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26/02/2019 | FRANCE | N°18/00558

France | France, Cour d'appel de Reims, 26 février 2019, 18/00558


ARRET No


du 26 février 2019






R.G : No RG 18/00558 - No Portalis DBVQ-V-B7C-EOBA










H...


N...


SCI LES CASTORS DE BREVONNES










c/






Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE






















CAL














Formule exécutoire le :


à :


SELARL LEFEVRE-VERON
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SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI


COUR D'APPEL DE REIMS


CHAMBRE CIVILE-1o SECTION


ARRET DU 26 FEVRIER 2019






APPELANTS :






d'un jugement rendu le 02 mars 2018 par le tribunal de grande instance de TROYES






Monsieur S... H...


[...]






Madame D... N... épouse H...


[...]






SCI LES CASTO...

ARRET No

du 26 février 2019

R.G : No RG 18/00558 - No Portalis DBVQ-V-B7C-EOBA

H...

N...

SCI LES CASTORS DE BREVONNES

c/

Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

CAL

Formule exécutoire le :

à :

SELARL LEFEVRE-VERON

SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 26 FEVRIER 2019

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 02 mars 2018 par le tribunal de grande instance de TROYES

Monsieur S... H...

[...]

Madame D... N... épouse H...

[...]

SCI LES CASTORS DE BREVONNES

[...]

COMPARANT, concluant par la SELARL LEFEVRE-VERON, avocats au barreau de l'AUBE

INTIMEE :

Banque Pop. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE Anciennement dénommée Banque Populaire Lorraine Champagne

[...]

COMPARANT, concluant par la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI, avocats au barreau de l'AUBE,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Catherine LEFORT, conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Catherine LEFORT, conseiller

GREFFIER :

Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 07 janvier 2019, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 février 2019,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 février 2019 et signé par Monsieur Francis MARTIN président de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et du prononcé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte sous seing privé en date du 11 janvier 2011, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après la BPALC) a consenti à M. S... H... et Mme D... N... épouse H... un prêt immobilier d'un montant de 56.160 euros remboursable en 154 mensualités au taux effectif global de 3,440 % l'an.

Selon acte sous seing privé du 26 février 2011, la SCI Les Castors de Brévonnes, dont les époux H... sont les seuls associés, a souscrit auprès de la BPALC un prêt d'un montant de 50.000 euros remboursable en 180 mensualités au taux effectif global de 3,840 % l'an.

Ayant constaté des erreurs dans le calcul du taux effectif global, M. et Mme H... et la SCI Les Castors de Brévonnes ont, par acte d'huissier du 18 novembre 2014, fait assigner la BPALC devant le tribunal de grande instance de Troyes en annulation des stipulations d'intérêts conventionnels de deux prêts, la substitution du taux légal, et la condamnation de la banque à leur verser les intérêts payés en trop et à produire des plans d'amortissement rectifiés sous astreinte.

Dans leurs dernières écritures devant le tribunal, ils invoquaient l'absence de prise en compte du coût de l'assurance invalidité-décès dans le calcul du taux effectif global.

La BPALC a conclu au débouté.

Par jugement du 2 mars 2018, le tribunal de grande instance de Troyes a :

- débouté les époux H... et la SCI Les Castors de Brévannes de l'intégralité de leurs demandes,

- débouté la BPALC de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- condamné les époux H... et la SCI Les Castors de Brévannes au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.

Pour statuer ainsi, le tribunal a jugé que le coût de l'assurance invalidité-décès ne devait entrer dans la détermination du taux effectif global que si cette assurance était obligatoire, c'est-à-dire imposée à l'emprunteur comme condition d'octroi du prêt, et qu'en l'espèce, l'assurance groupe invalidité-décès souscrite par les emprunteurs était facultative, de sorte qu'elle n'avait pas à être prise en compte dans le taux effectif global.

