ARRÊT No
du 12 février 2019
R.G : No RG 18/00257 - No Portalis DBVQ-V-B7C-ENLH
SARL LES CAUDALIES
c/
SARL HUSSENET
CEL
Formule exécutoire le :
à :
- SCP JBR
- SELARL A & B AVOCATSCOUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2019
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 14 décembre 2017 par le tribunal de commerce de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,
SARL LES CAUDALIES
2 rue de l'Abbé Lambert
51000 CHALONS EN CHAMPAGNE
COMPARANT, concluant par la SCP JBR, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
INTIMÉE :
SARL HUSSENET
RUE DU GRAND CHAMP ZI DE SAINT MARTIN SUR LE PRE 51520 SAINT MARTIN SUR LE PRE
COMPARANT, concluant par la SELARL A & B AVOCATS, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Cédric LECLER, conseiller
GREFFIER :
Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et Madame NICLOT, greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 décembre 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 février 2019,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 février 2019 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant devis accepté en date du 11 mars 2015, la société à responsabilité limitée Les Caudalies (la société Les Caudalies) a confié à la société à responsabilité limitée Hussenet (la société Hussenet) la réalisation de travaux de peinture en extérieur pour un montant de 10 803,99 euros toutes taxes comprises (ttc).
Le 18 mars 2015, la société Hussenet a émis une facture d'acompte d'un montant de 3000 euros ttc, qui a été réglée par la société Les Caudalies.
Le 30 avril 2015, la société Hussenet a émis une facture pour le solde, d'un montant de 7803,98 euros ttc.
Par lettres recommandées avec accusés de réception en date des 6 et 29 juillet 2015, la société Les Caudalies a mis en demeure la société Hussenet de lui régler la facture pour le solde.
Par acte d'huissier en date du 18 février 2016, la société Hussenet a attrait la société Les Caudalies devant le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne.
Dans le dernier état de ses demandes, la société Hussenet a demandé la condamnation de la société Les Caudalies à lui payer la somme de 7803,98 euros correspondant à la facture du 30 avril 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2015, outre 1500 euros au titre des frais irrépétibles.
La société Les Caudalies a demandé:
- à voir dire et juger que la société Hussenet avait manqué à ses obligations contractuelles en n'exécutant ni correctement, ni intégralement la prestation promise, qu'elle-même est bien fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement de toutes sommes au profit de la société Hussenet;
- à voir prononcer la résolution du contrat suivant devis du 11 mars 2015;
- à condamner la société Les Caudalies à lui restituer la somme de 3000 euros perçue à titre d'acompte;
- à condamner la société Hussenet à lui payer la somme de 368,56 euros au titre des frais de constat d'huissier outre 1800 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire en date du 14 décembre 2017, le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a:
- dit la société Hussenet bien fondée en ses demandes;
- dit que la société Hussenet n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles et qu'il ne pouvait lui être opposé le fait que la prestation promise n'a pas été entièrement réalisée;
- dit que la société Les Caudalies était infondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement de toutes sommes au profit de la société Hussenet et à demander la résolution du contrat;
- débouté la société Les Caudalies de l'intégralité de ses demandes;
- condamné la société Les Caudalies à payer à la société Hussenet la somme de 7803,98 euros correspondant à la facture no13453 du 30 avril 2015, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2015;
- condamné la société Les Caudalies à payer à la société Hussenet la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.
Les premiers juges ont retenu qu'aucune réception de travaux et qu'aucune réserve n'a été formulée à la fin du chantier, tout en constatant l'absence de règlement du solde malgré plusieurs relances.
Ils ont retenu que le propriétaire des locaux loués à la société Les Caudalies avait fait dresser à deux occasions des constats d'huissier qui ne sont aucunement contradictoires et n'apportaient aucune preuve de la non-réalisation de la prestation et que:
- il n'existait aucun constat sur l'état de la façade avant travaux;
- le constat du 6 janvier 2016 a été dressé à une période où la température extérieure était inférieure à 5 degrés sur une surface humide, et sans que soient utilisées les applications préconisées par le fabricant.
