ARRET No
du 18 juin 2019
R.G : No RG 18/01238 - No Portalis DBVQ-V-B7C-EPRL
X...
X...
c/
N...
L...
SA ERDF
SA ORANGE
CAL
Formule exécutoire le :
à :
-SELARL AUDIT etamp; CONSEIL PHENIX,
-SELARL BERNARD QUENTIN DECARME
- Maître Vincent NICOLAS
-Maître Sandy HARANTCOUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 18 JUIN 2019
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 05 juin 2018 par le tribunal de grande instance de REIMS,
Madame A... X...
[...]
Monsieur D... X...
[...]
COMPARANT, concluant par la SELARL AUDIT etamp; CONSEIL PHENIX, avocats au barreau de REIMS
INTIMES :
Madame O... N... épouse L...
[...]
Monsieur J... L...
[...]
COMPARANT, concluant par la SELARL BERNARD QUENTIN DECARME, avocats au barreau de REIMS
SA ERDF
[...]
COMPARANT, concluant par Maître Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS
SA ORANGE, prise en la personne du Président du Conseil d'Administration, domicilié [...]
COMPARANT, concluant par Maître Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS, et ayant pour conseil la SCP DOE PANZANI LEFEVRE, avocats au barreau de LAON.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Catherine LEFORT, faisant fonction de président de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseiller
Monsieur Cédric LECLER, conseiller
GREFFIER :
Madame NICLOT, greffier lors des débats et du prononcé.
DEBATS :
A l'audience publique du 07 mai 2019, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 juin 2019 et prorogé au 18 juin 2019,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2019 et signé par Madame LEFORT, faisant fonction de président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
En 2007, M. D... X... et Mme A... H... épouse X... ont acquis un terrain et une maison situés [...] , à côté de la propriété de M. J... L... et de Mme O... N... épouse L..., acquise en 1986 et située au 6 de la même rue.
Au cours de l'année 2010, M. et Mme L... ont entrepris des travaux afin de clôturer leur parcelle et d'installer un portail électrique. A cette occasion, ils ont constaté la présence de gaines EDF et France Telecom en provenance de la propriété contiguë de M. et Mme X....
Par acte d'huissier en date des 17 et 23 avril 2012, M. et Mme L... ont fait assigner M. et Mme X..., ainsi que la SA ERDF et la SA ORANGE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims aux fins d'expertise. Par ordonnance de référé du 5 septembre 2012, une expertise a été ordonnée et confiée à M. B... W... aux fins d'établir la cause et l'origine des dégradations sur un mur appartenant à M. et Mme L..., de constater la présence des canalisations ERDF et ORANGE et évaluer le coût de leur déplacement, et de décrire la situation des arbres plantés sur le terrain des époux X... et chiffrer le coût de leur élagage.
L'expert a déposé son rapport le 21 mai 2013.
Par acte d'huissier du 25 février 2015, M. et Mme L... ont fait assigner M. et Mme X... devant le tribunal de grande instance de Reims en cessation des troubles et paiement de dommages-intérêts.
Par acte d'huissier en date du 9 juin 2015, M. et Mme X... ont fait assigner en intervention forcée la SA ERDF et la SA ORANGE.
Les époux L... ont demandé notamment au tribunal de condamner M. et Mme X... à :
- procéder à l'arrachage des arbres d'une hauteur supérieure à deux mètres et plantés à moins de deux mètres de la ligne séparative de leur propriété, sous astreinte,
- leur verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage occasionné par la présence de ces arbres,
- procéder à l'enlèvement de leurs installations d'alimentation électriques et téléphoniques traversant la propriété des époux L..., ainsi qu'à effectuer les travaux de remise aux normes tels que décrits par l'expert judiciaire, sous astreinte,
- leur verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi ainsi que du trouble anormal de voisinage occasionné par le passage des réseaux ERDF et ORANGE de leurs voisins sur leur terrain.
S'agissant des arbres, ils ont invoqué les dispositions des articles 672 et 673 du code civil ainsi que la théorie des troubles anormaux de voisinage et ont fait valoir d'une part que le délai de prescription n'avait commencé à courir qu'à partir du moment où les arbres avaient dépassé la hauteur légale et que cette date n'était pas établie, et d'autre part que les quatre bouleaux litigieux empiétaient sur leur propriété, que leur enracinement était de nature à créer des désordres sur leur terrain, et que la preuve du caractère protégé de la zone n'était pas rapportée. S'agissant des installations, ils ont invoqué l'article 544 du code civil, le rapport d'expertise judiciaire et la théorie des troubles anormaux du voisinage, et ont fait valoir que les deux fourreaux litigieux les empêchaient de réaliser des travaux et de jouir de leur pleine propriété.