Par déclaration du 14 mars 2018, M. et Mme H... et la SCI Les Castors de Brévannes ont fait appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives no2 en date du 8 décembre 2018, ils demandent à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

- annuler les stipulations conventionnelles d'intérêts contenues dans les deux prêts, sur le fondement des articles L.313-1, L.313-2 et L.311-48 du code de la consommation et de l'article 1907 du code civil,

- substituer au taux contractuel le taux d'intérêt légal en vigueur à la souscription des contrats, soit 0,38 %,

- condamner la BPALC à rembourser aux époux H... les intérêts trop versés déterminés à la date de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- enjoindre à la BPALC la communication des plans d'amortissement rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

Subsidiairement, à défaut d'annulation des stipulations d'intérêts,

- prononcer la déchéance des intérêts dans la limite de l'intérêt légal, sur le fondement des articles L.312-8 et L.312-33 anciens du code de la consommation,

- condamner la BPALC à rembourser aux époux H... les intérêts trop versés déterminés à la date de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- enjoindre à la BPALC la communication des plans d'amortissement rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

En tout état de cause,

- condamner la BPALC au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, dont distraction.

Ils critiquent tout d'abord le tribunal d'avoir considéré qu'ils n'invoquaient que la non prise en compte du coût de l'assurance, alors qu'ils faisaient également état d'autres frais, tels que les frais de garantie, et alors que les dispositions des articles L.313-1 et L.313-2 sont d'ordre public. Ils le critiquent ensuite en ce qu'il a jugé que l'assurance était facultative au motif que leur adhésion à l'assurance groupe était facultative, alors que l'assurance reste obligatoire même si l'adhésion à l'assurance groupe est facultative. Ils reprochent en conséquence au tribunal de ne pas avoir prononcé la nullité des stipulations d'intérêt.

Ils font valoir que selon l'expertise de M. R... qu'ils ont fait réaliser la BPALC n'a pas pris en compte l'assurance pour les deux prêts et n'a pas pris en compte le versement au fond de garantie pour le prêt de 56.100 euros, de sorte que le taux effectif global est en réalité de 4,5732 % pour ce prêt, et de 4,4760 % pour le prêt de 50.000 euros. Ils ajoutent que M. R... est parvenu au même résultat que M. X..., de sorte qu'il est établi que le taux effectif global est erroné.

En réponse aux conclusions adverses, ils soutiennent que leur déclaration d'appel comporte bien les mentions prescrites par l'article 901, 4o du code de procédure civile et n'encourt donc pas la nullité. Ils font valoir en outre que pour calculer le taux effectif global avec le montant des frais de garanties, M. R... s'est basé sur le montant estimé par la banque dans l'acte et non sur le coût réel, de sorte que l'argument de la banque selon lequel elle n'avait pas connaissance du coût au moment de l'acte est inopérant. Enfin, ils estiment que même à supposer que l'assurance soit facultative, le taux effectif global serait quand même erroné.

Par conclusions du 6 décembre 2018, la BPALC demande à la cour d'appel de :

- prononcer la nullité de la déclaration d'appel, faute d'avoir respecté les prescriptions de l'article 901, 4o du code de procédure civile,

- débouter les époux H... et la SCI Les Castors de Brévonnes de leur appel,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter les époux H... et la SCI de leurs fins, moyens et prétentions,

- dire que les appelants ne rapportent aucune preuve de l'existence d'un vice du consentement en application de l'article 1109 du code civil,

Très subsidiairement, au cas où l'erreur dans le calcul sur un taux effectif global serait retenue, dire que l'erreur alléguée ne pourrait donner lieu qu'à la seule déchéance du droit aux intérêts, et que la cour exercera son pouvoir de modulation en appréciant les circonstances et ne retiendra cette déchéance que pour une faible part,

- dire que les appelants ne justifient pas avoir pressenti d'autres établissements de crédit susceptibles de leur avoir proposé des offres plus avantageuses et ne peuvent donc tirer à leur profit une quelconque conséquence d'une hypothétique erreur de calcul,

- dire que la sanction de la substitution d'intérêts du taux légal aux intérêts contractuels doit être rejetée comme étant une sanction disproportionnée,

Encore plus subsidiairement,

- dire en cas de déchéance du droit aux intérêts, que la cour exercerait son pouvoir de modulation en appréciant les circonstances et ne retiendra cette déchéance que pour une faible part,

- condamner les appelants à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et injustifié, ainsi qu'une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelants en tous les dépens.