Ils ont considéré que la société Hussenet avait déployé une technique d'hydrogommage qu'elle maîtrisait dans le respect des recommandations des fabricants et distributeurs d'hydrofuge, et avait déployé les moyens nécessaires à la réalisation de la prestation.
Ils ont rappelé que la société Hussenet avait proposé d'effectuer les travaux de reprise afin de satisfaire aux observations de la société Les Caudalies moyennant un paiement d'un montant de 95 % de la facture, ce qui a été rejeté.
Ils ont considéré que la société Les Caudalies était infondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement de toutes les sommes au profit de la société Hussenet et demander la résolution du contrat.
Le 2 février 2018, la société Les Caudalies a relevé appel de ce jugement.
Le 27 novembre 2018, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées:
- le 21 novembre 2018 par la société Les Caudalies, appelante;
- le 26 juillet 2018 par la société Hussenet, intimée.
Par voie d'infirmation, la société Les Caudalies réitère l'ensemble de ses prétentions initiales, demande le débouté intégral des prétentions de la société Hussenet, et sa condamnation aux dépens des deux instances avec distraction au profit de son conseil et à lui payer les somme de 1800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 2500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Elle fait valoir une exception d'inexécution, et rappelle que par acte d'huissier du 5 août 2015, ont été constatés des désordres, malfaçons, et non façons.
Plus précisément, elle vient reprocher à la société Hussenet:
- une très mauvaise exécution d'une partie de ses prestations ayant abouti à une absence de prestation, s'agissant du nettoyage par hydrogommage;
- d'avoir accompli de façon grossière une autre partie de ses prestations, s'agissant des joints des briques et pierres;
- d'avoir totalement inexécuté une autre partie de ses prestations (absence de reprise de certains joints, trous non rebouchés et absence d'application de l'hydrofuge contractuellement prévu).
Elle reproche au premier juge:
- d'avoir manifestement confondu la technique, l'objet et les effets du nettoyage par hydrogommage et la technique, l'objet et les effets de l'application d'un hydrofuge;
- d'avoir écarté les constats d'huissiers comme non contradictoires, alors que ceux-ci avaient pour vocation de dresser un constat objectif de la situation.
Elle soutient que le résultat de l'intervention de la société Hussenet doit s'assimiler à une inexécution de sa prestation contractuelle, justifiant purement et simplement la résolution du contrat.
La société Hussenet demande la confirmation du jugement, sollicite le débouté intégral des prétentions adverses outre 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Elle soutient apporter la preuve de l'exécution de sa prestation, en observant la carence probatoire de son adversaire dans son affirmation selon laquelle la façade de l'immeuble aurait fait l'objet d'un nettoyage par hydrogommage et d'application d'hydrofuge en 1994 ou 1995.
Elle rappelle l'absence d'émission de toute réserve à la fin du chantier.
Elle soutient que les constats d'huissier, réalisés par la société Les Caudalies après l'exécution des travaux, ne peuvent en rien établir l'état de la façade avant les travaux.
Elle observe que du constat d'huissier du 6 janvier 2016, constatant que l'eau pénètre dans la pierre, peut se déduire la conformité aux règles de l'art de l'application d'hydrofuge qu'elle a réalisée, qui n'est pas appliqué à saturation, afin que la pierre continue à respirer, de sorte que quand de l'eau est versée sur la pierre, elle ne perle pas mais pénètre d'un ou deux centimètres.
Elle en conclut à la défaillance de la société Les Caudalies dans la démonstration des conditions de l'exception d'inexécution alléguée par cette dernière.
Elle énonce que la technique de l'hydrogommage n'est pas l'objet de la garantie décennale, eu égard à l'aléa tiré de la nature même de la pierre sur laquelle l'hydrogommage est effectué, mais surtout dans la mesure où il constitue uniquement un nettoyage de la façade.
