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05/02/2019 | FRANCE | N°17/02137

France | France, Cour d'appel de Reims, 05 février 2019, 17/02137


ARRET No


du 05 février 2019






R.G : No RG 17/02137 - No Portalis DBVQ-V-B7B-EJ6L










Q...


Q...


Q...










c/






X...










FM










Formule exécutoire le :


à :






-Maître Jean-emmanuel ROBERT






-SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND-PICHOIRCOUR D'APPEL DE REIMS


CHAMBRE CIVILE-1o SECTION


A

RRÊT DU 05 FÉVRIER 2019






APPELANTS :


d'un jugement rendu le 05 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,






Monsieur K... Q...


[...]






Monsieur B... Q...


[...]






Madame J... Q...


[...]






COMPARANT, concluant par Maître Jean-emmanuel ROBERT, avocat au barreau de ...

ARRET No

du 05 février 2019

R.G : No RG 17/02137 - No Portalis DBVQ-V-B7B-EJ6L

Q...

Q...

Q...

c/

X...

FM

Formule exécutoire le :

à :

-Maître Jean-emmanuel ROBERT

-SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND-PICHOIRCOUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2019

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 05 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,

Monsieur K... Q...

[...]

Monsieur B... Q...

[...]

Madame J... Q...

[...]

COMPARANT, concluant par Maître Jean-emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

Madame V... X...

[...]

COMPARANT, concluant par la SELARL DUTERME-MOITTIE-ROLLAND-PICHOIR, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER :

Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et Madame NICLOT, greffier, lors du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 10 décembre 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 février 2019,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 février 2019 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

Suivant acte authentique en date du 10 août 1968, Mme M... O... veuve X..., aux droits de laquelle sont ensuite venus M. K... Q... et son épouse Mme F... Q..., a donné à bail à ferme pour 9 ans à compter du 1er septembre 1968 à M. et Mme G... X..., aux droits desquels est ensuite venue Mme V... X..., une maison d'habitation, des bâtiments d'exploitation et des terres sis sur la commune de [...] pour une contenance de 14 hectares 78 ares et 13 centiares, ledit bail ayant été ensuite renouvelé à plusieurs reprises.

Plusieurs instances ont opposé les époux Q..., en leur qualité de bailleur, à Mme V... X..., en sa qualité de preneur, suite à la demande de résiliation du bail et suite à la destruction d'une partie des bâtiments d'exploitation au cours de la tempête survenue en décembre 1999.

L'expert judiciaire, désigné pour décrire les désordres affectant les lieux loués et chiffrer le coût des travaux nécessaires, a déposé son rapport le 5 octobre 2001.

Le 22 juin 2004, Mme V... X... a été judiciairement autorisée à céder le bail à sa fille, Mme D... G... épouse E....

Le 23 août 2005, la cour d'appel de Reims a, par arrêt confirmatif, condamné solidairement les époux Q... à payer à Mme V... X... les sommes suivantes :

- 133 100,19 euros au titre des travaux de remise en état des lieux loués avec indexation sur l'indice du coût de la construction majoré des intérêts au taux légal à compter de la décision,

- 1 403,02 euros en remboursement des travaux réalisés par le preneur, outre intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2002,

- 13 000 euros à titre de réparation du trouble de jouissance subi,

- 35 535,95 euros au titre de répétition de l'indu pour trop perçu de fermages,

et la cour a également :

-autorisé Mme V... X... à faire procéder aux travaux décrits par l'expert,

-ordonné la capitalisation des intérêts,

-déclaré les époux Q... bien fondés en leur demande de fermages échus impayés et en conséquence a condamné Mme V... X... au paiement de la somme de 2010,23 euros au titre des fermages échus impayés des années 1999, 2000 et 2001,

-condamné les époux Q... à payer à Mme V... X... 1000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, outre 1200 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

Par arrêt en date du 7 février 2007, la cour de cassation a cassé cette décision sauf en ce qu'elle a :

- condamné solidairement les époux Q... à payer à Mme V... X... la somme de 35.535,95 euros au titre du trop perçu de fermage,

- déclaré les époux Q... bien fondés en leur demande en paiement de fermage impayés des années 1999 à 2001 et condamné Mme V... X... à leur payer 2010,23 euros au titre de ces fermages impayés.

