ARRET No
du 05 février 2019
R.G : No RG 18/01794 - No Portalis DBVQ-V-B7C-EQY7
X...
J...
c/
SARL OCORDO
FM
Formule exécutoire le :
à :
-SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER
-SELARL CABINET ROLLAND AVOCATSCOUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2019
APPELANTS :
d'une ordonnance de référé rendue le 27 juin 2018 par le président du tribunal de grande instance de REIMS,
Monsieur A... X...
[...]
Madame Q... J...
[...]
COMPARANT, concluant par la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER, avocats au barreau de REIMS
INTIMEE :
SARL OCORDO
[...]
COMPARANT, concluant par la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocats au barreau de REIMS, et ayant pour conseil la SELARL THERET etamp; ASSOCIES, avocats au barreau de LILLE.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Cédric LECLER, conseiller
GREFFIER :
Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et Madame NICLOT, greffier, lors du prononcé,
DEBATS :
A l'audience publique du 11 décembre 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 février 2019,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 février 2019 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige :
Le 28 décembre 2015, M. A... X... et Mme Q... J... ont acquis une maison située [...] . Ils ont décidé de réaliser une extension de leur maison pour une surface d'environ 20 m2 et ils se sont adressés à la société Ocordo, agence de Reims, pour réaliser ce projet. Cette société les a mis en contact avec diverses entreprises :
-au titre des démarches administratives, M. H...,
-au titre des travaux de gros œuvre, l'entreprise Serra (assurée auprès de la compagnie MMA Iard),
-au titre des travaux de couverture, M. Z... S... (assuré auprès de la société QBE Insurance),
-au titre des travaux de menuiseries extérieures : la SARL SBP( assurée auprès de la SMABTP).
Les travaux ont débuté le 27 février 2017 et les travaux de couverture se sont achevés le 15 septembre 2017.
Le 30 septembre 2017, M. A... X... et Mme Q... J... ont été victimes d'un dégât des eaux consécutif à l'engorgement du chéneau recueillant les eaux pluviales de la toiture couvrant l'extension nouvellement réalisée. A l'occasion des opérations d'expertise mises en œuvre, il a été constaté que le chéneau n'avait pas été réalisé conformément au devis prévu.
Par ailleurs, dans les semaines suivantes, M. A... X... et Mme Q... J..., constatant l'apparition de désordres sur l'extension, ont fait appel à la société AC Pro Bat en vue de procéder à un examen de la construction et à l'analyse des phénomènes constatés. Un procès-verbal de constat a été établi par la SELARL Templier, huissiers de justice à Reims.
Par actes en date des 30, 31 mai 2018 et 4 juin 2018,M. A... X... et Mme Q... J... ont fait assigner, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise :
-la SAS Entreprise Serra et son assureur, la compagnie d'assurance MMA Iard,
-M. Z... S... et son assureur, la société QBE Insurance Europe Limited,
-la SMA SA en qualité d'assureur de la société SBP,
-la SARL Ocordo.
La SARL Ocordo a demandé au juge des référés de :
- constater qu'elle n'intervient pas d'évidence ni dans la maîtrise d'œuvre, ni dans la réalisation des travaux,
-constater que M. A... X... et Mme Q... J... ne démontrent pas l'existence d'un motif légitime à sa mise en cause dans les travaux,
-les débouter de leurs demandes, fins et conclusions,
-la mettre hors de cause,
-condamner reconventionnellement M. A... X... et Mme Q... J... à lui payer une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par ordonnance en date du 27 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims a mis la société Ocordo hors de cause et il a débouté M. A... X... et Mme Q... J... de leurs demandes à son encontre. En revanche, il a ordonné la mesure d'expertise au contradictoire des autres parties et a commis M. M... O... en qualité d'expert.
Le juge des référés a estimé que la SARL Ocordo n'était pas susceptible de voir engager sa responsabilité dans les désordres constatés et qu'il convenait donc de la mettre hors de cause.
Par déclaration enregistrée le 9 août 2018, M. A... X... et Mme Q... J... ont interjeté appel de l'ordonnance de référé.
Par conclusions déposées le 13 novembre 2018, M. A... X... et Mme Q... J... demandent à la cour d'infirmer cette décision en ce qu'elle a mis hors de cause la société Ocordo et, statuant à nouveau, de déclarer commune et opposable à l'égard de la société Ocordo la désignation de l'expert, de débouter la société Ocordo de son argumentation contraire, de leur donner acte de ce qu'ils ne s'opposent pas à ce que la mission de l'expert judiciaire soit complétée telle que demandé par la société Ocordo, de condamner la société Ocordo à leur payer une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
A l'appui de leur appel, M. A... X... et Mme Q... J... exposent notamment :
- que pour réaliser leur projet d'extension de leur maison, ils ont eu recours aux services de la société Ocordo qui les a mis en relation avec un maître d'oeuvre et avec les entreprises devant réaliser les travaux,
- qu'ils ont pris possession de l'extension le 15 septembre 2017 et qu'un dégât des eaux s'est produit dès le 30 septembre 2017, causé par une mauvaise réalisation des travaux, puis que d'autres désordres sont apparus,
- qu'eu égard à la gravité des désordres, ils ont sollicité et obtenu une expertise judiciaire,
- que le premier juge a, pour exclure la société Ocordo des opérations d'expertise, interprété le contrat les liant à cette société, ce qui n'est pas de sa compétence,
- que la société Ocordo ne s'est pas limitée à les mettre en relation avec les entreprises, mais elle a servi de relais entre eux et les entreprises pendant toute la durée des travaux,
- que l'expert judiciaire estime d'ailleurs d'ores et déjà nécessaire de recueillir les observations de la société Ocordo,
- que les mails produits aux débats prouvent l'implication de la société Ocordo dans l'exécution des travaux.
