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25/09/2018 | FRANCE | N°17/023031

France | France, Cour d'appel de reims, 11, 25 septembre 2018, 17/023031


ARRET No
du 25 septembre 2018

R.G : No RG 17/02303

X...

c/

Y...
Z...
Association ASSOCIATION SYNDICALE DU E... Y...

CL

Formule exécutoire le :
à :

Maître Daouda A...
SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD
SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET

COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2018

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 04 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de REIMS,

Madame Saïda X...
[...]

COMPARANT, concluant par Maître Daouda A..., avocat au barreau de

REIMS

INTIMES :

Monsieur B..., Emile, Léon Y...
[...]

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD, avocats au barreau de REIMS

...

ARRET No
du 25 septembre 2018

R.G : No RG 17/02303

X...

c/

Y...
Z...
Association ASSOCIATION SYNDICALE DU E... Y...

CL

Formule exécutoire le :
à :

Maître Daouda A...
SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD
SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET

COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2018

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 04 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de REIMS,

Madame Saïda X...
[...]

COMPARANT, concluant par Maître Daouda A..., avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur B..., Emile, Léon Y...
[...]

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD, avocats au barreau de REIMS

Madame Marie Josèphe F... Z... épouse Y...
[...]

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD, avocats au barreau de REIMS

ASSOCIATION SYNDICALE DU [...]

COMPARANT, concluant par la SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET avocats au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Catherine LEFORT, conseiller

GREFFIER :

Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l'audience publique du 03 juillet 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 septembre 2018,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2018 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme Saïda X... a acquis de M. B... Y... et de Mme Marie Z... épouse Y... un terrain à bâtir sis [...] cadastré section [...] pour un prix de 167.000 euros, selon compromis du 30 juin 2011 conclu sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire, lequel a été accordé par arrêté du maire en date du 20 janvier 2012. La vente a été réitérée par acte authentique du 24 janvier 2012. Mme X... a fait édifier une maison sur son terrain, qui jouxte un lotissement. Sa clôture comporte deux ouvertures, un accès véhicule donnant sur l'avenue de Rethel et un accès piéton donnant sur la rue Jean-Baptiste C... qui est perpendiculaire à l'avenue de Rethel.

Courant juillet 2013, l'association syndicale du E... Y... (ci-après D... Y...) a posé une grille à l'entrée de la rue Jean-Baptiste C..., empêchant Mme X... d'utiliser son accès piéton par cette rue.

Par actes d'huissier du 23 juillet 2015, Mme X... a fait assigner M. et Mme Y... et D... Y... devant le tribunal de grande instance de Reims aux fins d'obtenir le démontage de la clôture ou à tout le moins son déplacement, sous astreinte, et l'indemnisation de ses préjudices. Subsidiairement, elle a invoqué la réticence dolosive des vendeurs.

Elle a fait valoir que lors de la vente, M. Y... lui avait garanti un accès à la voie perpendiculaire à l'avenue de Rethel, le présentant comme un avantage à l'acquisition, et que le permis de construire qui lui avait été accordé prévoyait bien la possibilité d'accéder à cette rue, désormais nommée Jean-Baptiste C.... Sur la réticence dolosive, elle a reproché à ses vendeurs de lui avoir caché que la voie deviendrait une voie privée.

D... Y... a conclu au débouté et a demandé reconventionnellement la condamnation de l'ouverture réalisée par Mme X... sous astreinte. Elle a fait valoir que l'accès au lotissement se faisait par la voie Jean-Baptiste C... qui était une voie privée lui appartenant, et que la grille avait été posée conformément à une décision prise en assemblée générale.

Les époux Y... ont conclu au débouté, faisant valoir qu'il ne ressortait d'aucune pièce que l'accès à la voie litigieuse constituait un élément déterminant du consentement de Mme X...; que la demande de permis de construire, qui porterait mention de cet accès, n'était pas produite; que Mme X... avait fait le choix d'acquérir le terrain hors lotissement afin d'échapper aux charges y afférentes, de sorte qu'elle ne pouvait revendiquer un droit d'accès à une voie privée du lotissement; et qu'elle n'était pas enclavée.

