La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2019 | FRANCE | N°18/020791

France | France, Cour d'appel de reims, 11, 12 février 2019, 18/020791


ARRÊT No
du 12 février 2019

R.G : No RG 18/02079 - No Portalis DBVQ-V-B7C-ERQE

Y...
Z...

c/

A...
B...

FM

Formule exécutoire le :
à :

- SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND-EST

- SCP FWF ASSOCIESCOUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2019

APPELANTS :
d'une ordonnance de référé rendue le 21 août 2018 par le président du tribunal de grande instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,

Monsieur Raymond Y...
[...]

Madame Huguette Z... épouse Y...
[...]

COMPARANT, con

cluant par la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND-EST, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉS :

Monsieur I... A...
[...]

Madame J... B... épouse A.....

ARRÊT No
du 12 février 2019

R.G : No RG 18/02079 - No Portalis DBVQ-V-B7C-ERQE

Y...
Z...

c/

A...
B...

FM

Formule exécutoire le :
à :

- SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND-EST

- SCP FWF ASSOCIESCOUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2019

APPELANTS :
d'une ordonnance de référé rendue le 21 août 2018 par le président du tribunal de grande instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,

Monsieur Raymond Y...
[...]

Madame Huguette Z... épouse Y...
[...]

COMPARANT, concluant par la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND-EST, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉS :

Monsieur I... A...
[...]

Madame J... B... épouse A...
[...]

COMPARANT, concluant par la SCP FWF ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et Madame NICLOT, greffier, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 janvier 2019, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 février 2019,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 février 2019 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

Le 6 mai 2010, M. I... A... et son épouse, Mme J... B..., ont acquis une maison d'habitation située [...] .
M. Raymond Y... et son épouse, Mme Huguette Z..., sont propriétaires de la maison voisine située au [...] .
Se plaignant de nuisances dues à la fumée émanant d'un conduit de cheminée édifié sur la propriété des époux A..., les époux Y... ont assigné M. I... A... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne aux fins de solliciter une expertise.
Par ordonnance du 7 juillet 2015, le juge des référés a ordonné cette expertise et l'a confiée à M. C..., puis à M. D..., avec pour mission notamment de préciser si la cheminée et son implantation sont conformes aux normes existantes ainsi qu'aux règles de l'art, de rechercher si l'utilisation de cette cheminée et les fumées qui en émanent peuvent causer des nuisances et inconvénients aux époux Y... et, dans l'affirmative, donner son avis sur les moyens d'y remédier et en chiffrer le coût.
L'expert a rendu son rapport le 19 février 2016, concluant à la réalité des nuisances causées par la cheminée des époux A... et à la nécessité pour ces derniers de réaliser des travaux de mise aux normes de leur installation, pour un coût évalué à 2 880 euros ttc.
Le 20 mai 2016, les époux Y... ont fait assigner M. I... A... devant le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne afin de lui voir enjoindre sous astreinte d'effectuer les travaux tels que détaillés par l'expert et de le voir condamner à leur payer la somme de 7500 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.
M. I... A... n'a pas constitué avocat.
Par jugement en date du 8 février 2017, le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne a :
- ordonné à M. I... A... de faire réaliser dans le délai d'un mois sur la cheminée de sa maison, par un professionnel, un tubage type Tubaginox F Liss sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- dit que si les travaux n'étaient pas faits dans un délai de 4 mois, il pourra de nouveau être statué,
- condamné M. I... A... à payer aux époux Y... la somme de 1500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance et moral,
- débouté les époux Y... du surplus de leur demande,
- condamné M. I... A... à leur payer 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris les frais d'expertise.
Le 12 septembre 2017, les époux Y... ont fait assigner M. I... A... devant le juge de l'exécution afin de solliciter la liquidation de l'astreinte à la somme de 4500 euros et fixer une nouvelle astreinte au taux de 100 euros par jour pendant trois mois à compter du jugement à intervenir.
Par jugement en date du 14 novembre 2017, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte provisoire à 4500 euros et il a fixé une nouvelle astreinte au taux de 70 euros par jour pendant trois mois ; il a en outre dit que si les travaux n'étaient toujours pas réalisés le 25 février 2018, il serait de nouveau statué.
Des travaux ont été effectués par les époux A... en février 2018.
Par acte d'huissier du 21 juin 2018, les époux Y... ont fait assigner les époux A... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne, au visa des articles 145 et 808 du Code de procédure civile, aux fins d'obtenir une nouvelle expertise et la désignation de M. Alain D... en qualité d'expert avec pour mission de décrire les travaux qui ont été réalisés par les époux A... depuis le précédent rapport d'expertise du 19 février 2016, de dire si ces travaux correspondent aux préconisations portées dans le précédent rapport d'expertise et à l'injonction faite par le jugement du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne du 8 février 2017 et enfin de dire si des travaux complémentaires sont nécessaires pour remédier aux nuisances qu'ils continuent de subir.
Les époux A..., ont comparu en personne et ont expliqué au juge des référés que les travaux avaient été réalisés, mais qu'ils n'étaient pas opposés à la réalisation d'une nouvelle expertise.
Par ordonnance en date du 21 août 2018, le juge des référés près le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne a débouté les époux Y... de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.
Le juge des référés a estimé que les époux Y... ne justifiaient pas d'un motif légitime à l'appui de leur demande d'expertise, les trois attestations produites par eux étant insuffisantes pour démontrer la persistance des désordres ; qu'en outre, cette procédure ne pouvait avoir pour objet de permettre aux demandeurs de s'assurer de l'exécution conforme d'une précédente décision de justice ; qu'enfin, aucune urgence n'était caractérisée.