Par arrêt en date du 8 septembre 2010, sur renvoi de cassation, la cour d'appel de Reims a ordonné une nouvelle expertise judiciaire. Cet arrêt a fait l'objet d'une rectification d'erreur matérielle le 1er décembre 2010, ajoutant ceci : ordonne le remboursement des sommes payées par les époux Q... à Mme V... X... à hauteur des sommes pour lesquelles le sursis a été ordonné, soit 133 100,19 euros TTC au titre des travaux de remise en état des lieux loués, 1403,02 euros en remboursement des travaux réalisés par le preneur, 13 000 euros à titre de réparation du trouble de jouissance, 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le tout avec intérêt au taux légal.

Par arrêt en date du 5 septembre 2012, la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme V... X... contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2010 (désignation d'un expert), mais elle a cassé en toutes ses dispositions celui rendu le 1er décembre 2010, sans renvoi.

Le nouveau rapport d'expertise a été déposé le 4 mars 2012.

Par arrêt en date du 20 mars 2013, la cour d'appel de Reims a homologué ce rapport et a :

- condamné solidairement les époux Q... à payer à Mme V... X... la somme de 146.710,69 euros en deniers ou quittance au regard de la somme de 133.100,19 euros déjà versée à ce titre, majorée au taux légal à compter de la présente décision,

- condamné solidairement les époux Q... à payer à Mme V... X... la somme de 7000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi,

- autorisé Mme V... X... à faire procéder aux travaux décrits par l'expert,

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- débouté les époux Q... de leur demande d'expertise,

- débouté Mme V... X... pour le surplus,

- condamné solidairement les époux Q... à payer à Mme V... X... la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris le coût des deux expertises.

Par jugement en date du 26 novembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne a ordonné la mainlevée de la saisie attribution diligentée le 20 juin 2013 par Mme V... X... et la restitution par cette dernière de la somme de 4 108,84 euros ainsi obtenue. Par jugement en date du 27 mai 2014, cette juridiction a complété le dispositif de son jugement en déclarant irrecevable la demande des époux Q... tendant à la condamnation de Mme V... X... à leur rembourser la somme de 21 077,16 euros avec intérêt au taux légal.

Mme F... Q... est décédée le [...] , laissant pour lui succéder son époux, M. K... Q..., et leurs deux enfants, M. B... Q... et Mme J... Q....

Par arrêt en date du 1er juillet 2015, la cour d'appel de Reims a donné acte à Mme D... G... épouse E... de son désistement d'appel contre le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Châlons en Champagne rendu le 12 mai 2014 qui l'avait déboutée de sa demande d'annulation du congé qui lui avait été délivré le 3 novembre 2011 par les époux Q... en raison de l'âge et ordonné son expulsion des parcelles louées.

Selon exploits d'huissier en date des 19 avril et 2 mai 2016, M. K... Q..., M. B... Q... et Mme J... Q... (ci-après "les consorts Q...") ont fait assigner Mme V... X... devant le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne en sollicitant sa condamnation à leur payer :

- 23.077,16 euros, avec intérêt au taux légal depuis le 8 octobre 2013, sur le fondement des dispositions de l'article 1376 et suivants du code civil,

- 4000 euros de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1153 et 1382 du Code civil,

- 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Mme V... X... a conclu au rejet des demandes des consorts Q... et leur condamnation à lui payer les sommes de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, de 30.000 euros à titre de préjudice moral pour privation de jouissance et de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 5 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne a :

-débouté M. K... Q..., M. B... Q... et Mme J... Q... de toutes leurs prétentions,

- débouté Mme V... X... de ses demandes reconventionnelles,

- débouté les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. K... Q..., M. B... Q... et Mme J... Q..., in solidum, à la moitié des dépens,

- condamné Mme V... X... à la moitié des dépens.

Le tribunal a relevé que les consorts Q... avaient payé à Mme V... X..., en exécution de l'arrêt du 21 septembre 2005, la somme de 190 469,19 euros, déduction faite de la somme de 2 010,23 euros mise à sa charge au titre des fermages restant dus ; que du fait de la cassation partielle, les consorts Q... ont été déclarés redevables d'une somme de 35 535,95 euros au titre des fermages trop perçus, somme à laquelle il convenait d'ajouter celle de 155 510,69 euros due en vertu de l'arrêt de la cour de céans en date du 20 mars 2013, soit une somme totale due à cette date de 191 046,64 euros ; que le versement de la somme de 146 710,69 euros due pour la réalisation des travaux n'a pas été conditionné par la cour d'appel à la justification de l'accomplissement effectif de ces travaux, de sorte que les consorts Q... ne peuvent pas, sous couvert d'une action en répétition de l'indu, réclamer la modification d'une décision de justice devenue définitive.