Elle fait valoir en premier lieu que les appelants avaient bien modifié leurs dernières conclusions de première instance, de sorte que le tribunal a pu à juste titre ne prendre en compte que le moyen relatif à l'assurance. Subsidiairement sur les frais de sûretés et de fonds de garantie, elle soutient que le taux effectif global comprend bien les frais relatifs au fonds de garantie s'agissant du prêt de 56.160 euros, et que s'agissant de l'autre prêt, le taux effectif global intègre les frais d'hypothèque et de privilège, selon une évaluation conforme à la loi puisque le coût réel n'était pas déterminable au moment de l'acte. Elle souligne que les appelants n'apportent pas la preuve que le coût serait supérieur à son évaluation.

En deuxième lieu, concernant l'assurance, elle fait valoir que seuls les frais qui conditionnent l'octroi du prêt ou sont obligatoires doivent être intégrés dans le taux effectif global. Elle approuve le tribunal d'avoir recherché si l'assurance était obligatoire en l'espèce et d'avoir jugé qu'elle ne l'était pas. Elle estime que la clause de ses conditions générales citée par les appelants ne fait pas de l'assurance une condition d'octroi du prêt contrairement à ce qu'ils prétendent en dénaturant le contrat, et que l'assurance étant facultative, elle n'avait à entrer dans le calcul du taux effectif global. Elle ajoute que les tableaux d'amortissement, qui comportent le coût de l'assurance, n'établissent pas le caractère obligatoire de l'assurance ; que le détail du coût du crédit répond à une obligation légale mais doit être distingué du taux effectif global qui n'inclut que les frais conditionnant l'octroi du prêt. Elle soutient en outre qu'en tout état de cause, la jurisprudence admet une marge d'erreur dans le calcul du taux effectif global, de sorte que les appelants ne peuvent prétendre à la substitution du taux d'intérêt légal si l'écart est inférieur à une décimale.

En troisième lieu, sur la demande de nullité du taux contractuel, elle fait valoir que l'avis de M. R... n'est pas contradictoire et ne lui est donc pas opposable, d'autant qu'il n'indique pas sa méthode de calcul, de même que les indications chiffrées de sites internet. Subsidiairement, elle soutient que l'erreur de calcul du taux effectif global n'entraîne pas de plein droit la nullité du taux, et que l'action en nullité du taux repose sur la preuve de l'existence d'un vice du consentement selon l'article 1109 du code civil, qui n'est pas allégué en l'espèce, étant précisé que les appelants ne justifient avoir sollicité d'autres établissements de crédit. Elle ajoute que l'erreur du taux effectif global est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts, à concurrence d'un préjudice réel et justifié. A titre subsidiaire, elle soutient qu'au cas où la cour retiendrait une erreur de taux effectif global, les appelants ne pourraient se prévaloir que d'une perte de chance de ne pas avoir trouvé un taux effectif global plus favorable auprès d'un autre établissement, laquelle ne peut être évaluée qu'aux sommes non prises en compte dans le calcul, et que la preuve fait défaut. Elle estime que la substitution du droit d'intérêt légal est une sanction disproportionnée, donc infondée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de la déclaration d'appel

Contrairement à ce que soutient la BPALC, la déclaration d'appel contient bien les chefs du jugement critiqués conformément aux dispositions de l'article 901, 4o du code de procédure civile.

Elle sera donc déboutée de sa demande de nullité de la déclaration d'appel.

Sur les demandes des appelants

L'article L.313-1 du code de la consommation (dans sa rédaction en vigueur au jour du contrat, applicable au litige) dispose :

"Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l'application des articles L.312-4 à L.312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. [ ]"

L'article L.313-2 précise que le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L.313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section.