M. et Mme X... ont demandé au tribunal de déclarer irrecevable pour prescription trentenaire la demande d'élagage des arbres, de rejeter l'ensemble des demandes des époux L..., et de condamner in solidum les SA ERDF et ORANGE à leur payer la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice. S'agissant des arbres, ils ont invoqué le plan d'occupation des sols de 1980, ajoutant qu'il était interdit de couper ces arbres classés sans autorisation administrative et que la mairie ne leur avait transmis aucune autorisation de les élaguer. S'agissant des installations, ils ont fait valoir qu'ils ne pouvaient modifier eux-mêmes les raccordements ERDF et ORANGE. Ils ont soutenu en outre que les dispositions invoquées par la SA ORANGE n'étaient pas applicables puisque les câblages dataient de 1991.
La SA ORANGE et la SA ERDF ont conclu au rejet de la demande des époux X.... La SA ORANGE a fait valoir qu'en application de l'article D.407-2 du code des postes et communications électroniques, l'implantation de la tranchée et la fourniture des gaines techniques pour le passage des câbles relevait de la responsabilité du constructeur de l'immeuble ou du maître de l'ouvrage, mais pas de l'opérateur téléphonique ou du fournisseur d'accès. La SA ERDF a soutenu qu'elle n'avait pas commis de faute.
Par jugement du 5 juin 2018, le tribunal de grande instance de Reims a :
- déclaré recevable l'intervention forcée des SA ORANGE et ERDF par M. et Mme X...,
- déclaré recevable l'action de M. et Mme L... à l'encontre de M. et Mme X...,
- condamné M. et Mme X... à procéder, selon leur choix, à l'arrachage ou à la réduction des arbres d'une hauteur supérieure à deux mètres et plantés à moins de deux mètres de la ligne séparative de leur propriété, et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
- condamné M. et Mme X... à faire déplacer, à leurs frais, hors du terrain de M. et Mme L..., les installations électriques et téléphoniques alimentant leur propre terrain, en faisant appel à tout opérateur autorisé en application de l'article L.33-1 du code des postes et des communications électroniques et aux SA ERDF et ORANGE s'agissant de la construction des gaines techniques ou de passages horizontaux permettant la pose des câbles, et ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du jugement,
- condamné M. et Mme X... à payer à M. et Mme L... la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour troubles anormaux de voisinage,
- condamné M. et Mme X... à payer à M. et Mme L... une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont distraction,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire.
Concernant les arbres, le tribunal s'est fondé sur les articles 671 et 672 du code civil. Il a d'abord écarté la prescription trentenaire au motif que le point de départ n'était pas la date à laquelle les arbres avaient été plantés, mais celle à laquelle ils avaient dépassé la hauteur maximum permise, et que le plan d'occupation des sols invoqué ne permettait pas de connaître cette date. Ensuite, sur le fond, il s'est fondé sur le rapport d'expertise judiciaire dont il ressortait que quatre bouleaux ne respectaient pas les distances légales, et il a jugé qu'aucun document produit par les époux X... n'établissait que ces arbres soient classés ou situés dans une zone protégée, mais que le choix entre l'élagage et l'abattage appartenait au propriétaire des arbres, d'autant plus qu'en l'espèce aucune preuve du danger n'était rapportée. Il a rejeté la demande indemnitaire fondée sur les troubles anormaux de voisinage occasionnés par les arbres, estimant que les époux L... ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice spécifique.
Concernant les installations, le tribunal s'est fondé sur les dispositions des articles 544 du code civil et L.48 alinéa 4 du code des postes et des communications électroniques et sur le rapport de l'expert qui a constaté la présence des fourreaux des SA ERDF et ORANGE à l'angle de la parcelle des époux L... et a préconisé des travaux de déplacement des installations électriques et téléphoniques. Il a jugé qu'il appartenait aux époux X..., qui bénéficiaient d'installations électriques et téléphoniques traversant la propriété d'autrui, de mettre en place les mesures nécessaires pour les faire retirer du terrain des époux L... ; que le fait que les lignes construites par France Telecom restaient sa propriété en application de l'article D.407-3 ancien du code des postes et des communications électroniques ne faisait pas obstacle à cette règle ; que certains des travaux nécessaires au déplacement des installations relevaient de la compétence de la SA ERDF et de la SA ORANGE ; mais qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne justifiait de mettre le coût de ces travaux à la charge des SA ORANGE et ERDF, et que dans la mesure où les installations litigieuses desservaient la propriété des époux X..., les frais de déplacement devaient être mis à leur charge. Sur la demande indemnitaire fondée sur les troubles anormaux de voisinage, il a retenu que la présence d'installations téléphoniques et électriques alimentant la propriété des époux X... constituait pour M. et Mme L... un inconvénient excédant les désagréments ordinaires du voisinage et caractérisait un trouble anormal, qu'ils subissaient depuis six ans du fait de l'inaction de leurs voisins, et que la présence de ces installations sur leur terrain avait entraîné des retards dans la réalisation de travaux.