Par déclaration enregistrée le 27 septembre 2018, les époux Y... ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions déposées le 28 décembre 2018, les époux Y... demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée et, statuant à nouveau, de désigner à nouveau M. Alain D... en qualité d'expert avec pour mission de dire si les époux A... ont bien réalisé les travaux qu'il avait préconisés, si des travaux complémentaires sont nécessaires pour remédier aux nuisances persistantes, en indiquant la nature de ces travaux et en chiffrant leur coût.
A l'appui de leur appel, les époux Y... exposent :
- que les époux A... ont fait réaliser des travaux sur leur cheminée, le 6 février 2018, mais sans qu'il soit possible de savoir si ces travaux correspondent bien aux préconisations de l'expert,
- qu'en effet, les plus grands doutes sont permis, car les nuisances olfactives persistent, ainsi qu'en témoignent par attestations plusieurs personnes,
- que la condition d'urgence n'est pas exigée par l'article 145 du code de procédure civile sur lequel ils fondent leur demande d'expertise,
- qu'il est néanmoins urgent de trouver la cause des nuisances qu'ils subissent.
Par conclusions déposées le 14 janvier 2019, les époux A... demandent à la cour de confirmer l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions ; à titre infiniment subsidiaire, s'il est fait droit à la demande d'expertise, de dire et juger qu'il n'y a pas lieu de mettre les frais d'expertise à leur charge ; en tout état de cause, de condamner les époux Y... à leur payer la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
Les époux A... font valoir :
- que Mme J... A... n'a jusqu'alors jamais été attraite en justice par les époux Y... dans le cadre de cette affaire de cheminée, de sorte que les décisions et l'expertise judiciaires rendues ne lui sont pas opposables et que la demande formée à présent à son encontre n'est ni recevable ni fondée,
- que la voie du référé-expertise ne peut être utilisée pour permettre aux époux Y... de s'assurer de l'exécution d'une précédente décision de justice, car les difficultés d'exécution d'une décision judiciaire ne relèvent pas du juge des référés,
- que les époux Y... reconnaissent eux-mêmes que les travaux ont été réalisés,
- que la preuve n'est pas rapportée que les nuisances olfactives dont se plaignent les époux Y... aient leur origine dans les travaux effectués sur la cheminée,
- que la condition d'urgence n'est pas remplie puisque la dernière décision rendue par le juge de l'exécution date du 14 novembre 2017 et que l'assignation devant le juge des référés n'a été délivrée que le 21 juin 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières écritures déposées par les époux Y... et par les époux A...,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 janvier 2019.

Sur la recevabilité de l'action formée contre Mme A...

Dans leurs conclusions, les époux A... relèvent que Mme J... A... n'avait pas été attraite par les époux Y... dans les précédentes procédures et que l'expertise judiciaire de M. D... n'avait pas été réalisée en sa présence, de sorte que la nouvelle demande d'expertise des époux Y... serait irrecevable en ce qu'elle est formée contre elle.
Toutefois, cette fin de non-recevoir, exposée dans les motifs de leurs conclusions, n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions des époux Y.... La cour n'a donc pas à statuer sur cette fin de non-recevoir qui n'est pas valablement invoquée.