1) Sur l'assurance

Le coût de l'assurance ne doit être intégré dans le calcul du taux effectif global que si elle est imposée par le prêteur comme condition d'octroi du prêt.

En l'espèce, il est constant que les taux effectifs globaux de 3,440 % et 3,840 % mentionnés aux contrats de prêt n'incluent pas le coût des assurances groupe décès invalidité souscrites par M. et Mme H....

Il n'est pas contesté à hauteur d'appel que l'adhésion à l'assurance groupe décès invalidité était facultative.

Toutefois, les appelants soutiennent que la souscription d'une assurance décès était néanmoins une condition d'octroi du prêt.

Il convient de rappeler qu'aucune loi n'impose à un emprunteur de souscrire une assurance décès invalidité lors de la conclusion d'un contrat de prêt immobilier. La souscription d'une telle assurance n'est donc pas de plein droit et de façon automatique imposée par les établissements de crédit comme une condition d'octroi du prêt.

Il appartient dès lors aux emprunteurs d'apporter la preuve que la souscription d'une telle assurance (groupe ou libre) leur a été imposée par la BPALC comme condition d'octroi des prêts.

Il résulte des conditions générales (clause «Conditions affectant le contrat») que le contrat est affecté de conditions suspensives et résolutoire. Il est stipulé que «la banque subordonne la conclusion du contrat à la réalisation de toutes les conditions assurances et garanties prévues aux conditions particulières». Il n'existe dans les conditions générales aucune condition suspensive ou résolutoire relative à la souscription d'une assurance, mais il est renvoyé aux conditions particulières. Par ailleurs, les conditions générales contiennent une clause intitulée «Engagement de l'emprunteur» qui énumère un certain nombre d'obligations à charge de l'emprunteur, dont il ressort que les époux H... ne se sont nullement engagés à souscrire une assurance décès invalidité. Par ailleurs, la clause «Assurance décès, perte totale et irréversible d'autonomie ou incapacité temporaire» ne traite que de l'assurance groupe et mentionne expressément que l'adhésion est facultative.

Ainsi, il ne résulte pas des conditions générales que la souscription d'une assurance serait imposée par le prêteur comme condition d'octroi des prêts. La stipulation, invoquée par les appelants, selon laquelle la banque subordonne la conclusion du contrat à la réalisation de toutes les conditions, assurances et garanties prévues aux conditions particulières, ne fait en réalité que renvoyer aux conditions particulières.

Or les conditions particulières ne comportent aucune clause«Assurances», aucune stipulation imposant aux emprunteurs de souscrire une quelconque assurance, ni aucun engagement de leur part d'en souscrire une.

Dès lors, il ne résulte pas du contrat de prêt que l'assurance décès invalidité soit une condition d'octroi des prêts. En outre, les emprunteurs ne fournissent aucun autre élément extérieur aux contrats établissant que la souscription d'une telle assurance leur a été imposée.

Il résulte de ces éléments que M. et Mme H... n'apportent pas la preuve que le coût des assurances souscrites aurait dû être pris en compte pour la détermination du taux effectif global.

2) Sur les autres frais

Il n'est pas contesté que les frais du fond de garantie (Socami), les frais de dossier et les frais de caution, figurant aux conditions particulières du prêt du 11 janvier 2011 conclu par M. et Mme H... pour un montant de 56.160 euros, doivent être pris en compte pour calculer le taux effectif global et l'ont été par le prêteur, de sorte que les appelants ne contestent que le calcul. De même, il n'est pas contesté que les frais de prise de garantie (caution hypothécaire et PPD) et les frais de dossier, figurant aux conditions particulières du prêt conclu par la SCI Les Castors de Brévonnes pour un montant de 50.000 euros, doivent être pris en compte pour calculer le taux effectif global et l'ont été par le prêteur, de sorte que l'appelante ne conteste que le calcul.

La méthode de calcul du taux effectif global est expliquée à l'article R.313-1 du code de la consommation et son annexe.