Par déclaration du 12 juin 2018, M. et Mme X... ont fait appel.
Par conclusions en date du 12 avril 2019, ils demandent à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes mesures utiles,
Statuant à nouveau,
- dire et juger les époux L... mal fondés en leurs demandes concernant l'élagage des arbres et les demandes de dommages-intérêts y afférents, les en débouter,
- donner acte aux époux X... de ce que les travaux relatifs aux câblages des réseaux ORANGE et Enedis ont été faits,
- dire et juger les époux L... mal fondés en leur demande de dommages-intérêts concernant les câblages, les en débouter,
- à titre subsidiaire, si la cour estimait qu'ils devaient réparer le préjudice des époux L..., condamner solidairement les sociétés ORANGE et ERDF à garantir les condamnations mises à leur charge,
- en tout état de cause, condamner solidairement les époux L..., les sociétés ERDF et ORANGE au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, avec distraction.
En premier lieu, ils invoquent l'interdiction d'élagage dans une zone boisée protégée. Ils font valoir que le PLU classe leurs bois ainsi que ceux des époux L... en espace boisé à protéger qui ne peuvent faire l'objet de coupes sauf accord du préfet ; que le maire, consulté en l'espèce à l'occasion des opérations d'expertise, n'a aucune compétence en la matière ; que les époux L... ont toujours habité en lisière de bois, ce qui ne les a jamais dérangés, et que leur démarche est aujourd'hui seulement de nuire à leurs voisins ; que la maison étant située entre les zones UB et N, de sorte qu'il leur est impossible de couper des arbres, sauf si l'arbre est dangereux et risque de tomber ou sur autorisation avec obligation de replanter un autre arbre ; qu'aucune autorisation ne leur a été donnée ; qu'à hauteur de cour, ils produisent un courrier du maire et un autre de la Direction départementale des territoires de la Marne qui établissent que les arbres sont en zone boisée protégée et ne doivent pas être coupés ni élagués ; qu'en zone naturelle classée boisée, il n'est pas question de hauteur d'arbres ; que l'expert judiciaire n'a donné son avis que sous réserve que la zone située en amont de la maison X... ne se situe pas dans cette zone protégée, ce qui est le cas ; qu'enfin, les arbres litigieux ne sont pas dangereux.
En second lieu, ils font valoir que les câblages litigieux appartiennent aux sociétés EDF et ORANGE, qui sont donc seules compétentes pour les modifier, et ce en application de l'article D.407-3 ancien ; que l'expert a d'ailleurs préconisé des travaux à charge de ces sociétés ; qu'ils ne peuvent donc être tenus responsables d'un quelconque préjudice des époux L..., et ce d'autant plus qu'ils ont exécuté le jugement et ont pris contact avec les sociétés Enedis et ORANGE ; que ces dernières ont effectué les travaux prescrits de sorte que les câblages ne passent plus par la propriété des époux L... ; qu'en outre, elles ont pris ces travaux à leur charge, se rendant compte, une fois sur place, que la responsabilité du câblage leur revenait ; qu'ils avaient déjà pris contact avec la société ERDF en 2015 mais celle-ci avait stoppé toute diligence en raison de la procédure intentée par les époux L... ; que depuis les travaux réalisés en août 2018 par les sociétés ERDF et ORANGE, M. et Mme L... n'ont réalisé aucuns travaux, ce qui montre l'absence de préjudice.