Par jugement en date du 4 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Reims a:
- dit n'y avoir lieu à rabat de l'ordonnance de clôture du 6 mars 2017,
- écarté des débats les conclusions signifiées le 14 avril 2017 par Mme X... et les conclusions signifiées le 24 avril 2017 par les consorts Y...,
- débouté Mme X... de l'intégralité de ses demandes,
- déclaré D... Y... irrecevable en sa demande de suppression de l'accès de Mme X... à la rue Jean-Baptiste C...,
- débouté D... Y... du surplus de leurs demandes,
- condamné Mme X... à payer à D... Y... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X... à payer à M. et Mme Y... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X... aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi sur la demande principale, le tribunal a estimé que la rue Jean-Baptiste C... était une voie privée sur laquelle Mme X... n'établissait pas l'existence d'un droit à quelque titre que ce soit, qu'il s'agisse d'un droit d'accès conventionnel ou d'une servitude légale pour cause d'enclave. Il a retenu d'une part que la demande de permis de construire n'était pas produite, et d'autre part que le courrier de la mairie faisant état d'un engagement de M. Y... à réintégrer les espaces communs du lotissement au domaine public était dénué de toute valeur probatoire, cet accord n'étant corroboré par aucune pièce et M. Y... n'ayant pas qualité pour représenter D.... Sur la demande subsidiaire fondée sur le dol, il a retenu qu'il ne ressortait d'aucune pièce, que l'accès sur la voie litigieuse avait été érigée en élément déterminant du consentement de Mme X..., la demande de permis de construire n'étant pas produite et le plan de masse ne faisant mention que d'une ouverture sur l'avenue de Rethel. Il a ajouté qu'en tout état de cause, M. et Mme Y... n'avaient pas qualité pour s'engager sur l'accès à une voie dont ils n'avaient jamais été propriétaires. Sur l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle, le tribunal a estimé que D... Y... ne justifiait pas de sa qualité à agir ni de sa propriété sur la voie litigieuse puisque d'une part l'autorisation de lotir délivrée le 29 février 2008 ne visait pas la parcelle cadastrée section [...] correspondant à la voie litigieuse, et d'autre part l'acte de cession au profit de D... n'était pas produit.

Par déclaration du 10 août 2017, Mme X... a interjeté appel.