L'article R.313-1 (dans sa rédaction applicable au contrat litigieux) dispose :

«Sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3o de l'article L.311-3 et à l'article L.312-2 du présent code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois.

Pour les opérations mentionnées au 3o de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.»

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient aux emprunteurs d'apporter la preuve des erreurs affectant le taux effectif global qu'ils invoquent.

Les appelants produisent un avis non contradictoire de M. Eric R..., expert comptable, en date du 3 novembre 2016 qui a recalculé le taux effectif global pour chacun des prêts en reprenant les montant des frais indiqués sur les contrats de prêt. Pour chaque prêt, il a calculé un taux effectif global assurance comprise et un taux effectif global hors assurance.

Concernant le prêt souscrit par la SCI Les Castors de Brévannes, M. R... indique que le taux effectif global annuel hors assurance est de 3,8400 %, ce qui correspond exactement au taux effectif global indiqué dans le contrat de prêt. Ainsi s'agissant de ce prêt, les appelants ne justifient pas d'une erreur dans le calcul du taux effectif global.

Concernant le prêt souscrit par M. et Mme H..., M. R... indique que le taux effectif global annuel hors assurance est de 3,6096 %, alors que le contrat mentionne un taux effectif global de 3,440 % l'an. Certes, il n'indique pas sa méthode de calcul, mais la BPALC non plus, et le fait qu'il soit parvenu exactement au même résultat que le prêteur pour l'autre prêt laisse penser qu'il a utilisé la même méthode que lui. Par ailleurs, le calcul de M. R... est conforté par l'étude réalisée le 29 novembre 2018 par le cabinet Amalthée Consulting en la personne de M. Pascal X..., expert comptable. Cette étude, plus détaillée, produite à hauteur de cour par les appelants, n'a certes opéré pour chaque prêt qu'un calcul du taux effectif global assurance comprise, mais il est possible de comparer ces taux à ceux calculés par M. R... comprenant l'assurance. Ainsi, pour le prêt de 56.160 euros souscrit par les époux H..., M. R... a calculé un taux effectif global avec assurance de 4,5732 % l'an, tandis que M X... mentionne un taux de 4,57 %, ce qui est conforme avec l'arrondi (arrondi admis par l'article R.313-1 précité). De même, s'agissant du prêt de 50.000 euros souscrit par la SCI, M. R... a calculé un taux effectif global avec assurance de 4,4760 % l'an, tandis que M X... mentionne un taux de 4,48 %, ce qui est conforme avec l'arrondi. Par conséquent, le fait que les taux effectifs globaux assurance comprise calculés par M. R... pour les deux prêts soient confortés par les calculs d'une autre étude, ajouté au fait que M. R... est parvenu au même résultat que le prêteur pour le calcul du taux effectif global hors assurance du prêt de la SCI, donnent du crédit au calcul du taux effectif global hors assurance du prêt des époux H... par l'expert comptable. Enfin, la BPALC ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause les calculs de M. R... et de M. X....

C'est en vain que la BPALC invoque l'inopposabilité du rapport d'expertise non contradictoire de M. R..., puisque d'une part cette pièce a été régulièrement versée au débat et soumise à discussion contradictoire des parties, et d'autre part la cour ne se fonde pas uniquement sur ce rapport pour statuer.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les appelants apportent la preuve de ce que le taux effectif global du prêt de 56.160 euros souscrit par M. et Mme H... est erroné.

3) Sur la sanction

La mention obligatoire du taux effectif global est destinée à informer l'emprunteur sur les coûts mis à sa charge par le prêteur afin qu'il puisse comparer les offres des différents établissements de crédit. Pour autant, il ne saurait être demandé aux époux H... de justifier avoir effectivement consulté divers établissements.

L'action des emprunteurs étant fondée sur les articles L.313-2 du code de la consommation et 1907 du code civil, c'est à juste titre qu'ils soutiennent que l'inexactitude de la mention du taux effectif global dans l'acte de prêt est sanctionnée par la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel depuis la signature du contrat. Cette sanction, qui est fondée sur l'absence de consentement des emprunteurs au coût global du prêt et non sur l'indemnisation d'une perte de chance, n'est pas disproportionnée.