En ce que la preuve de sa propre inexécution contractuelle n'est ainsi pas rapportée, la société Hussenet estime que la demande de résolution présentée par la société Les Caudalies n'est pas plus fondée.
MOTIVATION:
Les prestations contractuelles, selon les termes du devis accepté, portent: "Sur murs (côté Rues et Cour)
Nettoyage par hydrogommage, rinçage, finition hydrofuge, 262,44 M2x 30.21
grattage des joints ciment, réfection des joints à la poudre de pierre et chaux
Echafaudage, protection et nettoyage".
Pour s'opposer à l'action en paiement intentée par l'entrepreneur, son client soulève l'exception d'inexécution par celui-ci des prestations contractuellement convenues.
Toutefois, celui qui oppose une exception d'inexécution doit être en mesure de prouver que les conditions de l'exception d'inexécution se trouvent réunies.
A l'appui de ses allégations tenant à l'inefficacité ou à l'absence de réalisation des prestations de la société Hussenet, la société Les Caudalies soutient que le bâtiment avait pourtant fait l'objet de nettoyage en profondeur, puisque l'immeuble avait été entièrement rénové entre 1994 à 1995, sa destination passant alors de maison d'habitation à restaurant.
Elle n'apporte cependant aucun élément à l'appui de cette allégation; en tout état de cause, elle ne démontre pas que le bâtiment aurait alors fait l'objet d'un nettoyage par hydrogommage et application d'un hydrofuge.
Elle ne vient ainsi pas utilement contredire les affirmations de la société Hussenet, selon laquelle la façade de l'immeuble n'aurait pas été nettoyée depuis plus de 50 ans.
D'une manière générale, la société Les Caudalies n'apporte aucun élément permettant de déterminer l'état exact des briques et pierres du bâtiment litigieux, avant l'intervention de la société Hussenet.
A l'inverse, celle-ci produit deux photographies prises dans la rue, mettant en scène essentiellement les murs et façades extérieures du bâtiment, prises selon elle avant et après sa propre intervention, sans discussion sur ce point par la société Les Caudalies, mettant globalement en évidence le noircissement du bandeau de la façade par la pollution, puis l'éclaircissement notable de la façade postérieure à son intervention.
C'est de manière inopérante, pour dénier l'effet lié à la pollution, que la société Les Caudalies fait valoir que le bâtiment se trouvait en zone piétonnière depuis 25 ans, alors qu'il se trouve nonobstant dans l'hypercentre de Châlons en Champagne.
Cependant, c'est à tort que le tribunal de commerce a écarté la valeur probante des constats d'huissier en retenant que ceux-ci n'avaient pas été établis au contradictoire de la société Hussenet, alors que le régime de ces actes extra-judiciaires n'est pas similaire à celui des expertises.
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La société Caudalies produit un constat réalisé par un huissier de justice le 5 août 2015, qui fait état:
- sur la façade sur cour de la dépendance:
de briques partiellement blanchies;
de joints de brique qui sont de couleur blanche;
d'un haut de la façade mal nettoyé;
au niveau de la pierre, du manque des joints, les joints sont grossiers et il n'y a pas de reprise de maçonnerie;
Murets d'enceinte Rue d'Orfeuil:
- les joints des murets en pierre sont grossiers et il n'y a pas de reprise de maçonnerie ;
Pignon gauche de la dépendance Rue d'Orfeuil:
- la pierre est noircie;
- les rebords de fenêtres sont noircies (sic);
- il y a de la mousse sur les rebords en haut du mur;
- Il y a du sable sur la toiture en zingue (sic);
Pignon droit de la dépendance côté cour:
- les joints sont grossiers;
Façade intérieure des murs de la cour:
- les joints n'ont pas été repris en totalité;
- les trous ne sont pas rebouchés;
- le chapeau du pilier est noirci;
Murs d'enceinte Rue Abbé Lambert:
- les joints fissurés ne sont pas repris;
- les joints sont partiellement rénovés;
- des pierres sont fissurées;
Façade arrière de la dépendance Rue Abbé Lambert:
- les éclats ne sont pas repris;
- les joints sont partiellement rénovés;
- le dessous de la toiture est noircie;
- l'angle cassé de la fenêtre n'est pas repris;
- la pierre est noircie;
Façade restaurant Rue Abbé Lambert:
- les joints sont grossiers ou non repris;
D'une manière générale, il ne peut être établi aucun lien suffisant entre la présence de sable, à la supposer établie, sur la toiture en zingue au pignon gauche de la dépendance rue d'Orfeuil, et l'exécution ou l'absence d'exécution de ses prestations par la société Hussenet.