Par déclaration enregistrée le 1er août 2017, les consorts Q... ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 12 novembre 2018, les consorts Q... demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau, de :

- condamner Mme V... X... à leur rembourser, au visa de l'article 1376 du code civil, la somme de 23 077,16 euros, avec intérêt au taux légal depuis du 8 octobre 2013,

- dire que Mme V... X... leur a causé par sa mauvaise foi un préjudice indépendant du retard du paiement et la condamner à leur verser, au visa des articles 1153 et 1382 du code civil, la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme V... X... à leur verser une somme de 4500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de son appel, les consorts Q... exposent notamment :

- que contrairement à ce que soutient Mme V... X..., les jugements rendus les 26 novembre 2013 et 27 mai 2014 n'ont pas pour effet de rendre irrecevable, sur le fondement de l'autorité de la chose jugée, leur demande en remboursement, car ces jugements n'ont pas tranché la question au fond,

- que l'arrêt du 20 mars 2013 ne les a pas condamnés à payer à Mme V... X... la somme de 146 710,69 euros pour qu'elle en dispose librement, mais seulement pour lui permettre de financer les travaux de remise en état qui avaient été préconisés et chiffrés par l'expert judiciaire, étant entendu que ces travaux de remise en état des lieux devaient bénéficier au final au bailleur,

- que sur les fonds qu'ils lui ont versés, Mme V... X... n'en a utilisé qu'une partie, soit 71 710 euros, pour financer les travaux de remise en état des lieux,

- que Mme V... X... est donc tenue de leur rembourser les fonds qu'elle a reçus pour réaliser les travaux et qui n'ont pas été affectés aux travaux, étant précisé qu'elle ne peut plus effectuer désormais lesdits travaux puisqu'elle n'est plus locataire des biens à rénover.

Par conclusions déposées le 31 octobre 2018, Mme V... X... demande à la cour de confirmer purement et simplement le jugement entrepris, de déclarer les consorts Q... irrecevables en leurs demandes en tant qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 26 novembre 2013 par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne; subsidiairement, de déclarer les consorts Q... recevables mais mal fondés en leur appel ; plus subsidiairement, de la déclarer tout au plus redevable de la somme de 13.858,57 euros envers les consorts Q... ; en tout état de cause, de condamner les consorts Q... à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Mme V... X... fait valoir :

- que par jugements rendus les 26 novembre 2013 et 27 mai 2014 par le juge de l'exécution, la demande en répétition de l'indu formée par les consorts Q... a déjà été rejetée, ce qui leur interdit de reformer cette demande qui se heurte désormais à l'autorité de la chose jugée,

- que le dispositif de l'arrêt du 20 mars 2013 se borne à condamner les consorts Q... à lui payer la somme de 146 710,69 euros sans conditionner ce paiement à la réalisation des travaux,

- que les consorts Q... ont récupéré via les saisies attributions la somme de 52 934,15 euros et non celle de 50 936,20 euros seulement,

- que les consorts Q... ne tiennent pas compte, dans leur décompte, de la somme de 2 000 euros que la cour d'appel lui a allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières écritures déposées par les consorts Q... et par Mme V... X...,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 novembre 2018.

Sur la recevabilité de la demande en remboursement des consorts Q...

Le jugement rendu le 26 novembre 2013 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne ne fait nulle mention d'une demande de remboursement formée par les consorts Q... à l'encontre de Mme V... X.... Cette décision est donc insusceptible d'être invoquée comme ayant autorité de la chose jugée à l'encontre de la demande en répétition de l'indu formée présentement par les consorts Q... contre Mme V... X....

En revanche, dans son jugement rendu le 27 mai 2014, le juge de l'exécution a bien statué sur la demande en répétition de l'indu formée par les consorts Q... contre Mme V... X.... Mais cette juridiction s'est bornée à rejeter la demande en remboursement des consorts Q... au motif que le juge de l'exécution "n'a pas pour attribution de procéder à l'apurement général des comptes entre les parties au jour où il statue et de statuer sur une demande principale en répétition de l'indu, car n'étant pas investi du pouvoir de prononcer des condamnations en dehors des cas limitativement prévus par le code des procédures civiles d'exécution". Autrement dit, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande en répétition de l'indu formée par les consorts Q... uniquement parce qu'il a considéré qu'elle était formée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Une telle décision n'interdit pas aux demandeurs de former à nouveau leur prétention devant la juridiction compétente pour en connaître.

Par conséquent, la demande en répétition de l'indu formée par les consorts Q... contre Mme V... X... sera déclarée recevable en ce qu'elle a été formée devant le tribunal de grande instance statuant au fond, puis devant la cour d'appel par la voie de l'appel.