Par conclusions du 9 novembre 2017, Mme X... demande à la cour de:
- infirmer le jugement du 4 juillet 2017,
Statuant à nouveau,
- débouter M. et Mme Y... et D... Y... de leurs demandes,
- constater que son permis affiché en mairie et sur le chantier n'a pas fait l'objet d'un recours dans les délais légaux,
- en conséquence, dire irrecevable la demande de condamnation de l'ouverture qu'elle a réalisée dans la rue Jean-Baptiste C...,
- constater que D... est responsable du préjudice qu'elle subit en édifiant une clôture l'empêchant d'user de l'accès piéton qui lui a été accordé par l'autorité administrative le 20 janvier 2012,
- condamner D... à procéder au démontage de la clôture existante et le cas échéant à procéder au déplacement de ladite clôture en retrait en direction du lotissement de manière à lui permettre de pouvoir user des droits qui lui ont été consentis aux termes du permis de construire du 20 janvier 2012, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,
A tout le moins,
- condamner D... Y... à lui régler la somme de 20.000 euros correspondant au montant des travaux qu'engendrerait la réalisation d'une ouverture piétonne dans sa propriété sur l'avenue de Rethel, outre les intérêts au taux légal à valoir sur cette somme à compter de la date de la décision,
- condamner D... Y... à lui régler la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamner D... Y... au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que M. et Mme Y... ont manqué à leur obligation d'information liée à leur qualité de vendeurs,
- dire et juger qu'ils ont fait preuve de réticence dolosive en s'abstenant de révéler les informations déterminantes quant à la vente du terrain à bâtir,
- dire et juger qu'ils sont responsables des préjudices qu'elle subit,
- condamner solidairement M. et Mme Y... à lui verser:
- la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au montant des travaux qu'engendrait la réalisation d'une ouverture piétonne dans sa propriété sur l'avenue de Rethel,
- la somme de 20.000 euros en réparation de ses préjudices immatériels,
- condamner solidairement M. et Mme Y... au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner D... Y... ou à défaut M. et Mme Y... en tous les dépens, dont distraction au profit de Me A..., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité des vendeurs, elle explique que lors des négociations de vente, M. Y... lui a présenté la voie devenue rue Jean-Baptiste C..., qui alors lui appartenait, comme une voie d'accès possible à l'immeuble et l'a informée de ce que le terrain à lotir verrait ses espaces et équipements transférés dans le domaine public communal au terme de son aménagement; qu'elle a donc acquis son terrain avec pour projet d'ouvrir un accès piéton, non pas sur l'avenue de Rethel, mais sur la rue devenue Jean-Baptiste C...; que cette possibilité avait même été présentée comme un des avantages de l'acquisition; qu'elle a donc présenté une demande de permis de construire avec des plans comportant notamment l'accès piéton sur la rue litigieuse et un accès véhicule sur l'avenue de Rethel; qu'elle prouve que M. Y..., initiateur du lotissement Y..., avait la volonté de transférer les installations du lotissement au domaine public communal, ce qui a déterminé la vente, et que cet engagement n'a pas été tenu. Elle précise que la demande de permis de construire contenant le plan de masse comporte bien une ouverture piétonne sur la rue Jean-Baptiste C....

Sur la responsabilité de l'association, elle fait valoir que la décision de garder au lotissement un caractère privé résulte de la décision de l'association du 1er juin 2012 qui n'a visiblement pas eu connaissance des engagements de M. Y.... Elle conteste avoir eu connaissance du caractère privé de la rue C... dès la signature du compromis de vente. Elle souligne que D... ne lui a cherché querelle en lui demandant la fermeture de son accès piéton sur la rue litigieuse que bien après qu'elle ait achevé ses travaux. Elle ajoute que son permis de construire n'a jamais été contesté, de sorte que la demande reconventionnelle de condamnation de l'accès piéton est irrecevable du fait de la forclusion. Elle critique le jugement d'avoir dénié toute valeur probante au courrier du maire, alors que celui-ci par ailleurs sénateur, est réputé pour son sérieux et que ce courrier est corroboré par sa demande d'autorisation de lotissement détaillant le projet dans lequel il était prévu la création de cinq places de parking public en plus des 14 places de parking privé, ce qui atteste de l'engagement de transfert au domaine public. Elle reproche également au tribunal d'avoir jugé que le plan de masse ne faisait mention que d'une ouverture sur l'avenue Rethel, alors que le plan de masse comporte deux entrées: une entrée voiture sur l'avenue Rethel et un accès piéton sur la rue Jean-Baptiste C.... Elle critique en outre le jugement en ce qu'il a retenu que le courrier du notaire du 3 septembre 2014 confirmait l'absence d'accès piéton sur la rue litigieuse et qu'en tout état de cause les époux Y... n'avaient pas qualité pour s'engager sur l'accès à une voie dont ils n'étaient pas propriétaires, alors que le notaire ne pouvait se prononcer sur les engagements pris par les époux Y..., lesquels étaient précisément les propriétaires de l'intégralité du bien immobilier, y compris la parcelle qui allait devenir une voie de circulation.

