si la décision portant translation de la propriété du bien a été soumise à la publicité foncière avant cette date du 1er janvier.

Il en ressort qu'en l'absence de publication la vente, la société se trouvait tenue à l'égard de l'administration fiscale au paiement des taxes foncière au titre des années civiles postérieures à l'année de la vente.

* * * * *

Toutefois, la demande de la société ne pourra pas prospérer en ce qu'elle se trouve dirigée à l'encontre du notaire.

Il n'existe aucun lien de causalité entre le grief reproché par la société au notaire, à savoir de n'avoir pas vérifié ses propres déclarations sur son assujettissement à la tva, que la société a démenties aussitôt après la signature de l'acte authentique, et le défaut de publication de vente.

Le défaut de publication de la vente ne procède en effet que de la seule abstention des acquéreurs.

Au surplus, la société se trouve privée de toute action à l'encontre du notaire, et ce en raison de sa réticence dolosive à l'encontre de cet officier ministériel sur son régime fiscal réel, qu'elle ne peut pas raisonnablement prétendre avoir découvert seulement immédiatement après la vente, tandis qu'elle avait déclaré faussement en toute connaissance de cause être assujettie à la tva tant à l'occasion de l'acte sous seing privé, que de l'acte authentique.

* * * * *

La société n'a pas précisé le fondement juridique de sa demande à l'encontre des époux V..., qu'il incombe à la juridiction de rechercher.

Celle-ci ne peut s'analyser que comme le recours de l'ancien propriétaire du bien à l'encontre du nouveau propriétaire du bien au 1er janvier de l'année d'imposition considérée, prévu à l'article 1403 du code général des impôts sus exposé.

Il y aura donc lieu de condamner les époux V... à payer à la société la somme de 4189 euros, correspondant au paiement des taxes foncières dont elle a dû s'acquitter arrêtée au 31 décembre 2018, outre les taxes ultérieures dont elle pourrait encore devoir s'acquitter jusqu'à l'enregistrement de l'acte de vente, et le jugement sera complété de ce chef.

* * * * *

Il y aura lieu de rappeler que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société et le notaire aux dépens de première instance, avec distraction au profit du conseil des époux V..., ainsi qu'à payer à ces derniers chacun une somme au titre des frais irrépétibles de première instance.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le notaire et la société de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance.

Les époux V... seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le notaire et la société seront chacun déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'issue du présent litige, marqué par la succombance au moins partielle de la société, conduira à mettre à la charge de cette dernière la totalité des dépens des deux instances, avec distraction au profit du conseil des époux V... et au profit du conseil du notaire, de ceux des dépens des deux instances dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur P... C... et la société civile immobilière du Château de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance;

Confirme le jugement de ces seuls chefs;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:

Condamne la société immobilière du Château à verser à Monsieur O... V... l'intégralité des pénalités et majorations de retard réclamées par l'administration fiscale du fait du retard pris dans la publication et le paiement des droits d'enregistrement de la vente reçue le 28 février 2014 par le notaire, sur présentation des justificatifs des titres et paiements effectifs;

Condamne Monsieur O... V... et Madame N... K... épouse V... à payer à la société immobilière du Château la somme de 4189 euros, correspondant au paiement des taxes foncières dont elle a dû s'acquitter, arrêtée au 31 décembre 2018, outre les taxes ultérieures dont elle pourrait encore devoir s'acquitter jusqu'à l'enregistrement de l'acte de vente au service de la publicité foncière;

Déboute Monsieur O... V... et Madame N... K... épouse V... de toutes leurs autres prétentions;

Rappelle que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré;

Déboute Monsieur O... V... et Madame N... K... épouse V... de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel;

Déboute Monsieur P... C... et la société civile immobilière du Château de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel;

Condamne la société civile immobilière du Château aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître U... , conseil de Monsieur O... V... et de Madame N... K... épouse V..., et au profit de Maître R... F..., conseil de Monsieur P... C..., de ceux des dépens de première instance et d'appel dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : 11
Numéro d'arrêt : 18/021181
Date de la décision : 21/01/2020
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2020-01-21;18.021181 ?
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