Par conclusions en date du 12 octobre 2018, M. et Mme L... demandent à la cour de :
- déclarer M. et Mme X... mal fondés en leur appel, et les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formées à leur encontre,
- constater que postérieurement au jugement entrepris, M. et Mme X... ont fait déplacer, hors du terrain des époux L..., les installations électriques et téléphoniques alimentant leur terrain,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- condamner M. et Mme X... au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, et aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire et les frais engagés pour le procès-verbal de constat d'huissier du 6 décembre 2011, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Sur la demande d'arrachage des arbres fondée sur les articles 671 à 673 du code civil, ils font valoir que l'expert a estimé bien fondée leur réclamationpuisque la mairie a donné son accord pour tailler les branches qui surplombent la propriété voisine ; que quatre bouleaux de dix mètres, situés à moins de deux mètres de leur parcelle, empiètent sur leur terrain ; que l'expert a certifié que rien n'interdisait la coupe de ces arbres et que leur enracinement était de nature à créer des désordres sur les ouvrages limitrophes ; que les nouvelles pièces produites à hauteur d'appel par les époux X... ne remettent pas en cause le bien fondé de la demande, puisque ce changement de position injustifié de l'administration n'est corroboré par aucun document, les pièces produites ne démontrant pas que les bouleaux sont classés ou situés en zone protégée.
Sur les demandes relatives aux installations électriques et téléphoniques fondées sur les articles 544 du code civil et L.48 alinéa 4 du code des postes et des communications électroniques, ils font valoir que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage ; que l'expert a constaté que les réseaux EDF et France Telecom des époux X... passaient sur leur propriété, a préconisé des travaux à entreprendre par M. et Mme X... pour faire cesser le trouble, et a donc constaté le bien fondé de leur réclamation ; qu'en effet, il appartient aux bénéficiaires des installations électriques et téléphoniques traversant la propriété d'autrui de prendre les mesures nécessaires afin de les faire retirer de ce terrain. S'agissant de leur demande de dommages-intérêts fondée sur les troubles anormaux de voisinage, ils approuvent les premiers juges d'avoir considéré que la présence d'installations électriques et téléphoniques alimentant la propriété des époux X... sur leur propriété constituait un inconvénient excédant les désagréments ordinaires du voisinage et caractérisait un trouble. Ils précisent qu'ils subissent un préjudice depuis 2010 en ce que ces installations font obstacle à leur droit absolu de modifier ou clore leur propriété, que leurs travaux ont pris du retard, et qu'ils ont demandé dès 2011 à leurs voisins de prendre les mesures nécessaires pour déplacer les installations, en vain.
Par conclusions du 15 novembre 2018, la SA ORANGE demande à la cour d'appel de :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a mise hors de cause,
- condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle estime que l'implantation des fourreaux pour le passage du câble téléphonique dans une tranchée ouverte sur le terrain des époux L... ne saurait lui être imputée car il ne lui appartenait pas de s'inquiéter de cette question, qui ne concerne que le constructeur de l'immeuble ou le maître de l'ouvrage conformément à l'article D.407-2 du code des postes et communications électroniques. Elle conclut qu'il importe peu qu'elle soit propriétaire des câbles dès lors que le litige ne porte que sur le tracé de la tranchée, puisqu'elle n'avait aucune obligation légale ou contractuelle de vérifier l'implantation de la tranchée, et approuve le premier juge d'avoir considéré qu'elle n'a commis aucune faute.
Par conclusions du 5 décembre 2018, la SA ERDF demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a mise hors de cause,
- condamner les époux X... au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, avec distraction.
Elle fait valoir qu'à l'époque de la construction, il y a plus de 25 ans, l'emplacement du coffret avait été indiqué par le maître de l'ouvrage et/ou le constructeur, de sorte qu'aucune responsabilité ne saurait lui être reprochée et que les frais de déplacement des boîtiers doivent être supportés par le propriétaire du fonds. Il approuve donc la décision du tribunal qui n'a pas suivi le rapport d'expertise.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la demande relative aux arbres
Il résulte des articles 671 et 672 du code civil que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes soient arrachés ou réduits s'ils sont plantés à une distance moindre que la distance légale, à savoir à deux mètres de la limite séparative des deux fonds pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à un demi-mètre pour les autres plantations.
Le propriétaire qui agit contre son voisin sur le fondement de ces dispositions n'a pas à justifier d'un préjudice.
Il résulte du rapport d'expertise que quatre bouleaux de plus de dix mètres sont situés sur le terrain des époux X... à moins de deux mètres de la limite séparative avec la propriété L..., et qu'ils sont cependant situés en amont des parcelles dans une partie non exploitée, de sorte que la nuisance générée par leur branchage est limitée.