A cet égard, il conviendra de retenir la valeur insuffisamment probante quant au constat de la présence de sable, en ce que l'huissier instrumentaire n'a pas indiqué les démarches et vérifications qui lui auraient permis d'aboutir à constater à cet endroit la présence d'une telle substance, sans avoir indiqué être monté sur le toit et y avoir recueilli et analysé le sable ainsi décrit.
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Dans un premier temps, la société Les Caudalies vient faire grief à la société Hussenet d'une très mauvaise exécution d'une partie de ses prestations ayant abouti à une absence de prestation, s'agissant du nettoyage par hydrogommage.
L'hydrogommage consiste à utiliser une machine qui envoie un mélange d'eau et d'agrégats en rotation et à basse pression sur la pierre à nettoyer afin de ne pas l'altérer.
Cependant, l'absence de réalisation du nettoyage par hydrogommage n'est pas suffisamment établie par le constat d'huissier du 5 août 2015, ni par aucune autre pièce.
L'affirmation selon laquelle le haut de la façade sur cour de la dépendance aurait été mal nettoyé ne peut pas suffisamment se déduire de la seule circonstance que certaines des parties de cette façade soient plus sombres que d'autres, même après l'intervention de la société Hussenet.
De même, la circonstance que la pierre, le chapeau du pilier et le dessous de la toiture soient noircis n'implique pas l'absence de nettoyage par hydrogommage.
En effet, eu égard à l'absence de nettoyage de la façade depuis au moins des décennies, à sa situation en coeur d'agglomération, et à la nature de l'hydrogommage, consistant en un nettoyage à basse pression, cette prestation confiée à la société Hussenet ne pouvait pas avoir pour objet et pour effet de faire complètement disparaître toute trace de pollution préexistante.
C'est en effet de manière erronée que la société Les Caudalies entend se prévaloir de l'efficacité de la technique de l'hydrogommage sur les bâtiments historiques ou églises.
En effet, elle vient laisser sans réplique l'affirmation de la société Hussenet, contenue dans le courrier émanant du conseil de celle-ci et à elle adressé le 28 septembre 2015, selon laquelle cet entrepreneur, au regard de l'état de la façade, lui avait indiqué qu'il aurait pu être nécessaire de changer la pierre abîmée en utilisant un marteau burin, afin de retrouver une pierre plus blanche, mais avec comme conséquence que la pierre soit alors endommagée, en lui précisant de surcroît que cette prestation n'aurait pu être effectuée que par un "pierreux", et non pas un peintre.
Bien plus, le courrier en réplique de l'avocat de la société Les Caudalies du 23 octobre 2015, en mentionnant que sa cliente n'avait pas souhaité que les murs de sa façade soient dégradés au marteau burin, vient par là même établir la parfaite exécution par la société Hussenet de son devoir de conseil quant aux effets et limites à attendre de la prestation d'hydrogommage qui lui avaient été confiée, et quant à l'éventuelle nécessité d'avoir à recourir à d'autres prestations ne ressortissant pas à sa spécialité de peintre.