Par conclusions du 4 janvier 2018, l'association syndicale du lotissement Y... demande à la cour d'appel de:
- débouter Mme X... de l'intégralité de ses demandes,
En conséquence,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable sa demande de suppression de l'accès de Mme X... à la rue Jean-Baptiste C..., et débouté l'association du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- ordonner la condamnation de l'ouverture réalisée par Mme X... sur la rue Jean-Baptiste sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir et ce pendant un délai de trois mois passé lequel il sera à nouveau fait droit,
- condamner Mme X... à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- condamner Mme X... au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle expose qu'elle a été créée en 2007 et regroupe l'ensemble des propriétaires des lots du lotissement Y...; que l'accès au lotissement se fait par la rue Jean-Baptiste C..., qui est perpendiculaire à l'avenue de Rethel et qui est la propriété exclusive du lotissement; que Mme X... a acheté un terrain à bâtir, a réalisé des travaux et a aménagé une ouverture sur le mur donnant sur le rue Jean-Baptiste C..., sans solliciter l'accord de l'association; que selon procès-verbal de l'assemblée générale de l'association en date du 1er juin 2013, il a été décidé que le lotissement resterait privé, de sorte qu'une barrière d'accès au lotissement avec code a été installée à l'entrée de la rue Jean-Baptiste C...; que depuis, Mme X... a toujours refusé de supprimer son ouverture donnant sur la rue litigieuse.

Sur l'absence de faute de l'association, elle fait valoir que le droit d'accès dont se prévaut Mme X... n'est corroboré ni par le compromis de vente, ni par l'acte de vente; que dès la signature du compromis, elle a été informée de ce que la rue C... était une voie privée appartenant au lotissement Y..., contrairement à sa parcelle; que l'association a toute légitimité pour procéder à l'installation de la grille, votée à l'unanimité en assemblée générale; que Mme X... ne faisant pas partie du lotissement, il est normal que D... lui ait refusé l'accès, d'autant que son adresse est [...] , de sorte que sa façade doit donner sur cette avenue uniquement, conformément au certificat d'urbanisme délivré le 18 juin 2007. Elle soutient que le plan de masse de la maison de Mme X... ne fait pas état de l'ouverture litigieuse dans le projet de construction et mentionne «voirie inexistante» à l'endroit de la rue C...; que s'il s'agissait d'un élément tellement important au consentement de Mme X..., l'accès piéton aurait figuré au permis de construire; qu'en tout état de cause, le permis permet certes de démontrer que le projet est conforme aux règles administratives et servitude d'urbanisme, mais ne démontre pas en revanche qu'il respecte l'accord privé existant sur la propriété privée constituée par le [...] n'a jamais fait partie du domaine public. Elle ajoute qu'elle a autorisé Mme X... à utiliser temporairement la rue C... pour ses travaux et qu'elle a profité de cette tolérance pour procéder à l'ouverture litigieuse. Elle conclut qu'aucune faute ne peut être retenue contre l'association, que seule la responsabilité de l'architecte qui a décidé de l'ouverture pourrait être recherchée puisqu'il n'a pas fait toute diligence pour s'assurer que l'ouverture ne donnait pas sur une voie privée. Elle estime en outre que contrairement à ce que soutient Mme X..., sa demande de permis de construire n'emportait pas autorisation de création d'un accès piéton donnant sur la rue Jean-Baptiste C..., puisqu'il s'agit d'une voie privée sur laquelle Mme X... n'établit pas avoir un droit, et que le plan de masse montre l'existence d'un grillage et d'un mur sur la rue C..., mais ne mentionne pas d'ouverture sur cette voie, et que quand bien même il aurait été prévu une ouverture sur la rue C..., celle-ci aurait été irrégulière.

Sur sa demande de fermeture de l'accès à la voie C..., il invoque la faute de Mme X... qui a procédé à une ouverture donnant sur une voie privée, ce qui trouble la jouissance paisible des habitants du lotissement car Mme X... emprunte quotidiennement ce portail. Elle indique qu'elle apporte la preuve de sa propriété sur la voie litigieuse, précisant que la SCI WLR, lotisseur, a vendu à D... plusieurs parcelles, dont la celle numérotée AC 497 objet du présent litige, de sorte qu'elle a bien qualité pour solliciter la fermeture de l'accès de Mme X... sur cette voie. Elle précise que sa propriété sur la voie AC 497 est établie sans qu'il soit nécessaire de produire un acte de cession.