Dès lors qu'il est établi que les arbres de M. et Mme X... dépassent les distances légales de plantation, il appartient à ces derniers d'apporter la preuve que leurs arbres sont situés dans une zone boisée protégée faisant obstacle à leur élagage ou à leur arrachage comme ils le soutiennent.
Leur acte de vente ne comporte aucune mention en ce sens et ne fait même pas mention du plan d'occupation des sols ni du plan local d'urbanisme. En revanche, le titre de propriété des époux L... mentionne que leur terrain est situé en zone NAa et NDa du plan d'occupation des sols de 1980, que seule la partie située en zone NAa pourrait devenir constructible, et que la zone NDa est un secteur destiné à la protection des espaces boisés et des paysages.
Les époux X... produisent le règlement de la commune de Châlons sur Vesle portant plan local d'urbanisme (PLU) dont il ressort que le territoire de la commune est divisée en zones urbaines (UB, UA et UX), en zones à urbaniser, en zones agricoles et en zones naturelles (N), et qu'il existe en outre des espaces boisés classés à conserver ou à créer, classés en application de l'article L.130-1 du code de l'urbanisme et repérés par un quadrillage de lignes verticales et horizontales. Aux termes de l'article UB 13«Espaces verts et plantation», tout travaux ayant pour effet de modifier ou supprimer un élément paysager identifié au titre de l'article L.123-1-7 du code de l'urbanisme est soumis à déclaration préalable. Il est également expressément mentionné que cette zone ne comprend pas d'espaces boisés classés soumis à l'article L.130-1 du code de l'urbanisme, et que les plantations existantes seront maintenues ou remplacées par plantations équivalentes.
Il ressort de la comparaison du plan cadastral et du plan annexé au règlement PLU que les parcelles cadastrée section B no004 et B no191, appartenant respectivement aux époux X... et aux époux L..., sont situées à cheval sur une zone UB et un espace boisé classé, comme cela ressort d'ailleurs du titre de propriété précité de M. et Mme L....
Par ailleurs, il ressort d'une attestation du maire de la commune en date du 23 juin 2018, produite à hauteur de cour, que la maison et toute la terrasse de M. et Mme X... occupent la zone UB et que tous les arbres sont en zone boisée protégée, et ne peuvent être coupés qu'avec une autorisation préalable des services compétents. Enfin, le courriel de la direction départementale des territoires de la Marne adressé à M. et Mme X... le 6 juillet 2018 mentionne : «L'objet du litige se situant dans une zone d'EBC, les dispositions du code de l'urbanisme prévoient que l'élagage ou coupe d'arbres sont soumis à déclaration préalable. De plus, vos arbres font partie intégrante d'une zone classée, boisée à protéger. Ils ne dérangent donc pas puisque la parcelle voisine possède cette même zone [
]. En conséquence, vos arbres ne doivent être ni coupés ni élagués.»
Toutefois, il ressort de l'article L.130-1 du code de l'urbanisme que dans tout espace boisé classé, les coupes et abattages d'arbres sont soumis à déclaration préalable.
Ainsi, les arbres litigieux, même s'ils sont situés dans un espace boisé classé, ne sont pas soumis à une interdiction ni même à une autorisation administrative s'agissant de leur coupe ou de leur élagage, puisque seule une déclaration préalable est nécessaire.
En outre, si les dispositions des articles 671 et 672 du code civil n'ont qu'un caractère supplétif, elles n'apparaissent pas contredites par celles de l'article L.130-1 du code de l'urbanisme ni le règlement PLU de la commune. Rien n'interdit donc aux époux X... de respecter les distances légales des plantations prescrites par le code civil et rien ne leur interdit d'élaguer les arbres ne respectant pas ces distances, ni même de couper ou arracher ces arbres et d'en replanter sur leur terrain à une distance de plus de deux mètres de la limite séparative de leur propriété.
Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a ordonné à M. et Mme X... de procéder, selon leur choix, à l'arrachage ou à la réduction des arbres d'une hauteur supérieure à deux mètres et plantés à moins de deux mètres de la ligne séparative de leur propriété, sous astreinte.
Par ailleurs, le tribunal a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. et Mme L... fondée sur les troubles anormaux de voisinage résultant de la hauteur et de la distance des arbres. Ces derniers ne maintiennent pas leur demande devant la cour puisqu'ils demandent la confirmation du jugement.
Le jugement sera donc confirmé en ses dispositions relatives aux arbres.
II. Sur les demandes relatives aux installations électriques et téléphoniques
1) Sur les travaux
Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
L'exercice de ce droit ne doit pas nuire non plus aux droits des tiers.