En outre, si l'huissier affirme qu'il existerait de la mousse sur les rebords en haut du mur au pignon gauche de la dépendance rue d'Orfeuil, il n'indique pas quelles diligences et vérifications il a mis en oeuvre pour aboutir à un tel constat, qui ne ressort pas suffisamment des photographies auxquelles il renvoie à cet égard.
Surabondamment, la présence de mousse plusieurs mois après l'intervention de la société Hussenet n'établirait en rien l'absence de réalisation de sa prestation d'hydrogommage.
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Dans un deuxième temps, la société Les Caudalies vient faire grief à la société Hussenet d'avoir accompli de façon grossière une autre partie de ses prestations, s'agissant des joints des briques et pierres grossiers.
Il sera rappelé l'absence de production de tout élément permettant d'apprécier l'état des joints ciments avant l'intervention de la société Hussenet.
Le devis avait prévu à cet égard la réalisation de prestation de grattage des joints ciment, réfection des joints à la poudre de pierre et chaux. La réfection de l'ensemble des joints sur murs, côtés rue et cours, était ainsi entrée dans le périmètre contractuel.
Aussi, au regard de cette prestation contractuellement convenue, c'est de manière inopérante que dans son courrier du 29 septembre 2015, le conseil de la société Hussenet avait argué de ce que seuls devait être refaits les joints dégradés, et non pas ceux toujours en état.
Le constat d'huissier du 5 août 2015 permet suffisamment de considérer que la prestation de grattage des joints ciment n'a été effectuée que de façon grossière ou inesthétique.
Ce constat d'huissier met aussi en évidence l'exécution partielle, de la prestation de réfection des joints à la poudre de pierre et chaux, en ce qu'à de multiples endroits, les joints fissurés n'ont pas été repris ou n'ont été que partiellement rénovés.
Ce constat est corroboré par l'examen des lieux réalisés le 15 juin 2017 par un ingénieur de l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine de la Marne, qui, sur les murs objet de la prestation litigieuse, avait remarqué:
- la présence de fissures dans l'enduit des étages,
- au rez-de-chaussée, des joints de brique en mauvais état qui se creusent et des reprises au ciment;
- des reprises récentes de joint en creux bavant sur les pierres.
Alors que les constatations de cet homme de l'art viennent exactement corroborer les constations initiales faites par l'huissier le 5 août 2015 (les travaux litigieux ayant été réalisés dans la deuxième quinzaine d'avril 2015), il est sans emport qu'elles n'interviennent que près de deux ans après celles de l'huissier.
De surcroît, il y a lieu d'observer que figure au dossier l'aveu, au moins partiel, par la société Hussenet quant à l'insuffisance de cette prestation. En effet, dans le courrier qu'elle a fait adresser par son conseil à la société Les Caudalies le 28 septembre 2015, la société Hussenet a indiqué:
- que nonobstant l'absence d'émission de réserve après la réception (sic) des travaux, dans les deux jours qui suivirent, elle avait accepté de ré-intervenir pour effectuer quelques raccords;
- ne pas être opposée à effectuer une nouvelle intervention sur les joints éventuellement dégradés, à condition que le client paye 95 % de la somme restant due.
La société Les Caudalies a ainsi suffisamment démontré l'inexécution par la société Hussenet de la prestation de grattage des joints ciment, réfection des joints à la poudre de pierre et chaux.
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La société Les Caudalies fait encore grief à la société Hussenet d'une inexécution totale de sa prestation de finition hydrofuge.
Elle produit à cet égard un constat d'huissier réalisé le 6 janvier 2016, par lequel son auteur constate qu'en versant de l'eau sur le mur du 2 rue de l'Abbé Lambert, l'eau pénètre immédiatement dans la pierre et ne perle pas.
La société Hussenet verse la fiche technique du produit ainsi utilisé, en précisant que l'hydrofuge est un produit incolore ayant vocation à recracher la vapeur d'eau, qu'il n'est nullement utilisé à saturation, afin de permettre à la pierre de continuer à respirer, qu'il est utilisé uniquement pour nourrir le coeur de la pierre, de sorte que quand de l'eau est versée sur la pierre, elle ne perle pas mais pénètre sur un ou deux centimètres.