Sur le bien fondé de la demande d'expertise

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Ne figure pas au titre des conditions du référé-expertise institué par l'article précité, la nécessité d'une quelconque urgence. Les considérations des époux A... sur l'absence d'urgence sont donc sans utilité.
En revanche, les époux Y... produisent aux débats les attestations de plusieurs témoins dont il ressort que, malgré les travaux effectués en février 2018 sur la cheminée des époux A..., l'émission de fumées nauséabondes se poursuit :
- M. Jean E... a constaté le 31 mars 2018 que des odeurs nauséabondes envahissaient la maison des époux Y..., obligeant ces derniers à aérer leur logement,
- M. Jean-Jacques F... a constaté le 1er avril 2018 que des odeurs nauséabondes venaient du [...] et incommodaient les époux Y... au point de leur irriter les yeux ; ce même témoin a constaté la réitération de ces nuisances le 9 décembre 2018,
- Mme Elodie G... a elle aussi constaté les 2 avril, 5 avril et 16 décembre 2018 l'émission d'odeurs nauséabondes en provenance de chez les époux A...,
- M. Alain H... a constaté le 14 septembre 2018 chez les époux Y... la présence de fumées irritantes.
Ces attestations de témoins sont suffisamment précises et concordantes pour rendre crédible la persistance des nuisances olfactives dont sont victimes les époux Y... de la part de leurs voisins, les époux A.... Cette persistance des nuisances peut a priori être attribuée soit au fait que les travaux réalisés par les époux A... ne sont pas conformes aux prescriptions de l'expert judiciaire, soit au fait que les prescriptions de l'expert judiciaire étaient insuffisantes pour mettre un terme à ces émissions de fumées nauséabondes et irritantes et à leur transport chez les époux Y....
Quoi qu'il en soit, ces circonstances sont suffisantes pour constituer un motif légitime de nouvelle expertise judiciaire.
Rien, dans les termes de l'article 145 du code de procédure civile, ne vient interdire d'ordonner une expertise pour vérifier qu'une partie condamnée par un précédent jugement a bien exécuté le prescrit de ce jugement, ou pour vérifier que le prescrit de ce jugement était bien adapté à la situation et n'aurait pas besoin d'être complété.
Par conséquent, il sera fait droit à la demande de nouvelle expertise formée par les époux Y..., étant précisé que les frais de consignation seront mis à leur charge.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les époux Y... obtiennent gain de cause en leur demande de nouvelle expertise, il n'y a donc aucun motif valable pour les condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, cette action en référé-expertise n'étant intentée que dans le seul souci de la préservation de leurs intérêts et sans qu'il soit possible, à ce stade, de savoir si le résultat de l'expertise viendra ou non confirmer les reproches qu'ils adressent à leurs voisins, il apparaît légitime de laisser les dépens à leur charge.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

DECLARE l'appel recevable,

INFIRME l'ordonnance déférée (sauf sur les dépens) et, statuant à nouveau,

ORDONNE une expertise judiciaire et nomme pour y procéder M. Alain D... avec mission de :
- se rendre sur les lieux [...] ,
- décrire les travaux qui ont été réalisés par les époux A... concernant leur cheminée depuis le précédent rapport d'expertise du 19 février 2016,
- dire si ces travaux correspondent aux préconisations portées dans le précédent rapport du 19 février 2016 et aux travaux enjoints à M. I... A... selon jugement du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne du 8 février 2017,
- déterminer si perdurent encore les nuisances causées par la cheminée des époux A..., et si oui en expliquer la ou les causes et donner toutes les indications utiles pour quantifier le préjudice de jouissance subi par les époux Y...,
- le cas échéant, dire si des travaux complémentaires sont nécessaires pour remédier aux nuisances subies par les époux Y..., en indiquer la nature et en chiffrer le coût,
- plus généralement, fournir tous éléments techniques de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer, s'il y a lieu, les préjudices subis,

DIT que l'expert pourra se faire assister par tout sapiteur, dans une spécialité distincte de la sienne,

FIXE à 1200 euros ttc le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée entre les mains du Régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Reims par les époux Y... dans le délai de six semaines à compter de cet arrêt, à peine de caducité de la désignation de l'expert,

DIT que dans le délai de TROIS MOIS à compter du jour de sa saisine effective (dépôt de la consignation), l'expert déposera au greffe de cette chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Reims et adressera aux parties un pré-rapport comprenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission ; il laissera alors aux parties un délai d'UN MOIS à compter du dépôt du pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs observations par voie de dires récapitulatifs ; puis, dans le MOIS SUIVANT, l'expert répondra à chacun des dires qui, le cas échéant, lui auront été adressés et, de toutes ses opérations et constatations, auxquelles s'ajouteront ses réponses aux dires, l'expert dressera enfin un rapport qu'il adressera aux parties et qu'il déposera au greffe de cette chambre de la cour d'appel de Reims, au plus tard à la fin du sixième mois suivant sa saisine,

DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du président de cette chambre, chargé du contrôle de la présente mesure d'instruction,

DÉBOUTE les époux A... de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE aux époux Y... la charge des dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : 11
Numéro d'arrêt : 18/020791
Date de la décision : 12/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2019-02-12;18.020791 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award