Il est constant que les câbles d'électricité et de téléphone de M. et Mme X... passaient sous le terrain des époux L..., ce qui les empêchaient de poursuivre leurs travaux de clôture sur leur propriété. L'expert judiciaire a préconisé des travaux, à réaliser par les sociétés ORANGE et ERDF, afin de déplacer ces installations. Il est constant que ces travaux ont été réalisés pendant la procédure d'appel en exécution du jugement. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme X... à faire réaliser ces travaux par les sociétés ERDF et ORANGE, cette question n'étant pas véritablement discutée à hauteur d'appel.
C'est également à juste titre que le tribunal a dit que ces travaux se feraient aux frais de M. et Mme X... puisque l'implantation des installations électriques et téléphoniques relève de la responsabilité du propriétaire du terrain bénéficiaire de ces installations de sorte qu'il importe peu que les câbles restent la propriété des opérateurs. La circonstance que les sociétés Enédis (ex ERDF) et ORANGE aient pris en charge ces travaux pour divers motifs (travaux sur le domaine public notamment) est indifférente. Le jugement sera donc confirmé également en ce qu'il a mis à la charge des époux X... le coût des travaux à réaliser, étant précisé que ces frais ne peuvent en tout état de cause pas être mis à la charge des époux L....
2) Sur la demande de dommages-intérêts pour troubles anormaux de voisinage
Le droit (résultant de l'article 544 du code civil) pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage. Les juges doivent rechercher si les nuisances, même en l'absence de toute infraction aux règlements, n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.
C'est par une exacte appréciation de la cause que le tribunal a considéré que la présence d'installations électriques et téléphoniques sur le terrain des époux L... leur causaient un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, puisqu'ils n'ont pas pu réaliser leurs travaux de clôture de leur terrain et qu'ils ont subi ce préjudice pendant environ six ans, M. et Mme X... n'ayant pas réagi à leur demande formulée dès novembre 2011.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme X... à payer à M. et Mme L... la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre des troubles anormaux de voisinage.
III. Sur la demande de garantie
C'est en vain que M. et Mme X... sollicitent la garantie des sociétés ERDF et ORANGE, alors qu'il n'est pas démontré que ces opérateurs auraient commis une faute ayant contribué au préjudice des époux L..., et que ce sont bel et bien les époux X... qui ont commis une faute vis-à-vis de ces derniers en raison de leur inaction. Ils ont en effet attendu la délivrance de l'assignation au fond en 2015 pour saisir les sociétés ERDF et ORANGE d'une demande de travaux alors que leurs voisins avaient formulé leur demande dès 2011 et les avaient assignés en référé expertise en 2012, ce qui a considérablement retardé les travaux de clôture projetés. Par ailleurs, la circonstance que les opérateurs restent propriétaires des câbles est indifférente puisqu'il appartenait bien aux époux X..., en tant que clients des sociétés ORANGE et Edf et bénéficiaires des raccordements litigieux, de demander à ces opérateurs de modifier les installations dès qu'ils ont eu connaissance de ce qu'elles passaient sur le terrain de leurs voisins et leur causaient un préjudice.
Dès lors, il convient de rejeter la demande de garantie des époux X... dirigée contre les sociétés ORANGE et ERDF.
IV. Sur les demandes accessoires
Au vu de la présente décision, il convient de confirmer les condamnations accessoires de M. et Mme X... et de les condamner en outre aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement au profit des avocats des époux L... et des sociétés ORANGE et ERDF, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des époux L... et de condamner M. et Mme X... à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
Ils seront également condamnés à payer aux sociétés ORANGE et ERDF une somme de 1.000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Reims,
Y ajoutant,
CONSTATE que les travaux relatifs aux installations d'électricité et de téléphone ordonnés par le jugement entrepris ont été exécutés,
DEBOUTE M. D... X... et Mme A... H... épouse X... de leur demande de garantie dirigée contre des sociétés ORANGE et ERDF,
CONDAMNE M. D... X... et Mme A... H... épouse X... à payer à M. J... L... et Mme O... N... épouse L... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. D... X... et Mme A... H... épouse X... à payer à la SA ORANGE la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. D... X... et Mme A... H... épouse X... à payer à la société ERDF la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. D... X... et Mme A... H... épouse X... aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement au profit de Me Vincent NICOLAS, avocat, de Me Fanny QUENTIN, avocat membre de la Selarl BERNARD QUENTIN DECARME, et de Me Sandy HARANT, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le conseiller faisant fonction de président de chambre