Cette fiche technique mentionne comme propriétés de ce produit:
- une importante pénétration dans les supports poreux;
- une grande perméabilité à la vapeur d'eau car le produit est non filmogène;
- une diminution de l'absorption d'eau des supports traités;
- une amélioration de la résistance au gel;
- une résistance aux alcalis et aux rayons ultraviolets;
- une protection contre le développement des mousses et algues;
- une amélioration de l'adhérence des peintures de finition.
La société Les Caudalies produit les fiches techniques d'un autre produit d'un autre fabricant, mentionnant l'effet perlant du produit hydrofuge considéré, pour en déduire au vu du constat d'huissier l'absence totale de réalisation de cette prestation.
C'est de manière inopérante que la société Hussenet soutient que le produit susmentionné est appliqué uniquement pour nourrir le coeur de la pierre, alors que le devis ne lui avait confié aucune prestation en ce sens, mais au contraire l'avait chargée de procéder à l'application d'hydrofuge sur les briques et pierres des murs.
Il s'en déduira suffisamment la démonstration, par la société les Caudalies, de ce que la société Hussenet n'a pas exécuté sa prestation de finition hydrofuge.
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Eu égard à l'impossibilité de replacer les parties dans la situation antérieure à l'exécution contractuelle, en ce que notamment la restitution des murs dans leur état antérieur à l'exécution des prestations de la société Hussenet n'est pas envisageable, il y aura lieu de débouter la société Les Caudalies de sa demande tendant à la résolution judiciaire du contrat, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Au regard de l'accueil de l'exception d'inexécution portant sur la prestation de finition hydrofuge et de grattage des joints ciments, réfection des joints à la poudre de pierre de chaux, il conviendra donc de condamner la société Les Caudalies à payer à la société Hussenet la seule somme de 2401,99 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2015, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Il sera précisé que la condamnation à la somme susdite viendra s'ajouter au montant de la facture d'acompte émise le 18 mars 2015, pour un montant de 3000 euros.
C'est à bon droit que le jugement a débouté la société Les Caudalies de sa demande tendant à la condamnation distincte de la société Hussenet à lui payer le coût des actes d'huissiers susdits, assimilables à des frais exposés par celle-ci à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens, c'est à dire à des frais irrépétibles, et le jugement sera confirmé de ce chef.
* * * * *
Il sera rappelé que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.
Il y aura donc lieu de condamner la société Les Caudalies aux entiers dépens de première instance, et de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, et le jugement sera confirmé de ce chef.
En revanche, eu égard à l'évolution du litige à hauteur de cour, il conviendra de condamner la société Les Caudalies à payer à la société Hussenet la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Eu égard à l'évolution du litige à hauteur de cour, il conviendra de débouter chacune des parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel, et de condamner la société Les Caudalies aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a:
- débouté la société à responsabilité limitée Les Caudalies de sa demande de résolution du contrat;
- débouté la société à responsabilité limitée Les Caudalies de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance;
- condamné la société à responsabilité limitée Les Caudalies aux entiers dépens de première instance;
Confirme le jugement des seuls chefs plus haut cités;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:
Condamne la société à responsabilité limitée Les Caudalies à payer à la société à responsabilité limitée Hussenet la somme de 2401,99 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2015;
Précise que la condamnation à la somme susdite viendra s'ajouter au montant de la facture d'acompte émise le 18 mars 2015 pour un montant de 3000 euros;
Rappelle que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré;
Déboute la société à responsabilité limitée Les Caudalies et la société à responsabilité limitée Hussenet de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel;
Condamne la société à responsabilité limitée Les Caudalies aux entiers dépens d'appel et à payer à la société à responsabilité limitée Hussenet la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Le greffier Le président