En outre, en application de l'article R.313-1 du code de la consommation, l'erreur affectant le taux effectif global n'entraîne la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel que si elle est au moins égale à une décimale, la jurisprudence admettant que l'erreur infinitésimale, inférieure à une décimale, ne remet pas en cause l'exactitude du calcul.

En l'espèce, il ne s'agit pas d'une erreur infinitésimale puisque la différence entre 3,6096 % et 3,440 % est supérieure à une décimale.

Il convient donc de faire droit à la demande de substitution du taux légal au taux conventionnel depuis la signature du contrat concernant le prêt de 56.160 euros et de remboursement des intérêts versés en trop à la date du présent arrêt, et de débouter les appelants de leurs demandes concernant le prêt de 50.000 euros de la SCI Les Castors de Brévannes.

Cependant, lorsqu'il est substitué au taux conventionnel d'un prêt mentionnant un taux effectif global erroné, l'intérêt au taux légal court, à compter de la souscription de ce prêt, au taux alors en vigueur, et obéit aux variations auxquelles la loi le soumet. C'est donc en vain que les appelants demandent que le taux légal soit fixé à celui en vigueur au jour de la conclusion du contrat, soit 0,38 %.

Le prêteur devra donc reconstituer le prêt depuis la conclusion du contrat avec le taux légal alors en vigueur et ses variations connues jusqu'à la date du présent arrêt et rembourser aux emprunteurs les intérêts versés en trop jusqu'à la date de l'arrêt. Le contrat de prêt étant toujours en cours et les variations futures du taux d'intérêt légal étant inconnues, la suite du tableau d'amortissement devra être réalisée, à titre purement indicatif, avec le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de l'arrêt, mais les intérêts devront nécessairement être recalculés à chaque variation du taux.

Il n'est pas nécessaire de prononcer une astreinte sur l'obligation de remboursement qui peut donner lieu à une exécution forcée. En revanche, et afin que les emprunteurs puissent en connaître le montant, ainsi que le montant des échéances à échoir, il convient d'assortir d'une astreinte de 100 euros par jour de retard l'obligation de communiquer le tableau d'amortissement rectifié passé un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Les appelants obtenant en partie gain de cause en appel, la BPALC doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La BPALC, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Jean-Loup H..., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de la condamner en outre à payer aux appelants une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande de nullité de la déclaration d'appel,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Troyes,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE M. S... H..., Mme D... N... épouse H... et la SCI Les Castors de Brévonnes de leurs demandes relatives au contrat de prêt de 50.000 euros conclu le 26 février 2011 entre la SCI Les Castors de Brévonnes et la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne,

ANNULE la stipulation d'intérêts du contrat de prêt conclu le 11 janvier 2011 entre M. S... H... et Mme D... N... épouse H... d'une part et la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne d'autre part, et ORDONNE la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel depuis la conclusion du contrat,

DIT que le taux légal appliqué à ce contrat court, à compter de la souscription du prêt, au taux alors en vigueur, et obéit aux variations auxquels la loi le soumet,

DIT que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne devra communiquer à M. S... H... et Mme D... N... épouse H... un tableau d'amortissement rectifié avec le taux légal en vigueur lors de la conclusion du contrat et ses variations connues jusqu'à la date du présent arrêt, puis pour les échéances postérieures, avec le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de l'arrêt, et ce dans un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt, puis passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

DIT que la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne devra rembourser à M. S... H... et Mme D... N... épouse H... les intérêts versés en trop depuis la conclusion du contrat de prêt et jusqu'à la date du présent arrêt, calculés comme étant la différence entre le montant des intérêts conventionnels payés et le montant des intérêts calculés sur la base du taux légal en vigueur pendant cette période,

DEBOUTE la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à M. S... H... et Mme D... N... épouse H... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Jean-Loup H..., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 18/00558
Date de la décision : 26/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-26;18.00558 ?
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