Sur le bien fondé de la demande en remboursement des consorts Q...

L'article 1376 du code civil, dans sa rédaction applicable à cette espèce, dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

La même règle autorise la répétition lorsque le paiement est devenu ultérieurement indu.

Par arrêt en date du 23 août 2005, la cour d'appel de Reims a notamment:

- condamné les époux Q... à payer à Mme V... X... la somme de 133 100,19 euros ttc, au titre des travaux de remise en état des lieux loués, avec indexation sur l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE, majoré des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- autorisé Mme V... X... à faire procéder aux travaux décrits par l'expert.

Sur cette somme de 133 100,19 euros qui lui a été versée par les consorts Q... en exécution de cet arrêt, Mme V... X... indique avoir consommé un montant de 71 710,69 euros pour la réalisation de travaux au [...] , puis avoir été empêchée de poursuivre ces travaux par la cassation de l'arrêt du 23 août 2005.

La cour d'appel de Reims, par arrêt du 20 mars 2013 statuant sur renvoi de cassation, a porté à 146 710,69 euros la condamnation des consorts Q... au titre des travaux à réaliser par Mme V... X....

Mme V... X... reconnaît qu'elle n'a pas pu reprendre les travaux à la suite de cet arrêt du 20 mars 2013 pour deux raisons :

- par arrêt du 4 septembre 2013, avec effet rétroactif au 22 juin 2004, la cour d'appel de Reims a prononcé la cession du bail rural au profit de sa fille, Mme D... E..., de sorte qu'elle-même n'était plus locataire des locaux à rénover,

- elle n'avait plus les moyens de financer la suite des travaux compte-tenu des saisies attributions pratiquées sur ses comptes bancaires en février et août 2011 par les consorts Q....

Mme V... X... soutient que l'arrêt du 20 mars 2013 qui a condamné les consorts Q... à lui payer la somme de 146 710,69 euros n'a pas conditionné ce paiement à la justification de la réalisation effective des travaux.

Toutefois, il n'existe aucune ambiguïté, à la lecture de l'arrêt du 20 mars 2013, sur le fait que la somme de 146 710,69 euros n'était pas destinée à venir compenser un préjudice déjà constitué, mais n'a été octroyée que dans le but de permettre à Mme V... X... de financer les travaux de remise en état du corps de ferme et des bâtiments d'exploitation donnés à bail. Cet arrêt indique notamment :

"Attendu que les travaux restant à effectuer s'élèvent à 77 740 euros ttc, somme réclamée à hauteur de 75 000 euros aux termes des écritures de Mme V... X..., que le montant total des réparations s'élève donc à la somme dee 146 710,69 euros comme demandé (soit 75 000 + 71 710,69) et que cette somme est supérieure à celle avancée".

La cour d'appel n'a pas conditionné le versement effectif de la somme de 146 710,69 euros à la justification de la réalisation des travaux pour ne pas faire supporter à Mme V... X... la charge d'avancer le coût desdits travaux eu égard à son impécuniosité. Mais Mme V... X... ne peut arguer de cette facilité que la cour lui a accordée pour soutenir que la somme de 146 710,69 euros lui est due sans contre-partie. D'ailleurs, Mme V... X... reconnaît elle-même dans ses conclusions que la condamnation des consorts Q... à lui payer le prix des travaux revenait à l'autoriser à "se substituer au bailleur dans l'exécution desdits travaux" (page 9 de ses conclusions du 31 octobre 2018).

Dès lors, Mme V... X... reconnaissant n'avoir effectué des travaux qu'à hauteur de 71 710,69 euros et ne plus être en capacité de pouvoir entreprendre de nouveaux travaux, puisqu'elle n'est plus ni locataire ni occupante des bâtiments à rénover (dont l'exploitant est désormais M. B... Q...), elle ne peut à aucun titre, sauf à dénaturer totalement le sens et la portée de l'arrêt du 20 mars 2013, prétendre conserver des fonds qui ne lui ont été remis que pour financer lesdits travaux.

Les consorts Q... font valoir qu'ils ont versé à Mme V... X... la somme de 190 469,19 euros en exécution de l'arrêt du 23 août 2005, puis qu'ils ont fait pratiquer une saisie attribution sur Mme V... X... en juin 2011 suite à la cassation de cet arrêt, ce qui leur a permis de récupérer la somme de 50 936,20 euros, le reliquat en possession de Mme V... X... s'élevant donc à 139 532,99 euros, dont il convient de déduire le montant des travaux qu'elle a fait réaliser (71 710,69 euros) et le montant des diverses indemnités qui lui ont été octroyées par la cour d'appel (44 745,14 euros en tout), d'où leur réclamation d'un solde indu de 23 077,16 euros.