Par conclusions déposées le 19 novembre 2018, la SARL Ocordo demande à la cour de constater qu'elle n'est intervenue d'évidence ni dans la maîtrise d'œuvre, ni dans la réalisation des travaux et de dire et juger que M. W... X... et Mme Q... J... ne démontrent pas l'existence d'un motif légitime à sa mise en cause ; en conséquence, de :
-confirmer en tous points l'ordonnance du juge des référés en ce qu'elle l'a mise hors de cause,
-débouter M. W... X... et Mme Q... J... de leurs prétentions,
-condamner reconventionnellement et solidairement M. W... X... et Mme Q... J... au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens de l'instance d'appel.
La société Ocordo fait valoir notamment :
- que son intervention s'est limitée exclusivement à la mise en relation de M. A... X... et Mme Q... J... avec les entreprises,
- que M. A... X... et Mme Q... J... ont fait le choix de ne pas recourir aux services d'un maître d'oeuvre, M. A... X... qui est ingénieur de formation et de métier ayant préféré assumer lui-même le suivi des travaux,
- qu'elle n'est intervenue en rien, ni directement ni indirectement, dans la réalisation des travaux ou la maîtrise d'oeuvre, ce dont M. A... X... et Mme Q... J... avaient parfaitement connaissance et ce dont ils ont été contractuellement informés,
- qu'elle n'a d'ailleurs pas été appelée à participer à l'expertise amiable effectuée par Eurexo, ni à la réception des travaux provoquée le 8 février 2018 par M. A... X... et Mme Q... J..., ni au constat d'huissier recensant les désordres.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les dernières écritures déposées par Mme Q... J... et M. A... X... et par la société Ocordo,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 novembre 2018.
Sur la participation de la société Ocordo à l'expertise judiciaire
L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
En l'espèce, la société Ocordo estime ne pas devoir être associée à l'expertise judiciaire ordonnée, au motif qu'elle ne serait pas intervenue dans la conception ou l'exécution des travaux litigieux, sa mission contractuelle s'étant bornée à mettre en relation les maîtres d'ouvrage et les entreprises.
Toutefois, l'expert judiciaire qui a commencé à exécuter sa mission a d'ores et déjà relevé la nécessité d'associer la société Ocordo à ses opérations :
"Il apparaît en effet, avec un certain nombre d'éléments versés ou commentés en réunion d'expertise, que la société Ocordo, écartée par le juge des référés, s'est impliquée dans des interventions qui pourraient être de la nature d'une maîtrise d'oeuvre DET de chantier et nous devons entendre cette entreprise...".
Par ailleurs, M. A... X... et Mme Q... J... produisent aux débats plusieurs courriers électroniques de Mme L... R..., préposée de la société Ocordo, qui prouvent que cette société ne s'est pas bornée à mettre en relations les maîtres d'ouvrage et les entreprises, mais qu'elle a continué à intervenir pendant l'exécution des travaux. A titre d'exemple, Mme R... demandait le 15 mai 2017 à l'entreprise Serra :
"Peux-tu me dire quand tu as prévu de couler la chape chez M. A... X... ? Les autres artisans sont dans l'attente du planning",
et par un mail du même jour à l'entreprise T... S... :
" ...Peux-tu nous dire quand tu comptes ré-intervenir afin de finir la couverture. En effet, d'autres artisans sont dans l'attente pour pouvoir poursuivre le chantier (plaquiste, électricien...)? De plus, j'ai fait un point avec les clients vendredi matin, ces derniers souhaitent que ce soit toi qui termine leur chantier... dans l'attente de ton retour, afin de planifier la poursuite du chantier".
Il ressort de ces éléments que la société Ocordo reconnaît elle-même "planifier le chantier", ce qui dépasse largement la simple mise en relation de maîtres d'ouvrage avec des entreprises.
Dès lors, afin de ne pas gêner les opérations de l'expert judiciaire en sélectionnant par avance les entreprises susceptibles ou non d'encourir une responsabilité dans les désordres constatés (alors que cette sélection ne pourra être effectuée que par le juge du fond au vu du résultat des opérations de l'expert), il convient de déclarer communes et opposables à la société Ocordo les opérations de l'expert judiciaire. L'ordonnance déférée sera donc infirmée.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 19 novembre 2018, la société Ocordo ne sollicite plus de compléter la mission de l'expert judiciaire.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Ocordo, qui est la partie perdante, supportera les dépens d'appel et elle sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable qu'elle soit condamnée à payer à M. A... X... et Mme Q... J... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
DECLARE l'appel recevable,
INFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
DECLARE commune et opposable à la société Ocordo l'expertise judiciaire confiée le 27 juin 2018 à M. O...,
DEBOUTE la société Ocordo de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Ocordo à payer à M. A... X... et Mme Q... J... la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Ocordo aux dépens d'appel et autorise la Scp Badre Hyonne Sens Salis denis Roger, avocats, à faire application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président