Enfin, elle invoque l'absence de préjudice pour Mme X..., qui se trouve seule à l'origine des désagréments dont elle prétend souffrir, puisqu'elle peut entrer à pied dans sa propriété par l'ouverture située sur l'avenue de Rethel.

Les époux Y... ont constitué avocat mais n'ont pas conclu.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de suppression de la grille

Mme X... ne produit toujours pas sa demande de permis de construire, mais contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal et ce que soutient D..., le plan de masse qui était annexé à cette demande montre bien une ouverture piéton vers la voie perpendiculaire à l'avenue Rethel, en plus de l'ouverture plus large sur l'avenue Rethel, ce qui corrobore les propos du maire de Witry-les-Reims dans son courrier du 29 juillet 2013.

Pour autant, le permis de construire n'est accordé que sous réserve de respecter les droits privés des tiers. Certes, D... Y... n'a pas attaqué cette décision administrative, mais cela ne la rend pas irrecevable à contester le droit pour Mme X... d'avoir une ouverture sur la voie dont elle est propriétaire.

Il est constant que la parcelle de Mme X... n'est pas enclavée, de sorte que celle-ci ne peut se prévaloir d'aucune servitude légale.

Par ailleurs, ni l'acte définitif de vente ni le compromis de vente ne font état d'une servitude de passage conventionnelle qui aurait été consentie par D... Y.... Mme X... n'apporte pas non plus la preuve d'un accord particulier avec le propriétaire de la voie. Il n'existe donc aucune servitude conventionnelle. Enfin, si M. Y... a pu faire état verbalement de la possibilité pour Mme X... d'utiliser cette voie, il n'en reste pas moins que M. et Mme Y... ne sont pas propriétaires de la voie litigieuse, si bien qu'ils n'avaient pas qualité pour lui accorder un quelconque droit de passage et ne pouvaient s'engager valablement pour D... Y....

Mme X... ne justifiant pas d'un droit régulier d'accéder à la rue Jean-Baptiste C..., voie privée, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes dirigées contre D....

Sur le manquement des vendeurs à l'obligation d'information et la réticence dolosive

Aux termes de l'article 1116 du code civil (dans sa version en vigueur à la date des contrats et applicable au présent litige), le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence intentionnel d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

Il appartient à celui qui invoque le dol ou la réticence dolosive d'apporter la preuve des man uvres ou de la dissimulation intentionnelle d'informations.

La réticence dolosive comme le dol suppose l'intention de tromper son cocontractant, laquelle ne peut se déduire de la simple connaissance par le vendeur de l'information. En effet, celui qui invoque la réticence dolosive doit établir à la fois la connaissance de l'information par le vendeur, le caractère déterminant de cette information sur son consentement et le caractère intentionnel de la réticence. Ainsi, il doit prouver, outre la connaissance de l'information par le vendeur, d'une part que l'information est tellement importante pour lui que, s'il en avait eu connaissance, elle l'aurait dissuadé de contracter, et d'autre part que son cocontractant lui a sciemment caché cette information afin de l'amener à contracter.

En l'espèce, il s'agit d'une vente d'un terrain à bâtir sous condition suspensive de l'obtention du permis de construire. L'acte de vente définitif mentionne la demande de permis de construire et le permis obtenu.

Le maire sénateur de Witry-les-Reims, dans son courrier du 29 juillet 2013, explique à M. Y... que l'autorisation de créer un accès piéton donnant sur la rue Jean-Baptiste C... dans le cadre du permis de construire a été donnée à Mme X... en raison de la volonté qu'il avait indiqué au début du projet de transférer les espaces et équipements communs du lotissement dans le domaine public communal à l'issue de son aménagement.