Mme V... X... soutient que les saisies attributions de 2011 n'ont pas porté sur une somme de 50 936,20 euros, mais de 52 934,15 euros. A cet égard, il ressort de la lettre de notification que le Crédit Agricole a adressée le 17 février 2011 à Mme V... X... que la somme prélevée au titre de la saisie attribution effectuée à cette date est bien de 50 936,20 euros. Mme V... X... produit également un courrier du Crédit Agricole en date du 31 août 2011 qui porte, pour une seconde saisie attribution effectuée à cette date, sur un montant de 1 063,97 euros. La somme à déduire au titre des saisies attributions s'établit donc à :

50 936,20 euros + 1 063,97 euros = 52 000,17 euros.

Enfin, Mme V... X... soutient qu'il conviendrait de déduire de sa dette l'indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 allouée par la cour d'appel de Reims. Elle ne précise pas de quel arrêt de la cour d'appel de Reims elle se prévaut : celui du 23 août 2005 lui a alloué à ce titre une somme de 1200 euros (et confirmé l'indemnité allouée à hauteur de 1 000 euros par le premier juge), tandis que l'arrêt du 20 mars 2013 lui a alloué la somme de 1 800 euros sur ce même fondement. En outre, ces sommes sont bien reprises par les consorts Q... dans les décomptes qu'ils font de leur créance résiduelle.

Au total, le calcul du trop-versé par les consorts Q... s'établit comme suit:

- somme versée par les époux Q... en exécution de l'arrêt de la cour d'appel en date du 23 août 2005 : + 190 469,19 euros,

- montant récupéré par les époux Q... via les deux saisies-attributions pratiquées en 2011 suite à la cassation, le 7 février 2007, de l'arrêt du 23 août 2005 : - 52 000,17 euros,

- créance indemnitaire de Mme V... X... aux termes de l'arrêt du 20 mars 2013 (indemnisation du trouble de jouissance, répétition de fermages indus avec intérêts de droit, indemnités article 700 du code de procédure civile, dépens et frais d'expertise) : - 48 855,37 euros ,

- fermages dus par Mme V... X... pour la période de 1999 à 2001 en exécution de l'arrêt du 23 août 2005, ce chef de condamnation n'ayant pas été cassé : + 2 110,23 euros,

- indemnités article 700 du code de procédure civile auxquelles Mme V... X... a été condamnée en application des jugements rendus par le juge de l'exécution les 14 juin 2011 (1 000 euros) et 26 novembre 2013 (1200 euros) : + 2 200 euros,

- travaux exécutés par Mme V... X... : - 71 710,69 euros,

soit un solde restant dû par Mme V... X... s'élevant à 22 213,19 euros.

Par conséquent, Mme V... X... sera condamnée à payer aux consorts Q... au titre de la répétition de l'indu la somme de 22 213,19 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts réclamés à Mme V... X...

Les consorts Q... reprochent à Mme V... X... d'avoir fait preuve d'une résistance abusive en retardant l'exécution de travaux pour lesquels elle avait reçu le financement, tout en refusant de leur restituer la partie de la somme qui lui avait été versée et qui n'a jamais affectée à ces travaux.

Toutefois, Mme V... X... a expliqué qu'elle avait été paralysée dans la poursuite des travaux par l'arrêt de cassation du 7 février 2007, puis par les procédures d'exécution lancées par les consorts Q... en vue de récupérer les sommes qui lui avaient été octroyées initialement.

Dès lors, l'abus et la mauvaise foi que les consorts Q... reprochent à Mme V... X... ne sont pas caractérisés et ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts. La décision des premiers juges sera confirmée à cet égard.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme V... X..., qui est la partie perdante, supportera la totalité des dépens de première instance et d'appel et elle sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable qu'elle soit condamné à payer aux consorts Q... la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

DECLARE l'appel recevable,

CONFIRME le jugement déféré uniquement en ce qu'il a débouté les consorts Q... de leur demande de condamnation de Mme V... X... à des dommages et intérêts pour résistance abusive,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

DECLARE recevable et bien fondée l'action en répétition de l'indu formée par les consorts Q...,

En conséquence, CONDAMNE Mme V... X... à payer aux consorts Q... la somme de 22 213,19 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

DEBOUTE Mme V... X... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme V... X... à payer aux consorts Q... la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme V... X... aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 17/02137
Date de la décision : 05/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-05;17.02137 ?
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