Cependant, ce n'est qu'en 2013 que D... a finalement décidé de maintenir privé l'ensemble du lotissement. Dès lors, il n'est pas établi que M. et Y... auraient pu, dès 2011 lors de la vente, informer Mme X... de ce que la voie allait finalement rester privée.

En tout état de cause, Mme X... n'apporte aucun élément de preuve de l'intention de tromper ses cocontractants, ni du fait d'avoir présenté la possibilité d'ouverture sur la voie perpendiculaire à l'avenue Rethel comme un avantage.

Au surplus, il n'est pas non plus démontré que cette ouverture piéton présentait pour Mme X... un caractère déterminant de son consentement à la vente. En effet, rien n'établit qu'elle aurait refusé de contracter si les vendeurs lui avaient indiqué qu'il s'agissait d'une voie privée de sorte qu'il n'était pas possible de faire une ouverture, étant rappelé que Mme X... a une large ouverture sur l'avenue de Rethel.

Dans ces conditions, le manquement à l'obligation d'information et la réticence dolosive de M. et Mme Y... ne sont pas caractérisés. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes dirigées contre les vendeurs.

Sur la demande reconventionnelle de suppression de l'ouverture

A hauteur d'appel, D... Y... produit l'acte de vente du 13 décembre 2014 établissant qu'elle a acquis de la SCI WLR notamment la parcelle [...] correspondant, d'après le cadastre, à la voie donnant sur l'avenue de Rethel, soit aujourd'hui la rue Jean-Baptiste C....

Elle justifie donc de sa qualité de propriétaire de la voie litigieuse et de sa qualité à agir. Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable sa demande reconventionnelle de suppression de l'ouverture.

En outre, D... Y... produit le procès-verbal d'assemblée générale du 1er juin 2013 démontrant qu'il a été décidé officiellement de maintenir la voie privée, d'implanter une barrière et de demander à Mme X... de supprimer l'ouverture piétonne. Elle justifie également du courrier recommandé avec accusé de réception adressé à Mme X... le 14 juin 2013 pour lui indiquer que la rue Jean-Baptiste C... est une voie privée, lui demander de supprimer son ouverture piéton et l'informer de ce qu'une barrière va être mise en place dans les prochains jours (pli non réclamé).

Dès lors, la demande est bien fondée. Il convient donc de condamner Mme X... à supprimer son accès piéton donnant sur la parcelle [...] dénommée rue Jean-Baptiste C..., et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, puis passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant trois mois.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts

D... Y... sollicite une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, faisant valoir que Mme X... l'a assignée alors qu'elle a volontairement passé outre l'interdiction qui lui a été faite.

Cependant, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute faisant dégénérer le droit d'agir en justice en abus.

Au vu du courrier du maire et de l'obtention du permis de construire l'autorisant à ouvrir l'accès piéton, Mme X... a pu de bonne foi au moment de l'acte croire que la voie litigieuse allait devenir une voie publique et croire qu'elle bénéficiait d'une autorisation véritable malgré la décision ultérieure de D....

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de D... Y....

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l'issue de la procédure d'appel, il convient de confirmer la condamnation de Mme Y..., partie perdante, aux dépens de première instance et de la condamner aux dépens d'appel.

En revanche, l'équité commande en l'espèce de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. Les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées et les condamnations prononcées par le tribunal seront infirmées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Reims en ce qu'il a:
- déclaré D... Y... irrecevable en sa demande de suppression de l'accès de Mme Saïda X... à la rue Jean-Baptiste C...,
- condamné Mme Saïda X... à payer à D... Y... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme Saïda X... à payer à M. et Mme Y... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,

CONDAMNE Mme Saïda X... à supprimer son accès piéton donnant sur la parcelle [...] dénommée rue Jean-Baptiste C..., et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, puis passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant trois mois,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme Saïda X... aux dépens d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : 11
Numéro d'arrêt : 17/023031
Date de la décision : 25/09/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2018-09-25;17.023031 ?
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